jeudi 31 mars 2016

Lycéens dans la rue ou dans les palmarès ?

Comme chaque année fin mars depuis plus de vingt ans, le ministère de l'éducation nationale publie les indicateurs sur les lycées. Parlons-en un peu cette année, puisque les lycéens sont dans la rue :

- Les lycéens manifestent avec les étudiants et les syndicats professionnels contre la loi Travail. Un jeudi comme les autres en ce mois de mars qu'on peut maintenant appeler "le mois des quatre jeudis", en attendant les manifs d'avril. Certains lycées ont décidé de fermer préventivement, alors que la règle ne le permet pas. D'autres sont inaccessibles à cause de barrages filtrants (c'est-à-dire qui laissent passer les "petits" collégiens fragiles ou les grands en classes préparatoires, puisque justement ces élites ont vocation à trouver du travail - et même à devenir patrons).

- les statistiques du ministère sont donc parues et les principaux médias se sont précipités dessus pour vendre de la copie aux parents stressés de collégiens en 3°. J'en ai un justement, cette année, donc je sais de quoi je parle ;) Comme le note 20 minutes, parmi ces médias pressés, il y a Linternaute.com, l'Etudiant, l’Express, le Monde, le Point ou le Figaro. Chacun y va de son "palmarès" ou "classement" à lui. Pourtant les indicateurs du ministère (les IVAL) sont censés mesurer la valeur ajoutée de chaque lycée par rapport à l'accompagnement et au suivi des élèves de la seconde au bac. Ce ne sont pas des classements.

- mais la nature humaine adore les classements. Sauf que tous les experts savent bien qu'il n'y a pas de classement absolu ou idéal. Idéalement, justement, chacun devrait pouvoir définir ses besoins et, en fonction de ceux-ci, voir les caractéristiques de chaque établissement. C'est délicat à faire, car souvent les données manquent pour répondre à ces questions : quelle est l'ambiance d'un lycée, quelles filières sont privilégiées, qu'est-ce qui est prévu pour accompagner mon gamin... ? La presse adore pourtant les classements. Pour faire le parallèle avec les classements des universités qui font fureur aussi depuis la publication du premier à Shanghai, les classements se contentent trop souvent de classer les établissements sur une échelle linéaire, unidimensionnelle, via des scores "pondérés".  On notera d'ailleurs que presque tous sont issus de groupes de presse... Très peu savent dresser un paysage multidimensionnel fidèle (L'UE a tenté un essai avec le système U-Multirank) et fleurissent donc des classements farfelus en fonction d'un seul critère plus ou moins loufoque, mais toujours unidimensionnel.

- un palmarès n'a de sens que par rapport aux publics qui le lisent (et qui agissent ensuite en fonction de ses résultats). Que ce soit pour un festival de cinéma comme Cannes, un prix Goncourt ou une liste de produits à acheter dans un doux mélange prix-qualité, la question reste la même. En ce qui concerne les palmarès indicateurs des lycées, qui sont les publics visés ?

  • Les dirigeants de ces établissements ainsi que les pros du secteur qui peuvent ainsi s'évaluer par rapport aux autres et par rapport à leur propre passé, dans une perspective d'amélioration. Une démarche normale de management. Surtout dans un monde où 80% d'une classe d'âge réussit le bac et où il faut donc jouer à la marge pour améliorer la situation (Loi de Pareto). On note d'ailleurs que les meilleurs lycées ne peuvent pas vraiment s'améliorer, juste garder leur "rang".
  • Les médias qui s'empressent de gloser autour de ces résultats, chacun avec sa sensibilité, de l'accompagnement social pour certains à l'entrée en classe prépa pour les autres, plus élitistes.
  • Les parents affolés qui croient qu'il suffit de regarder une liste pour choisir le meilleur établissement dans leur zone, sans parler de ceux qui déménagent réellement ou faussement pour se rapprocher d'un lycée perçu comme plus attrayant.
  • Les élèves de 3° qui raisonnent plus en fonction des copains et des rumeurs mais qui, au fond, recherchent plutôt un établissement et une filière où ils se sentiront bien et prendront de la confiance en eux.
- le même débat revient tous les ans, avec chaque nouvelle cohorte de collégiens en fin de droits en 3°. Un vrai marronnier comme on dit dans la presse. Cette année, le ministère a supprimé un indicateur qui ne servait pas à mesurer la "valeur ajoutée" et qui était souvent détourné dans les classements publiés par la presse. J'encourage en tous cas les parents à bien réfléchir à leur projet et au projet de leur enfant avant de se précipiter sur le haut de la liste dans leur journal. C'est un moment clé pour en parler en famille. Un bon lycée est celui qui conviendra au profil de votre futur lycéen et à son projet. Point barre.

Non, ceci n'est pas une prison, mais le grand hall d'un lycée parisien où j'ai traîné mes godasses il y a un temps certain...






mercredi 30 mars 2016

Déchéance de Congrès national

François a tranché. Après avoir reçu ce mercredi matin les présidents des deux assemblées, il a clos le débat sur la révision constitutionnelle. Il n'y aura donc ni congrès sur ce sujet, ni référendum. C'est une annonce en direct à la télé, une grande première pour ce genre d'enterrement plutôt pratiqué en silence via des communiqués discrets.

Vidéo ici, ou sur le site de l'Elysée quand elle sera disponible. Au début : "Je constate aujourd’hui, quatre mois après, que l’Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un même texte et qu’un compromis paraît même hors d’atteinte sur la définition de la déchéance de la nationalité pour les terroristes, je constate aussi qu’une partie de l’opposition est hostile à toute révision constitutionnelle, qu’elle porte sur l’état d’urgence ou même sur l’indépendance de la magistrature, je déplore profondément cette attitude"

Les deux chambres (basse et haute, comme on dit) n'avaient pas voté l'article sur la déchéance de nationalité dans les mêmes termes, rendant impossible une adoption en Congrès. Fin de ce feuilleton politique qui a divisé autant la droite que la gauche, et pour lequel, l'épistolier en chef, François, a écrit le mot "fin" avent le dernier épisode, sur un sujet qui relevait plus du symbolique que du réel. Dans la foulée, l'autre sujet est aussi enterré puisque la Droite a annoncé qu'elle n'irait pas au Congrès même sur des mesures qu'elle approuve, si rien n'était fait sur la déchéance de nationalité. Il s'agissait de l'état d'urgence dans la constitution, qui suit donc le même chemin en son temps que la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) pourtant jugée nécessaire par tous.

Les réactions sont nombreuses et se matérialisent par des noms d'oiseaux : François et la gauche se rassemblent pour accuser la droite (majoritaire au Sénat) d'obstruction par rapport au consensus trouvé à l'Assemblée Nationale, une occasion de rassembler la gauche ; la droite proche du centre crie à la vérité issue du Sénat (100% conforme à la parole de François) et à la trahison par la gauche du consensus initial lors du Congrès de Versailles précédent. Les ténors vont s'exprimer petit à petit. Exemple ici de Sarkozy dont le seul but semble-t-il, dixit le Figaro, est de coincer François.

Mais on s'en fout, en fait. Cet épisode a occulté les préoccupations sociales et économiques depuis des mois. Le bilan n'est pas brillant : impossibilité de réformer la France, même au niveau des élites parlementaires ; des symboles érigés en valeur absolue au-dessus des réalités de la vie normale ; des camps droite et gauche divisés...

François voulait certainement sortir de cette phase avec une stature soit de réformateur, soit de rassembleur malgré les divisions. Il reste seul, comme un recours dont personne ne veut vraiment. En restant à sa place (un président qui n'est pas omnipotent à côté du pouvoir législatif), il est constitutionnellement correct. Est-il politiquement correct ? En d'autres temps, on aurait dit "un beau gâchis".

Si on passait à autre chose maintenant, hein ?


mardi 29 mars 2016

Si on se détendait un peu en parlant foot ou presque ?

Oui, c'est vrai ça. On aura le temps de parler de foot plus tard avec l'Euro 2016 (j'ai réussi à avoir deux places pour le match d'ouverture soit dit en passant ;). Mais quelques petites choses en passant, puisque la politique française ne réussit pas à nourrir son blogueur, intellectuellement je veux dire, vu son bas niveau actuel.

