mercredi 30 septembre 2015

Un nouveau regard sur le monde

Pour certains, le monde ne change pas vraiment. En général ce sont les pessimistes qui disent ça, quoique les vrais pessimistes disent que ça va toujours de mal en pis. Les partis politiques sont par exemple toujours autant perçus comme des maux nécessaires, et les aventures de EELV en sont un bon symptôme avec une autre démission fracassante ce matin. L'état général du monde et de ses violences est également un sujet sur lequel on a toujours l'impression que les états de guerre (et les Etats en guerre) sont aussi nombreux, même si c'est trompeur puisqu'à de rares exceptions près ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont en guerre ou en crise profonde.

Pourtant le monde change en permanence. Peut-être est-ce notre regard sur le monde qui ne change pas assez, en restant fixé sur des époques révolues. Cela doit plus toucher les personnes âgées, mais n'allez pas croire que les jeunes soit à l'abri. On est presque toujours la personne âgée d'un plus jeune que soi, même en étant ado ou jeune adulte.

Alors ça fait du bien de changer de regard, quand ça arrive.
Hier, j'ai changé de regard, laissez-moi vous raconter.

Opéré d'un oeil - un cristallin artificiel corrigeant ma vue - il y a quelques années, j'ai vu ma vue baisser un peu, si j'ose dire, récemment. Doucement, comme le lent glissement progressif du déplaisir. Je suis donc allé voir mon ophthalmo préféré - et qui m'avait opéré - et en deux temps trois mouvements, il m'a lancé une vingtaine de coups de laser dans l'oeil. Un geste simple, sans douleur, moi assis tranquillement comme pour un examen normal de lunettes. Cinq minutes en tout. Un geste fréquent, semble-t-il, dans ce genre de situation, sans conséquences et qui visait à "nettoyer" quelques saletés autour de mon cristallin. Un geste qui ne devrait même pas être à reproduire. Un de ces miracles quotidiens de la médecine moderne, quand elle s'attaque à des problèmes connus et maîtrisés.

Et ma vue est redevenue comme au lendemain de mon opération.
Une vue parfaite de près et de loin.

Un nouveau regard sur le monde donc. Une capacité à voir tous les détails du paysage et des monuments à Paris par exemple. Un émerveillement de re-constater la beauté du monde autour de nous, dans son fourmillement de détails tous plus fascinants les uns que les autres. Une vision claire et nette du monde comme s'il était un monde neuf - en tous cas pour nous, les myopes. C'est encore mieux que de changer de lunettes. C'est comme si on naissait à un monde nouveau, à sa lumière et au contraste des choses, et des gens.

Cela peut vous apparaitre comme un détail, mais la netteté du regard et la capacité de s'émerveiller face à un monde qui n'a pas eu le temps de changer en quelques heures (avant-après) sont des puissants facteurs pour faire évoluer le monde, de mon point de vue. Il suffit finalement de peu de choses pour être capable de comprendre mieux le monde. Et d'agir dessus, donc, si on le souhaite. Mais comment ne pas le souhaiter après une telle transformation ?

Evidemment, la nouveauté va s'estomper, comme toutes les nouveautés. Mais le plaisir et la joie sont là et j'ose espérer qu'ils sont durables et pérennes. Alors, oui, essayons de rester capable d'étonnement devant le monde, même sans opération, faisceau laser ou nouvelles lunettes.

Car finalement l'ennui et l'uniformité molle sont les pires ennemis de l'avenir.

mardi 29 septembre 2015

POPB est mort

POPB ? Késaco ?

C'est le Palais Omnisports de Paris Bercy, bande d'ignares. Le machin bizarre au bout des jardins de Bercy. A l'époque, quand il a été construit, le quartier était minable et plein d'entrepôts plus ou moins à l'abandon. C'est devenu un grand parc public très agréable, le lieu d'hébergement de la cinémathèque, une galerie de restaurants de tous les styles a l'autre bout avec un gros complexe de cinéma. Et le POPB a gentiment fonctionné dans cet entonnement transformé par l'arrivée du ministère des finances qui le domine à tous les points de vue.

Le POPB était connu pour ses pelouses penchées et son système innovant (et cher) pour les tondre, avec des tondeuses de type dahu. Il accueille du sport (tous) et des spectacles à grande échelle. Un joli pari et un atout pour une ville comme Paris candidate à plein de choses et à un statut de capitale complète.

Le Conseil de Paris a donc entériné hier le changement de nom de cette enceinte où l'on a pu voir chanter, danser et jouer tout un tas de personnages célèbres au fil des années. Exit le POPB, bonjour la AccorHotels Arena POPB.

On appelle ça du naming. Changer le nom d'un lieu public en le privatisant avec un sponsor qui achète ce droit (un million d'euros par an semble-t-il seulement dans ce cas). On connaît tous la O2 Arena à Londres. C'est le même principe pour Paris qui essaye d'imiter Londres dans ce domaine au moins. Il y a quand même quelques différences. AccorHotels c'est un peu long comme nom. Tout le monde dira très vite Accor Arena je pense, à ne pas confondre avec la macarena. Dommage d'ailleurs qu'Apple n'ait pas sponsorisé, car effectivement la Mac Arena ca aurait swingué. En plus à Londres, la O2 Arena, c'est une petite ville dans la ville, avec restaurants, commerces, attractions et expos. On peut y venir en dehors des événements et y passer plein de temps (et y dépenser beaucoup d'argent). On imagine mal cela au POPB sauf à entreprendre de massifs travaux qui devraient alors aller plus loin que la rénovation. Le quartier de Bercy ne se prête pas à ce déluge de marchandisation.

A propos de marchandisation, le vote du conseil de Paris a été obtenu par le PS avec l'appui de la droite parisienne, puisque les Verts et le front de gauche ont justement voté contre cette démonstration évidente de mondialisation marchande. À suivre car d'autres lieux pourraient être ainsi relookés, renommés. On pense par exemple à l'Opera L'Oréal-Garnier ou au Stade de France Télécom, ainsi qu'au palais de l'Elysée Bolloré et à La Tour Eiffel-Bouygues.

Une nouvelle ville se dessine. On espère que la programmation de cette enceinte renouvelée sera moins ringarde qu'avant ! Et n'oubliez le Qatar Prix de l'Arc de Triomphe ce weekend enfin à Longchamp (c'est du cheval, pas de la maroquinerie)

lundi 28 septembre 2015

Eclipses et missions

François est à New-York, comme Tintin en Amérique en son temps, pour l'assemblée générale de l'ONU, grand raout annuel où se retrouvent les diplomates influents et certains chefs d'Etat. Cette année, bonne affluence de têtes présidentielles, à cause de la Syrie notamment mais aussi des fameux nouveaux objectifs pour le développement post 2015 (dont on avait parlé ici le 3 août...)

Cette mission spéciale de François a été précédée de frappes aériennes françaises en Syrie, avec un sens du timing très précis. On peut faire confiance aux militaires sur ce point. Histoire pour François, comme il le reconnait lui-même, d'avoir le "droit" de s'asseoir à la table des négociations internationales, avec Poutine et Obama. En ménageant la chèvre et le chou (ou le chou et la chèvre, comme vous préférez) puisqu'il s'agit d'aider El Assad tout en le combattant. Exercice périlleux. La France a joué un rôle en Syrie par le passé - via son protectorat - mais elle a toujours préféré le Liban morcelé et voisin à la Syrie religieusement plus intègre.

François a donc disparu momentanément de Paris. Les souris n'ont pas l'air de danser en l'absence du chat. Il faut dire que c'est plus un gros matou ronronnant qu'un félin sauvagement friand de souricidés de gauche. Sarkozy en a profité hier pour se valoriser, toujours contre François, sans parler de programme futur. C'était à l'occasion du meeting de lancement de la campagne de Pécresse pour les régionales en Île-de-France. Mais le message des ténors chez les républicains est troublé par la multiplication des égos et des déclarations à tout va. Nadine Morano en a rajouté une couche dans le racisme en parlant de la race blanche en France (si, si, elle a osé !) et les concurrents de Sarkozy pour affirmer chacun leur côté va-t-en guerre. On parle dans ce parti de combattre le dictateur syrien et l'extrémisme islamiste mais en fait on ne pense qu'à dégommer François et les socialistes.

A propos d'éclipse, les journaux télévisés qui ont parlé de la visite de François à New-York - siège des Nations-Unies - ont visiblement surtout parlé des danseuses du Moulin Rouge (si, si) qui l'accompagnaient pour vanter le savoir-faire français... Hum, hum. Libé dit même que leur présence a éclipsé celle du président... Hum, hum. Les médias ne sont pas sérieux (moi non plus, remarquez).


A propos d'éclipse, la journée d'hier (presque) sans voiture dans certains quartiers de Paris a semble-t-il amené à une baisse significative de la pollution dans ces mêmes quartiers, mais à une stagnation ailleurs, voir même une légère hausse au global. La nature a horreur du vide et les automobilistes aussi. Ca s'appelle les vases communicants, histoire de déplacer les bouchons et leurs gaz d'un quartier à l'autre. Une opération rigolote mais encore un peu trop symbolique à Paris. On attend toujours, par exemple, le nombre de voitures touchées en France par le scandale VW qui s'st étendu aux autres marques du groupe et à d'autres constructeurs.

Toujours à propos d'éclipse temporaire, c'était cette nuit la fameuse lune de sang (périgée + éclipse), mais un peu tôt ce matin à mon goût. Une photo quand même, tirée du Monde pour les lève-tard. La prochaine dans une vingtaine d'années... On en a parlé ici.

C'est le Pont Alexandre III, à Paris, libéré de ses cadenas

Les étoiles, les planètes et leurs satellites, c'est beau quand même. On aura une pensée émue ce soit vers 18h car la NASA est censée annoncer une nouvelle majeure sur Mars, notre planète soeur (et rouge). Les spécialistes parient sur une nouvelle liée à la découverte d'eau liquide... On verra bien. Mise à jour ce soir ici même. En attendant lisez ça ;)

La NASA a confirmé ce soir les traces d'eau salée liquide. Ils ne disent pas les proportions mais il doit y avoir beaucoup de sels et peu d'eau, en été (martien) près de son Equateur. La NASA veut évidemment envoyer un robot par là (2020 ?) si elle trouve les financements et elle utilise astucieusement ce type d'annonce pour amener un vote positif du congrès sur ses crédits. De l'eau même très salée est évidemment une chance pour toute exploration humaine.



dimanche 27 septembre 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle fonction

Jules se gratta l'épaule. Il avait vraiment exagéré sur la plage le dernier jour de ses vacances et ses coups de soleil étaient là pour lui rappeler qu'il fallait mettre de la crème. Oui mais voilà, quand Jules était en vacances, il ne raisonnait pas vraiment et en plus il n'avait pas de compagne pour lui étaler la crème. Alors il s'en foutait un peu. Maintenant qu'il revenait au travail, il aurait tout le temps de récupérer et de se remettre au parfum, car il avait passé des vacances loin de tout ! D'ici quelques jours, le coup de soleil serait parti et de toutes façons il était seul dans son bureau. Il pouvait se gratter autant qu'il voulait sans gêner personne.

