dimanche 30 novembre 2014

Du temps de cerveau pour... une nouvelle cessante

Le Professeur Williamson, Albert pour les intimes c’est à dire à peu près une seule personne, regarda avec satisfaction sa machine à voyager dans le temps. Elle trônait au beau milieu du garage de sa maison. Cette affaire était trop sérieuse pour l’Université. De plus, au cas improbable où ça ne fonctionnerait pas, il ne serait pas la risée de ses collègues. Il serait toujours temps de la faire apporter dans son laboratoire officiel, après les premiers essais.

Et justement, le premier essai était pour ce soir. La machine avait l’air un peu bricolée car il n’avait pas eu de temps pour les finitions. Elle consistait essentiellement en un plateau rond d’à peu près un mètre de diamètre et d’un gros cube avec plein de boutons et de voyants à côté. Albert détacha sa montre, vérifia qu’elle était accordée à la seconde près avec l’horloge murale et la posa délicatement au centre du plateau. Puis il régla la machine sur trois minutes dans le passé, prit une grande inspiration avant d'appuyer sur le bouton rouge commodément placé sur le coin de la machine le plus près du plateau. Cette petite astuce, ainsi que le déclencheur à retardement (5 secondes) lui permettrait ultérieurement de tenter de se déplacer lui-même dans le passé sans aucune assistance.

Il y eut un grand flash blanc et la montre ne disparut pas. Le professeur eut l’air surpris et très déçu. Quelque chose n’avait pas marché. Le délai de cinq secondes ne s’était pas écoulé et en fait il n’avait même pas eu le temps d’appuyer sur le bouton. Il se pencha pour ramasser la montre et put constater qu’elle avançait maintenant de trois minutes. Alors le professeur leva les sourcils très haut sur son grand front, puis plissa avec énergie ce dernier et se mit à réfléchir. Mais oui, c’était ça ! La montre était sur le plateau parce qu’il l’avait en fait envoyée seulement trois minutes plus tard. Cela voulait-il dire que sa machine marchait ? Il voulut en avoir le coeur net et rerégla la montre sur l’horloge, en la retardant donc de trois minutes ce qui la ramenait dans le temps présent. Puis il la reposa sur le plateau et appuya sur le bouton exactement trois minutes et cinq secondes avant après le premier flash blanc. Au bout de cinq secondes il y eut un autre flash blanc. La montre était toujours là et elle n’avait pas changé d’heure !

Albert sauta de joie. Pour nous, les profanes et autres ignares scientifiques, ce n’était une preuve de rien du tout mais pour Albert c’était la preuve incontestable que sa montre avait voyagé dans le passé.
Albert s’assit un instant et se décapsula une bière. Maintenant était venu le moment d’essayer sa machine sur lui-même, car les objets inanimés et les humains devaient se comporter de façon différente, cela ressortait de ses travaux théoriques. Le seul moyen de savoir était d’essayer et Albert était 1) un scientifique 2) très courageux. En regardant sa montre - qu’il avait remis au poignet - il constata qu’il était à peu près 21h56. Il décida de se préparer pour appuyer sur le bouton rouge de la machine à 21h59 minutes et 55 secondes de façon à « partir » à 22 heures et de revenir à 21h57 voir l’horloge. Il programma donc rapidement la machine et se rassit sur son tabouret en sirotant sa bière.

A 21h57 exactement, il y eut un grand flash blanc. Albert regarda le plateau, surpris et y découvrit... lui-même, tout nu. Les deux Albert se regardèrent surpris. Albert 2, celui-ci sur le plateau, regarda l’horloge et sourit. Puis il dit « Bravo Albert, enfin je veux dire, Bravo à moi ». J’ai réussi. Je suis revenu trois minutes en arrière. Albert - je l’appellerai Albert 1 pour faciliter la lecture - faillit s’étrangler avec sa bière et fut pris d’une quinte de toux. Albert 2 descendit du plateau et vint à son secours. Après quelques instants de bruits divers, Albert 1 reprit ses esprits et dit ; « Mais nous sommes deux ! Ce n’est pas possible. Et vous êtes tout nu !!! »

Albert 2 se regarda. Il était effectivement tout nu. Ses habits n’avaient pas suivi, visiblement. Ni sa montre. C’était intéressant. Est-ce que cela voulait dire qu’on ne pouvait envoyer dans le passé un être humain et des objets simultanément. Il aurait bien passé quelques heures à méditer sur ce sujet profondément intéressant, mais Albert 1 lui dit : « Mais je n’ai pas appuyé sur le bouton. Comment êtes-vous là ? » Ils se regardèrent tous les deux, les yeux ronds comme des billes puis se tournèrent d’un seul geste vers l’horloge murale qui sonna juste 22h à ce moment précis. Il y eut alors un grand éclair blanc et un autre Albert apparut sur le plateau, toujours aussi nu.

Albert 3 avait l’air furieux et il s’écria : « Non mais, qu’est-ce que vous foutez ? Pourquoi vous n’avez pas appuyé sur le bouton ? Il ne devrait pas être là lui d’ailleurs puisque vous ne l’avez pas envoyé dans le passé ! » Il y eut un grand moment de silence. Albert 1 regarda tour à tour Albert 2 et 3, puis il haussa les épaules. « Euh, je pense qu’on devrait s’asseoir un peu et réfléchir. Vous voulez une bière ? » leur demanda-t-il. Les deux autres Albert opinèrent et Albert alla chercher un carton de bières dans sa cuisine. Quand il revint, il y avait déjà une demi-douzaine d’Albert dans le garage, tous en très grande discussion. Deux étaient à côté de la machine et poussaient des boutons. Albert 1, le seul habillé, remarqua que le délai fixé pour le voyage dans le passé était maintenant tombé à 30 secondes. Et un autre éclair survint. Cette fois il y avait deux Albert nus sur le plateau. Ils rigolèrent et vinrent discuter avec les deux autres près de la machine.

Albert 1 avait chaud. Son garage devenait de plus en plus peuplé, avec des éclairs qui se succédaient maintenant à un rythme élevé. Les Albert avaient à peine le temps de descendre du plateau qu’un autre flash en faisait apparaitre un nouveau. Albert était très fatigué. Il ne comprenait pas très bien - lui non plus je vous rassure - ce qui se passait. Il se décida à aller se coucher. On verrait bien demain matin.

Il eut un peu de mal à s’endormir avec tous ces éclairs dans la nuit mais après quelques autres bières il y arriva quand même.

Lorsque les policiers vinrent l’arrêter le lendemain matin, il ne saisit pas tout de suite ce qu’on lui reprochait. C’est dans la voiture de police qu’il comprit. La rue était pleine d’Albert nus qui se promenaient. Heureusement on est en été se dit-il. Il semblait y en avoir partout et même les voitures avaient du mal à circuler. Le poste de police était rempli d’Albert et de gens normaux qui se plaignaient de toutes sortes d’aventures causées par ces hommes nus. Les policiers ne purent même pas accompagner Albert jusqu’à sa cellule. Plusieurs Albert se précipitèrent vers eux et libérèrent Albert. Puis ils le traînèrent vers le domicile de sa collègue Valériane. Celle-ci ne comprenait pas ce qui se passait depuis le matin dans la ville mais elle sourit en reconnaissant Albert. Enfin en reconnaissant un Albert habillé !

Albert 1 et elle furent alors transportés dans le garage d’Albert et l’un des Albert - le numéro 3224 je crois - ordonna à Valériane de se mettre sur le plateau sans bouger. En à peine plus d’une minute, le garage se remplit de quelques dizaines de Valériane - nues évidemment - et les Albert partaient bras-dessus bras-dessous avec elles. Albert 1 et Valériane 1 se regardèrent un peu gênés. Il semblait bien que les nouvelles générations n’avaient en tous cas pas les même pudibonderies...

Depuis ce jour, la planète est tellement peuplée d’Albert et de Valériane et de leurs enfants - car ils se reproduisent à une vitesse vertigineuse - que les autres humains se terrent chez eux et disparaissent lentement de la surface de la Terre. Il y aura bien un moment où la machine s’arrêtera de produire des Albert et des Valériane, mais pour le moment elle ne montre aucun signe de fatigue.

Albert 1 et Valériane 1 vivent ensemble et en famille maintenant. On leur a donné la Maison Blanche comme palais privé et ils y ont apporté la vieille horloge murale et la montre. Le temps s’est détraqué mais les deux objets sont toujours parfaitement synchronisés. Et avec toutes ces années qu’ils ont passées ensemble maintenant depuis ce fameux jour, leur amour a grandi. Ils regardent par la fenêtre un instant la foule massée au-dehors : rien que des couples d’Albert et de Valériane avec leurs enfants venus voir leur créateur. Puis il s’asseyent sur le canapé pour regarder leur série favorite, les aventures d’Albert et de Valériane. Une rediffusion évidemment.

samedi 29 novembre 2014

« Elections » de ce week-end...

Quatre « élections » attendues ce week-end, ohlala !

Les voici, par ordre d’importance, d’intérêt, inverse, aléatoire, comme vous voulez, comme je veux, non mais, c’est quand même moi qui écrit ce blog non ?

Evidemment ce billet sera complété tout au long du week-end, car tous les résultats ne seront pas connus avant minuit... Les compléments seront faciles à trouver.

1) Miss France... Oui je sais, ce n’est pas la plus importante mais cela sera certainement la plus agréable à suivre ce samedi soir à la télé. Pas de scandale (encore) cette année, sauf le fait d’avoir mis dans le jury une ancienne Miss France détrônée parce qu’on avait trouvé des photos d’elle dénudée. Il s’agit donc d’une vraie réhabilitation et d’une sorte de reniement de l’ancienne présidente Madame Belle de Fontenay. Si vous voulez vraiment en savoir plus, c’est évidemment Gala qu’il faut lire ;)

C'était une blague ha ha. C'est la semaine prochaine !

2) Le nouveau comité central du FN, avec l’entrée possible de la petite-fille de Jean-Marie Le Pen himself, la plus jeune députée, Marion (pas Marine, hein ?) Auque-Maréchal-Le Pen. Saluons la naissance de la nouvelle génération d’ailleurs puisqu’une petite Olympe lui est née récemment. Attention, ne confondez pas ce blog avec Gala car c’est du sérieux. La dynastie Le Pen s’installe durablement à la tête de l’extrême droite française en ratissant largement toutes ses tendances. Il semble pour le moment qu’elle devance Florian Philippot, le dauphin de sa tante Marine...

Marion Le Pen est donc la mieux élue ! Qu'elle dynastie. Mieux que les Sarkozy.

3) Dans la série droite - plus ou moins extrême - il y a évidemment LA élection du nouveau président de l’UMP après l’embrouille Copé-Fillon. Sarkozy est ultra favori mais tout est possible et les scores seront surveillés de près : abstention et score de Sarkozy. Gageons que tout le monde a déjà préparé son discours de victoire puisque tout le monde sera gagnant n’est-ce pas ? C’est une élection en ligne avec deux caractéristiques : dangers de piratage et de cyber-attaques comme dans chaque cas de ce type ; publication globale des résultats et pas par fédération ! C’est marrant, parce qu’un vote électronique permet en pratique et en théorie de tout savoir des votants, par fédération circonscription, âge, sexe..., même en anonymisant les résultats. Mais il faut croire que le détail n’est pas bon à diffuser, même si les patrons la connaîtront. Donnons-leur quelques jours pour être obligés de diffuser les résultats détaillés.

Sarkozy élu mais avec 65% des exprimés seulement, un échec, et donc moins de 37,5% des inscrits. Une très petite fièvre en ce samedi soir à l'UMP.