Pour faire cette transition politique-foot, une tribune à lire ici à propos de 11 députés socialistes qui jouent avec le feu au foot avec notre constitution. A l'heure de la mondialisation et des tombereaux d'argent qui coulent de partout, les petites équipes ou les petits candidats à une élection présidentielle n'ont pas le vent en poupe, c'est sûr. Pour les ignares du foot, il y a 11 joueurs aussi dans une équipe de foot (sans compter l'arbitre s'il a été acheté par l'autre équipe).

La nouvelle FIFA est en plein boum, avec son nouveau patron qui a promis de nettoyer la maison du sous-sol au toit. Un ancien président hondurien a avoué avoir touché de l'argent en échange de la cession de droits télé pour une coupe du monde à venir. Et la nouvelle FIFA (morale dorénavant, juré craché) vient de signer avec un nouveau sponsor "partner" comme ils disent, chinois et pas des moindres, le Wanda Group qui touche à plein de secteurs d'activités dont le foot, le sport, la culture, l'immobilier ou la finance... En France, il a racheté les principales activités de Lagardère sports par exemple. La FIFA n'a que 6 "partners" de haut niveau - Coca-Cola, Adidas, Visa, Gazprom, Hyunday et maintenant Wanda - et ne peut en avoir que 8 au maximum. Plein de fric en plus donc.

Toujours en Chine, cette nouvelle intéressante sur la quantité d'argent disponible pour des grandes causes internationales au service d'espèces en danger, à propos de Zlatan himself : un salaire annuel de 75 millions d'euros lui serait proposé par un club chinois (soit 15 fois quand même le salaire du pauvre PDG de PSA Carlos Tavares)... La Chine souhaite devenir une nation forte du football au plan mondial, en quantité évidemment mais aussi en qualité, et ils s'en donnent les moyens, cf. cet article d'Atlantico. A quand une coupe du monde en Chine gagnée par la Chine (2026 ou 2030 ?)...

Mais le foot, ce n'est pas que du fric. C'est le sport le plus populaire sur la planète en nombre de pratiquants et en Roumanie on a voulu se servir de cet enthousiasme pour apprendre les maths aux jeunes (si, si, c'est ici)... On imagine, en France, les commentaires beaufs de nos chers journalistes qui font déjà une faute de français toutes les trois phrases (et je suis gentil), faire en plus des fautes de calcul.


Enfin, ce soir, un match de foot qui porte en lui plusieurs symboles, au-delà du sport pur. Il s'agit de France-Russie :
- C'est au Stade de France, où l'Equipe de France jouait un autre match amical le 13 novembre pendant les attentats, avec un mort à la clé. Un match lourd en émotions pour tout le monde.
- C'est la Russie qui organise la coupe du monde 2018 contre la France qui organise l'Euro 2016
- Ce sont deux équipes qui se suivent dans le classement FIFA (Russie 23ème et France 24ème)

Et puisque c'est la semaine des musées en ligne sur Twitter (#MuseumWeek, dont j'avais parlé l'année dernière ici), pourquoi ne pas évoquer le musée du football mondial, tout juste ouvert par la FIFA ? C'est à Zurich et il est facile à trouver, entre deux banques.


lundi 28 mars 2016

66 + 50 = ?

Lundi de Pâques 2016. Le début d’un nouveau temps, comme tous les ans après le dimanche de Pâques. Le deuxième jour de l’octave et un jour férié parce que justement il s’agissait de marquer une certaine joie après la résurrection, pour les chrétiens d’occident. C’est le jour officiel de la chasse aux oeufs, les vrais, puisqu’on est censé les manger à midi en omelette dans ce qu’on appelait la pâquette et plusieurs pays ont tout un tas de manières festives de célébrer ce premier jour « normal ».

Un temps de renouveau qui tombe tôt cette année. Le temps de regarder ce qui se passait il y a cinquante ans, en l’an 66 (presque l’année du diable si on y ajoute un 6).

Il y a cinquante ans par exemple on célébrait les 50 ans du début de la révolution irlandaise. Voir les actus de l’époque. Oui, je sais, ça fait 100 ans, alors. Et alors ? Une célébration, aussi, ça se célèbre... Surtout quand on trouve des belles actualités de l’époque. 1966, c’est déjà si loin ???

Il y a cinquante ans débutait à la télé la mythique série Star Trek TOS (The Original Series) qui remplit chez moi quelques décimètres de rayonnage, entre les DVD, les livres et les romans, sans que je sois un trekkie (un fan absolu et incontrôlable), non, non... On en parle ici et je vous laisse découvrir les milliers d’autres liens sur cette série incomparable. Il y a tant à dire... J’en avais parlé il y a un peu plus d’un an lors de la mort de Leonard Nimoy, inoubliable Mr. Spock.



Aujourd’hui, ailleurs et sur une autre planète, on peut parcourir une partie de l’autre nombre mythique des USA, la route 66 dans le nouveau-mexique en musique. Quand on roule à la bonne vitesse dessus (45 mph), la vitesse limite, on entend une chanson à la gloire de l’Amérique... La route 66 est évidemment celle qui attire le plus de bizarreries au monde depuis un certain temps, y compris et surtout depuis qu’elle a été officiellement déclassée. Elle allait de Chicago à la banlieue de Los Angeles (Santa Monica) en passant par Clinton, Cuba et Bagdad...






dimanche 27 mars 2016

Du temps de cerveau pour... un scénario délicat

William ! William, mon cousin. Enfin, plutôt mon cousin de cousin éloigné. William, le scénariste prolifique des grands studios de cinéma et de télé réunis, la star incontestée des manuscrits et des adaptations. L’homme qui, à lui tout seul, assure un quart des recettes de cette industrie mondiale.

J’ai rendez-vous avec William ! Moi le petit auteur - hum, plutôt futur auteur - qui espère pouvoir se faire une place dans cette industrie. Moi, son cousin éloigné qu’il a accepté de rencontrer. Je n’en reviens pas. Il doit avoir un agenda de super-président et il a accepté de me voir, moi, seul parmi certainement des centaines de demandes d’entretien, pour me révéler ses secrets et me donner la chance de devenir, moi aussi, un auteur à succès.

Je viens d’arriver à l’adresse indiquée. Un entrepôt sinistre sur le port. Pas inquiétant du tout, me dis-je, juste un clin d’oeil d’un scénariste expert en films policiers et d’horreur. Il n’y a personne. Normal car c’est le milieu d’une nuit sans pleine lune. Je pousse la lourde porte de l’entrepôt. Elle grince comme dans un film. Tout est noir à l’intérieur, sauf une petite lumière au loin, un peu en hauteur. Je m’approche.

Puis je bute dans des gens. Mes yeux se sont un peu habitués au noir et je distingue des centaines de personnes, toutes habillées en noir comme moi, avec juste des gants blancs - une consigne de William. Pas un bruit. Personne ne me parle. Et moi qui croyait être seul... Tous ont le regard fixé sur une petite plateforme juste en-dessous de la lumière, une vieille ampoule usée.

Je patiente depuis un quart d’heure quand un bruit se fait entendre là-haut. Des dizaines de personnes sont arrivées depuis que je suis ici, mais maintenant cela va commencer. Quoi ? Je ne sais pas. Mais toute mon attention est concentrée sur la plateforme, comme tous les autres.

William apparait. Je ne l’ai jamais vu en vrai et il semble plus petit et nettement plus vieux que sur les photos. Il commence à parler et sa voix amplifiée résonne partout autour de nous. Il y a de l’écho et d’où je suis je ne comprends rien, tant les mots s’entrechoquent. Je ne suis pas le seul car je vois les regards se tourner de part et d’autre, inquiets. Puis la lumière s’allume d’un coup, de partout, dans un éclair aveuglant. William est toujours là-haut. Il nous regarde. Des hommes habillés en rouge traversent nos rangs et nous distribuent des sacs. Puis tout devient noir, complètement noir, sauf que cette fois c’est de la lumière noire. On ne voit que des centaines de gants blancs lumineux comme la Lune dans le noir....