Il faut dire que le travail de Jules n'était pas fatigant et lui laissait toute latitude pour remplir ses mots croisés, se gratter ou surfer sur ses sites favoris. C'était quand même un travail important pour son entreprise, puisqu'il devait contrôler les documents publiés et en vérifier l'orthographe et la syntaxe. Un travail facile pour lui, car il était très à l'aise avec les mots. Un travail léger sur son cerveau puisque les textes en sortaient aussi vite qu'ils étaient rentrés. Certains de ses collègues le regardaient en souriant et se moquaient gentiment de lui comme d'un employé inutile. Il s'agissait évidemment de ceux qui faisaient le plus de fautes et Jules sourit intérieurement. Lui se savait utile et bon dans son métier. Et tant pis pour les autres !

En se grattant l'épaule, Jules faillit renverser son café du matin. Il avait naturellement fait un arrêt devant la machine à café avec l'intention de saluer ses collègues, de raconter ses vacances et d'apprendre tous les potins qui n'avaient pas manqué de s'accumuler pendant ces quelques semaines d'absence, mais il n'avait encore vu personne. Il arriva donc beaucoup plus tôt que prévu à son poste de travail, un peu déçu. Pas grave, se dit-il, je les verrai à la pause déjeuner.

Il eut juste le temps de poser son café sur le bureau et le téléphone se mit à sonner. Etrange, se dit-il, si tôt que ça ? Pourtant tout le monde sait que je n'arrive jamais aussi tôt... Jules s'assit quand même et décrocha, non sans avoir remarqué que sa corbeille "arrivée" était vide.

- Allo, Monsieur Jules Fréton ? dit une voix inconnue au téléphone
- Oui, lui-même. Bonjour. A qui ai-je l'honneur ?
- Ah Monsieur Fréton, nous sommes très heureux de pouvoir vous parler enfin. Pourriez-vous me dire ce que vous pensez faire à propos de l'affaire Marchandais ? répondit d'un air obséquieux la voix toujours inconnue.

Jules sursauta. L'affaire Marchandais ? Cette histoire de trafic international de drogue qui avait défrayé la chronique pendant l'été et qu'il avait suivie dans le journal local ? Une sombre histoire qui concernait un patron de groupe de presse et qui incluait quelques parties fines ? Jules trouvait tout ça débile. Il aurait bien donné un grand coup de balai dans ce groupe.

- Mais vous ne m'avez pas dit qui vous étiez, et pourquoi vous me parlez de cette affaire sordide et qui se terminerait par un grand coup de balai dans le groupe si ça ne tenait qu'à moi ? dit-il comme s'il pensait tout haut.
- Ah merci, Monsieur - prononcé avec un très grand M - nous apprécions beaucoup votre aide.

L'inconnu raccrocha et Jules regarda son téléphone un peu ahuri. C'est quoi ce truc, se dit-il avant de prendre une lampée de café. Puis il sourit un grand coup, ce qui n'est pas recommandé quand on boit du café, et s'étouffa presque. Oui, c'est ça ! Ca doit être une blague de ses collègues pour son retour. Il reprit une lampée, plus calmement cette fois et se dit que ses collègues lui avaient manqué.

Jules eut le temps de finir son café. Puis il regarda encore une fois sa corbeille arrivée. Elle était toujours vide. Il n'avait donc rien à faire. Il se gratta l'épaule pour se donner une contenance puis ouvrit son ordinateur. Pas de messages électroniques non plus. Ca c'était vraiment bizarre. Même pas un spam pour lui vanter les mérites d'un médicament miraculeux ou d'une technique imparable pour perdre du poids.

Jules regarda le fond de son gobelet et se décida à aller en chercher un autre. Il espérait croiser un collègue, et il sourit lorsqu'il reconnut le dos de Marcel à côté de la machine à café. Marcel ! Le collègue le plus sérieux de la boîte, pas comme Albert qui lui racontait les pires blagues de la Terre. Au moins, il allait pouvoir comprendre cette histoire de blague. Marcel était incapable d'une once d'humour et il lui dirait la vérité. Cela dit, il mourait d'envie d'aller voir Albert qui devait avoir accumulé pas mal de nouvelles histoires à raconter pendant ses vacances. Mais Marcel ferait l'affaire pour éclaircir son mystérieux coup de fil du matin.

- Bonjour Marcel, lança Jules à la cantonade en arrivant par derrière. Marcel sursauta et renversa son café.
- Jules ? bredouilla-t-il.
- Ben oui, c'est moi. Je t'ai fait peur ? Tu as mis du café partout !
- Du café ? ah oui, du café. Oh c'est pas grave... Marcel semblait complètement affolé. Jules le regarda un instant.
- Tu vas bien, Marcel ? Tu as l'air tout chose.
- Non, non. Je vais bien, je t'assure. Excuse-moi je dois filer, j'ai du travail. Et il fila. Il s'enfuit même, sous le regard interloqué de Jules. Juste avant de franchir la porte, Marcel se retourna et réussit quand même à lancer "Et félicitations pour ta nomination !" avant de disparaître dans le couloir de la comptabilité.

Jules resta quelques instants immobile. Soit la blague devenait plus complexe, soit il s'était passé quelque chose. Une nomination ? Pendant son absence ? Jules hésitait toujours entre blague et réalité. C'était son premier matin, alors il prit les choses avec philosophie. On verrait bien. Il se gratta l'épaule - avant de prendre son gobelet cette fois - et revint à son bureau, toujours sans croiser personne.

Jules se rassit à son bureau et alla sur l'intranet de l'entreprise. Il ne vit rien de spécial. Il était toujours marqué comme "correcteur". Aucune trace de nomination ou de changement dans l'organigramme... Il s'installa confortablement et attendit l'arrivée du courrier. On avait dû mettre de côté les dossiers à corriger pendant son absence. Il navigua sur l'Internet et se perdit dans les méandres des liens plus ou moins rigolos. Il se permit même de faire quelques détours sur des tests comparatifs de crèmes anti coup de soleil.

A 13 heures, son téléphone sonna. Jules sursauta. Il n'avait pas vu l'heure passer, ni le courrier d'ailleurs et sa corbeille d'arrivée était toujours vide. Aucun collègue n'était venu le saluer. Jules ne comprenait pas, mais il décrocha quand même.

- Allo, Monsieur ? dit la même voix inconnue au téléphone
- Oui, lui-même. C'est vous ? Qui êtes-vous ?
- Merci pour tout, Monsieur. Avez-vous une suggestion pour la Chine ? Le président chinois arrive bientôt.
- La Chine ? s'exclama Jules. La Chine ? Mais je n'en ai rien à faire, moi, de la Chine. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent les chinois et leur président aussi ! On a déjà assez de problème ici. Si ça ne tenait qu'à moi, le président chinois, on lui dirait ses quatre vérités.
- Vous êtes sûr, Monsieur ? demanda d'une voix incertaine la voix.
- Oui ! Mais qui êtes-vous enfin ? C'est une blague ?
- Une blague ? Oh non, Monsieur, je ne me permettrais pas. Merci encore.

Et la voix raccrocha. Jules regarda son téléphone. Il voulait le frapper mais cela n'aurait pas servi à grand chose. Il respira et reposa le combiné avec soin. La prochaine fois, s'il y en avait une, ce serait lui qui poserait les questions.

Jules remit sa veste et sortit de l'immeuble. Il avait besoin d'air et de manger. Il s'acheta un sandwich industriel à la supérette du coin et s'installa sur un banc au bord de la fontaine au milieu du square. Il n'avait pas vraiment envie de retourner travailler. Entre ses collègues absents ou fuyants et ces coups de téléphone bizarres, il ne se sentait pas très motivé. N'oublions pas non plus que c'était la rentrée pour lui. Il décida soudain de se faire porter pâle pour l'après-midi.

Il décida quand même d'aller se prendre un petit café dans son troquet habituel avant de reprendre le bus. La patronne était derrière son comptoir, comme d'habitude. Elle avait l'air de trôner telle une reine. A chaque fois qu'il entrait, Jules se sentait un peu diminué, mais peut-être qu'au fond il aimait ça. C'était quand même bon de retrouver ses habitudes, se dit-il en refermant la porte.

La patronne le regarda. Elle baissa tout de suite les yeux et ne le regarda plus. Elle lui servit automatiquement une noisette, comme d'habitude - et partit vite dans l'arrière boutique. Le bar était vide, à part deux hommes en costume au fond en train de ne pas boire deux bières, les verres encore pleins. Jules posa ses pièces sur le comptoir et but son café, un peu inquiet. Il ne savait plus quoi penser. La douce voix de la télé n'était qu'un fond sonore derrière le tumulte de son cerveau.

Puis il regarda l'écran. Quelque chose avait attiré son attention. C'était le journal. On parlait de la Chine. Il augmenta le son, en habitué qu'il était. Le présentateur annonçait qu'une déclaration surprise du gouvernement, à quelques jours de l'arrivée du président chinois, venait de jeter un pavé dans la mare des relations du pays avec la Chine. Un langage absolument pas diplomatique dans ce genre de situation. Jules regardait fasciné la déclaration du Premier ministre et les premières réactions qui saluaient son courage et celui du Président.

Jules reposa sa tasse soigneusement sur la soucoupe. Il visa mal et renversa un peu de café sur le zinc. Il regarda fasciné la petite coulée de café qui venait vers lui. Il était comme tétanisé. Il vit à peine l'un des deux hommes en costume stopper le café avec son mouchoir. Sans le regarder.

Jules sortit en courant du café. Il ne voulait qu'une chose, rentrer chez lui ! Il prit le bus comme un zombie et se retrouva sur son lit en un rien de temps. Il ne put dormir de l'après-midi. Le téléphone sonna plusieurs fois, mais il ne décrocha pas. Il se sentait épuisé et en même temps bouillonnant.