4) La Francophonie institutionnelle se choisit ce dimanche un ou une secrétaire général(e). Traditionnellement ce sont les chefs d’Etats et de gouvernements qui se réunissent à huis clos pour décider. Il n’y a eu que deux vraies décisions depuis la signature de la nouvelle charte qui régit la Francophonie, celle de Boutres Boutres Ghali et celle d’Abdou Diouf qui a quand même réussi à tenir 12 ans. On va voir si un consensus va pouvoir être atteint cette fois aussi, ou si une élection est nécessaire, sachant que tous les Chefs ne seront pas là, certains étant représentés par un Premier ministre ou même un ministre. Les votes ne sont pas publics. Une favorite Michaëlle Jean, canadienne d’origine haïtienne, quatre outsiders « africains » au sens large et des outsiders possibles à sortir du chapeau. Notons que si c’est elle qui est nommée, le numéro deux - l’administrateur de l’OIF, québécois - devra démissionner pour laisser la place à une autre nationalité, à son grand dam mais avec de très grosses indemnités c’est certain ;) Les nominations aux postes importants et les premières déclarations seront scrutées attentivement, dans un climat de désintérêt croissant pour la Francophonie, politique en tous cas. La France, par exemple, n’est pas très claire sur son implication, et ça ne date pas de François...

On se dirige vers une Francacophonie jusqu'au dernier moment et on a même sorti les urnes mais finalement c'est Michaëlle Jean qui est sortie du chapeau. Quelques chefs d'Etat africains étaient déjà partis... Remarquons d'ailleurs que peu de chefs d'Etat étaient présents cette année. On attend maintenant les autres nominations. 

 

 

vendredi 28 novembre 2014

Comment passer du paradis sidérurgique au paradis fiscal ? Allez au Luxembourg

Ca fera plaisir aux salariés de la sidérurgie française, à Florange et ailleurs. Comment reconvertir des emplois, comment générer plein de recettes, comment relancer une économie locale qui ne peut plus continuer comme aux siècles derniers ?

L'inénarrable Jean-Claude Juncker, nouveau patron de la commission européenne qui va sauver l'Europe - et le monde - vient de donner un interview à propos entre autres de l'affaire "Luxleaks" au journal Le Monde. Il ne cherche plus à dire que ce n'était pas lui, ou que tout le monde faisait pareil ou que c'était légal ou que... n'importe quoi pour éviter le sujet. Non, non ! Il avoue que c'était une politique voulue en disant : "Le Luxembourg n’avait pas le choix, il fallait diversifier notre économie."

Un grand petit pays sidérurgique, comme ses voisins du bassin lorrain, tel était le Luxembourg à l'époque où tout allait bien dans cette industrie. (Ah bon ?) Il a donc fallu se reconvertir en paradis fiscal pour attirer des capitaux et des cols blancs. Il est bien connu qu'un ouvrier qualifié en haut-fourneau devient facilement banquier international ou juriste d'affaires en quelques semaines de formation. Rue89 s'en moque un peu - voire beaucoup.

On lira ici  (pdf) une vision très particulière de la sidérurgie au Luxembourg, du genre "tout va bien". C'est signé d'un certain Michel Wurth, Président du Conseil d'Administration d'ArcelorMittal Luxembourg, puisque le siège d'ArcelorMittal est... au Luxembourg (Ben tiens !) D'ailleurs le pdf est hébergé sur le site de RTL et vous savez ce que veut dire le L.

C'est évidemment du grand n'importe quoi. Ca fait du bien de prendre un peu de recul de temps en temps par rapport au cynisme des politiques, non ?

jeudi 27 novembre 2014

Et maintenant une page de publicité

La vie politique trépidante laisse de temps en temps des moments vides. La vie politique vide également laisse de temps en temps des moments encore plus vides. Empressons-nous donc de remplir ce jeudi avec de la publicité avant que l'actualité s'emballe pour des choses toutes plus excitantes les unes que les autres, je vous laisse juger :
- la conférence environnementale, troisième du nom sous François, qui est paradoxalement organisée par Ségolène - vous savez, la ministre qui était à Strasbourg pour accueillir le Pape en terre française européenne il y a peu - alors même que les écologistes sont sortis du gouvernement et se déchirent entre eux quand ils ne sont pas en train de chercher un bouc émissaire externe à leurs partis et à leurs égos. On attend en théorie des actions concrètes suite à cette conférence, mais c'est de l théorie.
- le voyage de François en Guinée, terre d'Ebola et de non démocratie, mais également grosse terre de contrats industriels pour la France, en prélude au Sommet de la Francophonie à partir de vendredi soir.
- le Sommet donc, avec un ou une secrétaire général(e) à nommer dans une séance à huis clos où tout est possible. Jacques Attali était auditionné par le Sénat à propos de son rapport dont on a parlé ici sur ce blog et il sera dans la délégation puisque la Francophonie économique est censée être le nouveau truc (RFI parle même de dada !) dont tout le monde parle sans avoir forcément d'action à proposer, et sans aucun consensus entre Nord et Sud, libéraux et socio-démocrates, industriels et Etats, cerveaux exportés et cerveaux importés...
- l'élection du président de l'UMP avec la dernière ligne droite qui voit Sarkozy toujours dominer mais avec de moins en moins d'avance et de charisme. C'est fatigant une campagne. Heureusement il n'y a que les adhérents de l'UMP actuelle qui votent.

Donc avant cette tornade actualitaire quelques informations sur la pub qui nous entoure et nous enserre dans ses petits bras musclés comme la lessive de la pub dans le sketch de Coluche.

Facebook va changer ses conditions - que personne ne lit - au premier janvier. Lorsque vous surferez sur l'Internet, même hors de Facebook, ils mémoriseront les sites visités pour vous envoyer de la pub ciblée. Par exemple si vous allez sur un site de tourisme vous aurez sur votre mur des publicités de voyages correspondants, que FB aura vendu très cher à des tour operators évidemment. Vous pourrez vous désengager de ce type de truc mais le bouton ne sera pas facile à voir. Cela s'appliquera à presque tous les sites et pas seulement ceux où il y a un bouton "Like". Dans sa grande magnanimité Facebook vous permettre de voir votre profil publicitaire ciblé et de l'ajuster. Ne le faites pas, car c'est un moyen pour eux de mieux vous cibler encore ! Si vous trouvez que cela ne suffit pas, Facebook met des cookies partout, vous envoie de la pub ciblée en fonction de votre lieu de localisation et garde en mémoire tous vos moyens de paiement et vos codes, pour peu que vous achetiez sur un site lié à FB et il y en a beaucoup.

Twitter va sortir une nouvelle version de son application mobile (iPhone et Androïd, autrement dit Apple et Google) qui va regarder la liste de toutes les applications installées sur votre téléphone et ajuster ses publicités à ça. Sympa aussi, non ? Faites gaffe aux applis que vous avez installées si vous ne voulez pas voir votre fil twitter pollué encore plus. Evidemment il y aura un bouton pour éviter cette "collecte". Que ne ferait-on pas pour augmenter sa valeur en bourse !

Et Google, le roi de la pub ? Toujours discrets sur ce qui reste leur coeur de métier - la pub - les cerveaux derrière Google s'inquiètent des réflexions de la Commission européenne qui souhaiteraient (ceci est un conditionnel) voir Google éclater en plusieurs compagnies, justement pour éviter ces amalgames entre résultats objectifs issus du moteur de recherche, applications avec vos contenus en ligne explorables à volonté et publicités ciblées et payantes. Bizarre, non ? Un peu comme si on demandait à la presse de séparer la rédaction de la régie publicitaire. Ah bon ? C'est déjà le cas pour la presse ?

Sympa tout ça, non ? Allez, vite, qu'on ferme cette page de pub pour revenir à l'actualité. Ah zut, la page de pub ne se referme pas !

mercredi 26 novembre 2014

Le Grand Paris est enfin né

On en parle depuis si longtemps, du Grand Paris. Les majorités se suivent et ne se ressemblent pas, les projets d’aménagement se multiplient, les organisations politiques et administratives pour le piloter se défont aussi vite que d’autres sont imaginées. Et pourtant les décisions ont été prises et, sauf mégalo de droite voulant tout détricoter pour le plaisir de le faire, le choix est fait.

A l’heure des 13 grandes régions en France, puisque c’est le vote final de l’Assemblée nationale, l’Île-de-France reste la plus riche. Et le Grand Paris à l’intérieur le coeur de cette région très centralisée. A l’heure des grands aménagements politiques du territoire, il n’y a pas beaucoup de dossiers comme celui-ci qui risquent de changer la vie de millions d’habitants.

On a souvent parlé du Grand Paris à travers les réseaux de transports. La construction d’un nouveau périphérique en transport collectif, des métros et des trains supplémentaires pour améliorer la circulation sans passer forcément par le centre de Paris. Les batailles sont titanesques entre ceux qui veulent qu’une ligne passe par chez eux et ceux qui ne veulent pas. C’est d’ailleurs très souvent par les transports que passent les réformes en France, et la visibilité d’icelles. C’est là aussi qu’il y a le plus de grèves visibles.

Et aujourd’hui, grande nouvelle. Après des mois de discussions, une des promesses de campagne pour la gauche en Île-de-France va être tenue : un tarif unique pour l’abonnement mensuel tous transports collectifs confondus à l’intérieur du Grand Paris. Pour 70 euros par mois, chacun pourra se déplacer partout dans une zone large.

Mine de rien c’est une révolution :

- A Paris on paye actuellement un peu plus de 67 euros pour ça - avec les week-ends et les vacances d’été désolées en prime. Dans la zone 5, loin de Paris-Centre donc, on paye plus de 130 euros. Et ce sont surtout les pauvres et les classes moyennes qui prennent ces transports pour aller travailler. Les plus riches ont des voitures.

- En face d'une faible augmentation à Paris, il y a une forte diminution en banlieue. Tout cela va passer par un équilibre économique nouveau, qui a été trouvé puisque la région, l’Etat et les entreprises ont trouvé un accord. Il y en a déjà qui râlent évidemment, puisqu’ils ne regardent que leur cas particulier. Ceux qui y gagnent, d’ailleurs, ne disent rien.

- Quelque part le plus important est ce gommage des barrières autour de Paris. Comme si la ceinture qui emballait Paris se desserrait tout d’un coup. Cela mettra du temps évidemment. La mesure est annoncée pour la rentrée 2015 - à cause des pass pour les étudiants et écoliers. Mais il faudra des années, comme pour le mur de Berlin, avant que cela pénètre la conscience des franciliens. Cela aura forcément des impacts sur les logements, les lieux de travail, les commerces. Les sociologues suivront certainement ces évolutions du terrain avec joie et précision.

- Les transports sont, à notre époque, le révélateur d’une société de plus en plus mobile. La fluidité de ces transports devient donc vitale. Evidemment le prix du voyage n’est qu’un des facteurs. Il y a les durées de transport, la qualité de vie, la densité du maillage du réseau. Mais le symbole du prix est fort. Les vieux se souviendront de l’époque où il y avait des tickets différents pour les métros et les bus, ou plus récemment encore où les correspond,ces demandaient deux tickets au lieu d’un...La fusion des modes de transport collectif en un seul mode globalisant donne une énergie nouvelle à la manière de les utiliser.

Alors chapeau à tous ceux qui ont travaillé à cette mesure pour le pass Navigo. Et tant pis pour ceux qui n’ont pas envie d’en comprendre les enjeux.

mardi 25 novembre 2014

30 ans et plus toutes ses dents

Un anniversaire de trente ans ça se fête normalement. Sauf que pour les restos du coeur initiés par Coluche, la tendance est à la morosité. Les sans-dents sont de plus en plus nombreux et les moyens de plus en plus difficiles à trouver.

Tout ça avait commencé il y a trente ans par une distribution de 8,5 millions de repas, ce qui était apparu à l'époque comme vraiment énorme. L'année dernière, les restos ont dépassé les 130 millions de repas servis à plus d'un million de personnes, et cette année on s'attend à une augmentation de ces deux chiffres.

Comment augmenter les ressources ? Il y a les dons bien sûr mais au moment où de plus en plus de familles deviennent des utilisateurs de ces restos, l'offre est de plus en plus faible. Il y a les dons exonérés d'impôts qui permettent à certaines filières agro-alimentaires de bénéficier de réductions en donnant des produits - comme les produits laitiers depuis l'année dernière - mais cela ne touche pas toutes les filières. Il y a le gouvernement et le parlement qui peuvent légiférer. Le premier ministre qui était hier à "l'inauguration" de la campagne 2014-2015 qui va durer jusqu'au printemps, a promis... de promouvoir les dons dans d'autres filières (oeufs, viande et fruits et légumes) mais sans s'engager. Des exonérations fiscales ? Hum, la France cherche des sous partout. Des aménagements techniques et administratifs ? Ah oui ! Ca ne coûte rien et ça permet d'attendre.

Les dons viennent en fait de trois sources en général : les particuliers, vous et moi ; la grande distribution, et la moyenne aussi ; les surplus agricoles et autres invendus de produits périssables, ou moches, ou gaspillés. C'est sur ce dernier créneau que les restos essayent de progresser, mais pour cela les producteurs réclament des compensations. Il y a plus de 2000 centres et plus de 60 000 bénévoles qui servent des repas en France, soit une vingtaine par département en moyenne. De plus en plus ouvrent également en zone rurale, car il n'y a pas que le pauvre des villes, il y a aussi le pauvre des champs. On comprend l'essor partout en France du monde associatif "local" pour pallier les insuffisances des systèmes plus globaux. Là au moins, les effets des actions sont visibles, non seulement à court terme, mais aussi en terme d'impact. Et c'est pareil sur le plan international : rechercher une meilleur articulation entre collaborations internationales, nationales et locales.

Ayons donc une pensée émue pour la Francophonie qui commence aujourd'hui ses travaux "politiques" à Dakar en préparation du Sommet des Chefs d'Etat samedi et dimanche. Ayons en particulier une pensée émue pour son secrétaire général sortant après douze années de pouvoir - Abdou Diouf, ancien président du Sénégal - et toute la clique qui l'accompagne. L'Etat sénégalais a réservé un hôtel somptueux pour lui, sa famille, ses collaborateurs et ses invités. Un des plus beaux hôtels de Dakar - le Terrou-Bi - avec casino et piscine aussi. Boulevard Martin Luther King... No comment. C'est quoi l'un des thèmes du Sommet déjà ? Ah oui ! La francophonie économique... On suppose que les pauvres de Dakar - car il y en a encore plus qu'en France - seront très intéressés par les décisions concrètes du Sommet.

Une vue pour faire saliver ceux qui ne pourront pas aller au Terrou-Bi

lundi 24 novembre 2014

Florange : un Gandrange passe...

François veut clamer que Florange c'est l'anti-Gandrange. Explications.

Gandrange, Florange et d'autres sites industriels en Lorraine (bientôt Alsace-Lorraine), étaient des hauts lieux de l'aciérie française, avec leurs hauts-fourneaux et tout ce qui va avec, de la minette lorraine aux aciers de toutes formes qui en sortaient. (Minette vient de mine, bande d'ignares). Avec la crise et la concurrence internationale - indienne par exemple d'où le Arcelor-Mittal - les hauts fourneaux sont tous appelés à fermer.

Tout est donc dans le projet pour exploiter ces sites, pour créer de nouvelles activités, y compris industrielles, ou pour les laisser à l'abandon, dans une vraie logique capitalistique et maîtres de forges. Sarkozy avait bien raté son coup sur Gandrange et cela avait pesé sur la prise de conscience des français sur l'incapacité de la droite à traiter ce type de situation à l'avantage de la population. Florange était le prochain sur la liste au moment où François est arrivé au pouvoir et les promesses ont été nombreuses pour revitaliser ce site. Gros débats, promesses largement tenues sauf la principale, ramener à Florange un haut-fourneau.

Les élus s'y sont mis, comme par exemple ce numéro un sur la liste PS aux européennes qui est un ancien syndicaliste du site, ou comme une certaine Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture et qui, partie avec Montebourg, est devenue l'une des plus farouches opposantes à son propre parti. Les français adorent se battre contre d'autres français. C'est notre sport national et il est pratiqué partout, surtout dans les réunions internationales au sein même des délégations françaises. Dans le cas d'une région industrielle sinistrée et en pleine reconversion, il est pourtant connu que seule une alliance entre les différents pouvoirs en place peut donner des chances de victoire. Et quand ce n'est pas le comportement culturel dominant, il faut alors disposer justement d'un pouvoir dominant qui "tire" les autres et qui soit capable d'affronter le patronat et la toute-puissante Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie au coeur du MEDEF.

Alors, autant Florange reste un geste fort et symbolique de François qui a promis qu'il viendrait chaque année les voir, comme aujourd'hui, autant la capacité de la France à bouger d'un même pas sur ces dossiers reste encore trop faible. On osera le parallèle avec les allemands par exemple, dont l'industrie lourde reste forte et qui ont encore beaucoup de centrales électriques au charbon. Les discussions pour réduire leur part dans la production allemande d'électricité sont houleuses, naturellement, mais les différents acteurs s'arrangent progressivement entre eux au plus grand bénéfice de chacun. Le système allemand est beaucoup plus décentralisé qu'en France, depuis des siècles. Et pourtant les décisions lourdes y sont plus facilement prises et mises en oeuvre. Où est l'erreur ?

En tous cas François, qui cherche à relancer une dynamique positive et un optimisme bien congelé en ce moment, sait qu'il y a peu de symboles de ce type. Lorsque les élus locaux et régionaux sont perturbés et ne prennent pas le relais, c'est au pouvoir central de mouiller la chemise. Sans faire de promesse. Juste en étant là et en prenant des mesures concrètes, visibles et efficaces. Dans la dynamique actuelle, alors que des broncas sont organisées partout où il passe, il faut un certain courage pour résister. Il pourra compter ce soir les coups qui lui seront tombés dessus.

Reste à agir de manière plus directe. Car la communication ne suffit pas surtout quand elle est déconnectée de la vie réelle et des réels résultats depuis l'année dernière. La commune d'Hayange - il y a beaucoup d'anges en Lorraine - est passée récemment à l'extrême-droite et l'on peut supposer que les batailles inter-collectivités ne vont pas arranger les choses, avec ces élus qui cherchent à protéger leur territoire et les élections professionnelles de branche qui approchent pour les syndicats. Et tous ceux qui croient au coup de baguette magique pour installer des industries lourdes dans un peux où ce n'est pas possible, sauf si c'est autour de nouveaux matériaux et de technologies innovantes. Et un Haut-fourneau ou une mine, ce ne sont résolument pas des nouvelles technologies sur le fond.

Allez, je vais faire des courses et acheter une tarte aux mirabelles (de Lorraine, les seules, les vraies) pour ce soir ! A ne pas confondre avec les entartages à la tarte à la crème...

dimanche 23 novembre 2014

Du temps de cerveau pour... une nouvelle de ses gants neufs

Monsieur Lucas buvait un verre avec son plus vieil ami comme tous les dimanches après la messe. Tous les deux travaillaient beaucoup et ils n’avait que rarement le temps de se voir à un autre moment mais ce rituel là ils ne pouvaient pas s’en passer. Et Monsieur Lucas parlait, parlait. Il avait tant de choses à raconter. Et son ami écoutait et n’avait pas le temps d’intervenir dans le flot continu de paroles que Monsieur Lucas déversait. Monsieur Lucas avait toujours été bavard, mais là ça dépassait toutes les bornes et on voyait bien qu’il était très agité. Il buvait si vite son vin que c’était comme si ses mots continuaient à sortir pendant les quelques dixièmes de seconde où il avalait. Ils en étaient déjà à leur deuxième bouteille et Monsieur Lucas n’en était encore qu’au début de sa semaine. Il faut dire que l’ami de Monsieur Lucas avait été en voyage toute la semaine pour acheter des tissus et qu’il venait juste de rentrer. Il fallait donc le « mettre à niveau » sur ce qui s’était passé en ville.

Ils avaient pris l’habitude de se raconter leur semaine. Monsieur Lucas fabriquait des bougies et des chandelles dans sa petite boutique et son ami était tailleur pour les bourgeois de la ville. Il y avait toujours plein de potins à se raconter car beaucoup de gens venaient dans leurs boutiques respectives et ils pouvaient même comme cela croiser leurs sources pour enrichir leurs histoires. On aurait dit deux vieilles commères et l’aubergiste les laissait tranquille chaque dimanche, à leur table réservée près de la fenêtre et du feu à la fois, pour être bien été comme hiver.

Mais ce dimanche-ci, après leur salut initial, Lucas avait tout de suite embrayé et son ami l’avait laissé faire, car visiblement Lucas avait besoin de parler. Le travail de Lucas était plus solitaire que celui de son ami qui avait des essayages et des voyages à faire. Mais surtout il était plus facile de discuter avec son tailleur qu’avec le fabricant de bougies. Sauf lorsque l’on venait pour des commandes spéciales. Car Lucas fabriquait non seulement toutes sortes de bougies et de chandelles classiques, du théâtre à l’église en passant par les habitants, mais il fabriquait également des bougies spéciales pour veillée mortuaire.

C’était une petite ville et il n’y avait pas beaucoup de décès, surtout si on ne comptait pas les pauvres qui n’avaient pas les moyens de se payer une des bougies spéciales de Monsieur Lucas. Mais tous ceux qui pouvaient se le permettre venaient chez Monsieur Lucas, à toute heure du jour et de la nuit, sauf le dimanche, pour lui demander discrètement un lot de bougies pour une soirée mortuaire, dont une des spéciales. Et Monsieur Lucas passait alors un peu de temps à discuter avec son client pour savoir de qui on parlait et pour glaner quelques information sur le mort. Puis Monsieur Lucas allait dans son arrière-boutique, enfilait ses gants spéciaux et fabriquait une bougie spéciale. La recette était évidemment secrète, mais de toutes façons personne ne voulait savoir comment en fabriquer. C’était trop bizarre.

L’ami de Monsieur Lucas connaissait tout cela depuis des lustres et il respectait le savoir secret de son ami. Il savait que Lucas apportait toujours lui-même le lot de bougies au pied du lit du mort et qu’il les installait toutes de ses propres mains, puis qu’il enfilait ses gants et qu’il ajustait lui-même la bougie spéciale entre les mains croisées du mort. Les consignes étaient toujours les mêmes et toute la ville les connaissait. « Attendez que je sois parti, fermez bien toutes les issues, allumez toutes les autres bougies et éteignez les autres lumières, puis allumez la bougie spéciale en prenant garde que personne ne la touche. Enfin, attendez et priez ». Monsieur Lucas les répétait quand même à chaque fois au cas où, puis il s’en allait et allait se recoucher tranquillement.

- Tu sais que je suis toujours très soigneux quand je fabrique ces bougies spéciales et que chaque bougie est fabriquée pour un mort en particulier. Tu sais aussi que je demande à chaque fois qu’on m’apporte également une mèche de cheveux du mort pour fabriquer sa bougie personnelle. Tu sais tout ça non ? dit Monsieur Lucas en avalant rapidement une autre gorgée de vin. Son ami n’eut pas le temps de répondre avant que Lucas continue et il se contenta donc d’un signe de tête tout en remplissant les verres vides et en continuant à écouter Lucas.

- Tu sais aussi que je n’ai jamais eu de plainte à propos de ces bougies. Après quelques minutes de combustion, la fumée légère qui s’élève dans la pièce embrume un peu les esprits des gens présents et à un certain moment - plus ou moins rapidement suivant le nombre de présents et la personnalité du mort - le mort se met à parler à travers la bougie. Tu sais cela, non ? Lucas savait bien que son ami était au courant. Tout le monde l’était dans la ville et son ami avait même assisté déjà à deux veillées mortuaires où la bougie avait - évidemment - parlé. Mais Lucas était d’une part très fier de son travail et d’autre part impossible à arrêter quand il racontait une histoire. Son ami avait eu les poils qui s’étaient hérissés la première fois qu’il avait entendu parler la bougie. La deuxième fois, c’était un peu plus facile mais quand même très glaçant. Et les deux fois la bougie avait raconté la même chose. Enfin pas exactement la même chose bien sûr, mais le même genre d’histoire. La bougie avait parlé comme si c’était la voix du mort qui s’exprimait, avec le même timbre et les mêmes intonations. La bougie avait raconté la vie du mort, tout en demandant pardon pour ses fautes et tout en réglant ses comptes avec ses ennemis. C’était une ville tranquille et les inimitiés étaient surtout dûes à des querelles de voisinages ou à des petites mesquineries sans intérêt.

Les bougies de Monsieur Lucas servaient en fait d’exutoire collectif et c’est pour cela qu’elle étaient devenues une tradition. Un mort qui mourait sans bougie spéciale était méprisé : soit il était trop pauvre pour s’en acheter, soit il avait commis trop de fautes inavouables et donc devait être oublié le plus vite possible par la population. En fait, les bougies de Monsieur Lucas jouaient un rôle de régulation dans la ville puisque tous savaient qu’ils devraient d’une manière ou d’une autre - à leur mort ou à celle de leurs ennemis - rendre des comptes publiquement.

- Eh bien, lundi matin à l’ouverture de la boutique, un homme est entré et a demandé si j’étais bien Monsieur Lucas. Il avait l’air d’un ancien soldat ou en tous cas d’un homme d’armes. J’ai tout de suite pensé qu’il ne devait pas être très futé parce que mon nom est écrit en gros sur la vitrine. Mais enfin, c’était un client et je lui ai demandé ce qu’il désirait. Il était bien habillé et je me suis dit que je pourrais lui appliquer le pourcentage pour les étrangers multiplié par deux pour les gens riches. Si en plus il n’était pas futé, je pourrais même lui ajouter un petit supplément. Qu’en penses-tu ?

L’ami de Monsieur Lucas eut quand même le temps d’ouvrir la bouche pendant que son compagnon buvait mais Monsieur Lucas continua avant qu’aucun son ne sorte de sa bouche.

- Oui, oui, évidemment, tu as raison, dit Monsieur Lucas. Ce n’est pas très honnête mais je me suis dit que c’était pour le bien de la ville. Alors ce monsieur baissa la voix et me demanda une bougie spéciale. Je le regardai quelques instants et lui dit en retour : « vous avez un deuil dans votre famille ? ». Et c’est là qu’il me répondit : « Non pas encore, c’est pour mardi soir. Vous pouvez la faire livrer à cette adresse ? » en me tendant un petit bout de papier. Il s’agissait de l’auberge de Maurice, la plus belle de la ville. Maurice détestait qu’il y ait des veillées mortuaires dans son auberge, c’était mauvais pour la clientèle, disait-il, mais je suppose que le monsieur avait bien payé ! Je rajoutai encore 30% au prix dans ma tête à cette idée.

- Je lui répondis que oui, tout était possible si on y mettait le prix mais que je devais avoir plus d’informations pour fabriquer la bougie et une mèche de cheveux. « Oui, je sais, tout est là-dedans » me répondit-il et il me tendit une enveloppe un peu épaisse. «  Ca fera combien ? » me demanda-t-il ? J’étais encore un peu sous le choc mais je réussis à balbutier un prix - le prix de quatre bougies en fait. Il me paya instantanément et sans négocier !? Tu le crois, ça ? J’aurais dû demander plus, non ? Et puis il est parti sans même un au revoir ! Incroyable non ?

L’ami de Monsieur Lucas put à ce moment lancer un « Ah oui » mais Monsieur Lucas était déjà reparti dans la suite de son récit, non sans avoir fini encore une fois son verre.

- Alors tu penses bien que je me suis précipité dans mon atelier et que j’ai ouvert l’enveloppe. Il y avait bien une lettre et une mèche de cheveux mais aussi une autre enveloppe marquée « A ouvrir dimanche matin ». J’ai failli l’ouvrir, remarque. Mais je suis honnête et je me suis dit que cela ne se faisait pas, non ? Monsieur Lucas se prit une rasade. Ben tiens, se dit son ami qui le connaissait bien et qui savait que l’honnêteté n’était pas l’une de ses qualités les plus saillantes.

- Dans la lettre il y avait juste quelques lignes pour dire que le mort avait été soldat et qu’il avait beaucoup de choses à se reprocher dans des batailles mais aussi dans la vie courante et qu’il fallait donc une grosse bougie. Il disait aussi dans la lettre que le prix payé devait largement couvrir une bougie spéciale plus grosse. Non mais, tu te rends compte ? Ce n’est pas honnête. C’était comme s’il avait su que le prix était trop élevé. J’ai trouvé que c’était une marque de défiance à mon égard, non ?
Lucas regarda brièvement son ami qui souriait en enchaîna tout de suite. Enfin ! Je me suis mis au travail. J’avais le temps, mais comme cela je pourrais créer une belle grosse bougie. Et Lucas but une rasade et comme la bouteille était vide en commanda une autre, ce que son ami mit à profit pour lui demander « Et le mardi soir alors ? »

- Ah, mardi soir ! dit-il avec un grand soupir. Je suis allé à l’auberge de Maurice et j’ai installé les bougies autour du lit du mort. Son visage était couvert mais j’ai eu un hoquet quand j’ai reconnu mon client de la veille, grâce aux bagues qu’il avait aux mains. Il avait l’air exactement comme le lundi. J’étais très surpris. C’était la première fois qu’un futur mort venait chercher sa bougie chez moi auparavant. Il devait s’être suicidé. Ca m’a donné des frissons et je n’ai eu qu’une envie, c’était de m’en aller le plus vite possible. Alors j’ai mis mes gants et j’ai installé soigneusement la bougie spéciale. Puis j’ai salué les présents. Il y avait beaucoup de monde, une vingtaine à vue de nez. Etrange pour un étranger, me suis-je dit. En redescendant j’ai croisé Maurice qui montait. Il m’a dit qu’il était invité également et que d’ailleurs moi aussi. Mon client lui avait remis une liste de noms à rassembler ce mardi soir dans sa chambre, puis il s’était allongé et personne ne l’avait revu vivant. Je peux te dire que j’avais très peur. Que se passait-il ? Je n’avais jamais assisté à une soirée mortuaire et cela ne me disait rien. Surtout pour un homme que je ne connaissais pas !

L’ami de Monsieur Lucas eut un frisson. Le silence dura quelques secondes et il n’eut pas le courage de parler. Tous deux burent en silence et Monsieur Lucas continua, d’une voix plus sourde.

- Dès que nous fûmes tous là, Maurice ferma la porte, alluma toutes les bougies et éteignit les autres lumières. Puis il alluma la bougie spéciale, nous regarda tous et rejoignit le cercle que nous formions autour de cet inconnu, allongé là sur son lit de mort. Personne ne parlait et tous attendaient que la bougie fasse son effet. Lorsque la bougie commença à parler, je reconnus tout de suite la voix. C’était bien mon client d’hier. Il parla très peu de temps. Peut-être deux ou trois phrases, pas plus. Et quand il eut fini, la bougie était entièrement consumée. Je me frottai les yeux. Normalement une bougie spéciale durait à peu près deux heures et une longue durée pouvait atteindre le double voire le triple. Celle-ci aurait dû mettre au moins cinq heures à se consumer. Je ne comprenais pas. Nous redescendîmes tous sans nous regarder et Maurice nous chassa presque de son auberge qu’il ferma aussitôt.

- Et qu’a dit ton client, enfin, la bougie spéciale ? réussit à dire l’ami de Monsieur Lucas.

- Je ne m’en souviens pas. C’est bizarre non ? Aucun souvenir. Et j’ai parlé à Maurice le lendemain, il ne se souvient non plus de rien.

Les deux amis restèrent comme cela quelques minutes. Plus un bruit. Ils sirotaient leur verre de vin en silence. Puis Lucas reprit la parole.

- Ca a été une semaine terrible. Tu n’étais pas là mais il y a eu un nombre incroyable de décès. Même le curé en a parlé ce matin à la messe. Le mercredi on m’a commandé deux bougies spéciales, quatre le jeudi, huit vendredi, sept hier. Je n’ai pas chômé et presque pas dormi. Certaines veillées mortuaires ont commencé très tard puisque je devais apporter à chaque fois une bougie spéciale. C’était un vrai enfer. Et tu ne sais pas le meilleur. Enfin le pire, devrais-je dire ?

- Non, répondit son ami en remplissant leurs verres d’une main tremblante.

- Tous ceux qui sont morts étaient à la veillée mortuaire de l’étranger. Tous sont morts. Sauf deux. Maurice... et moi. J’ai peur maintenant.

- Maurice ? dit une petite voix derrière eux. Maurice l’aubergiste ? Celui qui est mort cette nuit ? Les deux amis se retournèrent vers le jeune serveur qui avait parlé.

- Comment ? dit Monsieur Lucas. Maurice est mort ?

- Oui, comme les autres, d’un coup pendant son sommeil, répondit le serveur avant de s’éloigner, appelé par un autre client.

Monsieur Lucas, se leva brutalement en disant « la lettre ! J’ai oublié la lettre ! ». Il était blême et son ami ne put le suivre qu’en courant. Ils arrivèrent à la boutique, fermée comme tous les dimanches, et Monsieur Lucas réussit en tremblant à tourner la clé dans la serrure. Il se précipita dans son arrière boutique et prit la lettre. Il la regarda quelques instants et la tendit à son ami. « Tiens, dit-il, ouvre-la pour moi, je n’ai pas le courage ». Son ami n’avait pas beaucoup de courage non plus mais il réussit quand même à décacheter l’enveloppe.

Dedans, il y avait une feuille de papier plié et une mèche de cheveux. « C’est la même que lundi, cria Monsieur Lucas, épouvanté maintenant ». Sur la feuille de papier étaient juste écrits ces mots, sans signature : « Merci d’apporter une autre bougie spéciale ce soir à l’auberge de feu Monsieur Maurice, sans compter la sienne. Vous serez payé sur place ».

Monsieur Lucas faillit s’évanouir. Il discuta longtemps avec son ami. Lucas ne voulait pas aller ce soir à l’auberge. Mais il devait de toutes façons y aller pour la bougie spéciale de Maurice. Il se promit d’installer d’abord la bougie de Maurice et de voir ce qui se passerait. Il pouvait toujours refuser de continuer. C’était soit une - très - mauvaise blague sordide, soit un fou qui avait écrit n’importe quoi avant de se suicider. Ca pouvait être autre chose, évidemment. Mais Monsieur Lucas ne voulait pas y penser. Il voulait que cette histoire se termine le plus rapidement possible.

La journée du dimanche passa vite, Monsieur Lucas dans son atelier pour fabriquer ses deux bougies, et son ami à côté de lui pour lui tenir compagnie et le rassurer.

Le dimanche soir, les deux amis se dirigèrent vers l’auberge de feu-Maurice. Un garde, qu’ils n’avaient jamais vu, était posté à l’entrée. Il laissa passer Monsieur Lucas mais refusa l’entrée à son ami. Monsieur Lucas lui jeta un air inquiet mais son ami lui dit « A très bientôt. Dépêche-toi » avec un bon sourire, un peu forcé il est vrai mais qui suffit à donner du courage à Monsieur Lucas.

L’auberge était vide. Monsieur Lucas monta à l’étage. La chambre du patron était brillamment allumée. Maurice reposait calmement sur son lit. Lucas soupira et installa rapidement la bougie spéciale puis l’alluma puisqu’il n’y avait personne d’autre, et s’empressa de ressortir en refermant doucement la porte. Il écouta une seconde et commença à entendre la voix de Maurice. Il se détourna très vite. Ce n’était pas à lui d’entendre les secrets de Maurice. Il se précipita vers l’escalier pour redescendre, mais le garde était maintenant en haut de l’escalier et pointait du doigt une autre porte.

Monsieur Lucas comprit qu’il était piégé. Il regarda le garde mais celui-ci resta impassible. Un vrai professionnel, se dit Monsieur Lucas. Il ouvrit la porte indiquée et regarda le lit.  L’homme allongé sur le lit était son client de lundi, mais cela ne le surprenait pas. Il en avait été certain, tout en ne comprenant pas comment un mort pouvait mourir une deuxième fois. Personne d’autre n’était dans la chambre et Lucas procéda rapidement à l’installation des bougies. Il enfila ses gants. Ou plutôt il essaya d’enfiler ses gants. Ils n’étaient pas là. Il avait dû les oublier dans la chambre de Maurice. Il pesta et ouvrit la porte pour aller les rechercher car il savait qu’il était très dangereux de manipuler les bougies spéciales sans gants. Mais le garde était de l’autre côté de la porte et ne voulut pas le laisser sortir, même après ses supplications.

Monsieur Lucas referma la porte et regarda le mort allongé. Il décida alors d’en finir le plus vite possible et accrocha la bougie dans les mains de son client, à mains nues. Puis il éteignit toutes les lumières et se prépara à allumer la bougie et à sortir tout de suite de la chambre. Ses mains tremblaient et il dut user plusieurs allumettes. Mais la bougie fut enfin allumée et il courut vers la porte.

Elle était verrouillée, et il eut beau taper du poing et crier, il n’entendit aucun bruit. Et puis la bougie commença à parler. Ce n’était pas la voix de son client. C’était une voix beaucoup plus jeune. Elle commença par dire : « Bonsoir Lucas. Tu es le dernier ». Et Monsieur Lucas reconnut alors son client. Le cadavre allongé sur le lit était maintenant celui d’un tout jeune homme. Un enfant de la ville qui avait été chassé des dizaines d’années auparavant, sous une fausse accusation lancée par une bande de jeunes dont il était le chef... avec Maurice entre autres, mais pas son ami qui était arrivé après en ville. Une histoire idiote dont il ne se souvenait que maintenant.

Monsieur Lucas regarda le mort et réussit à dire « Non, non... » avant de s’écrouler.

Son ami le retrouva une heure plus tard, juste après le départ du garde. Monsieur Lucas était allongé sur son lit de mort. Il avait une bougie spéciale entre les mains. La seule mèche de cheveux qui décorait son crâne brillant avait été coupée et la bougie qui avait coulé partout semblait mélangée avec des cheveux blancs. La bougie était éteinte maintenant. Son ami lui ferma les paupières et décida de quitter la ville la nuit-même.

Le secret des bougies spéciales de Monsieur Lucas a disparu avec lui. Tant mieux.


samedi 22 novembre 2014

Des doubles improbables

Le Tennis je joue à plusieurs. La France a perdu son double contre la Suisse, avec une équipe qui a craqué. Il y en a un qui a refusé de jouer après sa défaite de la veille et qui a dû être remplacé au dernier moment et l'autre qui a tout loupé pendant le match. Les français de Suisse sont donc nettement moins bons que les suisses de France. Est-ce que leur mental sera à la hauteur pour au moins revenir à 2-2 ? Le sport est le sport donc tout est possible. Mais dans un double, il s'agit avant tout d'une alchimie entre deux personnes qui se soutiennent et se tirent vers le haut. Pas vers le bas. Un double ce n'est ni un couple ni un binôme. Normalement c'est une alchimie où 1+1 > 2

En politique les doubles sont rares. On en a vu émerger un à Lille, juste avant la finale avec François et Martine. Martine a commencé en disant «C’est comme si on jouait le double ensemble face aux difficultés de la crise» et Francois en a rajouté avec «Il faut toujours jouer collectif, on a formé l’équipe de double !»... Ils ont voulu plaisanter avec l'actualité et c'est toujours difficile. Surtout quand la France va perdre le double et qu'ils ne le savent pas encore. Le jeu collectif OK mais au moins que cela soit pour gagner. On ne met pas sur le même attelage des politiques qui ne s'entendent pas même s'ils sont du même parti. Au PS après les primaires et avant les nouvelles primaires pour la prochaine élection présidentielle, le débat du "double" n'a pas de ses au-delà du jeu de mots.

A l'UMP non plus me direz-vous. Une bonne illustration en a été le meeting de Sarkozy à Bordeaux dont le maire est un certain Alain Juppé. Juppé a parlé en premier, en tant qu'hôte. Il s'est fait copieusement siffler par une foule venue pour son sauveur. Il s'est fait siffler en réclamant des primaires ouvertes avant 2017 et il ne s'est pas laisser démonter en rappelant au passage que, lui, il ne se laissait pas influencer par une foule partisane, contrairement à Sarko. Au moins il a du courage. Mais cela ne suffit pas à en faire une équipe de double, ni a fortiori une équipe gagnante.

Tous ces doubles qui ne fonctionnent devraient essayer de comprendre leurs problèmes. La juxtaposition de deux égos ne fait pas un bon double. D'ailleurs quand il s'agit surtout de faire perdre l'autre ou de se défausser de ses responsabilités sur lui, peut-on parler de double ?

vendredi 21 novembre 2014

Finale de la Coupe Davis - Score après le premier match : Suisse 1 - Suisse 0

C'est le grand week-end pour les amateurs de tennis à Lille avec la finale de la coupe Davis, la 10° victoire peut-être pour la France.

Pour cet événement majeur, les officiels ont mis les petits stades dans les grands. Le stade de foot du LOSC à Lille a été reconfiguré en court de tennis. Photo extraite de l'Equipe, avec un "slider" comme cela se fait beaucoup aujourd'hui.


Ce stade est chauffé seulement en bas - pour les joueurs et les VIP. Les sièges à partir de la motif de la hauteur sont à température ambiante, soit une prévision de 10° à peu près. Les organisateurs fournissent les couvertures, mais normalement le public va se réchauffer en s'agitant, suivant les lois de la thermodynamique des foules.

Le titre intrigant de ce billet peut vous surprendre. Ce n'est pas une faute. Comme on peut le lire par exemple ici, l'intégralité des joueurs de tennis français de l'équipe de France ont leur résidence fiscale en Suisse, comme les suisses d'ailleurs. Evidemment cela dure depuis des années et c'est la conséquence de ce que les suisses appellent le "forfait fiscal" : pour les contribuables étrangers les plus riches résidents en Suisse, l'impôt suisse est calculé non en fonction des revenus mais des dépenses en Suisse.

Vous vous demandez certainement pourquoi ils ne vont pas à Monaco ? C'est encore moins coûteux là-bas pourtant. Mais malheureusement pour les tennismen, Monaco et la France ont signé une convention fiscale qui dit que ces taux réduits ne s'appliquent pas aux français. C'est pourquoi des Depardieu ou des Johnny cherchent à devenir d'abord citoyens d'un autre pays, comme la Belgique, pour ensuite aller à Monaco...

Mais pour revenir aux joueurs (et joueuses) de tennis français à haut niveau, le problème est vieux et ils se sont tous donné le mot, avec des excuses plus ou moins bidons comme par exemple : "notre carrière est courte, donc on fait ça pour avoir de l'argent pour plus tard"... Impressionnant, non ? et faux d'ailleurs, car l'amortissement des revenus sur plusieurs années existe en France, pas besoin d'aller en Suisse. Crtains cantons suisses commencent d'ailleurs à refuser ces forfaits fiscaux. On peut supposer que le canton de Genève sera le dernier ;)

Donc les couleurs (bleues) de la France seront défendues pendant deux ou trois jours par des exilés fiscaux en Suisse, contre des suisses normaux. Que cela ne nous empêche pas de souhaiter leur victoire. Pour mémoire, chaque fois qu'ils jouent en France, leurs gains sont imposés en France. Mais quand ils jouent ailleurs, les gains ne sont pas du tout imposés, nulle part, juste leurs dépenses en Suisse. J'espère qu'ils ont rapporté des chocolats et du vin blanc vaudois !

PS : Le titre de ce billet est correct et je suis certain à 100% du pronostic. Par contre, pour le deuxième match, cela sera 1-1 ou 2-0, et là il faut attendre, désolé. Mon talent de pronostiqueur sportif s'arrête là.

Mise à jour après le premier match : Allez, j'espère Suisse 1 - Suisse 1 après le deuxième match et je me lance pour un Suisse 2 - Suisse 1 après le troisième.

jeudi 20 novembre 2014

Dans quelle nouvelle région est le beaujolais nouveau, hic ?

Hic, ça veut aussi dire ici en latin, comme dans hic et nunc ici et maintenant. Mais maintenant je suis à Paris et le Beaujolais nouveau est partout puisque nous sommes le troisième jeudi de novembre. La dégustation du Beaujolais nouveau est un rite étrange. C'est moins une dégustation qu'un moment sociable, car ce n'est qu'un vin primeur pas toujours de qualité. Ce sont les japonais qui en boivent le plus à l'export, on imagine les conteneurs de bouteilles voguant sur les eaux et dans les airs. Ce moment est devenu un rite chez les cafetiers qui en profitent pour essayer de vous vendre un verre de Beaujolpif au prix du Bourgogne.

Il parait que cette année - car croyez-moi ou pas je n'en ai pas encore bu - le Beaujolais nouveau ne sent pas la banane. En fait il ne sent plus la banane depuis plusieurs années : l'odeur venait d'une levure utilisée pour accélérer la maturité du vin et c'était elle qui apportait cette odeur. Maintenant on en utilise d'autres, moins "colorées", ce qui permet à chacun de rajouter un peu plus de fruité comme il le souhaite. La dictature de la banane sur le Beaujolais nouveau est terminée !

En tant que vignoble, le Beaujolais produit de très bons vins, qui ne se déclinent que très rarement en primeurs. Sur le lien précédent - Wikipédia évidemment - lisez l'histoire de ce vignoble qui n'a été reconnu en tant qu'AOC que tardivement et qui reste rattaché "administrativement" au vignoble de Bourgogne.

La croix du Chizot quelque part en Beaujolais

Mais depuis ce matin la grande question est : à quelle région le Beaujolais est-il rattaché ? En métropole, il y avait 22 régions auparavant, maintenant il n'y en a plus que 13, depuis le vote de l'Assemblée qui est revenue à son vote initial malgré les propositions du Sénat et de certains députés d'Alsace ou du Nord par exemple. Quelques compromis ont été trouvés comme par exemple le siège de la région Alsace-Lorraine à Strasbourg - ils pourront toujours récupérer le siège du Parlement européen s'il s'en va un jour, à moins que cela ne soit l'ENA qui quitte son ancienne prison ? En tous cas, en ce qui concerne la Bourgogne au sens large, le consensus existait déjà et n'a pas été remis en cause.

Avant il y avait les régions Rhône-Alpes et Bourgogne et le vignoble du Beaujolais était quasiment entièrement en Rhône-Alpes - dans le département du Rhône, avec un petit bout en Saône-et-loire, en Bourgogne donc, histoire de montrer le lien entre politique et vin.



Maintenant le Beaujolais est toujours éclaté entre deux régions, mais elles sont plus étendues, puisqu'il s'agit d'une part de "Rhône-Alpes-Auvergne" et d'autre part de "Bourgogne-France-Comté". Les noms finals des régions restent à trouver, mais l'idée est là : le Beaujolais reste divisé !

Et quand le vin est tiré (ou soustrait, ou divisé) il faut le boire !!!

PS Le coeur du Beaujolais est à Villefranche sur saône, même si le nom historique du pays vient de la ville de Beaujeu, qui se disait Bellojovium en latin. In Bellojovio veritas !

mercredi 19 novembre 2014

C'est quoi la France d'aujourd'hui ?

L'INSEE, notre institution nationale pour la statistique officielle, vient de publier son rapport annuel sur l'Etat de la France, "La France - Portrait social".

Le rapport est ici par rubriques et ici en pdf. Plusieurs médias en font des analyses : Libération plutôt sur les aspects sociaux, Challenges sur les surprises socio-économiques, Les Echos sur le chômage... Chacun reconnaît les nouvelles qui l'intéresse. Comme d'habitude les médias parcourent plutôt le dossier de presse qui mâche tout le travail pour ceux qui ne le comprennent pas, et les bons infographistes font le reste.

Comme dans toute compilation de chiffres de ce type, agrémenté d'analyses faites par des spécialistes, chacun peut trouver ce qui l'arrange. Quelques conseils néanmoins pour parcourir ce genre de rapport ou les articles de presse correspondants :

- Les statistiques ne mesurent que ce qu'on veut bien qu'elles mesurent. Très souvent les chiffres publiés ont été corrigés auparavant et sont agrégés ou additionnés pour arriver à des totaux, des moyennes et des taux d'évolution simples à visualiser. La réalité est plus complexe qu'un indicateur simplifié. La vérité se cache plutôt, comme le diable, dans les détails des tableaux détaillés que seuls les spécialistes lisent. Un exemple ? Le diagramme en cercles de l'article de Libé pour quantifier comment se déroule notre journée-type en semaine et qui conclut à 4h10 de travail/études/formation par jour. Seulement ? Oui, mais c'est une moyenne sur les 15 ans et plus et qui intègre ceux qui ne travaillent pas et les retraités et même les hommes politiques. Une moyenne dans ce cas n'a pas de vrai sens. Un lecteur rapide croira qu'en France on ne travaille que 4 heures par jour, ce qui est faux et très loin de la réalité.

- Il y a énormément de données collectées par l'INSEE dans beaucoup de domaines, et il y a encore plus de données non collectées par l'INSEE ou pas collectées du tout. Le choix de publier certaines données met ipso facto en valeur certains comportements sociaux, certains secteurs, puisqu'il n'est pas possible d'analyser tous les ans toute la France. Il faut aussi regarder d'autres rapports - des années précédentes - pour trouver d'autres données. Le fameux "Big Data" consistant à récolter plein de données puis à les traiter massivement a du sens pour l'analyse des groupes et des phénomènes réguliers ou commerciaux. Mais dans la sphère sociale, on n'en est pas encore là. C'est une opposition de fond entre statistique d'Etat allant vers une moyenne et statistique du marketing allant vers une compréhension des comportements individualisés.

- Il faut aussi calculer des "ratios" c'est à dire des rapports entre des données publiées mais non visibles. Toujours sur le même dessin que précédemment (et que vous trouverez au milieu de l'article de Libé) on voit que l'on passe plus de temps devant un écran (télé, ordinateur, téléphone ou tablette) qu'à manger chaque jour, de temps en temps en regardant un écran d'ailleurs. On voit aussi que près de la moitié de notre temps de vie en semaine est consacré à nous avec une évolution non précisée dans le rapport sur une longue durée. Les données brutes ne veulent souvent pas dire grand chose si on ne les compare pas à d'autres par des ratios ou des évolutions avec le temps.

- Les médias, les politiques et les citoyens sont friands de statistiques faciles à asséner. On peut s'attendre à d'autres articles mettant en avant tel ou tel point et à des infographies toutes plus belles les unes que les autres au fil des mois, comme chaque année. Ca nous donne des phrases comme "Les enfants de cadres portent davantage de lunettes que ceux d'ouvriers", "les filles avec une mère inactive sont moins souvent actives que celles avec une mère active", "un quart des SDF ont un emploi" ou "Le nombre des délinquants est en baisse". D'ailleurs l'INSEE parle plutôt de sans-domicile pas de sdF comme fixe. Evidemment, rares sont les politiques qui citeront tout ça dans un discours. Ils choisiront plutôt ce qui les arrange ce soue-là. N'en soyez pas dupes.

Finalement, autant ces exercices sont nécessaires dans un Etat qui se veut moderne, autant ils ne prennent du sens qu s'ils sont suivies d'analyses poussées et sérieuses, qui elles-mêmes doivent pouvoir être diffusées en termes clairs. C'est tout le problème de la science en général, et des sciences humaines et sociales en particulier.

mardi 18 novembre 2014

Le Triangle des Nouveaux Cons Menteurs (NCM)

Bonjour Parisiennes et Parisiens de 2025 !

C'est l'heure du déjeuner. Vous êtes tranquillement installés à une terrasse pour grignoter un plat du jour plein de sauce sans faire de tache sur votre cravate ou votre foulard. Vous comptez sur le vent pour vous épargner les odeurs des fumeurs à côté et vous tournez donc la tête pour admirer le paysage autour de vous : des immeubles très parisiens - car vous travaillez dans un endroit chic - au sens Haussmann du terme, une ligne de toits qui ne se trouve qu'à Paris - car vous êtes dans un quartier un peu surélevé. Paris est une belle ville, non ? Elle est restée ainsi pendant des siècles. Presque rien ne dépasse de cette ligne basse de toi. Vous distinguez quand même quelques hauteurs, des dômes et des églises. Vous distinguez également la Tour Eiffel et le Sacré-Coeur, ainsi que des tours lointaines vers la Défense, Italie et quelques autres tours lointaines. Il y a bien la Tour Montparnasse - édifiée à l'époque de Giscard - mais comme tout les parisiens vous voyez à travers elle, comme si elle n'était pas là : elle est si moche cette tour ! Une tour trop simple et sans intérêt plantée là en plein coeur de Paris.

Et puis vous voyez la Tour Triangle, dans toute sa splendeur et le sourire vous vient. Heureusement que cette Tour a été construite, vous dites-vous. Elle est belle, elle est lumineuse, elle donne un air joyeux à Paris. De votre point de vue, assis ici, elle a une forme un peu étroite. Vous qui vous déplacez souvent vous savez maintenant reconnaître où vous êtes dans la ville suivant la forme de la Tour Triangle, plus ou moins large à sa base selon que vous en êtes proche ou éloigné, à l'est ou à l'ouest... Un phare, une balise. Oui, c'est çà, vous dites-vous avec un grand sourire. Et vous finissez votre sandwich avec enthousiasme, prêt pour un bon après-midi de travail. La Tour Montparnasse pourtant un peu plus haute a l'air si ridicule là-bas... C'est rafraîchissant.

Vous vous souvenez quand même en marchant vers votre bureau de ces ridicules polémiques avant la construction de cette Tour, il y a des années. A l'époque, la Maire de Paris était Anne Hidalgo, qui est devenu ce qu'on sait maintenant - quelle carrière !... Evidemment elle avait une faible majorité et l'époque n'était pas bonne pour ce qu'on appelait alors le "parti socialiste". Les écologistes étaient aussi désorganisés qu'aujourd'hui - c'est atavique chez eux - mais ils étaient cohérents  dans leur combat sur cette Tour : ils n'en voulaient pas car ils n'aimaient pas les tours, point final, pour tout un tas de bonnes raisons idéologiques. Sans les écologistes, la Maire de Paris devait donc grappiller quelques voix à droite pour faire voter le projet par le Conseil de Paris.

Mais c'était sans compter sur ce qui est resté dans l'histoire comme le NCM, le club des Nouveaux Cons Menteurs, qui se foutaient de la Tour et qui ne cherchaient qu'à faire de l'obstruction politicienne à tout projet déposé par la Mairie. La Maire avait demandé un vote à bulletins secrets car elle savait qu'elle ne pourrait avoir de majorité qu'avec quelques transfuges de son opposition - ce qui se pratique couramment encore aujourd'hui. Mais la cheffolle du NCM, dont tout le monde a oublié le nom, avait décidé de ne pas se faire avoir comme ça et elle avait persuadé les membres du club de montrer leur bulletin de vote publiquement avant d'aller voter. On appelle cela un déni de démocratie aujourd'hui, et je suppose qu'à l'époque c'était également illégal, puisque cela influençait un vote individuel. Le projet de la Tour Triangle avait donc été rejeté à quelques voix près, mais un recours avait été déposé et un nouveau vote organisé quelques mois plus tard. Ce nouveau vote, à bulletins secrets également et vraiment secrets cette fois-ci, avait donné une courte majorité au projet, car les élus de droite avaient été en fait favorables au projet auparavant mais n'osaient pas défier publiquement leur cheffolle.

C'est ce jour là que Paris a quitté la triste grisaille des cons-servateurs, prêts à tous les mensonges pour se battre contre le progrès, l'art et la beauté. C'est ce jour-là que Paris a commencé sa mue, en gardant à la fois son ancienne peau et la nouvelle. Un Grand Paris Réussi quoi !


lundi 17 novembre 2014

Bilan après une quinzaine de jours contre la corruption en Francophonie

Drôle de titre, non ?

On pourra tirer le bilan du Sommet de la Francophonie dans moins de quine jours maintenant, mais cela n'empêche pas de parler de quelques faits à propos de corruption en Francophonie.

Au Burkina, le régime de Blaise Compaoré a disparu il y a un peu plus de deux semaines et les militaires avaient pris le relais. La communauté internationale s'était émue, entre les grands partenaires internationaux classiques et les pays frères africains qui ont (toujours) peur de la contagion. L'Union africaine avait fixé ce lundi comme délai maximum pour une transition démocratique. Tout le monde avait peur de l'inconnu - un classique - et notamment de ce colonel Zida apparu de nulle part.

Résultat des courses ? Après l'une des plus courtes transitions militaires de l'histoire africaine, le Burkina Faso est revenu dans le camp des pays qui ont une constitution... et qui la respectent. Samedi la Constitution a été rétablie, une charte a été signée dimanche par toutes les parties pour encadrer la transition et le retour à un Etat moins corrompu - un paradoxe aux pays des hommes intègres - et pour désigner un président de transition, en attendant sa confirmation par le conseil constitutionnel du pays qui est donc re-rentré dans ses fonctions. Il s'agit d'un vieux diplomate à la retraite, qui va devoir arrêter de cultiver son jardin pour s'occuper du pays en entier - vaste jardin - et qui va devoir arrêter son rôle de consultant international pour devenir décideur.

Quelque part, cette révolution populaire est magique. Elle rend optimiste tous les démocrates et républicains. C'est pourquoi d'ailleurs elle effraie les autres. Le Burkina Faso devrait donc prochainement remonter dans le classement de Transparency international sur la corruption consultable ici. Le prochain classement annuel est pour décembre, mais cela sera trop tôt pour cette année.

En Roumanie, l'élection du candidat de la droite est une surprise. Il y a deux semaines, au premier tour, l'autre candidat, le premier ministre du parti au pouvoir depuis si longtemps dominait largement la course et semblait certain d'être réélu. Mais devant les nombreuses accusations de manipulation de l'élection, le gouvernement a dû depuis ouvrir plus largement les bureaux de vote à l'étranger, puisque la diaspora roumaine est très importante. Le taux d'abstention est passé en dessous des 40% au second tour, ce qui est une première dans cet ex-pays communiste. Les expatriés, c'est bien connu, votent plutôt à droite - qu'ils aient l'intention de revenir au pays ou pas. La victoire à l'arraché de ce candidats a saturé les réseaux sociaux ce matin.

Le nouveau président apparait comme un vrai acteur pour lutter contre la corruption endémique dans ce pays, un des plus mal notés en Europe, et dont la note baisse régulièrement. Klaus Iohannis est comme son prénom l'indique membre de la minorité allemande de Roumanie. Mais il a surtout été un maire exemplaire dans sa ville de Transylvanie. Et la lutte contre la corruption est l'un de ses axes forts de campagne. La mobilisation immense de la diaspora roumaine a entraîné ipso facto une mobilisation des électeurs en Roumanie elle-même. Le résultat, là encore, est très encourageant pour les démocrates.

Tout ce petit monde et d'autres Chefs d'Etat se retrouveront bientôt à Dakar, avec donc deux petits nouveaux dans la salle, qui seront très observés par les autres, aux places du Burkina et de la Roumanie, assez loin l'un de l'autre puisque les tables des présidents sont organisées par ordre alphabétique dans ce type de Sommet. La France est toujours assise à côté du Gabin d'ailleurs à ce petit jeu.

Et en France justement ? La France est toujours seulement 22° au classement de Transparency international. François espère certainement que les nombreuses décisions prises pour moraliser la vie politique française et la rendre plus transparente auront des effets, sinon cette année, du moins l'année prochaine. Il faut dire que les nombreuses affaires d'opacité - pour rester poli - ont certainement nui à la France mais aussi servi à faire émerger un consensus national sur la nécessité de combattre ceux qui trichent avec les lois, en invoquant des raisons plus ou moins farfelues - vous vous souvenez de la phobie administrative ? Mais il y a également d'autres domaines classiques pour la corruption, dans les entreprises et pour les négociations internationales. Vous aurez certainement remarqué ce week-end que François avait renvoyé Sarkozy dans son camp à propos de la vente des Mistral à la Russie de Poutine. Sarkozy essaye tout pour engranger des votes à l'élection interne à l'UMP. Mais c'est difficile de dire tout et son contraire. Si c'est bien fait ça marche... sinon, on ne se fait que des ennemis. A ce titre l'exemple de l'abrogation de la loi Taubira pour la remplacer par une autre qui aurait un contenu quasi identique mais avec un autre nom est un parfait exemple de déni de démocratie. Même ses alliés proches s'en sont rendu compte d'ailleurs. Mais je digresse, je digresse, tout ceci n'a plus rien à voir avec la corruption, voyons.

Je lisais une citation ce week-end. Je vous la livre. Elle est de Chinua Achebe et extraite de "Education d'un enfant protégé par la Couronne" : Notre humanité dépend de l'humanité de nos semblables. Aucun individu, aucun groupe ne peut être humain tout seul. Nous nous élevons tous ensemble au-dessus de l'animal ou pas du tout. Quand nous aurons appris cette leçon, même s'il est tard, nous aurons réellement progressé d'un millier d'années.

Bon, c'est un écrivain africain, nigérian, anglophone et même très britannique, une référence pour toute l'Afrique avec son roman fondateur "Le monde s'effondre", bien plus que Kourouma, francophone lui. Au-delà des langues, et de la vie de ces deux écrivains décédés, la lutte contre la corruption du monde et pour l'humanité reste une lutte nécessaire, quoique sysiphique...


dimanche 16 novembre 2014

Du temps de cerveau pour… une nouvelle cinq ans de suite

Au Royaume de Grandejoie, tout se passait merveilleusement bien. Enfin, tout s’était merveilleusement passé jusqu'à la nomination de monsieur Crash.

Pendant des centaines d’années le royaume avait prospéré. Les guerres de jadis avaient été oubliées depuis longtemps et la paix régnait avec les pays voisins. Le commerce avait fait de Grandejoie un pays riche et la succession des rois s’était déroulée sans anicroche. A l’époque où se passe cette histoire le roi Grandejoie XXXIII était un peu vieux mais encore en bonne forme et il avait plusieurs héritiers sous la main au cas où. Le roi ne pouvait plus chasser évidemment et il le regrettait amèrement. La chasse au troll était la principale source d’amusement au pays, et accessoirement la base des exportations du royaume dans le monde entier.

Les trolls fournissaient en effet à cette époque des ressources en très grande quantité : des dents d’une ivoire si dure qu’elles étaient utilisées dans beaucoup d’industries, des poils si résistants qu’on en faisait des cordes et des tissus très résistants (et imperméables), un cuir recherché par tous les maroquiniers et chausseurs de la planète… et ainsi de suite. Tout était bon dans le troll, comme le disait le dicton populaire.

Les trolls vivaient depuis l’aube des temps au Royaume de Grandejoie. C’était une espèce bizarre : des géants imposants, bêtes à ne pas savoir lacer leurs chaussures - c’est certainement pourquoi ils n’en avaient pas - obstinés comme des mules, grégaires et refusant de s’éloigner trop de leur montagne natale. Cette montagne, justement, trônait au centre du royaume, juste au nord de la capitale. L’armée du royaume ne servait pas à protéger le pays, ni même à combattre les trolls qui se reproduisaient comme des lapins - beaucoup plus gros certes car il fallait compter une bonne dizaine d’années pour disposer de trolls à point. L’armée ne servait qu’à empêcher les contrebandiers de venir tuer les trolls de Grandejoie.

Les premiers dirigeants du pays avaient eu à combattre des envahisseurs jaloux de la richesse apportée par les trtolls de la montagne. Ils avaient également mis en danger la population des trolls en les chassant trop souvent. Les trolls avaient même failli disparaître du pays et donc de la planète, ce qui aurait été dommage, n’est-ce pas ? C’est le roi Grandejoie V qui avait édicté les lois pour protéger à la fois le pays des envahisseurs, la population des trolls, et les trolls d’une surexploitation intensive et non durable. Cela faisait donc maintenant des siècles qu’à Grandejoie seule la famille royale avait le droit de chasser les trolls, même si chaque partie de chasse associait une grande partie de la population et même si les fruits de cette chasse étaient partagés entre tous.

Le premier ministre du royaume n’avait qu’une seule utilité. Il était l’unique responsable du Grand Générateur, Gégé comme tout le monde appelait cette machine. Gégé avait été construit à l’époque de Grandejoie V et calculait le moment exact où il fallait lancer la prochaine chasse au troll, en fonction de l’effectif connu de la population des trolls, de leurs âges, de la météo et du TNB du royaume - le TNB c’est le Troll National Brut, l’unité internationale d’évaluation des richesses sur la planète. En général, une chasse était lancée une fois par mois, mais cela dépendait de tellement de facteurs que seul Gégé savait enchaîner les calculs. Le poste de premier ministre était relativement simple. Chaque matin, il s’asseyait devant la console qui pilotait Gégé et il appuyait sur le bouton blanc sur lequel un gros point d’interrogation était gravé. Gégé vrombissait quelques instants - pas plus de quelques minutes - et finalement l’une des deux lampes s’allumait : rouge si aucune chasse n’était possible ce jour, vert si la chasse était à lancer. Quand la lampe verte s'allumait, un petit ruban sortait en plus d’une fente avec les mensurations et la localisation du troll à chasser.

Gégé ne demandait que peu de maintenance et très peu d’énergie. Tout allait bien.

C’est lorsque monsieur Crash fut nommé premier ministre que tout commença à se déglinguer. Monsieur Crash avait été tiré au sort parmi les citoyens du royaume pour cette tâche importante. Son prédécesseur le forma en une matinée. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à faire. Traditionnellement la nomination d’un nouveau premier ministre intervenait le lendemain d’une chasse au troll, à peu près tous les cinq ans. Le pays était donc en pleine célébration de cette chasse, et très occupé à transformer l’ex-troll en produits consommables et exportables lorsque monsieur Clash se présenta seul pour son premier « appuyage de bouton » le surlendemain de la chasse. Et le voyant vert s’alluma.

Ce n’était pas la première fois que des chasses s’enchaînaient à quelques jours de distance, et les anciens racontaient avec des larmes nostalgiques dans les yeux même qu’une fois même il y avait eu trois chasses dans la même semaine Cette deuxième chasse à deux jours d’intervalle apparut à tous comme un signe favorable et le roi se déplaça même pour féliciter son premier ministre, si efficace dès son premier jour de travail. Ils purent ensemble admirer ainsi, du belvédère royal, le déroulement de la chasse. Le roi frétillait et tous sentaient qu’il regrettait de ne plus pouvoir participer à la chasse. Mais tous savaient qu’il se ferait raconter cette chasse en détail pendant des jours. Ce coup-ci, en plus, il pourrait discuter avec ses fils et ses neveux des différences entre les deux chasses si rapprochées. Le soir venu, il y eut un grand festin au palais et tout le monde s’endormit content.

C’est le lendemain matin, quand Gégé alluma encore le voyant vert suite à l’appuyage de bouton de monsieur Crash que plusieurs commencèrent à lever le sourcil. C’était bizarre. Mais Gégé était Gégé et la loi la loi. La chasse reprit donc ce jour-là. Il y avait toujours l’excitation de la chasse dans l’air mais on sentait bien une tension dans les regards : était-ce normal ? Que se passait-il ? Les ateliers de dépeçage et les entrepôts seraient-ils suffisants pour traiter autant de trolls ? Le roi prit son premier ministre à part et lui demanda son avis mais monsieur Crash n’avait aucune idée. Il n’en avait jamais eu d’ailleurs.

Le roi décida - c’était une première mais rien ne l’interdisait - d’accompagner son premier ministre dans la salle de Gégé le lendemain matin. Il voulait voir comment cela se passait. Le roi vit son premier ministre appuyer sur le bouton blanc… et le voyant vert s’allumer.

C’était maintenant le soir. Pas de banquet, car tous étaient fatigués après la chasse et le travail sur les quatre trolls de la semaine. Le roi était maintenant assis en conseil restreint dans la salle du trône. Toute la famille royale était là. Le roi avait convoqué son archiviste et seul le premier ministre était absent.
L’archiviste annonça que dans le grand registre des trolls, tenu au palais depuis le roi Grandejoie V, il n’y avait aucune mention de quatre chasses dans la même semaine. La discussion fut houleuse. Certains proposaient de couper la tête du premier ministre et d’en trouver un autre, d’autres pensaient que puisque Gégé l’annonçait il fallait lui obéir t chasser, d’autres enfin proposaient de laisser Gégé se reposer quelques jours. Le roi ne savait plus quoi penser. En bon politique, il résolut de ne rien décider pour le moment et de voir venir.

Mais le lendemain matin, toute la famille royale était installée dans la grande salle de Gégé et tous regardaient intensément le premier ministre au moment où il appuya sur le bouton blanc. Après coup, certains dirent qu’ils n’avaient rien vu de spécial, d’autres déclarèrent avoir vu une petite étincelle entre le doigt de monsieur Crash et le bouton blanc, d’autres enfin crurent qu’il appuyait un peu trop longtemps sur le bouton. Quoi qu’il en soit, c’est comme vous vous en doutez le voyant vert qui s’alluma. Le troll du jour était de l’autre côté de la montagne, et la chasse prendrait plus de temps. Il fallait partir tout de suite, ce qui fut fait dans un grand brouhaha de voix, de cris et de protestations.