C’est le matin maintenant. La bataille de paint-ball a duré toute la nuit. Tous ceux qui ont été touchés ont été emmenés progressivement de gré ou de force par les hommes en rouge (sur eux la peinture rouge ne se voit pas). Je suis seul à bouger encore. Je dois avoir été le seul à penser à enlever mes gants pour être invisible. Soudain, toutes les lumières s’allument et William est devant moi. Tous les hommes en rouge forment un cercle autour de nous. Il me regarde et me sourit, puis il me donne une petite boite. Il ne dit rien d’autre que « Tout ce qu’il y a à savoir est là-dedans, cousin. Fais en bon usage, ici, dans cet entrepôt ». Puis il s’en va. Ils s’en vont tous.

Je suis seul dans cet immense entrepôt. A côté de moi, il y a une table, des stylos, une machine à écrire et des piles de papier. Il y a aussi un frigo et un micro-ondes. William aime travailler à l’ancienne je vois. Je regarde la boite. Il y a une étiquette dessus :

Boite du scénariste
A ne jamais sortir de l’entrepôt
Appuyez sur le bouton, parlez, puis relâchez le bouton

L’entrepôt est vide. On dirait un immense plateau de cinéma. Je me sens tout excité. Je ne sais pas quoi faire. Alors j’appuie sur le bouton et je dis « je ne sais pas quoi faire ». Puis je relâche le bouton.

Je suis maintenant au bord d’une immense falaise, en plein vent. Elle s’étend des deux côtés jusqu’à se perdre dans le brouillard. Je marche très près du bord. Je suis accompagné d’un homme rouge qui me parle : « Vous êtes au bord de la falaise des cliffhangers. Si vous vous penchez, vous verrez des centaines d’hommes accrochés à la falaise avec quelques doigts. La plupart sont déjà tombés ou vont tomber. Chacun représente le moment où un épisode se termine et où le spectateur est suspendu dans le vide en se demandant ce qui va se passer la prochaine fois ». Je regarde. Je vois effectivement tomber quelques hommes et je sais que leur suspense n’était pas bon, ni adapté. Je me focalise sur ceux qui restent et qui semblent solidement agrippés. De temps en temps, ils déplacent un bras et montent un peu. Certains sont même presqu’en haut. J’en vois un qui est en train de grimper sur le bord, sain et sauf et je lui tends la main, mais l’homme en rouge lui donne un coup de pied en plein visage et il tombe en criant dans le vide. L’homme en rouge me dit « Une bonne série ne se termine jamais sur une cliffhanger ».

Je m’arrête. Je m’imbibe de tous ces suspenses et je discerne facilement ceux qui sont réussis des navets habituels destinés à chuter dans les nuages de l’audimat. Je sais maintenant comment faire pour créer des cliffhangers réussis. Je souris à l’homme en rouge et lui dis « Et maintenant ? » ... Il regarde ma main droite. J’ai toujours la boite. Je souris.

...

Je suis resté longtemps dans cet entrepôt. J’ai noirci des centaines de feuilles de papier, j’ai vidé chaque jour le frigo qui se remplissait chaque nuit. J’ai parcouru ici des contrées merveilleuses dans le monde des auteurs.

J’ai vu le pays des dialogues où l’on ne survit qu’en sélectionnant les seuls paroles qui comptent parmi une cacophonie de discussions débiles et mal ficelées. J’y ai compris comment construire des dialogues qui entrent au coeur de l’âme des spectateurs. J’y ai appris les dialogues à plusieurs comme dans un opéra de Mozart. J’ai vu se dissoudre dans l’air les paroliers médiocres.

J’ai vu le pays des personnages. Ils étaient tous entièrement nus et essayaient de mimer des émotions de toutes natures. Seuls ceux qui savaient incarner un caractère cohérent pouvaient petit à petit se vêtir. Dans ce pays j’ai vu le château des aristocrates de la personnagerie, tous habillés de costumes splendides et j’y ai puisé des inspirations fulgurantes pour créer des personnages puissants et charismatiques qui ne cherchent que des acteurs pour les incarner.

J’ai vu le pays des situations, le plus intéressant. Celui dans lequel des cascadent coulent dans toutes les directions, même de bas en haut ou en spirale. Des cascades qui s’entremêlent, de divisent, de rejoignent, tout en coulant harmonieusement. Ces cascades viennent lécher de temps en temps la falaise des cliffhangers mais jamais fortuitement. Les situations ont pénétré mes yeux et mes oreilles et ont tissé en moi des réseaux complexes et pourtant si simples. J’ai appris à suivre les gouttes le long de leurs flots. J’y ai vécu mille vies et plus encore.

J’ai vu tant de pays...

Mais j’ai décidé aujourd’hui de sortir enfin de l’entrepôt. Tout à l’heure, j’appuierai sur le bouton de la boite et dirai « Fais-moi sortir de l’entrepôt » et je sais que William m’attendra à la porte pour récupérer sa boite. Je lui sourirai. Je n’en ai plus besoin. Tout est dans ma tête et sur ces feuilles de papier. Il prendra la boite et se dissoudra dans l’air. Car, à partir de maintenant, William c’est moi. Je suis devenu l’Auteur et c’est son succès, mon succès, notre succès qui m’attend dehors, je le sais. Je ramasserai la boite et la mettrai dans ma poche. Elle ne me servira plus pendant très longtemps, mais je la ressortirai, je la ressortirai un jour.

Quand je serai vieux.





samedi 26 mars 2016

L’oeuf et l'horloge

Allégorie des temps futurs.

Un oeuf marchait tranquillement dans la rue en promenant sa poule, à moins que cela ne soit l’inverse car on ne sait jamais qui mène entre l'oeuf et la poule. Il faisait beau en ce début de printemps, frisquet mais pas froid, tiède mais pas chaud, ce qui fait que leurs revêtements en chocolat étaient à la température idéale.

C’était bien là le problème. Car on était déjà dimanche, le dimanche de la Pâque chrétienne grégorienne non orthodoxe, et tous les enfants de la ville allaient chercher des oeufs. Mais l’oeuf ne le savait pas. Il l’avait su, mais avec ce p... de changement d’heure, il avait dormi une heure de moins et son cerveau n’avait pas eu le temps de le rejoindre le matin, avant sa douche de chocolat frais. Quant à la poule, elle n’avait jamais eu de cerveau.

L’oeuf et la poule marchaient donc sans se douter du danger imminent. A tout moment, un enfant pouvait surgir et les attraper. A cette heure, tôt le matin, il n’y avait pas encore beaucoup d’enfants, heureusement pour nos héros.

Soudain, le feu passa au vert et l’oeuf s’arrêta au bord du trottoir. La poule posa un petit cot-cot discret. Malheur à eux. Le cot-cot ne fut pas assez discret. La patrouille de militaires chargés d’assurer la sécurité des honnêtes gens confondit ce cot-cot avec le bruit d’un pistolet automatique et les arrosa instantanément de tirs puissants.

L’oeuf et la poule furent détruits. Le trottoir était plein de chocolat, c’était navrant. Un périmètre de sécurité fut établi, les télévisions du monde entier affluèrent pour ne rien montrer d’autre que la tache de chocolat noir sur le trottoir gris de la ville. Les enfants en se levant virent tous à la télé ce chocolat répandu et personne ne voulut manger de chocolat ce jour là, ni pendant des mois.

L’industrie du cacao s’effondra, puis celle de l’alimentaire et de nombreux pays firent faillite. Six mois plus tard, devant la crise mondiale inévitable, les dirigeants de la Terre se décidèrent à fusionner tous les Etats dans un seul pays. Ils nommèrent à sa tête un parlement composé d’oeufs et de poules en chocolat de toutes les couleurs, du blanc au noir en passant par le clair et même le bleu.

Depuis ce jour là, la Terre va mieux.

PS, c’est samedi de Pâques, non ? On a bien le droit de battre la campagne ?

vendredi 25 mars 2016

Marine Le Pen était au Québec. Une croisade ratée

Marine Le Pen était au Québec. Une croisade ratée effectivement.

image tirée de La Pravda canadienne (si, si). 
Elle a l'air heureuse, non ? Ceci n'est pas un sourire forcé, non, non

La presse en général se moque de cette tournée impérialiste d'une donneuse de leçons comme si le monde entier devait penser comme elle. En France évidemment (Le Monde par exemple) mais surtout au Québec même : La Presse (avec un P majuscule) nous livre une délicieuse critique de cette croisade, à lire absolument ;) et signée d'un certain M. Boisvert qui n'hésite pas à lui envoyer une vraie volée, de bois vert évidemment. Chapeau ! Son article est intitulé "Jeanne d'Arc chez les Bisounours" qu'on appelle des Calinours au Québec et des Care Bears aux USA. Je ne citerai qu'une phrase de son article : "Ça va, Jeanne d'Arc, descends de ton cheval."