Ce n'est que le soir venu qu'il alluma sa télé. Il passa une grande partie de la nuit à zapper d'une chaine d'info à une autre. On y parlait beaucoup de la Chine et des conséquences des déclarations du jour. Les chinois s'étaient même fendus d'une déclaration pour répéter leur attachement aux relations entre les deux pays et pour insister sur l'importance de la rencontre à venir entre les deux présidents. L'affaire Marchandais était également mentionnée, mais ce n'était déjà plus la grande nouvelle du jour.

Jules éteint finalement la télé, se gratta l'épaule et se coucha. Il s'endormit rapidement. C'est au matin qu'il se souvint que cet été avait eu lieu la désignation du nouveau Président. Une désignation aléatoire, comme à chaque fois. Il se rasa et enfila sa plus belle veste. En sortant, il ne fut aucunement surpris de voir des hommes en costume l'attendre, avec quelques motards et une grosse voiture noire. L'un des hommes lui tendit un téléphone.

Jules s'installa sur la banquette arrière. Il n'eut pas longtemps à attendre avant de recevoir un coup de téléphone. Il se gratta une dernière fois l'épaule et décrocha.

samedi 26 septembre 2015

Dimanche à Paris

Ca y est. Après le décret jeudi au JO pour ouvrir les dimanches certaines portions de Paris, les arrêtés sont parus aujourd'hui samedi. En fait il s'agira d'un grand nombre de dimanches pour ces zones touristiques ainsi que des soirs, exemple pour la zone Montmartre ici (pdf).

Évidemment la maire de Paris est contre, même si elle est socialiste. Elle se positionne comme l'alternative à Valls, dans la lignée de Chirac maire de Paris puis président. Donc elle doit être contre et elle se plaint du manque de concertation... Avec elle. Classique. Évidemment certains syndicats sont contre, surtout celui qui a gagné des fortunes contre les Virgin et autres Fnac qui ouvraient tard le soir. C'est même, disent les mauvaises langues, la raison d'être unique de ce syndicat roi du Clic. Rappelons quand même que la loi oblige les employeurs à ne pas imposer un travail nocturne ou le dimanche si le salarié ne le veut pas. Enfin... Tout dépend du rapport de force. Comme ce sont les grandes enseignes qui vont profiter le plus de cette nouvelle mesure, on peut douter de cette obligation.

Les tracés des zones sont donc dans les arrêtés parus ce samedi. Ils incluent des rues périphériques étranges. Étranges, jusqu'à ce qu'on regarde quelles enseignes y sont implantées. On y trouve des Fnac et autres magasins du même groupe, par exemple. Le lobbying n'est donc pas si rare que ca en France. Quelques rues s'échappent ainsi des périmètres plus ou moins fermés, dessinant une ville à deux vitesses en forme de taches et d'éclaboussures.

A Montmartre, la zone est limitée au cœur de Montmartre - bien loin du projet initial qui englobait toute la butte officielle -  mais avec quelques extensions, comme le Marché Saint-Pierre et la rue de Steinkerque célèbre pour ses boutiques de tissus pas chers et clinquants, ses pickpockets et ses joueurs de bonneteau. Le quartier des Abbesses y est mais seulement au-dessus de la rue, dommage pour la rue Véron. La rue Lepic y est en totalité, tant mieux pour Amélie Poulain et pour le célèbre Peppone.

Il sera intéressant de voir comment ces différents quartiers vont évoluer avec le temps, et quelles enseignes vont chercher à s'y installer. Car ce genre d'aménagement du temps n'est jamais neutre sur un quartier. Le Marais, par exemple, ouvert depuis longtemps le dimanche, est devenu le quartier avec le plus de réservations AirBnB à Paris. Il devient difficile d'y trouver une location normale. 

Alors bons dimanches et bonnes soirées de shopping à Paris. Choisissez juste bien votre quartier !

vendredi 25 septembre 2015

Droit de préemption, gens d'Ormesson

Drôle de mot que cette "préemption". Un mot que l'on retrouve dans la plupart des actes de vente ou d'achat de biens immobiliers. Un mot qui est devenu, à en croire les notaires, un mot vide, récité de manière incantatoire parce qu'il est légal mais que personne n'y croit vraiment. On l'écrit, on le lit, mais tout le monde vous dit qu'il n'est jamais utilisé par les personnes publiques, ce droit, sauf à de très rares exceptions.

François l'avait annoncé jeudi et la possibilité juridique avait été confirmée. Le droit de préemption pourrait être exercé par l'Etat pour la construction de logements sociaux dans les communes qui refusent d'en construire. Annonce fracassante ce matin de la première vraie application de ce droit dans une petite commune d uVal-de-Marne.

Gens d'Ormesson, puisqu'il s'agit de vous, vous verrez bientôt de nouvelles constructions arriver chez vous, sur un terrain mixte dont une partie est la propriété de l'Etat et l'autre entre les mains de propriétaires privés (donc normaux). La maire de la commune proteste. Normal, c'est une Sarkozette issue de LR (Ligue révolutionnaire Les Républicains).

Le droit de préemption est un droit complexe, pas toujours au bénéfice de l'Etat d'ailleurs ou des communes. Il est à distinguer de l'expropriation, puisqu'il n'y a préemption qu'en cas de vente volontaire du bien par son propriétaire, alors que l'expropriation force un propriétaire à vendre son bien. Les avocats spécialistes se frottent déjà les mains, devant le nombre d'affaires de ce type qui vont surgir. On parle d'une liste d'une trentaine de villes récalcitrantes qui ne jouent pas le jeu de la loi SRU. Les présumés coupables seront dévoilés sur la place publique fin octobre par le premier ministre lui-même. On attend avec impatience de connaître la proportion de villes pour chaque parti politique (du maire élu). Il devrait y avoir peu de villes de gauche, mais il y en aura forcément pour démontrer que ce n'est pas une manoeuvre politique (hum hum).

A propos de ville bizarre, un mot sur Fréjus et son maire FN qui est vent debout contre l'ouverture d'une mosquée sur sa commune. Cette mosquée a été construite et a obtenu toutes les autorisations légales. Le FN n'avait même pas voté contre. Elle a ouvert hier (pour la fête du mouton, joli symbole Panurgien) et le jeune maire avait organisé une manif contre l'ouverture. Il n'y a pas eu de provocation ou de trouble à l'ordre public, mais on voit bien à l'aune de ce micro-événement que le pouvoir des maires est énorme et au service de politiques qui peuvent être très discriminantes.

Le problème de l'immobilier (ou des infrastructures en général) c'est qu'entre la durée des études, les délais pour les autorisations, les votes de différentes autorités dont le conseil municipal et le temps de la construction, il peut s'écouler beaucoup de temps entre l'idée et l'inauguration. Ce qui permet à la municipalité de changer de couleur et d'opinion. Le temps politique est dans l'immédiat, souvent même dans le "coup médiatique". Pas la réalité du terrain. A bâtir, évidemment.

jeudi 24 septembre 2015

Happy birthday to you !

Un p'tit beurre, des touillous
Un p'tit beurre, des touillous
Un p'tit beurre, des touillous...(votre nom)
Un p'tit beurre, des touillous !

Depuis mardi 22 septembre, la fameuse chanson Happy birthday to you est enfin libre de droits. Tout le monde peut la chanter en public et en privé et l'intégrer à ses films ou autres productions multimédias. Un juge californien en a décidé ainsi (décision en pdf anglais).

Vous ne saviez pas que cette chanson était protégée par le droit d'auteur ? Vous aviez tort. Beaucoup de films et autres radios ont dû s'acquitter de droits importants pour l'intégrer. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, si vous revissions certains films, vous y trouverez d'autres versions de chansons d'anniversaires, libres de droits. Maintenant c'est fini. Tout le monde peut chanter cette célèbre chanson ! Youpi ! Joyeux anniversaires...



En fait la musique était libre de droits depuis longtemps mais pas les paroles. C'est fou, hein ? Des paroles simplissimes pourtant ! Lire les détails dans cet article.

Evidemment il y a anniversaire at anniversaire. On célébrait hier la mort de Sigmund Freud, à la même date que Yom Kippour cette année et on a aujourd'hui la fête du mouton pour les musulmans et même l'automne qui vient d'arriver. Quand on parle anniversaire ici, c'est plutôt pour des enfants, la famille ou des amis. Car cette chanson doit être chantée avec des voix de faussets (pas difficile pour moi) et pas tout-à-fait synchronisés.

C'est quand même un soulagement de savoir qu'on ne risque plus rien en postant sur YouTube la petite vidéo avec cette chanson et votre bambin devant son gâteau. Les compagnies détentrices de droits (légitimes ou trolls comme dans mon billet d'hier) sont à l'affût de telles publications. Il y a eu cette affaire il y a peu, d'un chien dansant - une de vidéos virales dont l'interner est friand - avec un fond de musique derrière, vidéo que l'éditeur musical a demandé de retirer car elle blessait son portefeuille. Sur ce coup le juge a tranché en faveur de la maman de bonne foi. Il y a aussi ce combat de plus en plus puissant pour l'open source à tous niveaux, débat furieusement contradictoire entre ayatollahs du libre, usagers, auteurs et éditeurs de contenus.

XKCD

PS : Je ne vous parlerai pas aujourd'hui de l'anniversaire de M. Sassou-Nguesso, le président du Congo Brazzaville. Il vient d'annoncer un changement de constitution qui lui permettrait de se présenter à plus de 72 ans pour un autre mandat, après trente ans accumulés au pouvoir. Emeutes tranquilles ou pas à prévoir. Comment on chante "Dégage !" déjà ?

mercredi 23 septembre 2015

Troll maladif et obscène

L'affaire du jour se passe aux USA. Elle n'a rien à voir avec la visite du Pape ou même celle du numéro 1 chinois. Il s'agit de cette histoire d'augmentation de prix d'un médicament essentiellement destiné aux malades atteints du VIH-Sida. Un article du Figaro ici, mais lisez plutôt là en anglais.

Un troll (Martin Shkreli) - comprenez un fonds d'investissement véreux, un hedge fund - a racheté les droits sur des vieux brevets pour un médicament (Daraprim) et en a augmenté le prix de 5000%, soit pour passer de 13,50$ à 750$ en une seule fois. Ce médicament date de plus de 60 ans et avait été inventé pour certaines maladies aujourd'hui quasiment disparues mais il est maintenant très utilisé par les malades atteints du VH pour lutter contre la toxoplasmose qui les menace particulièrement. Il y a longtemps ce médicament était déjà passé de 1$ à 13,50$... C'est le seul médicament efficace dans ce cas. Pas de générique, car le marché est trop petit.

