lundi 30 novembre 2015

L'intelligence dans les chaussettes

C'est lundi et comme dit Garfield, je hais le lundi.
Heureusement une nouvelle rafraîchissante, en ces temps moroses, est venue heurter mon mini-cerveau. Le défilé des Miss France se prépare studieusement, mais à Tahiti quand même car on ne rigole pas avec la France, non mais, sur TF1 la chaîne qui nous emplit le cerveau de pubs. Je n'ai jamais bien compris le découpage en régions des Miss France, qui ne correspond ni aux départements, ni aux anciennes régions, ni aux nouvelles. Cette année est donc une année charnière. Peut-être y aura-t-il un découpage différent des Miss l'année prochaine ? C'est un suspense insoutenable.

Et comme chaque année, c'est uniquement sur leur cerveau rapide que sont jugées les Miss, avec évidemment quand même quelques points sur le reste... Mais si peu, si peu... Juste de quoi remplir un bikini. Or donc, TF1 dans sa grande générosité marketing nous a dévoilé le contenu du test de culture générale qu'elles ont toutes passé. 40 questions qui balayent la politique, la France, les chanteurs, les maths, l'anglais, la mode, le sport et la littérature... Vous pouvez le passer ici. La meilleure candidate vient du nord et à eu 17,5/20. Vous pouvez imaginer mon angoisse devant l'éternel tout-sachant en passant ce test. Arriverais-je à faire mieux ? Serais-je plus ou moins bon que la vision qu'à TF1 de la Miss idéale. 

Et bien oui. J'ai eu 19/20. Je me suis étonné moi-même. C'est decidé, l'année prochaine, je me présente ! Je note quand même qu'il n'y a aucune question sur la COP21 ou le changement climatique. Sic transit gloria mundi, c'est la différence entre la culture éphémère et la culture de fond.

L'an prochain on sera en pleine COP22, à Marrakech, histoire de remplir les grands hôtels de la ville moderne à l'extérieur des murailles. De deux choses l'une : soit la COP21 de Paris est un succès suffisant et pas seulement de façade, et la COP22 pourra commencer à détailler les mesures et les mises en œuvre ; soit la COP de Paris sera trop timorée et on est reparti pour quelques années, sans grand espoir d'un avenir quelconque pour nos enfants (et les vôtres). A écouter les déclarations de ce lundi et à voir la quantité de chefs d'Etat qui se sont déplacés et qui ont explicitement souhaité un accord large (ét pas que de façade), on peut se sentir un peu optimiste. La parole est maintenant aux technocrates, puis aux ministres.

Alors, ce lundi à été comment pour vous ? Un petit retour en arrière ? Ça fait toujours du bien de revisiter sa journée le soir. Est-ce que vous avez souri, été heureux ? Est-ce que vous n'avez eu que des mauvaises surprises ? Est-ce que vous avez pensé à la planète, aux restos du cœur qui entament leur campagne annuelle ? Est-ce que vous pensez que l'avenir du monde est entre vos mains (en partie) ?

Et surtout, est-ce que vous avez bien acheté votre calendrier de l'Avent avec des chocolats ? Ca commence demain !!!

dimanche 29 novembre 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle de pluie

Écoutez mon histoire :

Wif allait le plus vite possible, ce qui n'était pas peu dire. Il était le champion à la course et pouvait battre n'importe qui au sprint, mais aussi en endurance. Ses muscles fins et allongés le rendait très élégant et même séduisant, mais ça il s'en foutait. Il aimait sa femme et était très fier de leur famille. Il aimait la séduire, elle. La célébrité apportait toujours son lot d'admiratrices, lui avait dit son vieil entraîneur, et ça fait partie de l'entraînement que de leur résister. Wif n'avait aucun mal sur ce plan car il aimait tellement sa femme qu' il ne voyait même pas les autres. Surtout aujourd'hui.

Il était sorti en hâte de leur maison, car la météo annonçait un orage violent en provenance du grand riff, et c'était justement de ce côté que toute sa petite famille était allée se promener. Sa femme avait insisté pour qu'il continue son entraînement en vue du championnat de la semaine suivante, et elle était partie seule avec tous leurs enfants. En temps normal, cela n'aurait pas posé de problème, mais si l'orage les touchait, ce serait la panique et elle aurait du mal à les calmer. Wif fonçait à leur rencontre en espérant arriver avant l'orage. Il avait emporté un filet de sécurité au cas où.

Leur maison était l'une des plus belles du voisinage, avec ses murs végétaux pour la protection et la nourriture, son toit de verre pour admirer le toit du monde et son sol étanche pour protéger contre la pluie. Chacune des pièces offrait une vue imprenable sur la barrière de corail au loin. Une situation privilégiée et un abri sûr en cas d'orage, si près du toit du monde. Le symbole d'un train de vie que ses voisins lui enviaient tous mais qu'ils expliquaient par ses succès sportifs et dont ils étaient fiers.

Ils auraient dû rester à la maison se disait-il en avançant de toutes ses forces. 
Il aurait dû leur dire de rester ou au moins les accompagner pour les protéger au lieu de ne penser qu'au championnat. 
Il s'en voulait.

Il dépassa quelques rochers et les aperçut enfin. Ils étaient encore loin mais il les distinguait parfaitement. Il distinguait aussi l'orage et il sut que la pluie les atteindrait avant qu'il puisse les rejoindre. Ils n'avaient rien pour se protéger. Seule une ridicule petite haie d'algues pouvait offrir un semblant d'abri s'ils s'y glissaient. Mais les enfants s'éparpillaient dans tous les sens et sa femme faisait des tourbillons désespérés pour les rassembler. Autour d'eux l'eau commençait à friser. Un phénomène avant coureur de l'orage, bien connu de tous les habitants sous la mer. Une alerte que tous avaient appris à reconnaître. Wif agita ses nageoires de plus belle et tout son corps se tendit vers l'avant.

L'orage frappa sa famille. Ils furent entourés de cette pluie effrayante qui montait drue vers le toit du monde. C'était un orage de classe exceptionnelle, avait dit la météo. Le fond de la mer était devenu bouillant et les bulles s'échappaient du sol poreux. La myriade de petites bulles fines étaient les plus dangereuses. Impossible de passer entre ces minuscules gouttes d'air qui se collaient à vous et vous asphyxiaient rapidement, vous empêchant d'être en contact avec l'eau salvatrice. En quelques secondes ont s'évanouissait. Ensuite c'était une question de chance. Si une grosse bulle passait près de vous, elle se collait à vous puis vous absorbait et vous emportait immanquablement vers le toit du monde et une mort certaine. Personne n'avait jamais pu briser une telle grosse bulle, de l'intérieur ou de l'extérieur. Elles éclataient juste, tout en haut, au moment qui semblait leur convenir, puis le cadavre retombait lentement au fond. La seule sécurité était de rester sur un sol étanche, comme dans leur maison ou dans certains lieux publics protégés, ou de s'entourer d'un filet de sécurité, repoussant suffisamment de bulles pour avoir le temps de se mettre à l'abri. 

Mais sa famille ne disposait de rien. Wif s'entoura du filet en arrivant dans la zone de bulles. Elles étaient si fortes maintenant que son filet ne tiendrait que quelques instants, mais il plongea dans l'enfer de cette pluie si terrible qu'on l'avait surnommée "la sécheresse extrême".  Un phénomène assez récent, dû paraît-il à un réchauffement du climat en dessous et au-dessus de leur fine couche de civilisation, sur cette planète pourtant si belle avec ses étendues d'eau à l'infini et ses couleurs de rêve.

Wif ne vit personne. Le noir était total, seulement zébré de ces bulles de pluie sèche et mortelle. Pourquoi le monde n'était-il pas uniquement liquide ? Pourquoi ces phénomènes secs se produisaient-ils, comme si le toit du monde réclamait son dû. Car au-dessus du toit du monde était la mort certaine. Un univers aride où aucune vie n'était possible, faute d'eau. Wif se secoua. Il sentait quelques piqûres de bulles, mais son filet semblait tenir. Et puis, il la vit. Sa femme. Seule. Dans une grosse bulle. Inerte.

Wif fonça vers la bulle. Personne n'avait jamais nagé aussi vite. Wif percuta la bulle de plein fouet. La bulle n'avait que deux solutions possibles. Éclater et libérer sa proie, ou l'absorber lui aussi. 

Mon histoire s'arrête là. La pluie d'air, par contre, continua son chemin, dévastant toute vie non protégée sur son chemin. Et qu'elle ait permis à ce couple de continuer à vivre ou qu'elle ait mis fin à leur existence n'a que peu d'importance, finalement. Cette planète est condamnée. Toute vie va y disparaître, noyée dans l'air. Il est trop tard.



samedi 28 novembre 2015

Universitaires et #COP21Paris

Le changement climatique et les communautés universitaires, ça devrait être une évidence, mais ça peut friser l'oxymore. Il y a pourtant à faire car la responsabilité de l'Université est de plus en plus importante et amenée à croître. Espérons en tous cas, car il y a urgence. 