Marine Le Pen a essayé donc de se refaire une santé dans l'hiver québécois (doux cette année) et de se donner une carrure internationale. Pour la santé je ne sais pas, mais pour la carrière internationale on est dans la même catégorie que Trump, une personnalité que personne n'a envie de recevoir, même à droite, sauf les extrémistes les plus "purs" évidemment (et encore).  Elle est bizarrement conseillée pour le moment. Il est vrai qu'il suffit au FN de ne pas parler pour engranger des voix. Mais il est vrai qu'il faut aussi parler pour élargir sa base électorale.

Le Québec est  un endroit attirant pour les hommes et les femmes politiques de France. Juppé y avait ben réussi sa traversée du désert et regardez où ça le mène, en tête des sondages pour la primaire de la droite républicaine pour le moment. Marine n'a pas réussi le même coup. Le Québec est en effet, au plan socio-politique beaucoup plus proche des USA que de la France, indépendamment de l'attachement à la langue, la culture et l'Histoire françaises. Y aller, c'est être humble, au risque de se faire traiter de "maudit français" ;) ou de "maudite française" en l'occurence. Humble ? Hum, hum. Un mot difficile à accepter pour certain(e)s.

En tous cas, elle est revenue vivante ce samedi matin en passant par Saint-Pierre et Miquelon, où elle a certainement dit du mal des voisins canadiens et québécois. Elle va pouvoir aller voir son père à l'hôpital. Son père chéri et adoré, pas du tout son ennemi politique, mais qui vieillit rapidement. Une belle histoire d'amour paternel et filial. On en pleure d'émotion. Pourvu que l'hôpital la laisse entrer, on espère qu'elle aura une passe (un laissez-passez en québécois), qu'elle se mettra belle (chic) et que ce n'est pas une pogne de son père (un piège) pour l'achaler (la déranger), la chicaner (engueuler) ou même l'enfirouaper (tromper) ! Bon il est temps qu'elle se reprenne et qu'elle arrête de faire du boudin (bouder). Ils n'ont qu'à placotter (bavarder) tranquillement sans se sauter dans la face (s'engueuler) à coups de poche-molle et de tête-folle...

Vive la langue française, qui porte des valeurs partagées (hum, hum, en tous cas pas pour moi avec Marine).

jeudi 24 mars 2016

Jeudi beau, je dis "bot", je dis beuuuuuh

Les lycéens et les étudiants sont dans la rue ce jeudi, toujours contre la loi travail et pour son retrait total. Ils demandent aussi la réduction du temps de travail à 32h (si, si) mais c'est une autre histoire. Mobilisation un peu plus faible que jeudi dernier, en attendant les grosses manifs et grèves de jeudi prochain, mais violences quand même des deux côtés. Le projet de loi a été, lui, présenté officiellement et pour la première fois au Conseil des Ministres ce jour, dans sa version 2 (vous suivez ?). Certains réclament une version 3 mais d'autres ont de bien belles revendications...



Pendant ce temps, dans les Ardennes, à la limite de la Belgique, une vache folle a été repérée après sa mort. Le Ministère se veut rassurant (comme d'habitude) mais certains pays non UE comme le Canada ou le Vietnam vont certainement interdire les importations de bovins français. Beuuuuuuh ou Meuuuuuuuh ? La terre est dure. On ne connaît pas le nom de la défunte dans ce petit élevage d'une trentaine de vaches. 

C'est dur de travailler (le jour, hein, parce que la nuit c'est fait pour traire les vaches). Alors les grandes compagnies américaines cherchent à nous remplacer par des robots. Il y a les robots physiques, plus ou moins ressemblant aux humains et avec des succès peu convaincants, les programmes robots qui battent les humains au Go, aux échecs ou à Jeopardy (si, si). Et puis il y a les bots, ces programmes robots qui essayent de se faire passer pour nous en ligne. Ce n'est pas nouveau mais deux actus viennent nous rappeler cette technologie qui vise à remplacer des humains :

C'est d'abord Microcéphale Microsoft qui a lancé un bot sur les principaux réseaux sociaux dont Twitter. Ce bot s'appelle Tay et se fait passer pour une adolescente. Elle est capable d'envoyer des dizaines de milliers de messages à l'heure et se débrouille bien pour parler de tout et de rien... sauf quand de vrais humains lui posent des questions gênantes (lire l'article) auxquelles elle ne sait pas toujours répondre avec finesse. C'est un premier essai dans le monde réel et cruel de l'Internet et ces quelques faux-pas ont bien fait rigoler la twittosphère, au point que Microsoft a dû débrancher Tay au bout de 24 heures seulement. Gageons qu'ils sauront blinder un peu plus Tay avant de la rebrancher, notamment contre des attaques sournoises (et habituelles de la part des trolls). 

C'est ensuite Facebook qui va permettre aux entreprises de créer facilement leurs propres bots pour vanter automatiquement les vertus de leurs produits en ligne sur le réseau social. Vous verrez surgir dans vos journaux des annonces automatiques et pourrez discuter avec ces robots comme si c'était un dialogue normal avec un humain. Idéal pour pister le client et lui arracher des infos très ciblées. Surtout si on ne sait pas que c'est un bot. 

Alors ? Un point commun entre tout ça ? Bof ! Juste une vision d'un monde à la fois vieux et jeune, humain et animal, robotisé et manuel. Rien de plus...

mercredi 23 mars 2016

Attentats ? Où et quand ? Des cibles pour engendrer une disruption manipulée

Attentats ? Où et quand ?

Personne ne sait évidemment, en tous cas pas pour l'avenir. On doit en parler, intégrer et assimiler. On doit vivre.

Mais revenons un peu sur le passé avec une rapide analyse des types d'endroits visés. La liste des attentats terroristes islamistes est disponible ici par exemple. Qu'y observe-t-on depuis 2010 par exemple ? Je ne compte pas ici les pays très lourdement touchés par les attentats de manière régulière mais me limite aux pays moins touchés directement par des guerres, et aux attentats revendiqués par des groupes islamistes, à l'exclusion des violences "habituelles" dénoncées par exemple dans la campagne du gouvernement (Tous Unis Contre La Haine) à l'occasion de la semaine d'éducation et d'actions contre le racisme et l'antisémitisme lancée par François.

  • Beaucoup d'attaques terroristes islamistes ont eu lieu dans le domaine des transports (quel que soit le mode de transport) car c'est l'un des plus difficiles à protéger, compte tenu des nombreux points possibles d'attaques, au départ, à l'arrivée, pendant les trajets et dans les lieux de transit. Il y en a eu 8 dans 7 pays différents (Allemagne, Belgique, France, Tunisie, Turquie, UK, USA et un entre la Belgique et la France). C'est aussi le milieu du transport qui génère le plus de disruption dans des sociétés qui en dépendent de plus en plus. Cela s'applique à beaucoup de cas.
  • On note ensuite les attaques sur le tourisme (hors transports) et sur les hôtels en particulier, surtout quand des occidentaux s'y retrouvent : Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Tunisie. C'est là que se trouvent rassemblés les foules les plus importantes d'occidentaux ou de riches locaux.
  • Les lieux de vie sociale et culturelle à l'occidentale sont un domaine différent. Cela couvre les bars, le sport, les centres commerciaux et les activités culturelles : Danemark, France, Kenya, Mali, Tunisie, USA. La culture au sens large devient une cible plus forte. Elle représente un symbole à détruire et le choix des pays montre le poids de ce secteur.  Les écoles, par contre, ne sont pas si nombreuses que cela à être visées.
  • Les attentats industriels (comme en France) sont encore rares.
  • Les juifs, et les lieux qu'ils fréquentent, restent une cible classique : Belgique, Bulgarie, Danemark France. 
  • Enfin les forces de l'ordre (armée et police) ainsi que les lieux de pouvoir officiels restent des cibles fréquentes : Belgique, Canada, France, UK

Alors quoi en penser ?