L'argument invoqué est simple : l'argent récolté nous servira à financer des recherches - comprenez le rachat de nouveaux brevets tombés dans l'oubli pour faire fortune en augmentant de manière obscène les prix, sans aucun souci des conséquences pour les malades. Enorme levée de boucliers aux USA et Hillary Clinton en a fait un de ses combats (électoraux). Le troll annonce qu'il va rétropédaler...

Ce comportement de troll est bien connu. Il ne s'agit pas de compagnies ayant créé des produits et essayant de les vendre le plus cher ou le plus longtemps possible. Il s'agit de compagnies fantômes sans infrastructures rachetant des brevets et essayant de les monnayer, soit à coup de procès pour obtenir des royalties, soit en augmentant drastiquement les prix et le coût des licences. On connait bien cette catégorie dans le cas de l'informatique. Il y a tellement de brevets dans ce domaine qu'il y a des dizaines de compagnies trolls qui fleurissent sur ce marché. Il faut savoir qu'aux USA par exemple on accorde souvent des brevets pour un peu n'importe quoi.

Mais le marché médical était à peu près protégé jusqu'à l'initiative scandaleuse de Turin, la boite trolleuse qui fait le buzz. Un mauvais buzz pour le coup, mais dont son patron ne s'émeut pas. Il a dit sur Twitter qu'il était là pour faire de l'argent et a envoyé un doigt d'honneur à la presse. Vive le marché libéral non régulé !

Cette nouvelle tombe assez mal pour un pan entier de l'industrie technologique américaine, car le développement des biotechnologies est pressenti par tous comme un futur eldorado. Ces mélanges entre médecine et technologies devraient nous envahir dans les années à venir avec des profits énormes. Il y a de l'innovation ici, évidemment, mais la guerre des brevets y fait rage. Et les trolls sont nombreux à attendre leurs proies, à côté des "gentils" inventeurs. Les investisseurs se précipitent en effet sur tout ce qui bouge dans le secteur, au cas où.

La science c'est beau, non ?

mardi 22 septembre 2015

Journée sans voiture, mais avec voitures

La journée sans voiture c'est aujourd'hui. Enfin, c'était. Depuis quelques années cette journée européenne est devenue une semaine de la mobilité. Comprenez par là des transports autres que la voiture, en commun, à vélo, à pied, à cheval, en taxi ou Uber... Certaines villes sont très actives, notamment en Espagne, mais en France c'est un peu le désert. La journée internationale est ignorée et à Paris, c'est dimanche prochain qui a été choisi. Article critique à lire ici, sur Libé.

Dimanche prochain quelques heures seront donc sans voiture dans quelques quartiers très limités, de Paris et pas dans les quartiers où la voiture est traditionnellement interdite, comme Montmartre par exemple. Une opération a minima en France. Normal. On ne peut pas à la fois préparer la COP21 et lutter pour un monde meilleur au quotidien, non ?

Le problème avec toutes ces journées internationales, c'est qu'elles s'empilent et qu'on les oublie aussi vite. Le 8 mars, journée des droits de la femme en étant le plus fameux exemple. Ce jour là on ne dit plus "Macho un jour, macho toujours" mais plutôt "Macho toujours, macho pas ce jour". Pour les voitures, sachant que plein de véhicules peuvent circuler puisque en France l'exception est la règle, on ne verra pas vraiment la différence.

On se demande si les véhicules Volkswagen pourront circuler d'ailleurs, sachant que maintenant ce sont tous les moteurs diesels modernes qui sont touchés, plus de 11 millions d'autos dans le monde, et le compteur tourne toujours. On en a parlé hier, mais le scandale enfle.

La bagnole occupe donc nos pensées, en plein salon de Francfort en plus. Imaginer un monde sans voiture est impensable dans notre société actuelle, de plus en plus urbanisée pourtant, donc un monde qui a de moins en moins besoin de voiture en ville. Que faire d'une voiture individuelle en ville ? Comment mieux la partager, comment la rendre non polluante ? Ceux qui travaillent sur l'avenir ont pourtant des projets : le moteur à eau devient fiable, les ingénieurs viennent d'inventer un moteur avec un rendement inédit capable d'aller sur Mars et retour avec très peu de carburant, et les automobiles autonomes se développent à grande vitesse avec notamment le combat Google-Apple.

Ces autosautos - automobiles autonomes - ou bisautos seront-elles visibles dans un avenir proche ? Les conducteurs seront-ils prêts à abandonner cette part de sauvagerie en eux qui les fait frémir quand ils prennent le volant ? La notion de voiture - de houature comme disait Queneau - et la paire indissociable qu'elle fait avec celle de conducteur ou de conductrice, est en effet une notion duale plutôt qu'individuelle. Il n'y a qu'à voir le soin apporté à leur voiture par leurs conducteurs. Une intéressante thèse sur ce sujet ici. Je me souviens d'une étude ancienne sur les aménagements intérieurs des véhicules, avec force photos, où l'on voyait le soin avec lequel les conducteurs décoraient leur "intérieur" comme si c'était l'endroit le plus intime de leur monde. Je n'ai pas pu retrouver le lien vers cette étude et ses photos, malheureusement, mais je crois qu'elle venait de l'INRETS.

Alors oui la voiture est utile. Quand elle l'est vraiment parce qu'on est pressé ou qu'on ne peut faire autrement. Mais elle ne l'est pas partout. Qu'au moins cette journée sans voiture soit l'occasion d'y penser... un peu.



lundi 21 septembre 2015

Volkswagen : Gas Auto

Gros scandale pour le constructeur allemands d'automobiles dont les pubs envahissent nos écrans. Alors que VW vante la qualité de ses voitures, la qualité de l'entreprise et la qualité environnementale de ses produits, le constructeur vient de se faire épingler aux USA (et peut-être ailleurs aussi, à suivre).

Depuis plus de six ans, les modèles sophistiqués vendus aux USA (Beetle, Audi, Passat, Golf...) étaient presque tous équipés d'un dispositif pour tricher sur les émissions de gaz. Il s'agit de modèles diesel. Les émissions de particules fines - particulièrement surveillées car très dangereuses pour la santé humaine - étaient truquées : un "logiciel" installé spécialement par le constructeur - ou son importateur ? - détectait à quel moment était lancé un test anti-pollution par les autorités américaines et modifiant les émissions de gaz pour les ramener en-dessous de la limite autorisée. Ce dispositif très temporaire permettait donc aux presque 500 000 voitures identifiées de passer sans problème les contrôles officiels et de se voir décerner un diplôme de qualité environnementale, l'un des arguments forts de vente de VW aux USA entre autres.

Une vraie triche, une vraie arnaque, comme le vendeur de voitures d'occasion du coin est capable de vous en faire (Helle Nixon). Sauf qu'ici on parle d'une arnaque industrielle - de série - et d'un groupe allemand à envergure mondiale qui fait le contraire de tout ce qu'il dit. Le patron de VW se dit "navré". Le pauvre homme. On espère que sa retraite chapeau sera encore assez dorée pour lui permettre de s'acheter quelques châteaux dans un pays exotique.

Il arrive souvent que les constructeurs doivent rappeler certains véhicules pour un défaut de fabrication. Cela arrive à tous. Et de plus en plus souvent. Mais un dispositif de triche organisé à cette échelle - et ce n'est que le début de l'affaire - est inédit, proprement inédit si j'ose dire. Quelques têtes vont tomber, c'est sûr et vous pouvez vous attendre à un marketing "de crise" encore plus puissant de la part de ce constructeur qui nous vend "das auto".

Le marketing, c'est fantastique. C'est un bel outil d'information et de rêve. Mais entre les mains de gens malhonnêtes - car il y a forcément beaucoup de gens malhonnêtes dans cette histoire - le marketing est une arme létale. Mortelle pour les humains de la planète, because pollution au-delà de normes déjà très permissives, mensongère pour les acheteurs de tels véhicules, méprisante pour les autres. On a beau le savoir "en général" on ne peut qu'être surpris une fois de plus par la non-éthique de certains.

Je remarquerai, pour finir, que la plupart des analystes s'inquiètent plus pour le cours en bourse de VW que pour l'environnement. A quelques mois de la COP21, c'est plaisant. Angela va devoir ramer pour justifier le bon comportement de son pays, connaissant le poids économique et politique de VW en Allemagne. Et en France alors ? On attend les réactions de PSA, notre champion national du diesel.

dimanche 20 septembre 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle flèche

Il était une fois un royaume dont la reine était une sorcière. Très gentille au demeurant, mais une sorcière quand même, avec tout ce que cela impliquait de sorts lancés à tort et à travers et de privilèges accordés à toutes celles et à tous ceux qui étaient dotés du Don. Ce royaume était donc peuplé de sorciers, de sorcières et de magiciennes de toutes origines. Le bouche à oreille avait fonctionné à merveille et ils avaient afflué avec le temps. Ils occupaient tous les postes importants du royaume et les simples habitants - faut-il dire normaux ou anormaux d’ailleurs ? - étaient relégués à des postes subalternes.

Grigor était né dans le pays et il n’avait pas accès au Don. Depuis son plus jeune âge, il avait compris la différence avec ses camarades d’école qui en disposaient. Un nombre très limité de cours étaient communs aux deux groupes d’enfants, autour des matières de base ou des langues vivantes, mais pour tous les autres cours, les futurs sorciers allaient dans une partie réservée de l’école, protégée évidemment par un sort. Les enfants comme Grigor passaient alors leur temps à apprendre des choses de leur niveau, sachant qu’ils seraient un jour garçons d’écurie, cultivateurs ou valets de pied. Grigor avait choisi - ou plutôt on avait choisi pour lui à cause de la couleur paille de ses cheveux - de devenir garçons d’écurie, histoire de se fondre encore un peu plus dans le décor.

Dans sa grande bonté, la reine avait cependant voulu que chaque enfant non sorcier puisse apprendre aussi quelque chose d’unique, de particulier à lui. C’était un peu démagogique mais cela avait marché. Tout le monde semblait content. Le choix se faisait à l’âge de dix ans, pour une passion qui les accompagnerait toute leur vie, comme un hobby. La plupart des enfants choisissaient des activités en groupe, et très ludiques, comme apprendre à danser, à chanter ou à jouer d’un instrument de musique. Mais pas Grigor.