Les spécialistes du climat et de tout ce qui tourne autour, avec des approches interdisciplinaires de plus en plus fertiles, ont été à la pointe. Ils ont gagné le combat rationnel contre les climato-sceptiques. Ils ont alimenté les politiques de leurs faits et de leurs modèles structurants. Ils doivent maintenant essaimer vers d'autres disciplines, former des étudiants solidement épaulés par des argumentaires efficaces et adaptés, mais aussi former des enseignants de tous les domaines qui intègrent cette urgence. Ils doivent sortir de leurs mondes respectifs. 

Les universités, et toutes les autres structures d'enseignement supérieur et de recherche quels que soient leurs statuts, ont souvent commencé à s'approprier ces problématiques pour améliorer leurs actions internes, à des vitesses très diverses. Les eco campus et autres variantes visent à faire de ces lieux de savoir des lieux modèles de mise en pratique. L'intégration de cette dimension dans les plans stratégiques des institutions reste à faire le plus souvent pourtant. Et comment diffuser ces idées si elles ne sont même pas capables de quitter certains labos ? 

Les étudiants sont la raison d'être des Universités au sens large, c'est une évidence à ne pas oublier. Comment ne pas écouter leur jeunesse, leur besoin d'avenir ? Comment accepter que les structures universitaires puissent être en retard sur ceux qu'elles sont censés former et épanouir ? Comment ne pas mettre au cœur de la vie universitaire de telles questions ? Le temps des hommes politiques est le court terme mais celui de l'Université est le long terme, comme celui des jeunes qui l'habitent. 

La communauté universitaire, ou plutôt ses différentes communautés, forme les élites. Celles qui vont l'aider à se développer et à continuer, mais aussi celles qui vont tirer les sociétés vers le haut (pas forcément vers le "plus" d'ailleurs, dans une logique de développement durable à terme). Faire semblant que ces questions dépassent l'Université car elles seraient de la responsabilité du politique serait dangereux. Une négation même du rôle de l'Université et de sa responsabilité sociale, sociétale et morale. Qu'on en ait une vision utilitariste ou universelle, professionnelle ou académique, l'Université est, réellement, responsable de ce qu'elle produit, dans le domaine du savoir et de la société. C'est encore plus vrai dans les jeunes pays en développement ou en émergence. 

Alors, n'est-il pas étrange que les communautés universitaires ne soient pas capables d'appels et de mobilisation de haut niveau sur les questions clés qui agitent la COP21 ? Il y des appels, entendez-moi bien, mais ils restent fragmentés - locaux en fonction de personnalités fortes, nationaux à cause de structures organisées et naturellement tournées vers le monde politique qui les finance, thématiques à cause d'approches disciplinaires clivantes. 

L'Université est-elle devenue plus muette que l'Armée ? Moins mobilisée ? Plus défaitiste malgré ses cohortes d'étudiants ?

L'Université porte des valeurs universelles et de long terme. Si le combat du climat n'est pas secteur idéal pour fédérer ces communautés, quels combats le pourraient ? Les universitaires sont des femmes et des hommes libres avec chacun leurs droits et leurs devoirs, certains très engagés. Mais les structures universitaires sont des institutions qui sont reconnues en tant que telles. À elles d'utiliser ce privilège pour aider à sauver la planète. Ou alors, que reste-t-il de leur identité ? Leur silence collectif est assourdissant. 

vendredi 27 novembre 2015

Des couleurs autour de nous

Vendredi de couleurs aujourd'hui, avec ses contrastes et ses paradoxes. Normal. Rien n'est jamais unicolore, unidimensionnel, uniforme, unique à notre époque. Même l'unité.

Cérémonie en hommage aux victimes des attentats du 13 novembre aux Invalides. Sobre, grave mais aussi vibrant. L'heure est au recueillement et à l'envie de rebondir. Discours de François entre deux marseillaises, les vraies dans leurs trois différentes versions, à ne pas confondre avec l'automne en deuil, cette nouvelle variante lente et décomposée de notre hymne. Un début à tordre les tripes, avec les couleurs de la musique, quand on n'a que l'amour par exemple, écrite par un belge et donc pas choisie au hasard, et des voix de femmes pour chanter. Une cérémonie très militaire, dans ce paradoxe de l'irruption de la guerre dans la cité.
Un discours d'un président ému et bafouillant un peu, autour du Bataclon par exemple. Un président humain donc. Une impression de gravité. Une réussite. 

Des drapeaux bleu blanc rouge pour pavoiser. Une ruée sur les drapeaux et une réappropriation des couleurs dans les rues, mesurée, certes, car il y a des attitudes différentes et peu de gens ont encore des drapeaux chez eux. Dans mon quartier, un drapeau par rue au maximum, mais l'infirmière qui passe me faire des piqures me dit que dans chaque appartement où elle est passée, la télé est allumée sur la cérémonie. Des couleurs pour tous, sans symbolisme politique, mais comme un symbole révolutionnaire, populaire, français. Un nettoyage du symbole pour lui redonner des couleurs. Les politiques, pour, contre ou râleurs recommenceront à parler dès ce week-end, on peut leur faire confiance. Après tout, il y a des élections dans une semaine...

Les Unes de la presse pour marquer ce jour et ce symbole ont pour beaucoup emprunté au drapeau. En voici quelques unes...

Ô

Mais c'est aussi un vendredi noir. Pas parce que le noir est la couleur officielle du deuil en France, mais parce que business as usual il s'agit de marquer le début de la saison des achats de Noël. Le commerce à ses besoins et le vendredi qui suit Thanksgiving est traditionnellement réservé au début des promos de toutes natures, dans des magasins pris d'assaut (sans jeu de mot macabre) et en ligne. Certains magasins ont commencé jeudi déjà, dans ce qu'on appelle maintenant le "jeudi gris"... La couleur noire pour ce vendredi a plusieurs explications  liées en général au cauchemar pour les policier face à des embouteillages monstrueux, mais celle que je préfère est purement commerciale : c'est à partir de ce jour aux USA, avec les grosses ventes, que les comptes des commerçants quittent le rouge pour entrer dans le noir du positif. Le commerce fait donc ses choux gras de ce vendredi dédié au dieu commerce. A noter, dans un registre parallèle la brocante traditionnelle des Abbesses ce week-end, dans les sous-sol de l'église, car même le Dieu de la Bible sait faire faire des affaires. Une juxtaposition aléatoire des calendriers, pas un signe voulu. 

Le noir est la couleur du deuil en France, des terroristes de Daech aussi. Alors les couleurs, les autres, sont celles qui peuvent nous aider à combattre le noir dans les esprits, l'absence de lumière. Les parisiens, habillés habituellement en noir en soirée parce que c'est chic, vont-ils se mettre à se parer de couleurs plus vives, vivantes ? On aimerait à le penser, mais ca n'a pas l'air de prendre, comme le montre le peu d'affluence dans ce groupe Meetup découvert par hasard.

jeudi 26 novembre 2015

Dindes

Thanksgiving aujourd'hui. Ayons une pensée émue pour toutes ces familles américaines qui vont s'enfiler un repas monstrueux à base de dinde et de trucs bien lourds, puis s'endormir sur le canapé en regardant la parade et le match. Un repas qui se veut le plus copieux de l'année pour célébrer la fin des moissons et remercier de tout ce qui est arrivé de bien pendant l'année écoulée. Pour ce qui n'a pas été bien, on n'en parle pas, promis juré. Au Canada, on fête la même fin des moissons plus tôt, en octobre, car il y fait plus froid, c'est mathématique. Le repas typique ressemble à ça, en version allégée...


Obama libère une dinde, la seule qui survivra à cette orgie qui décimera les élevages américains. Un geste symbolique et très médiatisé avec une jolie dinde bien coiffée (comme une dinde, évidemment). C'est un symbole du grand pardon pour ceux qui aiment les symboles.



Obama a aussi appelé Poutine - qui ne célèbre pas cette fête pourtant, car ce n'est pas la tradition russe - pour lui demander ce qu'il mangera aujourd'hui (avec Notre François à nous ?) et la réponse n'est pas la soupe à la grimace, mais un beau jeu de mots réservé aux anglophones.



