mercredi 20 mars 2013

Francophonie

20 mars, journée internationale de la francophonie dans le monde.

En France, la francophonie est à peu près inconnue au bataillon. A part quelques vieux militants ringards éparpillés dans une foultitude d'associations très conservatrices et défendant tout et son contraire, sous couvert de langue française, la francophonie est absente de nos médias et de notre vie. C'est pire que lorsque Monsieur Jourdain, bourgeois et quasi gentilhomme, faisait de la prose sans le savoir. Nous sommes tous francophones, enfin moi et vous chers lecteurs, mais pour autant nous ne nous battons pas pour ça.

On pourrait penser que les professeurs de français sont tous des ardents défenseurs de la langue, des littératures francophones ou des auteurs, mais ce n'est pas le cas pour tous, comme nous le rappelle Z Lartiste.


On pourrait penser que les écrivains, qui vivent de ça, nous en parlent avec amour et chaleur. Certains oui, et on retrouve avec les ans un peu toujours les mêmes. De moins en moins néanmoins. Comme en France la journée du 20 mars tombe au milieu de la semaine de la langue française et que ce jeudi commence le salon du Livre, tous les regards sont tournés vers le livre et ses métiers, ses problèmes et ses mutations face au numérique, ses best-sellers et autres objets marketing. Beaucoup de collections publiées en France ne sont d'ailleurs que des adaptations de collections étrangères, comme par exemple les "découvertes" de chez Gallimard qui sont directement issues d'une collection anglaise, et même si ces livres sont très beaux et bien faits.

Aujourd'hui, le conseil des ministres examine le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche dont on a déjà parlé, avec son article (6?) qui fait débat autour des formations entièrement en anglais pour attirer les étudiants solvables des nouveaux pays, comme la Corée du Sud, la Chine et l'Asie en général. Dans certaines écoles, les cours sont déjà très majoritairement en anglais. Je crois qu'à Science Po par exemple le pourcentage est autour des 75%. La francophonie aurait là un beau sujet pour mobiliser, ou au moins expliquer, débattre, proposer, prôner une diversité linguistique et un équilibre des langues partout, en réalité et pas seulement dans des discours vides d'opérationnalité. Mais aujourd'hui, cette francophonie là est bien silencieuse. Normal, c'est le jour de la Francophonie ;)

Aujourd'hui la France affiche sa grande opération sur les "femmes francophones" avec la ministre de la Francophonie, Yamina Benguigui. Attention, opération très contrôlée et réservée aux VIP et autres élites parisiennes au Musée du quai Branly. Réception à 16h30 chez François, le président. On attend des grandes déclarations. On se sentira mieux après, certainement. Désolé d'avoir dû écrire ce billet avant. Désolé aussi pour la vieille photo de la Ministre, mais Monaco est aussi un Etat membre de la Francophonie.



Mais ça c'est la France. La situation est différente ailleurs.

En Europe, le français recule. Un exemple ici.
Dans le monde la francophonie est surtout célébrée comme une occasion pour les francophones de se rassembler et de fêter ce qui les intéresse. Dans beaucoup de pays, ça fonctionne très bien. Feuilletez le programme ici : films au Vietnam, Satie en Palestine, mois de la francophonie à Chypre (si,si), etc.
En Afrique, il y a les ex-colonies, du Nord au Sud. Il parait qu'en 2050, compte tenu de la démographie africaine galopante plus des trois quarts des francophones du monde seront africains.

Au Québec, le français reste un combat phare et porteur de liberté, pour ne pas dire d'indépendance. La plupart des mots sont francisés et souvent pour comprendre un mot québécois, il est utile de trouver le mot anglais le plus proche et de le retraduire. Quelques exemples classiques :
- un char - > a car -> une voiture
- le magasinage -> shopping -> le shopping
- un courriel -> an electronic mail -> un email
- une moppe -> a mop -> une serpillière
...
Les origines du québécois dans le vieux français qui lui-même a irrigué le vieil anglais sont légion. Je vous recommande la lecture de ces dictées avec des mots venus de toutes parts pour déguster les variantes du français.

Mais au delà de la langue, la francophonie c'est quoi ?

Grand vide, et multiplicité de définitions, de visions.
D'abord il y a une différence entre Francophonie et francophonie. Si, si !

Avec un grand F, la Francophonie est la partie officielle, institutionnelle et politique, pilotée par des Sommets de Chefs d'Etats tous les deux ans et assortie de grandes déclarations. Cette Franciophonie là est dirigée depuis plusieurs années par l'ancien président du Sénégal Abdou Diouf, grand homme grand, et en place pour encore 18 mois. Elle est composée d'une mosaïque d'institutions en charge de tout, de TV5 pour la voix audiovisuelle internationale en français (depuis réintégrée dans l'audiovisuel extérieur  de la France), à l'association des maires francophones (présidée par Bertrand Delanoé), de l'organisation gouvernementale et intergouvernementale dont le siège est à Paris à l'association des universités francophones dirigée par un fonctionnaire français. Cette Francophonie n'a pas beaucoup de budget et est, comme on le voit, très proche de la France qui en finance la majorité. On n'est pas loin d'un objet bilatéral, malgré son côté officiellement multilatéral comme on dit à l'ONU.



Avec un petit f, la francophonie est le tissu social des associations, ONG, institutions et individus qui se réclament de ce combat, avec de grandes variations dans les messages portés. Ce tissu vivant est riche mais très peu animé. En fait il s'anime tout seul, plus ou moins selon les régions. C'est un objet flou, mais qui l'est moins qu'une anglophonie qui n'existe pas (puisqu'elle n'en a pas besoin) par exemple.

Ensuite, il y a la francophilie, l'amour de la France et de sa culture, de ses écrivains, du siècle des Lumières et de certaines valeurs que tout le monde se garde bien de préciser puisque, rappelons-le, un certain nombre de pays officiellement membres de la Francophonie sont des dictatures, ou des pays en crise ou en sortie de crise, ou des pays avec lesquels les valeurs des Lumières ne sont pas forcément partagées. Beaucoup de francophones confondent en fait la francophonie et la francophilie. Même en France, l'enseignement du français ne porte quasiment pas sur les auteurs francophones non français. On accepte d'inclure des départements d'outremer, mais il est plus difficile d'y ajouter des auteurs québécois, africains, belges ou roumains qui écrivent en français.

C'est bien compliqué et surtout peu motivant. Et pourtant ! Il suffit d'avoir assisté à des rencontres improbables en français entre des hommes et des femmes de culture, venus du monde entier, pour apprendre et partager beaucoup. Et je ne parle pas ici des préjugés contre les immigrés francophones en France ou des touristes français qui s'attendent à être compris dans le monde entier.

Alors, aujourd'hui, bienvenue dans la FrancoFaune !



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