vendredi 17 juillet 2015

Une Afrique qui avance à petits pas financiers

L'Afrique est le continent à la mode chez les partenaires internationaux du développement. Cette expression recouvre aussi bien les Etats développés "du Nord" que les grandes entreprises multinationales que les parties prenantes impliquées lourdement dans l'endettement de la plupart des pays africains. On parle de l'Afrique sur beaucoup de plans mais hier s'est conclu une n-ième conférence à Addis (en Ethiopie) sur la lutte contre la pauvreté et la possibilité de financements nouveaux.

Dans certains domaines l'Afrique va vite mais dans celui des financements internationaux, de leur contrôle, de leur transparence et dans l'équilibre Nord-Sud des pouvoirs, ça traîne ! Et il n'y a pas que l'Afrique.

Les participants saluent quand même une avancée. Ca avance toujours, parai-il, dans les réunions organisées par l'ONU, un peu comme les deux escargots qui allaient à l'enterrement d'une feuille morte, mais sans que la Lune veille sur eux depuis le ciel... Quoique le Ramadan se finit aujourd'hui puisque la Lune et le Coran en ont décidé ainsi. Pour mesurer l'étendue de l'avancée, lisons ce qu'en dit le Secrétaire général des Nations-Unies : cet accord constitue « une importante avancée vers un monde de prospérité et de dignité pour tous ». L'Humanité est donc sauvée, ouf.

En pratique, ce genre de Sommet est toujours l'occasion d'affrontements entre blocs. Cette fois c'était le groupe des 77 (qui sont 134 en fait, dont l'Ethiopie - pays organisateur de la conférence -qui voulait à tout prix un accord) pays les moins développés, contre ceux de l'OCDE (34 pays très développés) emmenés par les anglos habituels de service (USA, UK). Le compromis a tourné à l'avantage du Nord, cette fois-ci encore, mais c'est de plus en plus fragile. Le vent du désert risque de bientôt tourner dans l'autre sens ou de créer des tourbillons catastrophiques.

Sur le plan financier, 2500 milliards de dollars sont jugés nécessaires pour atteindre les nouveaux objectifs de l'ONU pour 2030. Vous connaissiez les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) qui allaient de 2000 à 2015. Bienvenue dans le nouveau royaume des ODD, les objectifs de développement durable que l’ONU est en train d'essayer de fixer pour 2015-2030, contre la pauvreté et la faim dans le monde, et pour un changement climatique maîtrisé... Les Etats riches se sont engagés, ce qui ne mange pas de manioc, sur l fameux seuil de 0,7% que personne ou presque ne respecte.

En échange les pays pauvres voulaient mettre en place des moyens multilatéraux de lutte contre l'évasion fiscale, pour les aider à rapatrier de l'argent chez eux plutôt que de le voir prospérer dans les pays du Nord et les paradis fiscaux inféodés aux mêmes pays et utilisés en masse à la fois par les grandes entreprises multinationales et par les dictateurs et autres corrompus des sociétés africaines. Las, les pays du Nord trouvent que cela serait une mesure nuisible et inutile (!) et ils ont refusé de placer une telle agence sous le contrôle de l'ONU. Ils ont préféré proposer l'OCDE (le club ds pays riches) pour ce faire.

C'est quand même mieux quand on se contrôle soi-même et quand on maîtrise les moyens de contrôler les autres. On ne risque pas de trop mauvaises surprises. En plus, quand c'est votre "club" qui contrôle un secteur, vous êtes certain de ne pas être emmerdé par des experts indépendants ou des organismes multilatéraux, des machins, sur lesquels vous n'avez aucun poids ou presque. Dans la grande bataille du bilatéral contre le multilatéral, ce Sommet a donc été une victoire de plus pour le bilatéral, même déguisé en faux multilatéral.

Mais les africains sont philosophes. Ils se félicitent de pouvoir lutter plus efficacement contre l'évasion fiscale et la corruption, ainsi que contre les manoeuvres légales des grandes multinationales (souvent américaines ou chinoises) pour ne pas payer d'impôt, de taxes ou de droits dans leurs pays. En ce sens, un esprit nouveau a soufflé sur ce Sommet d'Addis. On s'en souviendra.

Je vous ai menti un peu. Ce Sommet était mondial et ne concernait pas que l'Afrique. Mais c'est bien l'Afrique quand même qui était au coeur de toutes les pensées, comme zone à surveiller à l'avenir.

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