Si vous voulez aussi manger une dinde, il y a plusieurs solutions : la préparer avec tous ses à côtés, ce qui vous prendra quelques jours ; l'acheter chez Picard (sans pub) parce qu'elle est toute prête et bonne ; utiliser la recette suivante Pour la fameuse dinde au whisky, sans aucune garantie :
  1. Acheter une dinde d'environ 5 kg pour 6 personnes et une bouteille de whisky, du sel, du poivre, de l'huile d'olive, des bardes de lard.
  2. La barder de lard, la ficeler, la saler, la poivrer et ajouter un filet d'huile d'olive.
  3. Faire préchauffer le four (thermostat 7) pendant dix minutes.
  4. Se verser un verre de whisky pendant ce temps-là.
  5. Mettre la dinde au four dans un plat à cuisson.
  6. Se verser ensuite 2 verres de whisky et les boire.
  7. Mettre le therpostat à 8 après 20 binutes pour la saisir.
  8. Se bercer 3 berres de whisky.
  9. Apres une debi-beurre, fourrer l'ouvrir et surveiller la buisson de la pinde.
  10. Brendre la vouteille de biscuit et s'enfiler une bonne rasade derrière la bravate - non - la cravate.
  11. Apres une demi-heure de blus, tituber jusqu'au bour. Oubrir la putain de borte du bour et reburner - non - revourner - non - recourner - non - enfin, mettre la guinde dans l'autre sens.
  12. Se prûler la main avec la putain de borte du bour en la refermant - bordel de merde.
  13. Essayer de s'asseoir sur une putain de chaise et se reverdir 5 ou 6 whisky de verres ou le gontraire, je sais blus.
  14. Buire - non - luire - non - cuire - non - ah ben si - cuire la bringue bandant 4 heures.
  15. Et hop, 5 berres de plus. Ça fait du bien par oû que ça passe.
  16. R'tirer le four de la dinde.
  17. Se rebercer une bonne goulée de whisky.
  18. Essayer de sortir le bour de la saloperie de pinde de nouveau parce que ça a raté la bremière fois.
  19. Rabasser la dinde qui est tombée bar terre. L'ettuyer avec une saleté de chiffon et la foutre sur un blat, ou sur un clat, ou sur une assiette. Enfin, on s'en fout...
  20. Se péter la gueule à cause du gras sur le barrelage, ou le carrelage, de la buisine et essayer de se relever.
  21. Décider que l'on est aussi bien par terre et binir la mouteille de rhisky.
  22. Ramper jusqu'au lit, dorbir toute la nuit.
  23. Manger la dinde froide avec une bonne mayonnaise, le lendemain matin et nettoyer le bordel que tu as mis dans la cuisine la veille, pendant le reste de la journée.

Alors, puisqu'il s'agit de revisiter l'année passée pour chacun, je vous invite à cet exercice d'introspection. C'est valable aussi pour les français qui ne comprennent rien à cette fête : pour eux, lisez ce billet enchâssé dans un autre  et vous comprendrez tout, merci à Lisa. Pour moi, cela a été une année où le pire et le meilleur se sont succédés, et l'année prochaine sera certainement plus meilleure que pire, si vous me pardonnez ce gallicisme osé (à ne pas confondre avec un gallinacé).

mercredi 25 novembre 2015

Alerte maximale !!!

Aaaaaaaaaargh. Regardez ce tweet :


Selon ce manuel tout neuf de chez Nathan, le Mont Saint-Michel serait donc en Bretagne, malgré la folie du Couesnon qui l'aurait placé en Normandie. C'est évidemment une coquille, puisque ce fait est accepté par tous, sauf peut-être certains irréductibles bretons et auteurs de manuels scolaires. Ce minuscule fait divers engendre quelques commentaires de ma part.

A quelques semaines des régionales, ce genre de débat n'a pas fini d'alimenter les discussions de cafés du commerce dans ce gigantesque Clochemerle qu'est la France. Il y a des discussions entre régions, mais aussi entre régions regroupées dans une nouvelle et grande Région, et évidemment entre départements, communes et même rues. Il nous rappelle que la France s'est construite lentement et depuis fort longtemps. Le Mont Saint-Michel, fort magnifique par ailleurs, aurait été breton seulement de 867 à 1009, ce qui nous permet de relativiser le débat (et la durée de vie d'un tweet d'une collégienne).

Le métier d'éditeur scolaire est délicat, car chaque auteur-enseignant a des idées bien précises et il y a tellement d'informations dans un tel manuel que le métier de lecteur - ou d'éditeur au sens américain du terme - est de plus en plus important. Ce métier est malheureusement souvent confié à des jeunes sous-payés et peu au fait d'une culture générale moyenne, ou même à des stagiaires non-payés. Comme personne ne remarque les erreurs en général, ce n'est pas grave, ou alors cela permet au professeur dans la classe de faire remarquer l'erreur et d'en tirer des leçons pour ses élèves sur la fiabilité des données, l'importance de la vérification (merci Wikipedia). Finalement, comme le degré zéro d'erreur est inatteignable, de plus en plus, ça reste "rigolo".

Ce n'est pas toujours rigolo. Car en matière de cartographie, il y a des différences d'appréciation souvent très graves entre pays, qui vont souvent jusqu'à la guerre. A lire d'urgence, cet article sérieux sur ces difficultés avec des exemples précis, à partir de Google Maps et de ses enjeux géopolitiques. On se souvient peut-être que juste après les attentats de Paris, Google Maps localisait Daech... au Bataclan ! Triste, grave et obscène erreur, que seuls les systèmes automatiques savent produire...

En Afrique par exemple, dans les zones délimitées par la colonisation pour briser les ethnies en les séparant sur plusieurs pays, ou à l'occasion de la création de pays (Soudan et Sud-Soudan par exemple) ou de velléités d'indépendance. On citera par exemple les cartes du Maroc : le Maroc tient à ce que les frontières englobent tout le pays, y compris donc le Sahara occidental, tandis que l'ONU et la plupart des grandes organisations internationales reconnues mettent une ligne pointillée horizontale pour séparer les deux parties. Combien de dictionnaires et d'atlas ont fini à la poubelle car soit le Maroc, soit une organisation onusienne était cliente du même atlas. C'est pareil en mer de Chine entre la Chine et le Vietnam sur quelques îles autour desquelles tournent les porte-avions américains... Je me souviens de milliers de dictionnaires francophones qui ont été jetés à cause d'une erreur de carte dans cette région, par Hachette à l'époque.

Une erreur peut toujours emmener loin. Même un infime trait entre deux "zones". Car même si la carte n'est pas le territoire, le territoire est important pour les humains, qui aiment à le marquer aux quatre coins avec des symboles plus ou moins pertinents, comme certains animaux. On espère qua dans le cas présent, la guerre ne sera pas déclarée entre les deux régions. Car la Bretagne bénéficie du ministre de la Défense et a donc du répondant !

mardi 24 novembre 2015

Comment va votre precuneus ?

Petit article paru hier dans la parisienne, sur le bonheur et le cerveau. La parisienne c'est une émanation du parisien, le journal, qui leur a d'ailleurs permis de faire condamner des blogs portant ce nom, comme s'ils avaient le privilège de tout ce qui est de Paris... Mais passons.

Cet article relate un article de scientifiques japonais qui ont parait-il identifié la zone du cerveau qui rend propice au bonheur. En soumettant les "cobayes" à des tests, ils ont pu déterminer que ceux qui étaient heureux ou plus prêts à être heureux et positifs avaient un precuneus plus gros que les autres.

Adieu, bonheur extérieur, amour, famille, sensation de planer au de-ssus des autres... Il suffit d'avoir un gros precuneus pour être heureux. Et nous qui croyons, benoitement, que le bonheur pouvait tomber sur tout le monde... Je ne suis pas spécialiste des neurosciences, donc je dois dire des bêtises, mais cette recherche me parait bien partielle. En fait, ces travaux prennent la suite d'autres qui vont dans le même sens. Comme le dit le professeur Sato qui a dirigé les recherches : "Différents travaux ont déjà montré que la méditation peut augmenter la masse de matière grise dans le precuneus. Ce nouvel aperçu qui nous indique où le bonheur se produit dans le cerveau sera utile pour concevoir des programmes du bonheur fondés sur la recherche scientifique"...

Trois remarques.

Le professeur Sato ??? On croyait tous qu'il était mort avec ses formules dans Blake et Mortimer. Il faut dire que c'est un nom courant, qui veut dire village un peu comme Dupont chez nous, mais quand même, la coïncidence est étrange. Je vais me relire les Blake et Mortimer, moi. Ca aura au moins le mérite de faire croître mon precuneus en me rendant heureux.

Relisez bien sa phrase : "Ce nouvel aperçu sera utile pour concevoir des programmes du bonheur"...
Des programmes du bonheur ? Des pilules de viagra pour augmenter la taille de votre pénis precuneus ? Des traitements à base d'électrochoc pour nous rendre tous heureux et perméables aux instructions de nos maîtres ??? Le père Ubu aurait appelé ça du décervelage. Ceux qui ont vu Un Paradis pour tous - avec Patrick Dewaere, en 1982 - sauront de quoi je parle. Petit extrait entre gens "heureux". Ca serait comment l'Humanité moderne, Monsieur le professeur Sato ?



Le bonheur serait donc restreint à une zone de notre cerveau plus ou moins propice... On dit à certains "Tu n'as pas de coeur". Dira-t-on "Tu n'as pas de bonheur" ? Cet article sera lu avec attention par tous les manipulateurs de nos cerveaux. Qu'ils soit du bon côté de la Force ou du côté obscur, car les manipulateur ont toujours besoin de temps de cerveau disponible pour faire passer leurs publicités, leurs propagandes politiques ou religieuses, et leurs pièges mentaux. Si vous voulez être heureux, donc, frottez vous vigoureusement le precuneus, aussi appelé le lobule quadrilatère de Foville (C'est où demande l'imbécile heureux au fond de la classe ? Regardez le lien précédent sur Wikipédia et vous saurez tout, répond le professeur Georges). Si vous êtes un peu sceptique, n'hésitez pas à être heureux de toutes façons - Carpe diem - car quelle que soit la taille de votre precuneus, vous pouvez le saturer de bonheur et d'images mentales. On y va, alors !

lundi 23 novembre 2015

Chat-peau les belges

Plein de chats aujourd'hui, évidemment.

Un hommage appuyé aux twittos belges qui ont inondé les réseaux sociaux de chats en tous genres, recyclés ou originaux, pour meubler Twitter pendant les lourdes opérations policières de la soirée de dimanche. Les pouvoirs publics avaient demandé aux médias et aux citoyens de ne pas divulguer d'informations sur les opérations en cours, afin de ne pas donner d'indice aux suspects recherchés. Contrairement à la France et à ses médias voyeurs en pleine crise d'apoplexie à chaque pet de travers, les belges ont respecté ces consignes, et ont donc choisi de noyer Twitter sous des chats. Petit florilège personnel. On se prend à rêver à une France différente, plus décomplexée et moins donneuse de leçons. Les médias français sont d'ailleurs pleins de chats aussi. On les sent jaloux. Il y a de quoi !

Rien à dire de plus, sinon Chat-peau les belges !





















































Mise à jour, lundi, par la police belge qui a aussi un très grand sens de l'humour...


dimanche 22 novembre 2015

Du temps de cerveau pour... le monde mental

Non mais, j’hallucine, mon ami Pierrot !

Il parait qu’un certain Monsieur Prévert aurait dit du mal des intellectuels si on les laisse tous seuls, et du monde mental illusoire qu’ils créeraient à cette occasion. Il y en a vraiment qui disent n’importe quoi. Pfffft ! Mais comme je suis de bonne humeur, après avoir bu du vin primeur et les paroles de moi-même enregistrées pendant ma dernière conférence, je vais m’abaisser jusqu’à répondre à ce Môssieur… Ma réponse sera limpide, évidemment, car je suis un intellectuel brillant qui le sait et qui l’assume. Limpide et musicale aussi claire que la Lune, en forme d’acrostiche, ou je dirais même - mon Dieu que je suis drôle - d’accroche ce type.

Doutons un peu, car le Doute est scientifique. Doutons donc de la véracité d’une telle déclaration. L’absurde doit être mis en doute, car seule la raison doit nous conduire, par rapport aux Grands anciens qui ont éclairé notre monde, et aux grands intellectuels comme moi qui éclaireront celui de demain. Une rapide recherche dans ma culture encyclopédique, qui se mesure en milliers de gogols, évoque en effet l’existence avérée d’un tel monsieur et d’une telle publication. Dont acte. Ce qui prouve, en passant, que l’intellectuel, quand il est brillant comme le soleil et comme moi, sait reconnaître la réalité pour ce qu’elle est : un matériau fluide et existant au service de la construction mentale la plus époustouflante, et je ne veux pas parler de la mienne seulement. Le Doute, cette divinité essentielle des intellectuels, sauf en ce qui concerne leurs propres capacités à construire, nous conduit donc inéluctablement à la conclusion que les intellectuels sont indispensables, après un raisonnement trop trivial pour que je le détaille ici.

Dominons le débat, ensuite. Car l’intellectuel est un architecte de la pensée, c’est clair, et il a donc besoin pour cela de prendre de la hauteur. Ne dit-on pas un grand intellectuel (en parlant de nous) ? Comme tout grand bâtisseur qui se doit d’être à la pointe, les intellectuels savent bien que les mondes mentaux se construisent du haut vers le bas. C’est seulement ensuite, une fois le plan établi, que les non-intellectuels construisent dans la vraie vie une représentation qu’ils espèrent approchante de ce monde mental idéal que nous créons. Ils doivent commencer, eux, à leur niveau, c’est à dire celui du sol, ou même souvent dans les profondeurs souterraines dont ils sont issus. Cette domination du débat et du monde est un zeugme utile à avoir en tête, pour ceux qui en ont, afin de comprendre le monde et ses échelles de valeur. Elle justifie doublement le rôle éclairé des intellectuels pour chercher la vérité, face au mensonge de la réalité, comme le disait déjà Platon dans sa caverne.

Dormez, braves gens. Dormez bien. Pendant que vous vous reposez de vos tâches abrutissantes et oiseuses, nous veillons, nous les intellectuels. Nous créons même en dormant d’ailleurs, car nous ne pouvons nous empêcher de construire ce monde mental en perpétuelle évolution et qui s’écroulerait sans nous. Pendant le sommeil, il y a le rêve. Et le rêve est ce qui existe de plus proche à la création pure dont seuls nous sommes capables, pour vous, les ignares prisonniers du monde réel. Ce qui nous différencie d’ailleurs des non-intellectuels, c’est que nous, nous nous souvenons de nos rêves et des merveilleux châteaux de cartes que nous y construisons, alors que vous vous empressez d’oublier ce qui pourrait vous approcher - oh, rien qu’un peu, mais quand même - de nous.

veillez-vous après. Car après la nuit, vient le jour. Encore et toujours. Et comme vous n’y arrivez pas toujours en étant seuls, c’est à nous, les intellectuels bâtisseurs de ce monde mental d’élite, de vous réveiller, à coup de déclarations, d’oeuvres, ou simplement par notre présence et notre aura lumineuse. Il n’y a rien de plus satisfaisant pour un intellectuel que de voir ses pensées répétées, amplifiées, déformées par le vulgaire, puis lui revenir en écho d’un monde diffus qui se cherche et qui ne se trouverait pas sans nous. C’est une satisfaction un peu maladive, je le concède, mais elle donne l’impression que le monde réel avance dans la bonne direction, lentement mais sûrement. Il faut savoir rester modeste et simple, comme je me le répète souvent le matin en ne me rasant pas, car un intellectuel est barbu.

Mirage du réel ! Comment ne pas voir l’évidence. Comment ne pas voir la supériorité du monde mental sur la pauvre réalité quotidienne dans laquelle vous vous débattez. Un monde solide, charpenté et construit depuis des millénaires par quelques élus qui savent. Tout à l’opposé d’une réalité impossible à appréhender dans sa totalité, fluctuante et pleine d’illusions comme tout mirage. Evidemment il serait idiot de nier la réalité des intellectuels. Nous avons des corps physiques - à défaut d’absence de barbe - et donc des besoins charnels. Parfois même des amis et des amies non-intellectuels. Si vous êtes capables de réfléchir, vous comprendrez que c’est ce qui nous permet de garder le contact avec votre monde, et que c’est donc un mal nécessaire. Faites une petite pause, puis :

fléchissons donc à ce que serait un monde sans intellectuels. Hypothèse fallacieuse et absurde, mais le raisonnement par l’absurde est un puissant outil de construction du monde mental. Un monde sans nous ne serait que concret. Un monde qui ne serait que concret serait gris et terne. Donc nous sommes indispensables au monde, son essence même, sans sophisme. Après cette preuve éclatante, il est temps de passer à la vraie question. Retenez votre souffle quelques instants :

Douchons vos espoirs. Il n’est en effet pas possible pour n’importe qui de devenir un intellectuel, encore moins un grand intellectuel, architecte du monde mental. Evidemment, certains d’entre vous croient qu’il suffit de quelques études, de quelques diplômes et d’un peu de chance pour approcher le statut d’intellectuel ! Quelle erreur. En soi, c’est déjà un signe de leur incapacité à devenir intellectuel. Une telle erreur méthodologique est en effet impardonnable et le signe certain d’une inaptitude congénitale (j’aime ce mot). Il n’y a que très peu d’élus et ils viennent tous de familles d’intellectuels, quand nous daignons nous reproduire. Moi-même, pur produit du monde mental que j’aide à étendre, je ne vois aucune autre possibilité pour devenir comme nous, c’est dire ! Nous laissons quand même, de temps en temps, quelques-uns parmi vous s’illusionner sur leurs capacités. Cela entretient notre lien avec les non-intellectuels et le moral des troupes que vous êtes.

