mardi 4 décembre 2012

Dubaï

Intéressante tribune de Vinton Cerf dans le Monde et ici sur le Nouvel Observateur

La conférence mondiale des Télécoms à Dubaï (haut lieu de la démocratie internationale) se déroule donc cette semaine. Ce congrès de l'Union internationale des télécommunications (UIT) a pour but de débattre de modifications profondes au modèle de l'Internet tel que nous le connaissons aujourd'hui. Ce n'est que le dernier avatar d'une bataille qui dure depuis plus de 15 ans entre les tenants d'une stratégie pilotée par les Etats du monde et les tenants d'une stratégie pilotée par les acteurs eux-mêmes.

Chacun a ses supporters et ses détracteurs.

Les supporters des Etats, soit directement, soit à travers leurs opérateurs de télécommunications nationaux quand ils existent encore, soit à travers de l'ONU ou d'une de ses agences spécialisées, ont plein d'arguments : Les Etats c'est sérieux alors que les acteurs sont privés et souvent monopolistiques (Google par exemple) ou pilotés par certains Etats (les USA pour ne pas les nommer) ; Le modèle actuel n'est pas juste car certains s'en sortent mieux que d'autres et les opérateurs (les pauvres) doivent tout soutenir sans aide ; Seuls les Etats peuvent garantir un développement sérieux.

Les supporters des acteurs défendent la logique multi-acteurs consensuelle (celle de l'ICANN par exemple) qui permet depuis le début de l'Internet de faire avancer les choses dans un modèle libéral forcé partout, même dans les parties du monde qui le refusent. Ils invoquent également le fait que ces projets de réforme sont, comme par hasard, défendus en priorité par les Etats qui ne sont pas démocratiques ou qui, à tout le moins, ont une pratique constante de censure et de contrôle de l'Internet pour des raisons politiques locales. Ils partent également du fait que ce modèle marche depuis longtemps et qu'on annonce régulièrement son écroulement, alors même qu'il est toujours là. A ce titre, lisez ce vieil article de Libération de septembre 1994, au tout début du Web en France.

Face à ces batailles récurrentes, on peut quand même noter quelques nouveautés cette année : La pression mise par les Etats est beaucoup plus grande qu'avant et un saut a été franchi. A contrario, l'Union européenne a émis un avis contraire via une résolution du Parlement européen. Le partage des coûts attire maintenant beaucoup de renards alléchés par l'odeur des coûts bénéfices, car il y en a des tonnes, dans cette société de la connaissance reposant presque exclusivement sur l'Internet. La montée en puissance de pays comme la Chine qui créent leur propre Internet et vont chercher à l'exporter.

Sur ce blog, on défend plutôt la position des opposants à l'UIT avec une nuance dans les arguments souvent manichéens : Oui l'Internet peut et doit être un facteur permettant la démocratie là où c'est pertinent, mais oui aussi sur le rôle d'une gouvernance mondiale qui ne fait pas la part belle aux grands monopoles privés mondiaux qui deviendront les grandes multinationales de demain, comme dans "Blade Runner". Finalement, que cela soit les peuples vivant dans des dictatures, les créateurs floués et obligés de passer sous les fourches caudines de grands groupes, ou les citoyens de base qu'on cherche à cantonner dans le rôle de consommateurs ou électeurs dociles, le combat est le même.

C'est dans le détournement permanent de l'Internet que réside son avenir, et une part du nôtre.

PS : Pendant ce temps, le Web français s'envoie en l'air dans son grand raout annuel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire