vendredi 17 avril 2015

Expliquer.

Bon, si on parlait un peu de philo ? Il est encore trop tôt pour le Bac et sa fameuse épreuve de philosophie tant redoutée, mais il n'est pas trop tôt pour d'autres épreuves, bien plus difficiles. L'image ci-dessous nous montre le sujet (d'hier) de la composition de philo pour entrer à Normale Sup cette année. Six heures.


Six heures et un mot "Expliquer". C'est un peu sec, vous pensez ? Quelques explications :

- Ce concours est réputé comme le plus difficile de France (et certainement l'un des plus difficiles au monde) et l'un de ses principes est de déstabiliser ceux qui peuvent l'être tout en étant hyper-sélectif, bien au-delà d'autres concours plus tournés sur des compétences existantes.
- Le sujet s'inscrit dans le thème de l'année, histoire de le replacer dans son contexte. Or le thème de cette année était la science. Ce qui permet d'expliquer un peu mieux le mot expliquer.
- La philosophie est un ensemble de méthodes à appliquer à tout un tas d'objet ou à elle-même, comme ici. La philosophie ne doit reculer devant rien.
- Souvent les sujets de philosophie comprennent plusieurs mots qu'il faut commenter séparément ainsi que l'articulation entre eux. Avec un seul mot il s'agit donc de l'articulation avec soi-même. Et a priori en y réfléchissant bien il n'y a pas de difficulté majeure à ce sujet.

Je vous vois soupirer. Vous préférez prendre un café au soleil que d'avoir à rester six heures devant une feuille à remplir sur ce sujet. Je vous comprends. Mais ce sujet est remarquable, vraiment et au delà des humours désabusés de celles et ceux qui ne savent pas comment s'en dépêtrer. Explique, point. Expliquer un point c'est tout.

Expliquer c'est un art difficile, surtout en sciences. Pour mémoire, la philosophie est considérée comme une science aussi. Expliquer ce n'est pas trouver des causes, simplement. Tous les scientifiques savent qu'on ne peut expliquer sur le fond que dans certaines conditions : montrer qu'une théorie antérieure est fausse car un fait vint la contredire, comme disait Popper par exemple. On se voit bien écrire des heures sur le sujet, non ?

Expliquer, en tous cas, est un mot avec plusieurs avantages : il met dans l'ombre les doctrines où on n'a pas besoin d'expliquer, mais juste d'accepter : les terrorismes, les religions, les dogmes décrétés ; il met en plus au défi d'expliquer avec un adverbe derrière : clairement (ce qui se comprend bien s'énonce bien), complètement (est-ce possible ?), hypothétiquement (sur la base de conjectures fulgurantes). Expliquer pose enfin des questions de type journalistique, sans parler de vulgarisation : expliquer quoi, à qui, par qui, comment, quand (merci à Galilée), où ?

Le mot expliquer a beaucoup disparu du langage des médias et des politiques. Alors, vive les philosophes ! Et à l'ère des tweets, vive les sujets courts.

PS : ce jeudi se tient aussi aux USA la plus importante convention de l'année autour de Star Wars. Sauront-ils "expliquer" la force et les midi-chloriens ?

PPS : Pour ceux qui se demandent en quoi une calculatrice pourrait être utile pendant une épreuve de philo, je vous donne quatre heures, cela devait suffire pour l'expliquer !

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