Misère, dites-vous ! Quelle déception, je ne deviendrai jamais un architecte de ce monde mental si merveilleux. Mais non ! Consolez-vous, il y a tellement d’autres choses à faire pour appliquer nos préceptes et suivre nos instructions. Même une fourmi est utile. Au lieu de dire Misère, estimez-vous heureux de ne pas crier Misère, grâce à notre action permanente pour instruire le monde. Il y a de la place pour chacun et chacun à sa place, comme le dit un de vos proverbes simplistes. Le monde mental n’est pas un monde pour la misère. La richesse intérieure qui nous peuple, nous les intellectuels, est un carburant infini au service de l’Humanité, de sa vérité réelle et de sa réalité vraie.

jouissez-vous ! Même quand vous n’avez plus de feu et que votre chandelle est morte, vous aurez toujours la lumière de nos pensées pour éclairer la nuit sombre de votre quotidien ennuyeux. Le monde mental et ses architectes sont à votre service ! Evidemment, après s’être servis nous même d’abord, car c’est un privilège naturel et antique. Tout ce que nous créons est pour vous, dans notre intérêt partagé et mûrement sélectionné. Ceux qui crient au mensonge sont des manipulateurs que vous devez décerveler. Ceux qui critiquent les intellectuels et les accusent de mensonge doivent être internés et reconfigurés.

affirmons donc notre rôle et sa beauté. Réaffirmons le avec force, mais sans violence, car la violence est le domaine des faux intellectuels déçus qui n’ont d’autre recours que de montrer leurs muscles, privés qu’ils sont d’une puissance intellectuelle réelle. Nous sommes les seuls au monde à pouvoir l’améliorer. Et n’allez pas croire que ce serait un déni de démocratie. Vous élisez des pouvoirs politiques qui vous gouvernent. Ce sont eux qui choisissent librement de suivre nos instructions. Et de plus, nous débattons entre nous pour améliorer continûment le monde mental. Ces débats sont riches (bien évidemment) et passionnants (pour nous qui savons les apprécier). J’en sors toujours gagnant, naturellement, car mon monde mental est bien plus évolué que celui des autres intellectuels. Mais cela me sert à l’améliorer à la marge, et dans une moindre mesure cela sert aux autres intellectuels à comprendre la suprématie de mon monde mental par rapport au leur.

Dois-je continuer ? Ma démonstration est tellement claire que j’en suis moi-même ébloui et je vais de ce pas me mirer dans mon beau miroir, moi le mirifique premier ministre du plus beau des mondes mentaux.



S’il reste des sceptiques parmi vous sur la supériorité évidente du monde mental - du mien évidemment, ou même de celui de quelques autres intellectuels de valeur - sur le pauvre monde matériel dans lequel l’Humanité évoluerait sans nous, je vous laisse lire le poème de cet agité du bocal, par exemple ici. Vous serez édifié par un tel monument de bêtise. Comme si ce monsieur était isolé dans sa tour d’ivoire loin du vrai monde.

samedi 21 novembre 2015

L’Europe dans le mur ou au-dessus ?

Décisions importantes hier pour l’Union européenne, lors d’une réunion des ministres de l’intérieur et de la justice. Drôle de couple que la police et la justice ensemble, mais en tous cas, à la demande de la France et sur fond de migrants en masse, l’Union a annoncé des mesures. Commentaires.

D’abord, il s’agit d’annonces, pour certaines suivies immédiatement d’effet à certains endroits, mais pas pour toutes les annonces et pas partout. L’Europe avait déjà fait le coup en janvier après les attentats contre Charlie et régulièrement après chaque attentat. Il s’agit clairement de calmer les foules à coup d’annonces. Ca va marcher de moins en moins s’il n’y a pas de résultat ! Or l’Europe est diverse, notamment sur ces questions d’identité et de fermeture/ouverture.

D’abord il y a le PNR, ce fichier des passagers aériens, centralisé au niveau européen et qui permettrait de retracer les mouvements des personnes volant dans l’Union ou partant/arrivant en Europe, y compris pour les personnes bénéficiant de la libre circulation. Beaucoup d’informations, gardées pendant au moins un an pour permettre des enquêtes. Plusieurs pays sont contre et freinent pour diverses raisons politiques, commerciales ou logistiques. Un tel fichier centralisateur offre beaucoup d’avantage pour police et justice. Franchement, moi qui voyage beaucoup, je suis étonné qu’il n’existe pas déjà, vu la vitesse avec laquelle se dégradent nos libertés individuelles. Il ne s’agit que d’avion, ici. A quand un bracelet obligatoire pour circuler en Europe et des permis de voyage ? La gauche est au pouvoir et c’est elle qui porte cette mesure ? Un autre monde.

Il y a ensuite le contrôle de la circulation des armes à feu. Bon courage, messieurs qui habitez les beaux quartiers. Il y a un arsenal officieux important un peu partout et on n’imagine pas que le trafic soit très gêné, sauf peut-être dans certains pays européens plus actifs dans ce domaine. On cite souvent les Balkans par exemple. Faut-il ériger un mur sous forme de gilets pare balle pour chaque européen ?

Il y a enfin le rétablissement des contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen, pour les citoyens européens qui bénéficient de la libre circulation à l’intérieur de cet espace. Alors que les files d’attente dissociaient les passeports UE (et suisse) des autres, maintenant, elles seront confondues afin de nous contrôler à travers les différents fichiers nationaux et européens existants. Prévoyez des délais allongés aux frontières « extérieures de Schengen ». Comme cette mesure « temporaire » est contraire au code Schengen adopté par l’Union, il faut donc réformer ce code. Un mur à construire tout autour de l’Europe ? Un mur sans trou évidemment, alors même que les trafiquants et autres terroristes bénéficient de soutiens logistiques très efficaces, la preuve ces derniers jours.

Il s’agit de mesures temporaires (hum, hum qui n’a jamais vu de bâtiment préfabriqué toujours utilisé vingt ans après sa supposée date de démontage ?) mais certaines de ces réformes deviendront de facto permanentes de toutes façons, car qui construirait un fichier central complexe seulement pour une courte durée ? En tous cas ces propositions changent l’esprit de la libre circulation européenne.

En plein débat sur les nationalismes montants un peu partout, et pas qu’en France, sur la politique d’accueil des réfugiés demandeurs d’asile contestée par plusieurs pays qui préfèrent avoir leurs murs à eux, de telles mesures vont poser une question clé :

Moins ou plus d’Europe et d’intégration européenne ? Moins répondent les sécuritaires, puisqu’il faut des murs et qu’on n’est jamais si bien servi que par ses propres maçons. Plus répondent les europhiles qui espèrent pouvoir profiter de cette crise pour eu contraire renforcer les liens et développer enfin les outils qui viendront permettre aux instruments actuels d’intégration, comme Schengen, de s’exprimer clairement en finissant la job, comme on dit au Québec. Schengen était au milieu du gué. De quel côté va-t-il aller maintenant. Tout nous amène à penser qu’il va rebrousser chemin. Pour avancer, en effet, il faudrait une volonté politique partagée, des moyens et des outils réellement efficaces.

Nous sommes aujourd’hui dans l’urgence d’une crise. Il faut donc des annonces (pas forcément suivies d’effets d’ailleurs) et il faut aussi préparer l’avenir. L’Europe s’est définie autour de la question des murs. Est-ce son avenir ? J’ose croire que non.  L’Europe comme une grosse boite enfermée dans ses murs et comportant plein de petites boites enfermées dans leurs petits murs nationaux ? On n’appelle pas ça des poupées russes, comme à la grande époque stalinienne ? Décidément les défenseurs de la liberté, et des libertés, ont du souci à se faire. Mais il ne faut pas que nous abandonnions le combat.

vendredi 20 novembre 2015

Windows, 30 ans déjà et plus toutes ses dents

Il y a exactement 30 ans sortait la première version de Windows, la 1.0 comme on dit. Presque deux ans après le premier Macintosh qui avait inauguré sur une grande échelle les interfaces graphiques avec souris, fenêtres et boutons.

Windows était très en retard au début sur les Mac, et la guerre des brevets faisait rage. La première version n'avait par exemple que des fausses fenêtres qui ne glissaient pas les unes devant les autres, et ce n'était en fait q'un habillage du DOS qui était toujours actif en dessous. Mais Windows a gagné la guerre commerciale avec les années, et a enfilé des versions toutes plus mémorables les unes que les autres. Il a fallu attendre 5 ans de plus pour voir le premier vrai Windows sortir, la version 3.0 qui culminera avec la version 3.11 encore utilisée aujourd'hui. Il y a quelques semaines, l'aéroport d'Orly était en panne parce qu'une des applications clés avait planté... Et elle fonctionnait encore sous ce système vieux de presque 25 ans. On se souvient tous du fameux Windows 95 qui a donc vingt ans cette année et de Windows XP de 2001 encore largement répandu et source infinie de bugs. Histoire complète ici par exemple et exemples d'écrans suivant les versions là.

Aujourd'hui, Windows domine encore le monde des PC, mais celui-ci a beaucoup changé. Le système des Mac a lui aussi beaucoup changé et Linux est apparu, quoiqu'encore réservé à des utilisateurs plus avertis. Et puis les tablettes et autres mobiles ont déferlé sur le monde de l'informatique pépère de la souris et tout a changé. Windows a raté le virage et peine à y revenir. Dans le monde des téléphones par exemple, sa présence est anecdotique. 

