samedi 4 janvier 2014

La que(n)elle des anciens et des modernes

Dieudonné agite en tous sens notre société et les médias en ce moment. Même si je ne l’aime pas, tant mieux pour lui et sa petite entreprise (ou plutôt celle de son épouse). Il parait même qu’ils ont déposé le mot « quenelle ». Je me demande dans quelles catégories et ce qu’en pense William Sauron, comme disait Tolkien… Ils font certainement plein de beurre et d’argent du beurre. Peut-être se font ils aussi la crémière mais en tous cas pas les clients et le public. Oui, je sais c’est ce qu’on appelle de l’humour BOF (de Beurre-Oeufs-Fromage, Beauf ou bof, à vous de voir). Moi aussi je peux être un mauvais humoriste, non mais ! Attention à me citer si vous reprenez cette blague : Dieudonné c’est donné, mais Dieurepris (de justice) c’est voler !

Passons aux choses sérieuses, sur le fond.

Dieudonné a un public fidèle, en présentiel et en virtuel, et ce public le soutient. Certains sans réfléchir, d’autres car cela rejoint leurs convictions profondes, anti-système comme on dit, antisionistes comme il le dit lui-même, antisémite comme disent les autres. Mais pas seulement. Logiquement, Dieudonné devrait se présenter à des élections s’il avait un vrai sens de l’humour mais cela ne lui a pas réussi dans le passé.

Le problème n’est pas celui de la monétisation d’une vague de rejet de tout (et de certaines parties en particulier). Il y a plein d’autres gens qui surfent sur des vagues nauséabondes pour faire du fric et cela ne gêne que quelques activistes : Google avec nos données personnelles et nos comportements quotidiens, les agences de sécurité avec un contrôle d’autant plus fort qu’ils ont toujours peur de le perdre, les as du marketing qui nous font prendre des vessies pour des e-lanternes (attention de ne pas se brûler, comme disait Pierre Dac, un humoriste tout court). Dieudonné en est un et plus on parle de lui plus on lui offre du marketing gratuit.

Mais il faut en parler. Comme disait Christine Taubira à propos d’autre chose, et comme d’ailleurs elle vient de le redire sur le Huff Post, il faut réfléchir et parler d’un tel sujet, qui mine certaines de nos valeurs. Même Monseigneur 23 se rebiffe. Lorsque la justice rencontre la religion, il ne manque plus que le sabre de l’armée (mais on y fait aussi des quenelles) !

On peut facilement accuser Internet ou la notion même de numérique, de virtuel comme la cause de tous les maux, donc du succès d’un Dieudonné qui répand plus facilement ses thèses conspirationnistes (il a le droit de le faire, on a le droit de ne pas être d’accord ou de l’ignorer) et qui peut avouer benoitement qu’il ne contrôle pas la sphère virtuelle. C’est facile de toujours accuser ce qui est le plus évident. Internet est le Monsieur Malaussène du XXI° siècle, le bouc émissaire préféré des anciens et des conservateurs. On peut désirer un monde paisible ou pacifié, un monde où la justice règne, à la fois celle des hommes et de Dieu, d’un Dieureçu, en tous cas pas la justice d’un Dieudonné.

Cette querelle des anciens et des modernes n’est pas nouvelle. Elle était déjà dans le Lagarde et Michard de nos études secondaires. En devenant quenelle, elle ne change pas de nature. Elle nous oblige, comme à chaque fois, non seulement à choisir un camp (les modernes) tout en gardant la mémoire de l’autre (les anciens) mais à choisir d’être acteur, prosélyte, activiste, militant… par opposition à simple spectateur, consommateur, public, manipulé ou simplement passif.

On revient à la question du contrôle : contrôle global sur une société qui évolue dans de multiples directions, contrôle collectif sur des actions qui changent le cours des choses, contrôle individuel sur notre propre vie.

Je note un joli dessin sur le blog de Martin Vidberg (ci-dessous) et de ses patates modernes. Un dessin doit faire réfléchir, comme un geste. Comme l’histoire d’un geste et comme le détournement qui s’en fait petit-à-petit, comme pour les mots d’une langue qui s’inventent régulièrement de nouveaux sens. Que font les sociologues, ces linguistes de la société ? S’occupent-ils à observer ces événements, ces terrains comme ils disent, où prennent-ils position ? Et s’ils pensent quelque chose, quelles modalités imaginent-ils pour combattre efficacement ce type de dérive extrémiste de querelleurs, qui font de nous tous des juifs quenellés ?

Y réfléchir, trouver les mots et en parler en tous cas !



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