Des protestations ? Le roi n’avait souvenir d’aucune protestation dans son pays. Cela l’inquiéta beaucoup. Monsieur Crash ne semblait pas particulièrement inquiet. Il avait fait son travail et de toutes façons il ne participait pas aux chasses… alors !

Ce soir-là, le roi fit une proclamation à son peuple du haut du belvédère. Il annonça que Gégé était en panne et qu’une maintenance serait faite pour vérifier les mécanismes. C’était une annonce inédite dans le royaume de Grandejoie, mais tout le monde en parut soulagé. Il y avait du travail pour des mois, avec cinq trolls maintenant à traiter, et les chasseurs étaient fatigués. Dans le même discours, le roi annonça la mise aux arrêts de son premier ministre. On ne savait jamais. Cela ne pouvait pas faire de mal, si c’était un sabotage, et après tout il était facile de changer de premier ministre.

Le lendemain matin, le roi alla voir Gégé. Il avait fait garder la salle par des soldats qui interdisaient à quiconque sauf à lui d’y entrer. Gégé semblait dans un état normal. Le roi regarda longtemps le grand générateur. Tout à coup il n’avait plus envie de l’appeler Gégé. Il appuya sur le bouton blanc et le voyant rouge s’alluma. Le roi eut l’air surpris puis se rassura très vite. Personne ne saurait qu’il avait actionné Gégé et de toutes façons puisque le voyant était rouge il n’y aurait pas de chasse ce jour. Il se promit de venir de temps en temps dans la salle appuyer sur le bouton. De toutes façons, il n’y avait rien d’autre à faire. A part la maintenance simple à base de gouttes d’huile et de papier à fournir, Gégé n’avait besoin de rien et plus personne ne comprenait son fonctionnement depuis des siècles.

Le roi se dit qu’il lui suffirait de venir ici et d’appuyer lui-même sur le bouton, pour voir. Mais pas avant quelques mois en tous cas, car l’industrie locale tournait déjà à plein régime. Il dit au revoir à Gégé, sortit de la salle et ferma à triple tour la vieille porte solide, puis alla prendre son petit déjeuner le coeur plus léger.

Au bout de six mois, le roi eut la certitude que l’atmosphère dans le pays était devenue insoutenable. Il n’y avait plus de travail après le rush initial, les cours des produits dérivés du troll avaient chuté devant l’accroissement de l’offre, la famille royale se déchirait car elle ne pouvait plus se défouler avec la chasse, et la cérémonie quotidienne du Grand Générateur que plus personne n’appelait Gégé manquait à tous. Il était allé appuyer plusieurs fois sur le bouton blanc mais seul le voyant rouge s’allumait. Il ne savait plus quoi faire.

Il alla rencontrer monsieur Crash dans sa cellule, mais celui-ci n’avait toujours aucune idée. Il réclamait juste qu’on le libère et qu’on lui rende ses habits d’avant sa fonction de premier ministre. Il était en effet allergique au poil de troll - utilisé pour les habits du premier ministre ou des prisonniers -  et voulait retrouver ses sous-vêtements synthétiques de simple paysan.

Alors le roi comprit tout. Pour vérifier il emmena discrètement le matin suivant monsieur Crash dans la salle du Grand Générateur - Gégé se dit-il tout bas - et lui fit appuyer deux fois sur le boutons en changeant de sous-vêtements. Le test fut concluant puisque le fait de porter le tissu en poils de troll alluma le voyant rouge, alors que quelques minutes plus tard l’échange contre des sous-vêtements synthétiques eurent pour effet d’allumer le voyant vert.

Le soir même, le roi déclara que Gégé était réparé et de retour. Il annonça également que dorénavant il n’y aurait plus besoin de premier ministre et que ce serait le roi lui-même qui prendrait la responsabilité d’appuyer sur le bouton blanc, par amour pour son peuple évidemment. La fête fut grandiose ce soir-là.

Et le lendemain matin, le voyant vert s’alluma, le roi ayant bien entendu enfilé des sous-vêtements synthétiques. Monsieur Crash fut exfiltré dans une petite exploitation très loin au Sud du pays, avec un stock de vêtements adaptés pour lui fermer la bouche. C’est depuis ce jour que l’armoire à lingerie du roi est gardée en permanence par deux soldats et qu’il est seul chaque matin au moment de s’habiller. La plupart du temps il garde ses vêtements en poils de troll, qui continuent à activer le voyant rouge à peu près une fois par mois, mais pour le fun, de temps en temps, il enfile un de ces sous-vêtements synthétiques pour créer un effet de surprise lorsque le moral de la population mollit. Et tant pis pour le pauvre troll qui disparait ainsi avant son heure. La paix du royaume est à ce prix.

samedi 15 novembre 2014

Il y a départ et départ



Oui, il y a plusieurs sortes de départs. 

Anecdotiquement je quitte Dakar cette nuit pour Paris et quitter l'Afrique est toujours un sentiment difficile. Ceux qui ne la connaissent pas s'en font plein d'idées, certains ne la supportent mais ceux qui l'aiment sentent bien ici un dynamisme et une modernité en croissance rapide.

Historiquement et puisque c'est le weekend-end du G20 en Australie - un pays qui aime donner des leçons au monde entier tout en s'en protégeant - on annonce le départ avancé et surprise de Poutine. Il faut dire que la bronca anti-lui des occidentaux prend de l'ampleur et qu'il reçoit des vents de partout à l'ouest, mais toujours pas de mistral cependant. Le splendide isolement à des vertus, mais il ne faut pas en abuser. 

Ici on parle beaucoup du départ raté de Blaise Compaore. Les quelques fidèles regrettent qu'il ne se soit pas exprimé la veille de la révolution. Il a raté son coup. Mais la veille d'un départ surprise, ce n'est pas l'heure du départ ! Finalement ces fidèles reprochent au chef de les avoir déçus au dernier moment. Un départ ça se prépare pourtant. 

En ce qui concerne Bouteflika, le départ se rapproche. Pour raisons de santé, il mourra en scène comme Molière. Et les algériens préparent activement le relais. Car en politique, on parle de passage du relais, pas de départ. 

Dans un autre registre, le petit robot Philae a quitté non pas sa comète mais l'état de veille. Il a accompli beaucoup, il a foré. Maintenant il dort en attendant son retour quand il y aura plus de lumière dans quelques mois, s'il ne s'est pas décroché d'ici là. 

Toujours pour la science, départ pour une autre éternité d'Alexandre Grothendiek un des plus grands mathématiciens des temps modernes. Un caractère dans tous les sens du terme qui a laissé une œuvre considérable inspirant la totalité des matheux actuels. Son œuvre est protéiforme, pleine de maths mais aussi de philo et d'écologie politiquement radicale. Il a tellement écrit que le décryptage de son travail prendra des années, sans compter ce qu'il a caché dans sa petite maison au fin fond de la montagne, dans un exil volontaire et respecté de tous. Une éternité qu'il avait déjà atteinte en maths. 

Et pour finir par l'Afrique, car on y revient toujours, deux départs :
- la CAN reprend le départ puisqu'elle quitte le Maroc et qu'elle s'établit en Guinée équatoriale (hispanophone) à ne pas confondre avec la Guinee Bissau (lusophone) ou la Guinée tout court (francophone et ébolaphone). Petit pays plein de pétrole et de pauvres... Et donc de stades de foot. 
- Ebola justement à officiellement quitté la RDC. ça n'empêche pas les africains de se saluer dans la rue "comme des chinois" avec les mains jointes sans se toucher. Le G20 promet d'agir contre Ebola. Il ne reste plus qu'à attendre qu'ils agissent comme promis. 

Île de Gorée, vue de la petite corniche à Dakar. Un lieu mythique de départ vers une vie d'esclavage. 

vendredi 14 novembre 2014

Il est temps de préparer Noël, à votre santé

Comme vous le savez maintenant je suis à Dakar où j’ai passé quelques jours… et non, non, je ne serai plus à Dakar pour le Sommet de la Francophonie, le Sommet où l’on saura si la classe dirigeante de la Francophonie va rajeunir un peu ou pas (et se féminiser à l’occasion). En fait je repars ce soir pour vous écrire votre nouvelle habituelle du dimanche à temps.

La température à Dakar est typique du mois de novembre… ici. Pas de neige ni de sapin donc. Mais cela n’empêche pas de penser à Noël. Le 15 novembre, c’est demain et c’est la date traditionnelle pour commencer à se faire envoyer ses cadeaux de Noël achetés sur l’Internet. Les américains attendent eux un peu plus tard pour avoir droit à leur Black Friday (le vendredi noir qui suit Thanksgiving et qui sonne le début de la saison des achats avec des tonnes de réduction partout) qui se répand même en France, alors que l’on ne fête pas exactement la dinde fourrée (Est-ce une contrepèterie ?). Ce sera le jeudi 27 novembre (Est-ce un attentat contre la Francophonie puisque les ministres d'icelle se réuniront ce jour là ? A noter que les canadiens ont déjà fêté Thanksgiving le 13 octobre cette année, certainement pour apporter du soutien à leur candidate au poste de secrétaire général de la Francophonie et éviter le mélange des genres. Elle a déjà été représentante de la Reine d’Angleterre au Canada et le mélange est déjà assez corsé comme ça.

Je ne vous présenterai qu’un seul cadeau possible - sans y avoir d’intérêt commercial particulier. Il s’agit d’un calendrier de l’Avent version mécréant. Cela fera hurler les catholiques intégristes qui déjà ont du mal avec le calendrier chocolaté produit à des millions d’exemplaires et trouvable un peu partout même chez votre fromager (si,si !) Ce calendrier de l’Avent est d’un nouveau genre et intéressera tous les vrais sportifs par exemple. Le voici :


Oui, oui, vous avez bien vu ! (et vous aurez bien bu après, haha). On peut l’acheter ici, en espérant qu’il ne soit pas interdit avant ;) Evidemment, vous pouvez vous fabriquer le même chez vous, mais c’est quand même plus rigolo. Une bière différente chaque jour du 1er au 24 décembre inclus. On espère pour les amateurs de bières que la sélection en vaut la peine. Evidemment le problème principal réside dans le fait qu’ils ne fournissent pas les verres à bière. Et depuis la lecture de ce billet de 2013, vous connaissez l’importance du verre. Peu n’importe pas le flacon pourvu qu’il soit beau et qu’on ait l’ivresse avec.

A propos de bière, je tiens à signaler que je suis très sobre (hic) et que ce n’est pas parce qu’il fait chaud ici que je suis en train d’en siroter une. En Afrique on trouve quelques grandes bières classiques. Au Sénégal, comme dans d’autres pays francophones de la région, une fois, on trouve principalement ces trois bières :



 La Gazelle, la simplissime et délicate gazelle de base, avec ses dérivés plus chics, la Flag et la Castel.
Tout ça est conçu dans la même brasserie, ici celle de Dakar


A noter, pour les universitaires (sportifs et assoiffés) ce très bel ouvrage aux PUB, les presses universitaires de Bordeaux (hips), intitulé « Boissons et civilisations en Afrique ». Vous noterez l’ordre des mots dans le titre (hips). Vous y lirez cette intéressante histoire des brasseries en Afrique après la décolonisation.

Bon maintenant que vous avez soif, je vous conseille de boire un verre d’eau, tant qu’il reste de l’eau potable et bonne pour la santé sur la Terre.