Alors au-delà de la paléontologie des systèmes d'exploitation et des guerres de religion entre chats et chiens Mac et Windows, il faut quand même noter qu'une grande partie de notre monde a changé grâce à cet outil, même aussi imparfait et qui a réussi à être incompatible avec lui-même un grand nombre de fois. Aujourd'hui on trouve des petits PC qui tiennent dans une main et qui tournent sous Linux (comme le Raspberry Pi) pour quelques dizaines d'euros à peine. A cause du coût des licences logicielles, Windows n'a pas su suivre ce rythme, car c'est la vache à lait de sa compagnie mère. Ca l'est toujours avec, d'ailleurs, avec des systèmes de licences très compliqués et qui visent non seulement à rendre le client captif mais aussi à l'abonner discrètement.

On en est à Windows 10, en ayant sauté quelques étapes, comme le Windows Neuf qui n'a jamais existé (un acte manqué qui nous a tous fait rigoler). On est aussi trente ans après. Un moment où deux générations ont vécu avec des outils de ce type et où les besoins sont différents, avec l'éclosion des besoins nomades, des objets connectés et d'une évolution fondamentale du PC canal historique. Au-delà du modèle économique, il s'agit d'un positionnement nouveau pour Microsoft. En rendant ce système gratuit pendant un an pour ceux qui avaient une version récente, il s'agit d'accélérer la transition et donc de réduire les frais de maintenance de versions ridiculement anciennes. Il s'agit aussi de basculer dans un modèle à la Google, car Microsoft va revendre vos données personnelles pour amortir cette gratuité temporaire.

Finalement, on croit souvent que les systèmes d'exploitation sont des couches réservées aux informaticiens, donc pas importantes pour les utilisateurs normaux. C'est faux évidemment. L'utilisateur lambda a besoin ou envie de faire des choses avec son ordinateur et il souhaite que ça se passe bien, sans avoir à perdre des heures dans les arcanes de systèmes incompréhensibles. En ce sens, Windows a fait des progrès, mais il garde cette volonté de tout embrasser, au risque de mal étreindre. Et puisque les guerres de religion sont à la mode, je ne résiste pas au plaisir de vous donner ce lien (en anglais) pour expliquer pourquoi un Mac est meilleur qu'un Windows. Mauvaise foi, évidemment, mais ça fait du bien.

C'est un sujet dont je parle de temps en temps, comme ici pour l'annonce par Microsoft que la version 10 serait la dernière, avec un joli piège pour consommateur pressé au milieu.

jeudi 19 novembre 2015

Après les attentats, Beaujolpif as usual

C’est jeudi, le troisième de novembre, donc c’est Beaujolais nouveau.

La fête inaugurale a eu lieu hier soir à Beaujeu comme d’hab - même si les fêtes de la Lumière risquent d’être supprimées ou raccourcies cette année à cause des terroristes. On ne rigole pas avec le vin en France, ou plutôt, on rigole avec puisque c’est devenu un devoir civique que de boire - du mauvais vin, sur une terrasse de café où on se les pèle, entouré de fumeurs qui fêtent leur clope, en faisant des grosses blagues.

Chacun fait selon ses désirs. Quelques éléments quand même sur ce jeudi.

Le Beaujolais nouveau de 2015 s’annonce, sur un plan oenologique comme grandissime ou même béni des dieux, merci le réchauffement climatique et l’été gorgé de soleil. Ces mots semblent un peu outrés, normal, ce sont les mots des professionnels du secteur, donc des mots marketing. Cela reste un événement mondial (le Japon consomme à lui tout seul un quart de rouge de la production...) mais en France, pays de production et d’amateurs au quotidien, on n’aime plus trop l’appellation Beaujolais toute seule. On préfère de plus en plus les appellations réputées - un Morgon ou un Fleurie par exemple ? - à un label uniformisant dont on ne sait pas trop quoi dire, sinon enfoncer des portes ouvertes comme un goût de banane , de fruit, de tabac ou pourquoi pas de shit (désolé pour le jeu de mots). Certains professionnels voudraient même qu’on dise LES Beaujolais nouveaux, pour bien marquer cette évolution, alors que le concept même du vin nouveau, à l’époque, était de relancer des ventes sous une étiquette fédératrice. Il y a dix ans, les vignerons vendaient deux fois plus qu’aujourd’hui... Ce qui en dit long sur la qualité perçue par les ivrognes consommateurs. Il n’empêche que l’année dernière, 28 millions de bouteilles étaient parties en fumée avaient été vidées.

Les vins nouveaux se sont multipliés, certains avec une meilleure réputation que le Beaujol... Rappelons que ce sont des voins primeurs qui doivent être bus dans les six mois de leur vinification. Ne jamais boire un vin nouveau à partir du printemps !

Aujourd’hui, le combat sera donc rude pour mesurer le succès ou non de cette campagne annuelle, dans notre contexte actuel, mélange de peur, de résistance et de volonté de vivre. Je parlais d’une nécessaire recherche de symboles dans les moments de crise. La Marseillaise en est un, de plus en plus repris, comme celle, émouvante, qui a retenti à Wembley mardi soir, avant le match de foot - par ailleurs nullissime, on les comprend, nos joueurs. Chantée avec tous les accents du monde, la Marseillaise a pourtant des paroles guerrières horribles puisqu’elle parle d’un sang impur (??? Attention au contresens, car le sang impur c'est celui du peuple français parti combattre les envahisseurs à la place des nobles, ce n'est pas le sang des étrangers justement !!!). Mais c’est notre symbole, ici en France, et tous y tiennent, par devoir de mémoire pour tous ceux qui l’ont chanté avant et parce que c’est un gant galvanisant. Le Beaujolais nouveau n’est pas un symbole, heureusement, même si certains voudraient - l’espace d’un jeudi - le brandir comme un poing levé avant de le gober d’une traite.

Certaines illustrations sont pour le moins étranges, comme celle-ci. Un art, vraiment ?


ou celle-ci, hips (lisez quand même le petit texte à droite (en zoomant), c’est vrai !


Et à propos, pour les étrangers, voici une photo du fameux Georges (encore un ?) Duboeuf qui exporte des vins dans le monde entier... Il existe !



mercredi 18 novembre 2015

Occupied

Quelques mots sur la prochaine série d'Arte, dont le premier épisode sera diffusé le 19 novembre, dans le cadre des jeudis fameux qui ont vu se succéder plusieurs séries scandinaves, de Borgen, la politique danoise, à Humans, les robots suédois. Voici venu le temps de Occupied, la politique fiction norvégienne. Le premier épisode est visible ici en exclusivité, avant de le voir jeudi prochain ou sur Arte+7 ensuite.

J'ai donc regardé ce premier épisode d'Occupied (1/10) et je suis séduit. L'exposé des faits est simple et l'on sent bien que les différents personnages qui sont présentés auront des positionnements différents. C'est de la politique fiction, pas de l'actualité. Comme tous les bons romans/films de science-fiction, il s'agit de partir d'une idée et de la développer au maximum, dans ses conséquences et dans les attitudes diverses des personnages. Ici on allie politique dans un pays proche et à la fois lointain au sein de l'Europe, écologie puisque le nouveau premier ministre est école et decidé d'arrêter la production de gaz et de pétrole, et européen car il s'agit d'une question qui dépasse les simples choix nationaux.

Le calendrier était bien choisi, en pleine COP21. Car la "transition énergétique" vers les énergies renouvelables ou non polluantes (c'est quoi le Thorium ?) n'est forcément pas si douce que les angéliques naïfs veulent bien nous le faire croire. Mais après les attentats de Paris, tout le monde voudra y voir des parallèles possibles avec la notion de résistance face à un ennemi, ou de l'importance des choix individuels dans des combats qui nous dépassent et qui sont manipulés par des décideurs sans vergogne.

L'important, ce n'est pas des parallèles douteux et a posteriori, mais notre capacité à réfléchir, après avoir regardé une telle série. Et là, je crois qu'il y a matière à réfléchir. 

Alors, jeudi soir, regardez ce premier épisode et faites vous une opinion. Ou regardez een différé grâce à Arte+7 par exemple. Ils en ont même fait un petit jeu en ligne ;)

mardi 17 novembre 2015

Quoi faire après le deuil national ?

Beaucoup de gens ont oublié ce qu’est un deuil national, dans le rythme trépidant des vies quotidiennes à tout niveau. C’est pourtant censé un moment de deuil justement, partagé dans tout le pays, propice aux réflexions et aux discussions. Que faire après ? Et comment le faire ?

Parler, échanger, communiquer... donc écouter aussi, sans forcément juger. Discuter avec le plus de personnes possibles, retrouver l’art de l’échange qui peut certainement changer des choses. Il n’est pas toujours facile de discuter avec des gens dont l’opinion est coupée à l’emporte-pièce, d’un mouvement du menton, mais si on croit au dialogue, c’est toujours enrichissant. Evidemment, les enfants sont un cas à part, car leur compréhension est incomplète, même quand ils disent « je sais » comme Gabin sur le tard.