La musique retentissait tout le temps dans la capitale du royaume. Toutes sortes de musiques. Les groupes se formaient et se déformaient à tout moment et le royaume était petit à petit devenu célèbre pour la qualité de ses musiciens, tous sans le Don évidemment. Car jamais une sorcière ne se serait abaissée à faire de la musique. Il leur suffisait de lancer un sort à un instrument de musique et celui-ci se mettait à jouer tout seul. Cela permettait d’assister à des scènes dont les habitants étaient toujours très friands : des duels entre un groupe de musiciens locaux et quelques instruments ensorcelés. La plupart du temps, c’était naturellement les instruments transformés par les sorcières qui étaient les meilleurs, de l’avis général. Mais cela motivait les habitants à s’améliorer, donc à prendre plus de cours et à pousser leurs enfants à faire mieux.

A dix ans, Grigor était orphelin et se trouvait petit. Il n’aimait pas sa voix de fausset. Il avait un lance-pierres. Il voulait grandir. Il demanda des cours de tir à l’arc.

L’affaire remonta jusqu’à la reine, car personne n’était archer dans le royaume. Il n’y avait d’ailleurs pas de vrai soldat. Les sorcières dirigeaient le pays et savaient qu’elles pouvaient se protéger contre toutes les attaques. Les sorciers mâles, eux, profitaient du bon temps sans rien faire, comme dans la plupart des autres royaumes d’ailleurs.

La reine fut bien embêtée. Elle avait donné sa parole, donc elle devait tenir sa promesse. Mais elle ne connaissait aucun archer. Elle réunit donc un conseil de sorcières et après de longs débats, elles décidèrent de faire venir - avec le Don naturellement - un petit dieu qui savait tirer à l’arc. Elles ignoraient ses pouvoirs exacts, mais tous les livres disaient qu’il tirait vraiment bien à l’arc. Elles négocièrent donc un accord avec le conseil des Dieux, quelques couches de nuages au-dessus, et tous se mirent d’accord pour dix ans de cours. La reine, très fière d’elle, vint annoncer en personne la bonne nouvelle à Grigor, qui fut pour l’occasion promu dans l’écurie de la reine.

Grigor commença donc ses cours. Au début, certains venaient les regarder, mais très vite, quand ils comprirent qu’il ne fallait pas chanter pendant les séances de tir à l’arc, ils revinrent à leur marottes musicales. Grigor s’enthousiasma très vite pour le tir à l’arc. Il semblait doué et le petit dieu s’enticha de lui. Il lui apprit progressivement des trucs secrets et mille manières de tirer en touchant toujours la cible à l’endroit voulu. Grigor apprit ainsi à tirer des flèches de toutes tailles et dans toutes les positions, même à cheval.

Laissons grandir Grigor quelques années, histoire qu’il devienne un beau jeune homme de vingt ans et le meilleur archer du pays - ce qui n’était pas difficile car il était le seul - mais certainement aussi du monde. Pendant ce temps, le royaume prospérait. Il faisait donc des envieux. La reine et ses commandos de sorcières de choc gagnèrent facilement quelques batailles contre des envahisseurs bêtes comme leurs chaussons. Elles en arrivaient même à regretter qu’il n’y eût pas plus d’attaques de ce genre, car cela mettait un peu de surprise dans leur vie.

Enfin, tout cela, c’était avant l’éruption du volcan qui se trouvait au nord du pays.

Lorsque le volcan se réveilla, la reine dormait. Elle savait qu’une énorme armée se dirigeait vers la frontière sud du royaume, et elle se délectait déjà à l’idée de les mettre en déroute dès le surlendemain. Elles avaient prévu, elle et son conseil de sorcières, d’aller attendre les prétendus envahisseurs pour les mettre en fuite le matin suivant. Elle fut réveillée en sursaut. Elle avait des palpitations et une horrible sensation dans la poitrine. Une peur infinie qu’elle n’avait jamais ressentie avant. Elle se leva précipitamment et se dirigea vers le balcon de la salle du trône pour voir de quoi il s’agissait. Elle ne fut pas la première à arriver - car il fallait quand même se faire belle avant de sortir de sa chambre, elle était reine enfin ! Les autres sorcières membres du conseil était déjà là. Toutes étaient échevelées, le regard livide. Toutes regardaient le volcan, au loin.

La reine sut que quelque chose de terrible était arrivé. Elle essaya d’allumer - magiquement - une lampe et n’y arriva pas. Toutes les autres sorcières la regardaient maintenant. Elle comprit alors qu’elles venaient toutes de perdre le Don. Plusieurs sorcières se mirent à pleurer. Elles avaient espéré que la reine, la plus puissante d’entre elles, aurait été épargnée par l’étrange pouvoir qui s’était réveillé avec le volcan. Mias que nenni. Toutes les sorcières les plus puissantes du royaume étaient dans le même état.

La reine ne mit pas longtemps à réaliser que la situation était grave. Elles ne pouvaient pas user de leurs pouvoir magiques, ni même convoquer une armée de soldats du Don, puisque tout accès au Don leur était impossible. Une armée ennemie approchait et il restait à peine plus de 24 heures pour sauver le royaume.

La reine décida donc de constituer une armée pour combattre sur le terrain les ennemis, lourdement armés et très professionnels. Elle envoya plusieurs proclamations à travers le royaume. Mais à midi, le lendemain, elle descendit dans la cour d’honneur du palais et elle ne put que constater l’échec de cet appel. Aucun sorcier n’était venu, car ils se terraient tous au fonds de leurs grottes, tétanisés par la perte de leur Don. Les habitants avaient rigolé en pensant que c’était une blague, et de toutes façons ils étaient trop occupés à faire de la musique pour avoir appris un quelconque mouvement qui aurait été utile dans une bataille, même quelques secondes. Il n’y avait qu’un seul homme dans la cour. C’était Grigor évidemment, avec son arc et son carquois rempli de flèches de toutes sortes.

La reine ne put s’empêcher de sourire. Un seul soldat ! Un beau soldat d’ailleurs, elle fut un peu surprise de découvrir un beau  jeune homme. Mais un seul soldat ne pourrait jamais arrêter une armée à lui tout seul. Elle félicita Grigor qui eut l’air très heureux de ce sourire. Il avait un sourire charmant d’ailleurs, se dit-elle. Mais elle s’ébroua bientôt. Ils étaient en guerre, la situation était désespérée et elle n’avait qu’un soldat - charmant d’ailleurs, se redit-elle. Elle eut une pensée subite et demanda à Grigor où était le petit Dieu. Grigor lui répondit qu’il venait de terminer son contrat de dix ans et de repartir hier au pays des dieux.

La reine jura. Ce n’est pas beau de jurer, ni  pour une femme ni pour une reine, mais elle était une sorcière avant tout et pouvait se le permettre, même si Grigor sembla un peu surpris. Il est beau quand ses yeux sont comme ça se dit-elle. Puis elle leva les yeux au ciel, à la fois parce qu’elle était énervée par ce départ inopiné, quoique prévu de longue date, et pour tenter de voir où était ce dieu maintenant inaccessible. Elle repensa alors au volcan et un soupçon terrible traversa sa tête - qu’elle avait d’ailleurs fort jolie, si je ne vous l’ai pas déjà dit. Et si cela avait un rapport, se dit-elle ? Si le petit dieu leur avait fait une farce en partant ?

La reine réfléchit intensément quelques minutes. Grigor la regardait sans oser bouger. C’était la reine après tout. Et une fort jolie reine en plus. Il admirait ses formes et la couleur de sa peau. Le galbe de ses bras nus et la forme de son cou. Le lobe de ses oreilles aussi. Et puis la forme de sa bouche. Plus les secondes passaient, plis il tombait amoureux de sa reine. Il aurait fait n’importe quoi pour elle.

Et justement, la reine terminait sa réflexion et le regardait. Il était vraiment très séduisant se dit-elle. Dommage qu’il ne soit pas sorcier. Sorcier ? Pourquoi, au fond ? Avec la perte du Don, il n’y avait plus de différence entre les sorciers et les humains normaux... Hum, cela ouvrait des horizons intéressants...

Elle s’ébroua encore une fois. Puis elle parla à Grigor qui buvait ses paroles. Elle lui expliqua la situation et lui raconta ses soupçons. Il la regardait avec passion, maintenant, mais il écoutait quand même. Il lui dit qu’il comprenait et qu’il savait ne pas pouvoir combattre à lui tout seul une armée bien équipée, mais qu’il pourrait essayer de trouver le petit dieu et de le forcer à rétablir la situation comme avant, si c’était bien lui le coupable. Grigor conseilla quand même à la reine de bien se cacher au cas où cela ne fonctionnerait pas et lui annonça qu’il allait partir immédiatement pour le volcan voir ce qui s’y passait. Il la regardait avec des yeux énamourés et elle aussi, mais aucun ne s’en rendait compte. La reine, chose inconcevable, l’embrassa sur la bouche et lui aussi. Puis Grigor enfourcha le cheval le plus rapide de l’écurie royale, qu’il bichonnait tous les jours, et fila vers le volcan. La reine, comme une somnambule rejoignit ses appartements. Toutes les sorcières du palais la regardaient et toute la gamme des émotions se retrouvait sur leurs visages.

Grigor arriva très vite au volcan. Il ne vit rien d’anormal et se mit à grimper la pente en spirale. Bizarrement, il n’y avait aucune coulée de lave et il arriva sans encombre au bord du cratère. Une fumée épaisse sortait de là et montait tout droit dans les nuages, très haut et très loin. Toujours à cheval, Grigor décida de descendre au fond du volcan et de voir ce qui s’y passait. Son arc était prêt et la flèche la plus meurtrière y était encochée.

La descente ne fut pas plus difficile que la montée. La fumée semblait l’éviter en s’enroulant autour de lui tout en lui laissant une bonne visibilité. Il arriva en bas. Il s’attendait à une chaleur insoutenable et à un lac de lave en fusion, mais il n’y avait rien d’autre au centre du volcan qu’un trône - assez simple, en bois, mais très délicatement ouvragé - et le petit dieu assis dessus. Il fumait la pipe. Une petite pipe mais d’où sortait l’immense nuage de fumée qui envahissait le ciel et qui avait visiblement coupé les sorcières et le pays du Don.

Grigor descendit de cheval et s’avança devant le petit dieu. Il lui dit : « C’est toi qui a fait ça ? »
- Oui, répondit le petit dieu
- Mais pourquoi ?
- Parce que les sorcières le méritaient.
- Mais c’est cruel. Pour la reine et pour le royaume. Les étrangers vont nous envahir et peut-être lui faire du mal. Je ne peux pas en supporter l’idée,
- Tu ne peux pas en supporter l’idée ? Tiens, tiens, dit le petit dieu avec un regard amusé.
- Euh oui, répondit Grigor en rougissant un peu, mais là n’est pas la question, se reprit-il avec une vois presque assurée.
- Et qu’en a dit la reine ?
- La reine ? Euh, je ne sais plus exactement. Elle était troublée et moi aussi, bredouilla Grigor.
- Troublée ?
- Euh oui, elle m’a même embrassé. C’était merveilleux.
- Elle t’a embrassé ? Dit le petit dieu en se levant brusquement.
- Euh oui. Enfin, moi aussi je l’ai embrassée je crois.
- Ah, ah ! Tout n’est peut-être pas perdu alors, s’exclama le petit dieu en rigolant. Est-ce que tu as vérifié tes flèches ?

