jeudi 16 juillet 2015

Massification rampante dans les universités françaises ?

Le principal syndicat étudiant en France, l'UNEF, a remis un rapport sur la sélection à l'entrée des universités. La situation empire : il est de plus en plus difficile d'entrer à l'Université dans la filière de son choix et les sélections sont de plus en plus nombreuses.

Quelques mots là-dessus, car c'est un débat complexe et qui dure depuis longtemps, avec des positions bien tranchées (au sens à la fois du couteau dans le dos et de la guerre des tranchées) :

- l'UNEF publie une enquête sur le sujet, alors que la CPU - la Conférence des Présidents d'Universités - parle d'un rapport, au sens rapport administratif. Subtile différence de mots qui montre un état d'esprit différent. Une enquête a vocation à être une somme de faits observés, à analyser ensuite. Un rapport est une suite d'analyses et de recommandations. Chacun vit un peu dans un monde différent et cela se voit d'ailleurs dans les conseils qui gèrent les universités où ces deux populations se côtoient, pas toujours harmonieusement...

- La CPU n'est pas uniforme là-dessus (et sur plein d'autres sujets également d'ailleurs). Lisez les réactions du président de Cergy ou du patron de la CPU. Elles sont différentes, même si sur le fond, les présidents d'universités pensent que ce n'est pas illégal, puisqu'il y a supplément de formation avec des besoins différents du tout-venant, comme on disait dans les Tontons Flingueurs, ce qui suppose un recrutement adapté, des pré-requis comme disent les pédagogues. L'argument massue de la CPU c'est que toutes ces formations sont de facto disponibles à travers le "portail" APB qui est la source quasi unique de recrutement en première année sur ces filières ouvertes. Or le portail APB est géré par le ministère, donc les formations qui sont dessus sont légales. Ipso facto et CQFD, cogito ergo sum, veni, vidi, vici ! Qu'on arrête donc de dire que c'est illégal ;)

- Pour certaines filières en surnombre - les STAPS sont les plus souvent citées - il y a multiplication des tirages au sort, ce qui est évidemment un système injuste et juste à la fois. Pour d'autres filières, l'ajout d'options favorise les recrutements sur dossier. Certaines de ces options ne sont pas toujours légitimes et peuvent n'avoir comme but que de filtrer les inscrits, puisqu'elles peuvent être abandonnées en cours d'année, une fois inscrit, ou en 2° et 3° année...

- Les taux de réussite au Bac continuent à être énormes (plus de 86% cette année) pour satisfaire le critère des 80% d'une classe d'âge, invariant postulation d'une politique à coup d'indicateurs symboliques. Résultat, 50 000 étudiants en plus sont à la recherche de places cette année. Et le nombre de places a réduit, car les universités ont moins d'argent. Joli paradoxe d'une massification à la française où les mains droite et gauche font des choses différentes.

- La massification touche beaucoup de pays dans le monde, principalement dans les pays en développement, puisque la démographie explose et que le développement attire mécaniquement de plus en plus de jeunes vers des formations supérieures (par opposition aux formations inférieures). Dans beaucoup de ces pays, il y a construction d'universités, recrutement d'enseignants et tutti quanti. En France, crise et politique obligent, on réduit les moyens de l'enseignement supérieur et on laisse les universités gérer toutes seules les conflits.

- L'UNEF réclame plus de moyens, plus de places dans les universités. C'est son rôle. La question sur le mythe des formations supérieurs pour tous, adaptées à la fois aux désirs des jeunes, aux emplois existants et qui seront disponibles au moment de leur sortie quelques années plus tard, aux capacités des enseignants, aux capacités d'accueil des universités et autres formations supérieures, est un mythe à la vie dure. L'équation paradoxale qui même moyens et ambitions, coût de la scolarité et nombre d'étudiants, filières recherchées et filières par défaut est un sac de noeuds qui s'agite chaque année à la même époque. Le gouvernement, les préfets et les recteurs d'académie promettent que chacun trouvera une place. Il n'empêche que le gâteau se réduit et qu'il y a de plus en plus de convives autour de la table. En plus c'est un gâteau friable, donc on ne peut pas couper des parts trop petites, sinon il ne reste que des miettes ;)

- Dans tout ça, on ne s'occupe pas des taux de fuite, des 2° et 3° années, de plus en plus sélectives. Le poids symbolique de ce Rubicon qu'est le passage entre Bac et Première année est tellement fort qu'il cache le reste de la forêt supérieure de l'enseignement.

- Bon courage aux bacheliers et bienvenue dans la vraie vie ! Soyez audacieux (bold) et ne lâchez rien. L'avenir dépend de vous !


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