Lire sur ces sujets, surtout quand on ne les maîtrise pas bien, mais ne pas lire n’importe quoi : les éternuements de trolls sur certains réseaux sociaux sont à éviter, ainsi que les fausses rumeurs de vrais non-rigolos, et que les les articles sans profondeur. Pour choisir des articles utiles à lire, de tous les points de vue, il faut savoir chercher, ou faire confiance à des journalistes qui cherchent pour vous. Je réclamais hier, dans mon coup de gueule, des articles de synthèse pointant vers d’autres articles parus partout (et pas seulement dans leur propre journal), Slate.fr l’a fait. Lisez cet article et les liens cités qui vous intéressent. J’ai beaucoup appris d’un certain point de vue, par exemple, en lisant l’article de Courrier International repris d’Atlantic.

Réagir. C’est une action nécessaire pour marquer que la peur peut être vaincue et que la peur ne nous fait pas peur, comme le disait Herbert dans Dune : "Je ne connais pas la peur, car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi ». Litanie contre la Peur du rituel Bene Gesserit....

Se souvenir. Un deuil, qu’il soit long ou court, c’est une période pour forger les souvenirs et les mémoires qu’on portera ensuite, pendant longtemps. Continuer à vivre, changer de vie, tout en se souvenant, c’est le grand paradoxe du deuil. Certains n’y arrivent jamais, d’autres mettent longtemps. Même si l’actualité médiatique poussera ces événements dans la corbeille à papiers des journalistes de l’immédiat des politiciens soucieux de leur carrière et de leur ré-élection, le deuil est quelque chose qui frappe chacun de nous.

Sortir (quand on peut et qu’on n’a pas un plâtre comme moi). Les lieux culturels, restaurants et cafés rouvrent à partir de ce mardi soir, sous la triple pression du gouvernement, des professionnels du secteur qui voient leur chiffre d’affaires baisser, et du public normal qui veut montrer son amour de la vie, ici et maintenant. Il y a des lieux qui restent fermés ou qui ont annulé leur événement pour diverses raisons, mais c’est une petite minorité.

Et puis :

Voter. Eh oui, il y a des élections dans quelques semaines, les 6 et 13 décembre, pour les régionales. L’abstention semblait la grande gagnante de ces élections avec des taux d’abstention autour des 50-60%... Voter, c’est un droit (pas encore un devoir), mais c’est surtout le signe d’une démocratie, objet extra-califatesque, et c’est un symbole utile. Quelles que soient vos opinions, voulant bouter les étrangers hors de France, européens, de gauche ou de droite, locaux ou nationaux.

lundi 16 novembre 2015

Des couches et des individus, après les attentats de Paris

C'est dans les moments de grande crise qu'on se pose des questions et qu'on observe autour de nous. Chacun de nous est un ensemble précis de couches, de facettes ou d'identités. De convictions, de forces et de fragilités. Et puis, chacun agit, indépendamment ou non de ce qu'il est. On voit souvent plus les actes que le fond. Débat ancien entre Platon et Socrate, entre le faire c'est être ou le être c'est faire.

En France, il y a plein de couches visibles de comportements. On les voit s'exprimer dans les médias, mais aussi dans les discussions en groupe ou privées. On les voit observées de l'extérieur, par toutes celles et tous ceux qui regardent la France et les français avec des regards bienveillants, moqueurs, haineux ou amoureux. Ce doux mélange a une caractéristique : c'est un mélange, et il nous caractérise. Il ne s'agit pas d'une intégration unifiante, ni d'un communautarisme clivant, mais plutôt d'une mosaïque mouvante. Elle est belle cette mosaïque. Et la beauté, c'est important. Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes ? Un monde de finesse avec quelques grammes de brutes dedans ? Chacun choisira, en toute liberté.

Carpe diem. Etre tourné vers l'avenir. S'ouvrir au monde et au futur, quelles que soient les douleurs passées. Le deuil est un travail individuel et de groupe, plus ou moins rapide. Penser à l'avenir et revivre, sans oublier le passé. Un vrai défi pour certains. Mais une boucle infernale dont il faut savoir sortir, au bon moment. Vivre et se souvenir, positivement. Une nécessité humaine, un bonheur inestimable. Insoutenable, comme disait Ira Levin dans son beau roman de SF. Une action déterminée pour vivre et répandre la vie autour.

Mais tout ceci n'est qu'une attitude individuelle, ou d'une couche d'optimistes déterminés. Ceux qui agissent (j'ai failli écrire se battent) pour que le monde soit meilleur, ici, au moment présent et pas dans un ailleurs inconnu et maîtrisé par des croyances plus ou moins crédibles. Au quotidien, dans sa rue, dans un avenir proche, avec ses enfants ou ceux des autres, dans une logique structurante, en travaillant là où ça fait sens.

On parle beaucoup de valeurs, mais elles ne sont que rarement nommables. Elles sont trop compliquées et trop difficiles à appréhender pour les écervelés. Il faut des symboles aussi. Des symboles facilement compréhensibles, appropriables. En France, on n'en a pas vraiment. Nous aimons tant détourner les symboles au-delà de leurs propres significations... Vive l'esprit critique ! Le drapeau bleu blanc rouge est perçu comme un symbole nationaliste, Marianne est différente à chaque sculpteur choisi, la Marseillaise est de la belle musique avec des paroles hyper-belliqueuses... Et pourtant, à certains moments, ces symboles nous rattachent, parce qu'il n'y a rien d'autre de plus fort, ou plutôt, il y a pléthore de symboles. Je n'en ai pas à vous proposer. Mais il en manque, des symboles concrets.

Et les couches, alors ? Il y en a pléthore.

Il y a les politiques, hommes et femmes, qui se déchirent sans retenue. Dès les premier jour, il y avait la bande de cons qui nous poussent à penser comme eux, en intolérants extrémistes qu'ils sont. Sarkozy a pris le relais et a déjà sonné le glas d'une union nationale qui n'est pas faite pour ce type d'hommes, trop autocrates pour accepter un quelconque consensus, fort ou mou. Le Congrès de Versailles sera le lieu de déclarations solennelles, mais l'ambiance unitaire est d'ores et déjà moribonde. Leur crédibilité en est diminuée, surtout quand ils proposent n'importe quoi.

Il y a les spécialistes de la sécurité. Certains sont pour le tout sécuritaire, à étendre d'urgence, tandis que d'autres sont pour le tout judiciaire. L'équilibre français est un mélange des deux, depuis plusieurs siècles, dans un équilibre fragile, qui allie protection et démocratie, sécurité et liberté. On a entendu des propositions débiles, comme Sarkozy par exemple avec des bracelets électroniques pour toutes les fiches S (sic), alors même qu'il sait très bien ce que sont ces fiches S, ou alors il est incompétent.

Il y a les médias, qui tournent en boucle. On voit peu d'analyses de fond ou en tous cas, elles sont invisibles, noyées dans la masse. Elles commencent à surnager, mais il est difficile de les séparer du reste. Quel média permettra de les lister, toutes opinions confondues ? Certainement pa les médias sociaux qui sont dans l'instantané, souvent à base de rumeurs. Comme ces fausses alertes dimanche soir à Paris qui ont provoqué des paniques. En le suivant en direct sur Twitter, on réalise à quel point ces réseaux sont capables du meilleur #porteouverte comme du pire.

Il y a les religieux de tous bords, avec leurs arguments auto-justificatifs. Ils ont le droit de penser ce qu'ils veulent dans un pays laïc. Ils ont aussi le droit de ne pas réagir. Je pense par exemple à ce dimanche matin sur la télé publique, avec les traditionnelles émissions religieuses : elles étaient enregistrées à l'avance "avant les attentats". Un décalage incommensurable. Qu'est-ce qu'une religion dominante en France (les chrétiens) qui n'est pas capable de bouleverser ces programmes dans ce cas ???

Il y a les artistes et les sportifs, unis dans cette attaque contre leurs visions du monde. Chacun a envie de réagir, modestement, avec son "art". De résister. De montrer que cela ne s'arrête pas, que cela va continuer même, plus et mieux. Il y a les amoureux de l'art et du sport qui veulent continuer, pour tuer la peur. Se découvrir dans un conflit, alors qu'on croyait être à côté, est un choc. Beaucoup ont des réflexes salutaires. L'émission de France Musique ce lundi matin en est un exemple parmi d'autres. La beauté ou la musique, une solution ? Ou un moyen de nous amener quelque part.

Il y a les parisiens, et spécialement ceux qui vivent et sortent à Paris. Il y a leur énergie indomptable et leur fantastique solidarité. Une énergie épouvantablement forte. N'importe quelle autocratie craindra toujours Paris et son peuple mosaïque. Une énergie dont on doit toujours se rappeler. Dont les autocrates et autres extrémistes doivent toujours se rappeler. D'autres villes sont comme ça - je pense à Beyrouth par exemple - mais Paris a cette taille qui en fait un symbole. Et ce peuple qui fait sa force. Ni insouciant, ni paniqué.