Grigor, fut surpris du ton très différent du petit dieu. Il regarda immédiatement son carquois. Toutes les flèches semblaient y être, des plus grandes aux plus petites. Toutes ? En y regardant bien il remarqua que la plus petite était absente. Il répondit alors, sur le même ton qu’il avait adopté depuis dix ans que le petit dieu était son professeur: « Oui maître, je viens de vérifier. Elles y sont toutes sauf la plus petite, celle que vous m’avez toujours interdit de décocher. Celle dont je ne connais pas l’utilité. »

Le petit dieu le regarda quelques instants, puis il battit légèrement des ailes et toucha la joue de Grigor : « Je vais devoir te quitter, Grigor. Tu as été un élève formidable et tu vas pouvoir maintenant devenir un excellent professeur. Et bien d’autres choses encore. La petite flèche, c’est moi qui l’ait tirée hier soir. Tu n’as pas besoin de savoir où. Mais elle a atteint sa cible. Ses cibles plutôt. Alors maintenant je vais remonter dans mon royaume. Pour rétablir la situation, c’est simple. Tu tires la flèche la plus puissante au fond du puits. Au revoir Grigor ».

Et le petit dieu s’envola rapidement sans que Grigor puisse esquisser un mot ou un geste. Il le regarda monter comme une flèche vers les nuages. Puis il regarda le trône. Mais celui-ci avait disparu. A la place était un joli puits, avec une margelle en marbre. Le filet de fumée à l’origine de tout sortait du puits. Grigor s’en approcha. Le puits semblait profond. Très profond.

Avec un dernier regard vers le ciel, où il ne distinguait plus son ancien maître, Grigor tendit son arc et de toute sa force qui était grande, il tira la flèche exactement au centre du puits, vers le bas.

Il n’entendit aucun bruit, mais le filet de fumée s’arrêta de sortir, et tout de suite le nuage se sépara en milliers de petits nuages qui se dissolvaient dans l’air. Grigor regarda le cratère. Tout était vert et fleuri et un petit chemin amenait tranquillement au puits à partir du bord du cratère. C’est celui-ci qu’il emprunta pour remonter la pente. Un chemin que beaucoup d’amoureux emprunteraient certainement à l’avenir, à son avis. Arrivé en haut, il galopa vers le palais. Mais déjà les cloches sonnaient à pleines volées. Un arc en ciel entourait le palais et Grigor sut que les sorcières avaient retrouvé leur Don. Repousser l’invasion du lendemain serait une formalité.

Grigor sut aussi qu’on n’aurait plus besoin de lui et il ralentit son cheval. Ce n’était pas la peine de se presser. Il allait redevenir un simple palefrenier et en plus il n’aurait même plus de cours de tir à l’arc. Il rentra donc tête basse à l’écurie. Le soir tombait déjà (déjà ?) et la nuit était noire quand il eut finit de s’occuper du cheval.

Il s’apprêtait à sortir de l’écurie quand une silhouette (magnifique) apparut en contre-jour devant lui. La cour était illuminée de flambeaux naturels et de sphères du Don. La silhouette s’avança vers lui et la reine l’embrassa. Il l’embrassa aussi.

Depuis ce jour, le royaume des sorcières a changé. La reine et le roi ont engendré beaucoup d’enfants, les mariages mixtes entre sorcières et humains se sont multipliés et la situation de tous s’est améliorée, sauf celle des sorciers qui ont peu à peu quitté le pays. Une école royale de tir à l’arc a été ouverte, où le roi lui-même vient enseigner de temps en temps, quand la reine insatiable lui en laisse le temps. Mais le roi Grigor ne s’en plaint pas. Lui-même ne peut plus se passer d’elle.

samedi 19 septembre 2015

Patrimoine itinérant

Journées du patrimoine. Je vous propose un voyage original. Patrimoine de la France et de la SNCF vus d'un TGV Paris Lille. Ce n'est pas Versailles mais c'est la France vue du train, pas du ciel. Un mélange de vieux et de nouveau, de moche et de laid avec un peu de beau par-ci par-là et même une de mes mains. Brut de décoffrage. Au moins pas besoin de faire la queue ;) 

C'est parti. 


vendredi 18 septembre 2015

Des IgNobel amoureux cette année

Jeudi, à Harvard, la cérémonie des igNobel a rendu son verdict annuel, un peu avant les Nobel. Ce prix existe depuis 1991 soit 24 ans (comme 24 heures mais en plus grand). On en avait évidemment parlé en 2012 et en 2013 et en 2014. Petite revue des lauréats de cette année (dix "équipes" cette année encore) :

Chimie
Il est possible de débouillir partiellement un œuf. Imaginez que vous mettiez votre œuf dans l'eau bouillante et que vous changiez d'avis : Ah non, pas un œuf dur mais un œuf coque, par exemple. C'est possible. Quoique les américains et australiens aient certainement eu besoin d'appareils compliqués qu'on ne trouve pas dans votre cuisine. Voici une découverte utilement inutile. Je ne sais pas s'ils ont utilisé des œufs d'autruche ou de caille, cependant.

Physique
La preuve est enfin faite que presque tous les mammifères mettent le même temps a vider leur vessie ! Soit 21 secondes en moyenne, plus ou moins 13 secondes quand même. Impressionnant non ? Vous imaginez une souris et un éléphant à côté l'un de l'autre en train de faire pipi ? C'est assez fascinant, même s'il peut arriver qu'on (je ?) batte le record (21+13=34). Ce sont des américains et des chinois de TaÏwan qui se sont attelés à la tâche ingrate de mesurer ces temps. On espère qu'ils étaient bien protégés...

Littérature
Des hollandais se sont intéressés au mot "huh?" (Hein ? En français) et ont trouvé qu'il existait dans toutes les langues, sans trop savoir pourquoi. Hein ? C'est quoi cette découverte ? On n'a même plus le droit de souffler en s'étonnant et en aspirant en même temps ? Non mais quoi ? Hein ? Huh, répondent les scientifiques même pas capables de trouver une explication. Pffffffffffffff. Heu, bon, c'est un sujet délicat qui peut faire hésiter, c'est vrai !

Management
Une équipe très internationale mais avec un français (cocorico, voir le prix de biologie), a découvert que beaucoup d'hommes d'affaires et de patrons ont été confrontés dans leur enfance à au moins une grosse prise de risque et qu'ils ont aimé ça. Cela s'est passé lors de catastrophes naturelles - tremblements de terre, éruptions volcaniques, tsunamis, incendies de forêts - mais qui n'avaient aucune conséquence personnelle pour eux. Très intéressant. Être confronté au risque préparerait à la prise de risque en tant que leader plus tard ? Oui, mais attention, seulement si vous n'êtes pas en danger vous-même ! Pas grave si vos employés ou actionnaires le sont. Très instructif. On aimerait la même étude sur les politiciens ! Un prix nouveau cette année, pour célébrer le courage très prudent des grands milliardaires.

Économie
Un prix très attendu, décerné cette année non a des scientifiques mais a la police de Bangkok en Thaïlande, sur la base d'articles de presse. La police de Bangkok a trouvé un système pour combattre la corruption : il s'agit de donner de l'argent liquide aux policiers qui refusent de recevoir des pots-de-vin. Un système très intéressant, très paradoxal aussi si vous réfléchissez un peu. Un système récursif qui peut devenir pyramidal comme on dit en finance. En tous cas un système qui doit faire rêver beaucoup de corrompus dans le monde, puisqu'il revient à légaliser la corruption. Ce n'est pas par ce qu'il y a énormément d'émeutes et d'agitation en Thaïlande qu'il faut faire n'importe quoi, hein ? (Huh ?)

Médecine
Mon favori cette année. Une équipe internationale a étudié les bénéfices pour la santé et les conséquences biomédicales du "intense kissing" et d'autres activités intimes. S'embrasser réduit les allergies de la peau et permet de mélanger les ADN. Nous le savions tous, que s'embrasser était bon (tout court), mais puisque les médecins nous disent que c'est bon pour la santé, pourquoi s'en priver ? Hein ? Huh ? Voici évidemment ma découverte préférée, à mettre en pratique le plus vite possible. Je vous y encourage. On notera quand même qu' il n'y a pas eu de chercheur français sur ce "coup", malgré le french kiss. Peut-être étaient-ils trop occupés à embrasser leurs collègues universitaires ?

Mathématiques
Des mathématiciens autrichiens et allemands ont etudiė le cas de Moulay Ismael, l'empereur assoiffé de sang du Maroc, qui a eu 888 enfants entre 1697 et 1727. Ils ont essayé d'appliquer des techniques mathématiques pour comprendre comment il a fait ou même s'il a pu le faire. On imagine mal les techniques mathématiques, mais en appliquant la technique du prix IgNobel de médecine, on peut facilement imaginer des moyens plus intimes sur 30 ans pour arriver à ce résultat. Après tout cela fait à peine deux enfants par mois en moyenne. On suppose donc qu'il n'était pas allergique. Mais alors là, pas du tout ! En plus, vous remarquerez qu'il ne s'agit pas d'un prix en Histoire. Utiliser les maths pour distinguer l'Histoire des histoires peut entraîner loin quand même.

Biologie
Au Chili on a du courage. Pour reproduire la manière de marcher des dinosaures, on n'hésite pas à attacher des bâtons lestés à l'arrière de poulets. L'article ne dit pas où et comment les bâtons ont été attachés. On n'ose imaginer un enfilage (c'est mon correcteur orthographique qui a corrigé mon mot initial) massif et scientifique de poulets. La science à ses limites et une déontologie qui devrait nous guider tous, comme un bâton lumineux au cœur de la nuit... Attention. Il s'agit bien de poulets. Ne pas reproduire cette expérience avec votre chat par exemple, car vous risqueriez quelques morsures ou pire. Mais que fait la Société chilienne de protection des poulets ???