Les terroristes cherchent à attaquer des symboles qui vont enclencher la disruption, quel que soit le contexte local où se passe l'attentat. La disruption peut être provoquée par de multiples causes, car les sociétés complexes sont fragiles. Mais elles sont aussi résiliantes et résistantes. Ceux qui prêchent pour la disruption la renforcent. Quand c'est au sein du débat démocratique ou dans des élections, c'est utile et même nécessaire en cas de crise.

Mais l'attentat cherche la disruption soit par le chaos (désorganisation du système, par les transports notamment ou par le tourisme vital pour un pays), soit par le choc psychologique lié à la quantité de victimes (attentats massifs) ou à leur qualité (enfants), soit par le symbole au coeur des société (style de vie, culture, libertés fondamentales, presse).

Alors, oui, la disruption peut être créative - c'est d'ailleurs un concept de publicitaire au départ - mais il ne faut pas tomber dans le piège de la manipulation terroriste, justement puisque c'est leur but, publicitaire et marketing pour leurs objectifs.

Lien vers mon billet d'hier


mardi 22 mars 2016

Faites l'humour(belge) pas la guerre terroriste

Oui, nous sommes tous belges et européens aujourd'hui 22 mars après les attentats de ce matin, à l'aéroport et dans le métro. Tout est encore en cours et rien n'est définitif ou clos, puisque les opérations de police sont encore en cours à cette heure et qu'il y a des craintes d'autres attentats (suicides ou non).

La vengeance aveugle et imbécile des terroristes suite à l'arrestation de Salah Abdeslah est incompréhensible au plan de la raison, de la religion même, sans parler de l'honneur. La bêtise de ceux qui essayent de récupérer cette violence est insondable, et franchement inacceptable quand elle vient de responsables politiques qui n'ont rien de responsable ni de politique : du front national aux Républicains en passant (oui, c'est un paradoxe) par les socialistes. La déchéance de nationalité ne sera pas votée puisque le Sénat n'en veut pas aux mêmes conditions que l'Assemblée nationale. On est bien d'accord : ce n'est pas le bon combat. Qu'un terroriste comme Salah Abdeslah (purement français) perde ou non sa nationalité française n'a aucune importance. On espère qu'il sera jugé et puni autrement.



Les belges ont de l'humour. Souvent bien plus qu'en France, comme ils l'ont maintes fois prouvé, il y a quatre mois exactement ici par exemple. Mais l'humour ne prend pas la place de l'amour pour ses semblables, innocents passants.

Quasi muet, donc, aujourd'hui. Mais à l'écoute de ce qui se passe.
MàJ : lien vers mon billet de demain

lundi 21 mars 2016

Le fou des anneaux

Fable réelle mais aussi incroyable que les contes de fées.

Réelle, car tirée de ce qui s'est passé ce dimanche au Puy du Fou, le coeur du projet mégalo de Philippe de Villiers, quelque part au coeur de la Vendée anti-révolution et très à droite. Les détails sont à lire dans l'Humanité - non je rigole - Le Figaro évidemment. L'article de fond qui raconte les péripéties des aventures de l'anneau et l'article sur la journée d'hier et la cérémonie grandiloquente sur le "retour de l'anneau de Jeanne d'Arc en terre de France"... (Le Monde est plus sceptique).

En résumé, Philippe de Villiers se rengorge car il a réussi à faire revenir en France l'anneau de Jeanne d'Arc - en fait, l'un des deux, décrit par elle-même. Cet anneau était en Angleterre (pffffffft) comme prise de guerre et dans une succession privée. Philippe d'Orléans de Villiers a même dit "C'est un petit bout de France qui revient, un petit morceau d'espoir, un peu de grandeur, d'héroïsme". Rien que ça...C'est embêtant pour le Front National, qui a fait de notre héroïne nationale le symbole de sa force. Ils seront obligés de venir au Puy du Fou pour voir l'anneau, contre espèces sonnantes et trébuchantes (jolie expression qui date de l'époque où on faisait sonner les pièces et où on les pesait avec une balance à trébuchet pour confirmer leur valeur faciale, avant le Bitcoin). Il semble que la cérémonie d'hier ait atteint des sommets de confusion patriotique en mêlant tous les symboles dans l'arène locale. Gageons que les presque 400 000 euros déboursés pour acheter l'anneau seront vite récupérés en recettes locales, tee-shirts, fac-similés et autres gadgets fabriqués en Chine France.

Le gouvernement anglais demanderait même (peut-être) le retour de la bague à Londres, a annoncé le roi du lieu hier. Il a d'ailleurs qualifié le Puy du Fou d'institution française. Un habile usage du mot institution, comme si c'était une institution publique... Un coup marketing bien ficelé ou le début d'une nouvelle guerre de l'anneau France Angleterre ? Il est vrai que la France a besoin de victoires, après sa défaite en rugby samedi soir contre l'Angleterre à Saint-Denis. Saint-Denis ? Montjoie !

L'actualité est plus intéressante ailleurs, vous me direz certainement. Plus en phase avec les problèmes actuels, de sécurité, d'économie, de politique intérieure ou internationale... Oui, c'est vrai. Mais cette actualité-ci, aussi dérisoire soit-elle, passionne un nombre de plus en plus important de gens, à la recherche de symboles et de fierté. Du pain et des jeux ? Un anneau qui les rassemblera tous ? Philippe de Villiers vient en tous cas de marquer un point important dans sa carrière politique, même s'il a juré allégeance - pour le moment - à une droite plus établie.

Alors on se demande quels symboles la gauche pourrait trouver pour se rassembler ? Les grands héros de gauche étaient barbus en général. Pourquoi ne pas choisir alors une brosse à barbe ou des ciseaux à moustache.  Reste à trouver une relique authentique.



Non, pas ça. Ça c'est pour les barbus modernes.

Pourquoi pas Victor Hugo ? Il a toutes les qualités de l'homme de gauche. Et il a deux maisons (une de moins que Cadet Rousselle) à Paris, place des Vosges, et à Guernesey, Hauteville house, une terre anglaise juste à côté de la France en milles nautiques, mais pas en temps de trajet surtout en cas de tempête comme il y a une dizaine de jours, où même l'aéroport a été fermé.


Un autre clin d'oeil à la relation amicale-tumultueuse entre France et Angleterre ? Et comme objet je propose la petite cuillère, car elle a été utilisée pour Jeanne (l'autre).

cliquez pour agrandir


dimanche 20 mars 2016

Du temps de cerveau pour... un printemps si beau

Rylla, le 20 mars 2897

Je suis arrivée cette nuit sur Rylla, épuisée et ne sachant pas très bien où j’étais. La planète est sauvage, pleine d’une nature luxuriante, l’une des plus belles d’après les encyclopédies, pourtant peu disertes à son sujet. De nuit malheureusement on ne voit rien autour de la base, car Rylla n’a pas de lune. Seuls les écrans montrent des images numériques sans poésie. Pendant qu’un vieil officier m’avait accompagnée de la fusée à ma cabine, en silence, je n’avais vu que des couloirs métalliques sans âme. En me quittant, il m’avait juste dit « à demain, vous avez de la chance, c’est le printemps sur Rylla ».

Je n’ai pas réussi à dormir, même si les draps étaient soyeux et d’un blanc immaculé. Le voyage spatial avait été une parenthèse douce de trois mois dans ma vie agitée, grâce à la stase, mais l’atterrissage avait été délicat. Les turbulences étaient nombreuses la nuit, sur cette planète, m’avait-on dit, alors que pendant la journée, le temps était parfait. Parfait ? Cela m’avait fait sourire. La perfection n’existe pas.

Je viens de finir de me préparer. Il est tôt. On m’a demandé d’être dans la salle de commandement cinq minutes avant le lever du soleil. Personne n’a voulu me dire pourquoi, mais j’ai compris, à leur ton, que c’était plus qu’un ordre, une nécessité. Je sors de ma cabine et me dirige vers la salle panoramique qui est tout en haut de la base, plus haute que le plus haut des arbres, la première à être touchée par les rayons du soleil le matin, donc. L’ascenseur est au bout du couloir. J’y entre et j’appuie sur le bouton le plus haut. J’ai à peine le temps de jeter un coup d’oeil dans le miroir que je suis arrivée. La porte s’ouvre. Je fais dix pas à droite, il y a une autre porte. « Salle de commandement » est écrit dessus en lettres d’or. La porte s’ouvre devant moi. Je suis attendue.

La salle de commandement est sombre, éclairée faiblement par des écrans un peu partout, mais les écrans sont tous réglés sur une faible luminosité. La salle est remplie d’officiers. Tous regardent à travers les immenses baies vitrées, pourtant tout est noir au dehors, complètement noir. Seul le commandant me regarde. Il me sourit, me rend mon salut et m’invite à prendre place à côté de lui à côté de la vitre qui fait le tour de la salle. Il me dit « c’est la meilleure place. Nous sommes face à l’endroit où le soleil va apparaître. Regardez bien, ce que vous allez voir n’a pas son égal dans l’Univers ». Puis il se tourne vers l’extérieur et m’ignore. Cela me surprend un peu, mais je me mets moi aussi à regarder le noir extérieur.

Il est deux secondes avant 6 heures quand je vois le bord du soleil apparaître. Sur toutes les autres planètes habitables, l’aube dure au moins quelques minutes, sinon plus, mais ici, sur Rylla, le lever du soleil dure quatre secondes exactement. Quatre battements de coeur, pas un de plus pour une aurore qui couvre la nuit, l’aube et la journée. Une seconde avant, c’est le noir complet, et quatre secondes après la planète est claire comme en plein midi. Une planète de rêve où le regard rencontre toutes les couleurs du monde quel que soit l’endroit où il se pose. Les verts des arbres prennent toutes les nuances possibles, mais celle qui domine est le vert tendre des jeunes pousses. Un vert brillant et presque rose. La mer toute proche est bleue comme une toile brillante qui montre ses reflets sans aucune pudeur. La plage, en contrebas de la base, est dorée comme un sable de rêve. La rivière est tumultueuse comme si elle s’était retenue tout l’hiver. Les montagnes au loin sont bleues sur un fond de ciel pourpre.

Je n’arriverai jamais à décrire ces quelques secondes, me dis-je, même si je devais passer mille ans à les voir et revoir. Un instant c’était le noir absolu, puis la lumière est arrivée comme une vague de toutes les couleurs. Comme des millions de vagues plutôt, s’enchaînant à une vitesse hallucinante, chacune apportant une touche de couleur et de texture au monde.

Il est 6 heures et une minute. Tous les officiers ont repris place devant leurs postes de travail. Seul le commandant est resté à côté de moi. Il me regarde maintenant. Je cligne des yeux et me tourne vers lui :

- Ca vous a plu, officier ? me demande-t-il d’un air très doux.
- Oui, commandant, c’était magnifique. Je n’aurais jamais imaginé une telle beauté, lui dis-je , encore illuminée par tant de beauté.
- Rylla est une belle planète. Vous avez eu de la chance d’arriver le jour du printemps, c’est le jour où tout change ici.
- Vraiment ?
- Oui vraiment, officier. Venez maintenant, il y a du travail, dit-il en changeant de ton, avec une autorité clairement perceptible.

Il m’installe devant un écran libre et me dit « votre tâche, vous le savez, est de cartographier le secteur 9 de Rylla à partir de nos données satellitaires. Vous devez avoir terminé ce soir. Vous me comprenez ? Ce soir. Absolument ». Sa voix a pris un air étrange tout d’un coup. Il a presque l’air paniqué. Je lui réponds « Oui, commandant, j’ai compris. A vos ordres ».

Le secteur 9 de Rylla est un vaste triangle. C’est le plus important, puisqu’il part du point où se lève le soleil et englobe la base et la mer derrière. C’est le plus stratégique, car il nous sert à défendre la base, au cas où. J’ai été choisie pour ce poste car j’étais la meilleure cadette. Je suis très fière et m’attelle tout de suite à la tâche. Je ne comprends pas très bien pourquoi ce travail n’a pas été fait auparavant, s’il est aussi important, mais j’obéis. Evidemment.

A 18h moins cinq minutes, la sirène retentit. Nous sortons tous de la salle de commandement, sauf le commandant. J’ai fini mon travail depuis longtemps et j’ai même eu le temps de comparer mes cartes avec celles qui sont en mémoire. Je n’ai pas compris. Mes cartes sont strictement identiques à celles que mes prédécesseurs ont dessiné. Aucune différence, si ce n’est quelques approximations subtilement différentes. J’ai l’impression d’avoir effectué toute la journée un travail inutile. Nous n’avons pas quitté la salle de commandement pendant douze heures. Même le repas a été servi à nos postes de travail.

Je suis épuisée. J’ai envie de dormir et je m’excuse auprès de mes nouveaux collègues. Ils me sourient tous. Certains me regardent avec compassion. Ils ont l’air fatigué aussi, mais tous ont une lueur d’excitation dans les yeux. Je descends dans ma cabine et je m’écroule sur mon lit et ses draps si soyeux. Quelqu’un a dû venir les changer. Ils n’ont pas la même couleur que ce matin. Cela me fait sourire, mais pas longtemps, car je m’endors vite.

Rylla, le 20 mars 2897

Je me réveille en pleine forme. Je n’ai jamais aussi bien dormi de toute ma vie. Je me prépare et je sors de ma cabine. Pendant que je marche vers l’ascenseur, je me rends compte qu’un détail me turlupine, mais je n’arrive pas à l’identifier. C’est dans l’ascenseur que je comprends. Mes draps étaient d’une autre couleur ce matin qu’hier soir. Je me dis que je dois être encore fatiguée et que je n’ai pas aussi bien dormi que le le croyais. Je n’ai plus le temps de retourner dans la cabine. Il est l’heure. La porte de la salle de commandement s’ouvre. La salle de commandement est sombre, éclairée faiblement par des écrans un peu partout, mais les écrans sont tous réglés sur une faible luminosité. La salle est remplie d’officiers. Tous regardent à travers les immenses baies vitrées, et tout est noir au dehors, complètement noir. Le commandant ne me regarde pas. Il est à son poste, face à la vitre. Je m’installe à côté de lui. Il ne me regarde pas plus. Le privilège du premier jour semble déjà bien loin, me dis-je avec un sourire fataliste.

Il est deux secondes avant 6 heures quand je vois le bord du soleil apparaître. Le lever du soleil dure quatre secondes exactement. Quatre battements de coeur, pas un de plus pour une aurore qui couvre la nuit, l’aube et la journée. Les verts des arbres prennent toutes les nuances possibles, mais celle qui domine est le vert tendre des jeunes pousses. Un vert brillant et presque bleu. La mer au loin est turquoise comme une toile brillante qui montre ses reflets sans aucune pudeur. La plage, qu’on devine à l'ouest, est blanche comme un sable de rêve. Les deux rivières sont tumultueuses comme si elle s’était retenue tout l’hiver. Les montagnes juste en face de la base sont pourpres sur un fond de ciel bleu ocre.

J’écarquille les yeux. Je suis sur une autre planète ? La base a bougé pendant la nuit ? Que se passe-t-il ? Je ne comprends pas et me tourne vers le commandant, mais il a déjà disparu. Je suis seule face à la vitre. Je m’ébroue et m’empresse de m’asseoir à ma place. A peine installée, le commandant s’approche et me dit  « votre tâche, vous le savez, est de cartographier le secteur 9 de Rylla à partir de nos données satellitaires. Vous devez avoir terminé ce soir. Vous me comprenez ? Ce soir. Absolument ». Je le regarde apeurée mais il s’en va avant que je puisse articuler quelque chose.

Je travaille vite aujourd’hui. Je veux en avoir le coeur net. Mais lorsque j’ai terminé ma carte, j’ai le temps de la comparer aux autres, y compris à celle d’hier. Elles est strictement identique à celle que j’ai tracée moi-même.

Nous sortons cinq minutes avant six heures. Je croise un instant le regard du commandant avant qu’il ne referme la porte, mais il évite tout contact. Ce soir je vais discuter avec mes collègues, pour comprendre, me dis-je. Mais ils sont déà tous partis lorsque je me retourne. Je ne trouve personne et je rentre dans ma cabine. Mes draps sont d’une autre couleur, plus chaude. Je me lave et me couche.

...