Il y a les cons, une couche très répandue un peu partout. Parmi eux, une petite partie est violente, ultra-violente, comme les extrémistes de Daech qui, quand ils pensent par eux-mêmes, pensent avoir raison d'éradiquer tout ce qui est Autre. Parmi les cons, il y a aussi les inconscients qui se marrent comme des baleines, qui lancent des pétards ou qui les vendent. On en connait tous. Ceux-là n'écoutent pas les autres, sauf quand ça les arrange. Ils se complaisent dans l'égoïsme de leurs groupes de cons.

En fait, c'est comme si la notion de "partage" ou d'"ensemble" n'existait pas tant elle recouvre de réalité différentes : une bande en banlieue, un groupe de musiciens qui joue ensemble, une foule au hasard communiant ensemble, un groupe militaire terroriste soudé et manipulé, une classe de collégiens réunie ce matin pour la première fois depuis les attentats, une famille recomposée, des couples d'amoureux séparés ou transis...

Et vous alors ?

dimanche 15 novembre 2015

Du temps de cerveau... pour une nouvelle Mary

Vous connaissez l'énigme de la Mary Céleste, ce vaisseau américain découvert au large des Açores en décembre 1872. L'équipage entier avait disparu et n'a jamais été retrouvé. Le bateau, quant à lui, fut retrouvé quasi-intact. Cette énigme passionna au cours des siècles de nombreux chercheurs.

Il y eut pourtant un rescapé, qui n'est autre qu'un de mes aïeuls, le docteur Joole. En rangeant une malle au grenier, j'ai découvert son journal de bord et ce qu'il y a inscrit à la date du 27 novembre 1872. Je vous livre cette histoire, inconnue de tous jusqu'à aujourd'hui. Authentique ou fantasmée, elle me semble digne de lecture.

27 Novembre 1872, à bord

Hier encore, j'étais le plus heureux des hommes. L'avenir était à moi, ou plutôt à nous, Sarah et moi.

Je viens de relire les premières pages de mon journal tout neuf. Je l'ai entamé il y a un mois maintenant, jour pour jour. Il n'est rempli que de coeurs. Un coeur pour chaque jour depuis que j'ai rencontré Sarah à New York où je travaillai, de plus en plus gros. Il remplissait presque la page, hier. Aujourd'hui, il y a juste un petit coeur brisé en haut de la page. Je n'ai jamais eu pour habitude de consigner des pensées trop intimes dans un journal. Encore moins ici, à bord d'un vaisseau aussi confiné que la Mary Celeste. Mais aujourd'hui, il en va autrement. La mort est passée par là.

La première semaine à New York fut un délice, après un coup de foudre plus intense que la plus forte des tempêtes en haute mer. Une rencontre dans mon cabinet médical pour le léger rhume de sa fille. Mille rencontres en une semaine à chaque moment possible pour s'embrasser et s'aimer. Un moment de rêve, gravé dans le marbre flageolant de mon éternité. Une semaine, pour deux amoureux, c'est plusieurs vies. Une intensité de tous les instants. Je ne sais pas comment elle fit, cette semaine-là, pour me voir autant, alors que son capitaine de Mary s'apprêtait à traverser l'Atlantique seul avec son équipage. Personne ne nous vit.

Son mari, le Capitaine Briggs, décida la veille du départ que sa femme et sa fille l'accompagneraient. Nous pleurâmes longuement dans les bras l'un de l'autre, Sarah et moi. Séparer deux amants après une telle éternité d'une semaine nous semblait d'une cruauté infinie, même si nous savions que son mari ignorait tout de notre liaison. C'est à ce moment que je pris la décision qui allait changer nos vies. J'allai voir le capitaine et lui proposai de m'embarquer avec lui pour l'Europe. J'avais besoin d'y aller en urgence et son bateau était le premier à partir, l'un des plus rapides en fait. J'étais prêt à payer mon voyage et à servir de médecin de bord au cas où. Le capitaine Briggs me regarda longtemps, discuta avec détermination, mais il accepta. Je ne devais pas être un passager officiel, c'était tout, pour de sombres raisons d'assurance. Cela me convenait parfaitement.

Depuis que je suis à bord du brigantin, je vois Sarah tout le temps. Oh, bien sûr, je n'ai pu l'embrasser que trois fois, furtivement, mais nous sommes ensemble, dans une sorte de voyage de noces en pleine mer. Nous avons déjà décidé de fuir en arrivant. Je saurai reconstruire une vie, lui avais-je dit. J'aurais su, oui...

La nuit dernière, une trombe est passée près de nous. La Mary Celeste est solide et a pu y échapper, avec quelques dégâts somme toute mineurs. Deux membres de l'équipage ont été blessés et je passai une grande partie de la nuit à les soigner. Sarah vint les veiller et je pus la voir seule quelques minutes. Mes dernières minutes de bonheur.

Lorsque le capitaine est entré pour voir les malades...

Sarah était déjà repartie. Il ne se rendit compte de rien, pour nous, mais me montra la petite boite qu'il venait de trouver sur mon hamac, en allant chercher un appareil dans un des placards. J'avais toujours cette boite sur moi et je me maudis intérieurement de l'avoir laissée trainer, dans l'urgence à cause de la tempête. Il me demanda ce que c'était, avec des yeux brillants. La boite était belle, il est vrai, et elle semblait cacher quelque chose d'encore plus précieux. Je voulus lui prendre des mains en lui disant que c'était un souvenir de famille, mais il retira sa main et me fit face.

La situation allait dégénérer...

Puis il me tendit la boite et me dit : "Ouvrez-la, il y a un mécanisme secret, je n'ai pas pu l'ouvrir" d'un ton autoritaire. J'étais acculé. Je ne pouvais rien faire. Je pensai à Sarah, à nous. Il restait un espoir. J'ouvris la boite... et le Charme sortit, comme il le faisait à chaque fois. Le Charme sortit et charma instantanément tous les humains à bord. Sauf moi, évidemment, son maître, son mentor depuis qu'il est dans la famille il y a plus de mille ans. Le Charme sortit mais le capitaine était plus près de lui que moi. Le Charme le pénétra entièrement et les yeux du capitaine devinrent noirs de jais.

La tuerie fut brève. Le capitaine les tua tous, en commençant par les blessés, puis les autres membres de l'équipage. Personne ne lui résista, bien sûr. Le Charme y veillait. Le capitaine garda sa femme et sa fille pour la fin. Et moi aussi évidemment, l'intouchable maître du Charme. Il les tua toutes les deux devant moi. Puis il me regarda et se tira la dernière balle dans la tête.

Le Charme retourna aussitôt dans la boite et je la refermai. Un peu vite, je crois. Il n'est pas impossible qu'un morceau du Charme soit resté dehors accroché à mon index droit. Je ne le saurai pas tout de suite. Je ne le saurai peut-être jamais. Je n'ai pas osé rouvrir la boîte pour le vérifier. On n'ouvre jamais la boite du Charme impunément, comme nous le disons dans la famille depuis des générations.

Le Charme tue, c'est vrai, mais le Charme nous hante, surtout. Il peuple les nuits de ses victimes la nuit dans les cauchemars. Il remplace les reflets des miroirs par une image vivante du double mauvais de chacun, une manière de toujours nous mettre face à notre côté le plus obscur. Il coupe notre personnalité en morceaux clairs et obscurs et les mélange, sans qu'on puisse jamais savoir si l'on est l'un ou l'autre. Le Charme fait de nous des armes contre nous-mêmes. Le capitaine Briggs a choisi son côté. Il a tué ma bien-aimée.

J'ai passé la journée à jeter les morts à la mer. Si près des Açores, les requins nous ont vite entouré. J'ai cousu deux beaux linceuls pour Sarah et sa fille et je les ai déposées doucement dans la chaloupe. Avec amour.

Je vais bientôt quitter la Mary Celeste. Ce vaisseau du bonheur et du malheur aura été le tombeau de ma vie. Une fois à bord de la chaloupe je m'éloignerai un peu, je ferai lentement glisser les corps dans la mer et je partirai seul. Ceci est la dernière entrée de mon journal. Je le garde comme le souvenir d'une histoire si belle que mon coeur saute à chaque fois que je regarde un des coeurs qui s'y trouve et qui me raconte l'histoire de notre amour, à Sarah et à moi.

Je jure, si je survis, de taire à jamais cette histoire. Je jure de ne jamais plus ouvrir la boite du Charme. Je jure de ne laisser le secret du mécanisme à aucun de mes héritiers si j'en ai. Mais mon index me fait mal, maintenant. J'ai envie de presser la gâchette du pistolet que j'ai emporté au cas où. Où cela me mènera-t-il ?

PS A côté du journal de bord, dans la malle, il y avait une très jolie petite boite. Je l'ai mise dans ma poche. Je repense à cet aïeul qui a fondé notre dynastie de banquiers. Plus besoin de Charme à notre époque, me suis-je dit, en me frottant la tempe droite avec l'index. Il y a des moyens plus modernes de dominer le monde.