Diagnostic médical
Il semble que le diagnostic de l'appendicite aigüe puisse se faire en fonction de l'intensité de la douleur quand le patient, roulant en voiture, passe sur des ralentisseurs et des gendarmes couchés. On imagine des hôpitaux équipés de parcours automobiles médicalisés pour tester les patients. On imagine d'ailleurs que cela pourrait s'appliquer à d'autres maladies aigües. Voici un équipement pas cher à installer et qui permettrait certainement de sauver de nombreuses vies. A noter que l'équipe médicale comprenait un syrien, habitué, luî, à d'autres sortes de trous et de bosses sur les routes.

Physiologie et entomologie
Un prix nouveau et double cette année, pour deux chercheurs ayant travaillé sur des sujets connexes, liés aux piqûres d'insectes. L'un a douloureusement créé un index de la douleur causée par les piqures d'insectes, tandis que l'autre a déterminé les endroits où les piqures d'abeille faisaient le plus mal, sur son propre corps. Les scientifiques sont courageux quand même. Si vous êtes comme eux, la prochaine fois que vous croiserez un insecte, demandez lui  de ne pas vous piquer au nombril, à la lèvre supérieur ou sur le pénis (si, si) mais plutôt sur le crâne, au bout de l'orteil du milieu ou sur le haut du bras. A tester avec modération quand même.

Un bon cru cette année donc. Amoureux de tous les pays, embrassez-vous ! (Ou plus si affinités)...

jeudi 17 septembre 2015

Le pays des hommes désintégrés

Burkina Faso, le pays des hommes intègres. En crise depuis plus d'une année.
On en a parlé ici, ici et surtout là et . J'y étais en mai dernier.

Les élections devaient avoir lieu le 11 octobre, après une année de transition démocratique "modèle" : L'ex-président Compaoré avait été éjecté du pouvoir par la première révolution populaire en Afrique et avait dû fuir le pays. Un pouvoir de transition avait été mis en place, dans un consensus général, en exceptant le parti de l'ancien président. Tout se préparait pour ces élections. Pour mémoire, Compaoré, Blaise, avait voulu pouvoir se représenter en modifiant la Constitution à son avantage, et c'est ça qui avait déclenché la révolution.

Patatras, hier, la "garde présidentielle" (RSP), en partie fidèle à l'ancien président, et qui devait être dissoute prochainement, a pris en otage le Président du régime de transition et son premier ministre en plein conseil. Puis ce matin, un ancien bras droit de Blaise a annoncé qu'il prenait le pouvoir, car la préparation des élections se passait mal. C'est un coup d'Etat, un vrai. Pas une révolution populaire comme l'année dernière.

Les coups d'Etat africains sont légion - si j'ose dire - et peuvent être dûs à plusieurs causes : des batailles entre factions militaires (typiquement l'armée, la police, la garde présidentielle ou des milices privées), des revendications de certains corps armés (en général salariales), des ambitions d'un militaire qui veut faire comme les grands ancêtres et prouver qu'il a un plus gros zizi que les autres, ou la volonté de garder le pouvoir ou d'y retourner malgré la Constitution. Au Burkina, il s'agit clairement d'une tentative de retour de Blaise et de ses fidèles (son parti), écartés du futur pouvoir.

La communauté internationale est vent debout contre ce coup d'Etat, comme à chaque fois au début. Elle ne reconnait pas la déchéance du Président officiel de la République burkinabé.

Cette affaire peut mal tourner dans un pays fier, et fier de sa révolution unique en Afrique. Une réaction populaire est attendue, avec un point d'interrogation sur l'attitude de l'armée. Ce n'est pas le moment d'aller au Burkina. On va voir comment Canal+ et iTélé vont traiter le sujet, car depuis qu'ils sont sous le contrôle direct de Bolloré, leur indépendance éditoriale est bien limitée. Le Grand journal est devenu atone et le Petit journal de plus en plus petit. Il faut savoir que Bolloré est l'un des hommes d'affaires les plus influents en Afrique francophone, un des rois de l'Afrique. Son projet de chemin de fer traversant toute l'Afrique de l'Ouest est à ce titre exemplaire. Il doit passer par Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso.

Ceux intéressés par l'Afrique suivront avec attention la situation de ce petit pays, notamment sur ce site d'information burkinabé. Les autres devraient se souvenir qu'une révolution populaire est fragile. Très fragile. Même en France.

mercredi 16 septembre 2015

2024, deux ans de vacance

Pas de s à vacances, on n'est pas chez Jules Verne ici quand même ! Mais il s'agit bien d'une vacance temporaire.

Les cinq villes candidates aux JO de 2024 sont enfin connues. Deux ans de préparation de dossier avant de se retrouver (les cinq ensemble a priori, sauf si l'une décide de se retirer dans une sorte de CIOtus interromptus...) Cela se passera au Pérou en septembre 2017 - après la fin de ce blog a priori, sauf si...

Le CIO a donc annoncé les candidatures de Budapest, Hambourg, Los Angeles, Paris et Rome par ordre alphabétique. Paris fait partie des favoris mais tout dépendra de la qualité de la préparation et du lobbying. Il y a quatre villes européennes. Los Angeles a l'avantage d'être la patrie de Hollywood et donc des sponsors médiatiques mais le désavantage d'être américaine, alors que les JO de 2016 seront au Brésil et ceux de 2020 au Japon (juste de l'autre côté de l'Océan Pacifique). En Europe, Paris est la candidature la plus sérieuse a priori. On suppose que les français ont compris l'importance d'une démarche sérieuse et coordonnée pour réussir dans ce type de compétition. D'habitude les français aiment bien afficher leurs divergences jusqu'au dernier moment, histoire de se faire mousser chacun de son côté, alors que les américains par exemple règlent leurs comptes à huis clos avant d'afficher un front uni. C'est un trait culturel français évident dans un contexte international. C'est con, mais c'est profondément installé dans les comportements de dirigeants pleins de leur propre ego.

D'autant plus qu'en 2017 il se passera quelques élections en France. Le dossier sera préparé par la gauche et par des professionnels, mais le vote du CIO aura lieu après les élections du printemps. Quant aux Jeux eux-mêmes cela sera pour le président élu en 2022. Qu'il (ou elle) soit frais ou reconduit, le président qui inaugurerait les Jeux de Paris serait donc peu associé à sa préparation, sauf si c'est Valls. En effet le premier ministre actuel est le seul à pouvoir être associé à l'ensemble du processus, d'aujourd'hui à l'ouverture des Jeux, puisqu'il coordonne le gouvernement, qu'il pourrait être élu en 2017 et reconduit en 2022, à moins que Hollande ne soit réélu en 2017 et que Valls soit élu en 2022. Remplacez Valls par un autre ministre ou futur Premier ministre si vous préférez... Quand à Anne Hidalgo, il faudrait qu'elle soit réélue Maire de Paris entretemps, et pour bien faire que la Région Île de France reste à gauche. N'oublions pas également que certaines épreuves pourraient avoir lieu en Normandie ou à Marseille...

Les soutien populaire est toujours particulièrement délicat à obtenir, surtout en France. Les habitants se sentent dérangés par des travaux pharaoniques, des taxes et impôts qui augmentent, des embouteillages à n'en plus finir et plein d'étrangers venus salir nos belles rues propres (Hum) sans compter les mesures de sécurité et la frilosité face à l'innovation. Ils ne voient pas toujours les nouvelles infrastructures possibles pour une Ville et une région en pleine modernisation, ni les financements privés ou les recettes attendues, ni la transformation des transports en commun, ni les capacités d'échanges avec des étrangers venus pour le plaisir, sans compter les jeunes et volontaires intéressés par un tel événement. La population ne comprend pas bien non plus la coordination des échéances, entre les JO 2024, l'expo universelle 2025 et le Grand Paris et ses chantiers tout autour de la capitale.

Il faut dire que les explications de nos chers décideurs ne sont pas très pédagogiques ou même claires. Seulement voilà. Maintenant c'est fait. Paris est ville candidate officielle. Donc il faut y aller vraiment. Nous venons de quitter le plongeoir et sommes suspendus en l'air, la pointe des pieds touchant encore légèrement la planche, avant de toucher l'eau dix mètres plus bas avec un saut complexe pleins d'arabesques et de pirouettes. Synchronisé, en plus, entre tous les sportifs présents. Le film est au ralenti. Nous mettrons deux ans à toucher l'eau, mais le plongeon est parti. A nous de le réussir et d'avoir une bonne note. La meilleure.


mardi 15 septembre 2015

Remettre les pendules (de Foucault) à l'heure

De temps en temps, dans ce monde perdu, il faut remettre les pendules à l'heure et revenir aux fondamentaux. Dans le brouhaha des mouvements migratoires, des envolées apeurées des politiques et des bouillantes déclarations des démagogues, cela fait un peu de bien, non ?

Alors célébrons aujourd'hui une nouvelle très importante. Le Panthéon - à Paris - accueille de nouveau le Pendule de Foucault.


En 1851, Léon (Pas Napo mais Foucault) installe le premier vrai Pendule, démontrant ainsi empiriquement la rotation de la Terre sur elle-même, et en fait une démonstration à Léon (Napo III). Il s'agissait d'une longue corde à piano de 67 mètres avec une boule de 28 kilogrammes au bout. La période d'oscillation était d'à peu près 16,5 seconde, soit 8 secondes à l'aller et 8 secondes au retour. La déviation était de 11° par heure, soit un angle de 66° (un peu plus qu'un coin d'un triangle équilatéral en six heures. Au bout d'un certain temps le Pendule s'arrêtait, car le frottement de l'air le ralentissement, sans compter les souffles bruyants des spectateurs ébahis. Le Pendule fonctionnait six heures à l'époque, avant qu'on le relance, et encore aujourd'hui puisque c'est une copie exacte de l'original qui retrouve sa place sous la coupole du Panthéon. Le cérémonial (décrit dans l'article de Wikipedia) ne sera pas forcément le même, mais pourquoi pas ? Il s'agissait d'attacher le pendule par une ficelle et de la brûler pour que le Pendule soit relâché.

Le Pendule original est mort au CNAM en toute discrétion (lire sa mort ici, avec le sourire) mais sa renaissance clonée sous le nouveau Panthéon rénové est un beau symbole. Célébration de l'Histoire, de la Science, mais aussi d'un certain empirisme (devant une empereur quand même). Si vous voulez la formule mathématique exacte, c'est ici :


Si vous ne la voulez pas, c'est pareil.