Rylla, le 20 mars 2897

Je suis la première ce matin dans la salle de commandement. Après le commandant évidemment, puisqu’il y dort. Hier, un de mes collègues est mort à son poste. Cela n’a eu l’air d’inquiéter personne. Un robot est venu l’emporter. Ses yeux avaient commencé à pâlir, depuis quelques mois. Je m’installe à côté du commandant, face à la vitre. J’attends les quatre secondes de bonheur et de beauté que nous offre Rylla chaque premier matin de printemps. Personne ne peut savoir ce qu’il y aura à voir ce matin, car tous les premiers matins sont différents. Je n’en ai jamais vu deux pareils, depuis toutes les années où je suis ici. J’ai les yeux brillants depuis longtemps. Ma vie se résume à ces quatre secondes de beauté, entre des séquences de sommeil épais et de travail abrutissant et toujours identique. Je pourrais dessiner la planète telle que la voient les satellites les yeux fermés maintenant. Mais je ne pourrai jamais dessiner la planète telle que la voient mes yeux, chaque jour, chaque premier matin de printemps.

Demain, premier jour du printemps, une nouvelle recrue arrivera pour remplacer notre collègue. Et demain aussi c’est moi qui l’accueillerai dans la salle de commandement. Car le commandant mourra aujourd’hui, nous le savons tous. Il m’a nommée pour lui succéder et cela n’a surpris personne. C’est toujours le dernier arrivé qui remplace le commandant quand il meurt. Je connais déjà les mots que je dirai au nouveau. Ils sont inscrits dans ma mémoire comme la lumière du soleil de Rylla au premier jour de printemps. J’ai hâte d’être à ce soir. Pour rester seule dans la salle de commandement. Et pour regarder le coucher de soleil. Le commandant n’en a jamais parlé. Aucun commandant n’en parle jamais.

Je ne vous en parlerai pas non plus. Si vous voulez savoir, venez ici sur Rylla. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux officiers. Et vous pourriez devenir commandant, qui sait ?

samedi 19 mars 2016

Saint Vladimir, Saint Nicolas et Sainte Trinité

Amen (on dit comment Amen en russe ? Аминь détails ici), à ne pas confondre avec "amène les bulbes".

Ce samedi c'est un grand événement pour l'orthodoxie russe et parisienne. Le grand bulbe doré de la cathédrale russe de Paris, au pont de l'Alma, va être installé, les quatre petits suivront. Ils ont été fabriqués en Bretagne (euh, non, je n'ai pas bu de cidre) et le plus grand culminera à 17 mètres. Dix-sept mètres ??? Une fourmi de dix-huit mètres cela n'existe pas, mais un bulbe de dix-sept mètres, si ! L'opération s'annonce spectaculaire pour les badauds, dont beaucoup n'ont pas percuté sur la taille de ces bulbes, puisqu'actuellement on ne voit que leurs bases et de petits dômes qui vont être cachés par les grands bulbes. Tout cela sera dévoilé en juin, une fois les échafaudages enlevés... en plein Euro 2016, bravo pour le coup de pub !!!

vue d'architecte

A Paris il y a déjà des églises orthodoxes (il y a de tout à la Samaritaine Paris, sauf une bonne Samaritaine d'ailleurs puisqu'elle est en travaux pour devenir entre autres un hôtel de luxe). Liste ici sur le site officiel des évêques orthodoxes en France. Ma préférée est évidemment la cathédrale Saint Alexandre Nevski, rue Daru... là où il faut venir chercher sa Paskha et son Koulitch pour la Pâque (orthodoxe). A ce propos, ne vous trompez pas, Pâques catholique est le 27 mars (déjà) cette année, alors que la Pâque orthodoxe est le 1er mai (seulement).



La construction de cette cathédrale est un roman à elle toute seule. Lire le bon article de Vanity fair à ce sujet, le deal ayant été signé par Sarkozy en 2007, lorsque l'Etat a vendu ce terrain pour 170 millions d'euros à la Russie. C'est gratuit, tandis que l'article du Monde est payant. L'architecte est connu, Jean-Michel Wilmotte.

Pour la nouvelle cathédrale, a priori de la Sainte-Trinité, on est en plein quartier chic, pas loin d'ambassades. Un endroit idéal pour des écoutes numériques (comme sur le toit de l'ambassade US place de la Concorde, avant qu'ils ne soient obligés de démonter la fausse tente.). Mais ne soyons pas mauvaise langue !

C'est aussi à cent mètres de la Maison de la Russophonie Francophonie. Et la pose du grand bulbe se fait le 19 mars, la veille du 20 mars et de la journée internationale de la Francophonie, dont personne ne parle d'ailleurs puisqu'elle est célébrée cette année à Nantes. La secrétaire générale de la Francophonie s'y déplace en effet. Pourquoi Nantes ? Parce qu'on l'y a invitée et que rien ne se passe à Paris. Peut-être aussi parce que Nantes a avoué depuis plusieurs années ses fautes en matière d'esclavage et de commerce triangulaire (contrairement à Bordeaux) et que Michaëlle Jean est d'origine haïtienne ?

vendredi 18 mars 2016

Parler fort comme un turc

Halte aux clichés. Pardonnez-moi. Ou alors ce cliché :


Vous aurez peut-être reconnu Istanbul, sa corne d'or et le Bosphore qui va vers le coin en haut à droite, avec ses ponts reliant l'Europe à l'Asie...  Pas la capitale de la Turquie mais une ville symbole depuis quelques millénaires.

Les dirigeants turcs négocient en ce moment avec les dirigeants européens, réunis en Sommet à Bruxelles. L'objectif est de garder ou renvoyer le maximum de réfugiés liés à la guerre au proche-Orient en Turquie, contre espèces sonnantes et trébuchantes, négociation ré-ouverte pour l'entrée de la Turquie dans l'UE et définitions de lignes à ne pas franchir pour le "président/dictateur" turc, M; Erdogan, en matière de droits de l'homme, de liberté de la presse, de démocratie et de protection de la vie des populations.

Une négociation âpre, car personne ne veut y perdre la face, comme on dit en Asie. Le bilan n'est pas clair, comme toujours diront les sceptiques, d'autant plus que chaque dirigeant pense à sa propre opinion publique et que le président turc n'y a envoyé "que" son premier ministre. Résultat ce vendredi matin, les dirigeants européens n'ont pas réussi à se mettre d'accord entre eux avant de proposer un texte à la Turquie, seulement des lignes rouges comme disent diplomatiquement les diplomates pour parler de phrases creuses et pieuses. Un texte minimal, donc, ce qui pose problème car il est toujours délicat d'arriver divisés à une bataille. Les propositions faites "unilatéralement" par Angela il y a une dizaine de jours ont été jugées trop favorables à la Turquie et sont donc revues à la baisse, ce qui ne plaira pas beaucoup à la Turquie ni à la très importante communauté turque en Allemagne. Exercice périlleux pour la chancelière allemande, surtout suite aux élections régionales qui ont renforcé ses opposants anti-migrants. Exercice périlleux pour la Grèce et ses alliés européens dans un duel classique et ancien avec la Turquie, sans parler de Chypre.

Au-delà du contenu de l'accord, s'il y en a un, c'est bien la communication qui s'organise autour de la Turquie qui pose problème. La Turquie a effectivement réussi à se placer au coeur des débats, alors qu'elle était marginalisée il y a quelques années et depuis le refus de négocier avec elle son entrée dans l'UE. Elle est devenue incontournable sur le plan militaire (USA, OTAN, russes et placement géographique), sécuritaire (frontières avec les pays en crise et en guerre), humanitaire (avec les flux de réfugiés), politique (avec son rôle méditerranéen et d'interface est-ouest), religieux (avec une laïcité turque en pleine chute, califat contre califat) et identitaire (le combat contre les kurdes). En tant que pays, c'est une réussite pour la Turquie, mais c'est aussi une victoire pour son président/dictateur qui s'arroge le droit de ne parler d'international que quand cela l'arrange. Vendredi matin, dans un discours retransmis à la télévision, le président turc Recep Tayyip Erdogan a expliqué qu'il n'écouterait pas les critiques européennes sur les droits de l'homme, sauf lorsqu'elles seront justifiées.