Si vous voulez comprendre ce qui se passe quand la Terre tourne, et la Lune autour, regardez cette animation de la NASA pour la prochaine éclipse de Lune. Visible le 27 septembre en Amérique et le 28 au matin en France, il s'agira d'une éclipse de Super-Lune, au moment où la Lune est la plus grande possible, car elle est la plus proche de nous. Joli, non ? (In english, ça c'est pour que vous progressiez un peu en anglais, bande de flemmards. Sinon allez prendre des cours !)



lundi 14 septembre 2015

Three Triilion Trees

Plus de trois mille milliards d'arbres sur Terre (dans des forêts). Nature a publié une étude début septembre et en a fait une vidéo (information tirée d'ici) :



Cette étude permet de compter le forêts sur notre planète mais aussi leur densité, à partir de milliers d'observations satellitaires et autres. Ce n'est évidemment un comptage arbre par arbre. C'est une compilation statistique basée sur ce qu'on appelle la télédétection. Il semble que cette science ait beaucoup progressé avec les années puisque l'estimation 2015 est huit fois plus grande qu'il y a quelques années, les méthodes de comptage s'étant beaucoup améliorées. Il n'y a pas plus d'arbres qu'avant. On sait seulement mieux les compter. Cette étude est basée sur les forêts et pas sur les platanes au bord des routes ou les arbres dans le square sur la place au coin de la rue.

Il y a d'ailleurs de moins en moins d'arbres. Environ 400 arbres par habitant de la planète à ce jour, avec une baisse annuelle de l'ordre de 2 arbres (par habitant), soit 15 milliards d'arbres qui disparaissent chaque année. L'estimation conclut que la planète abritait deux fois plus d'arbres qu'aujourd'hui il y a 12 000 ans, soit juste avant le vrai début de la civilisation humaine. Les américains aiment les mots et les sons et ces Three Trillion Trees auront un succès fou. En français, trois mille milliards d'arbres (3040 plus précisément) cela n'arrive pas à la cheville des cent mille milliards de poèmes de Queneau, pourtant. Ne pas confondre les milliers de milliards avec des billiards, même si les billards sont faits en général en bois (et en ardoise).

Les arbres sont répartis dans des grandes zones. Il y en a 43% dans les tropiques, ces fameux poumons verts pour le CO2, mais aussi une grande partie dans les steppes du nord, dans les pays très développés que sont la Russie, le Canada et les USA ou le nord de l'Europe. Des zones où les pouvoirs publics sont très discrets sur leur utilisation ds arbres, entre les forêts industriellement replantées et très denses dans la zone "IKEA" ou même dans les Landes, et des forêts naturelles peuplées d'arbres très jeunes pas encore exploitables.

Cette étude a vocation a sensibiliser aussi sur l'importance des arbres et de leur exploitation raisonnée par l'homme. Elle ne remplace pas les études détaillées sur l'Amazonie ou la grande forêt tropicale africaine. Mais elle sert de vitrine marketing à Nature et à la discipline. C'est une belle animation. A déguster.

Deux images rigolotes extraites de la vidéo, pour finir :

 Il s'agit bien de l'Afrique, oui, et de son grand désert qui bouffe toute la partie haute. Une image en creux de la désertification.

La France avec si peu de forêts mais les Landes qui se détachent avec ses plantations industrielles. La Scandinavie spécialiste du meuble en bois et en kit...


dimanche 13 septembre 2015

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle de legende

Voulez-vous entendre la légende de Kanou ?

C'était dans un temps lointain, a l'aube du monde, lorsque les dieux marchaient encore parmi nous. A cette époque, le monde n'était pas stabilisé et il changeait au gré des humeurs des dieux, ou même de certains sorciers qui savaient invoquer les forces primales de la Terre. Les changements étaient assez lents pour que les humains puissent s'y adapter, mais la mer pouvait se transformer en glacier de montagne en quelques mois, et les arbres en buissons d'épine en quelques années. Il faut savoir qu'en ces temps incertains, les humains n'avaient pas de sexe. Entendez par là qu' il n'y avait pas d'homme ou de femme et que chaque humain était hermaphrodite, ou plutôt "complet" comme on disait à l'époque.

Tout se passait bien et les humains se reproduisaient, lentement mais sûrement. Il y avait bien quelques batailles entre factions opposées, mais c'était la plupart du temps sur des sujets sans importance, et cela se réglait facilement à la fête suivante du Nouvel An. Car c'était pendant cette fête que les humains s'accouplaient, au hasard de leurs états du moment, sans qu'il n'y ait de règle. Tous les conflits se résolvaient alors sans coup férir. Même les Dieux adoraient cette fête. Ils pouvaient, ce jour-là uniquement, choisir l'état qu'ils voulaient et forniquer avec tous les humains. Personne ne connaissait plus l'origine de cette fête. Un Dieu disparu, pensaient les Dieux. Un grand roi guerrier, pensaient les humains.

Seul Kanou connaissait la vérité. Laissez-moi vous la raconter.

La légende dit que Kanou était né avec des yeux d'or. Pas des yeux couleur d'or, mais des yeux en or. A cette époque, l'or ne valait rien. Moins que l'eau bien évidemment. Il faut dire que puisque tout pouvait changer en quelques semaines, il n'y avait pas de matériau précieux. La seule valeur reconnue par tous, et utilisée pour les échanges, était l'eau justement. Elle était rare, surtout dans la région où Kanou était né. Même lorsque la montagne de Kanou était devenue une mer ou une forêt, l'eau n'avait jamais été en abondance. Sauf dans les yeux des humains. Tous les humains avaient des yeux bleus, de ces bleus si différents que l'eau pouvait prendre en fonction de l'état du ciel. L'eau, là, dans les yeux des humains était la source de leur énergie, de leurs forces.

Lorsque Kanou naquit son père-mère fut affolé. Il appela tous les sorciers connus et chacun vint défiler devant le bébé. Kanou semblait parfaitement normal. Sauf ces yeux qui brillaient comme des phares dans toutes les conditions de lumière. Personne n'y comprenait rien. Kanou était complet comme tous les autres. Au début, Kanou grandit normalement mais il n'avait pas d'amis. Pourtant Kanou était très intelligent et lisait beaucoup.  Mais il faisait certainement peur à trop de monde. L'année de ses neuf ans, on ne l'envoya pas aàsa premiere fête du Nouvel An. Il dut rester enfermé toute la nuit. Personne ne voulait prendre le risque de salir la fête avec un regard si étrange. Mais personne ne savait que Kanou voyait très bien avec ses yeux si différents. Kanou pouvait tout voir. Il vit donc la fête comme s'il n'y avait pas de murs. Il vit aussi les transformations internes des humains pour changer de sexe. Il vit même les Dieux et perça leurs déguisements.

Mais Kanou ne se voyait pas. Aucun reflet dans une rivière ne lui permettait de savoir comment il était. Personne ne lui disait car il était un peu le paria des humais de cette région. Tous le voyaient, voyaient ses yeux, mais personne ne souhaitait lui parler.

Alors Kanou décida de partir dans une autre région. A neuf ans on peut être très décidé et Kanou l'était. Il n'eut pas besoin de dire au revoir à ses connaissances et il partit un peu triste, en espérant découvrir un monde merveilleux.

Le premier jour, Kanou arriva au Sommet d'une grande montagne. Il n'y avait pas d'humains, juste quelques dieux mineurs en train de préparer l'ouverture d'un volcan. Aucun ne le remarqua et Kanou n'insista pas. C'était toujours dangereux de traîner trop là où il y avait des dieux.

Le deuxième jour il arriva dans une forêt si dense qu'on ne voyait même pas ses yeux. Pourtant les habitants de la forêt le reconnurent unanimement et personne ne lui parla.

... 

Le trois millième jour, exactement, Kanou arriva sur une immense plage. Elle venait visiblement d'être créée et était encore vide. Il s'assit au bord de l'eau. Le bruit des vagues était timide et toutes les vagues n'étaient pas encore arrivées, mais Kanou sentit une grande beauté dans ce paysage et il décida de s'y installer. A cette époque les humains ne se nourrissaient que d'eau car l'eau était complète elle aussi et elle comprenait tout ce qui était nécessaire aux humains. Kanou se déshabilla et entra dans la mer. Comme prévu l'eau le fuyait. Elle ne le touchait qu'avec répugnance. Kanou ne pouvait nager, il se mît donc à marcher au fond de l'eau, le long du rivage. Le sable était blanc. Il eut soudain une impulsion forte et s'arrêta. Il se pencha pour ramasser une poignée de grains de sable, et revint sur la plage.

Ce n'était pas du tout le même sable. Étrange se dit-il, on dirait que les dieux qui ont créé cette plage n'ont pas bien travaillé ! Kanou décida donc de réparer la plage en mélangeant les deux sables. Il prit ses deux mains et les leva au ciel puis laissa couler les deux sables emmêlés sur sa tête, dans ce geste fameux que Grundi le sculpteur a si bien rendu. Kanou eut du sable dans les yeux et il éternua. Ses yeux sortirent de ses orbites et tombèrent sur la plage. Kanou était maintenant aveugle. Il ne vit donc pas que là où les deux yeux étaient tombés, deux humains étaient nés. Enfin, deux créatures qui ressemblaient aux humains mais avec de subtiles différences. Nous savons maintenant que c'est à ce moment de la légende que l'homme et la femme sont nés, simultanément, des yeux en or de Kanou. La légende nous dit que Kanou ne se rendit compte de rien et qu'il repartit chez lui. On l'y réconforta, car perdre la vue était un événement terrible. Kanou fut bien entouré jusqu'à sa mort.

Mais j'en sais un peu plus sur Kanou. Il ne se rendit en effet compte de rien. Mais il versa une larme en perdant ses yeux devant toute la beauté du monde. Celles et ceux qui croient que Kanou a inventé les sexes se trompent. Kanou a simplement permis aux deux sables de se rencontrer et à chacun des deux de constater qu'il n'était pas complet. Pas complet sans l'autre. Et le génie de Kanou, c'est cette larme. Celle qu'il a donnée au monde pour sa beauté. Le monde s'est figé alors. Les humains complets se sont divisés en hommes et en femmes. Les dieux sont partis en courant de ce monde qui leur échappait. Et la larme a créé l'Amour. L'Amour qui a été le vrai changement du monde. Pas seulement l'amour entre une femme et un homme.mais l'Amour du monde par tous les grains de sable - dont nous sommes - et l'Amour 

Ca s'est evidemment passé un jour du Nouvel An. Depuis, chaque année, à la même date, l'Amour se lève pour essayer d'engloutir le monde. Kanou a disparu mais sa larme est toujours là, faite d'eau et d'Amour. La fête avait existé avant Kanou, mais elle ne commença à exister que le jour de la larme de Kanou. Elle existe toujours, pour toujours. Sans cette larme elle n'aurait jamais existé.

Merci Kanou !