A suivre avec intérêt, mais attendez vous à ce qu'on parle de plus en plus de la Turquie.

Mise à jour : un accord aurait été trouvé... hum, hum.


jeudi 17 mars 2016

Poubelles vertes accueillantes

Aujourd’hui, ça sent le printemps à Paris, un jour moins froid qu’avant, mais rassurez-vous, ça va se refroidir.

Comme tous les jeudis de mars, étudiants et lycéens sont dans la rue. Parmi les facs fermées, la Sorbonne est complètement close pour toute la journée. Attroupements balbutiants mais qui grossissent et quelques profs qui tiennent leurs séminaires dans les cafés de la place de la Sorbonne... Des lycées fermés aussi et en plus des « habituels » notons aujourd’hui celui de la place Clichy par exemple. On notera que les poubelles vertes sont largement utilisées pour bloquer et que les barrières ont été apportées par un camion spécial à côté (pas très spontané tout ça...). Belle journée en tous cas pour aller Place de la République.




Dans un autre ordre d’idée, je ne peux pas parler de cette « révolte » des riches du XVI° arrondissement de Paris (vers le bas) qui protestent contre la création d’un lieu d’hébergement pour démunis, ce qu’on appelle du « très social ». Le XVI° en était démuni (ça ne surprend personne) et on parle de 200 personnes dans des locaux en bois en attendant une construction en dur, tout ça géré par une association bien connue et qui a pignon sur rue. Mais les habitants du coin veulent préserver leur coin de paradis, sans solidarité. Il y a déjà beaucoup de « villas privées » ces rues où l’on ne rentre pas sans passe-droit, dans le coin. Les arguments sont classiques et du genre NIMBY (not in my backyard, oui c’est bien mais pas chez moi). Le problème est que cela a dégénéré à coups d’insulte à la préfète de région, avec un relais par le député du coin qui insulte aussi l’Etat. La Ministre verte du logement soutient fortement cette décision de la Ville de Paris, comme le gouvernement qui n’aime pas qu’on insulte les représentants de l’Etat (ils sont pourtant entraînés pour résister à ça).

L’amalgame est facile avec les migrants, alors qu’on parle des démunis de Paris, et il y en a un paquet que la Mairie essaye de reloger ou de protéger, à grands frais. J’ai même lu une déclaration de bourgeoise qui disait en gros « on vient déjà fouiller nos poubelles le matin, où est-ce que cela s’arrêtera ? ». Il faudrait, Madame, sortir un peu de chez vous, car les poubelles sont fouillées un peu partout et pas seulement dans les quartiers huppés. Gageons que le député de droite sera réélu en 2017 dans ce coin. Pour en savoir plus sur la stratégie et les actions de la Mairie de Paris dans ce domaine, c’est ici. Et sur les débats en décembre lors de l’approbation de ce centre d’accueil pour SDF, c’est là. On parle bien ici de préfabriqués en bois (écolos donc). On ne parle pas de ghettos, comme on l’entend de plus en plus, pour les riches et pour les pauvres. Certains mots ne doivent pas être galvaudés, amha...


D’un autre point de vue, mais concomitamment, il y a cette pétition pour accueillir et organiser l’accueil de migrants à Paris, lancée par des associations et partis de gauche. C’est un sujet différent, très différent, mais la pression sur les lieux peut être présentée de la même manière par ceux qui sont opposés à toute solidarité. La démocratie populaire ? Ca marche dans les deux sens, non ? Ou alors, il faut passer par des élus et accepter leurs décisions (pendant leurs mandats) tout en vérifiant les écarts et les dérives. Ou alors venir manifester dans la rue entre la rue de la Pompe et celle de la Muette...

C’est dur la démocratie, pour les démunis évidemment, mais aussi pour les riches.

Bon, trêve de plaisanterie, et pour finir vertement sur une note verte, n’oubliez pas que c’est aujourd’hui la Saint Patrick, la grande fête des irlandais et de leur diaspora. Embouteillages à prévoir dans les irish pubs ce soir... et dé-bouteillages aussi.

mercredi 16 mars 2016

Le travail c'est la santé, la loi c'est la loi et le marché... c'est le marché

Manifs de jeunes dans les rues ce jeudi (et tous les jeudis jusqu'à fin mars au moins). Contre la loi travail meme repensée. Meme les jeunes socialistes s'y mettent, c'est dire ! Ils ont la santé ! Enfin, ceux qui peuvent se payer une mutuelle, sinon gare au portefeuilles. 

A propos de santé, lisez la tribune signée par 110 cancérologues connus sur le prix des médicaments contre le cancer justement. C'est important, même si vous n'êtes pas directement concerné. C'est meme édifiant. 

Le prix de certains traitements peut atteindre les 100 000 euros par an. En général c'est la Sécu qui paye tout, puisque les longues maladies sont remboursées à 100%. Mais quand je suis par exemple allé chercher pour Lisa chez mon pharmacien une boîte pour un mois et que j'ai vu le prix, j'ai failli m'évanouir. Relativisons, ce n'était que 5000 euros pour un mois et le pharmacien m'a dit que cela changeait tout le temps en fonction du marché et "de l'offre et de la demande" (sic), en levant les épaules. 

On parle bien ici du prix de vente, pas du coût de fabrication ou de l'amortissement de la recherche. D'ailleurs les labos pharmaceutiques sont connus pour être le secteur qui engrange le plus de profits. Et les prix de vente fluctuent aussi en fonction du niveau de vie des "consommateurs", de 150 euros à 30 000 par exemple pour un même médicament "innovant" en Inde ou aux USA. 

La Sécu en France et ses équivalents ailleurs ne peut pas suivre, évidemment. Or la proportion de malades atteints de cancers augmente. Équation complexe et tribune à lire. Ce n'est pas la première fois que ce sujet est aussi médiatisé, mais il vaut la peine. 

D'ailleurs, dans le domaine de la santé, citons une autre histoire tout aussi pas joyeuse du tout. C'est celle du Docteur Aubier, docteur Diesel comme le surnomme le Canard Enchaîné, star des médias et invité régulièrement sur les questions de pollution et de cancer. Il est pneumologue et dit partout que le diesel et ses particules fines ne sont pas vraiment la source de cancers, contrairement à l'OMS et à des tas de publications médicales. Problème, récemment découvert : il est payé par Total depuis une dizaine d'années, officiellement pour veiller sur la santé des dirigeants du groupe pétrolier qui produit justement du diesel (carburant). On pourrait appellera ça un conflit d'intérêt, non ? Bof, dira le lobby automobile européen qui a rencontré en secret la Commission européenne pour assouplir les normes de pollution pour le diesel, justement, suite à l'affaire VolksWagen. 

Comme quoi la loi c'est la loi, l'éthique c'est l'éthique, mais le marché c'est le marché et tant pis pour ceux qui ont un cancer !

Je vous souhaite, du fond du cœur, une bonne santé. 

mardi 15 mars 2016

Plus dure sera la chute

Oui, oui. Plus haut on est, plus dure sera la chute, sans parler du Capitole, de la roche Tarpéienne et de ses oies.

Le Mont-Saint-Michel vient d'être décapité. La statue qui ornait son point culminant vient d'être enlevée (temporairement) pour rénovation.
- Question : Qui est représenté avec cette statue ?
- Réponse 1 : Saint-Michel évidemment (même s'il n'y a pas de dragon), sinon, pourquoi on l'appellerait le Mont-Saint-Michel ? Faut pas être débile, quand même !
- Indice : Non. C'est un archange...
- Réponse 2 : Un archange ??? Gabriel(le, tu brûles mon esprit, ton amour étrangle ma vie...) ?
- Oui !
Les touristes en sont pour leurs frais pendant au moins deux mois, le temps pour l'archange de voler jusqu'à Rome comme les cloches jusqu'en Dordogne et de revenir. Il n'a été décroché que deux fois, la dernière il y a trente ans...

Vous vous rappelez peut-être de ça ? Sale temps pour les statues religieuses, non ? (Je l'avais évoqué en janvier 2014)


Dans un autre genre, grand danger pour le Cardinal Barbarin, primat des Gaules, en pleine conférence des évêques de France, avec cette affaire de pédophilie à Lyon, vieille mais qui vient d'être rendue publique par l'une des anciennes victimes. Notre premier Ministre s'est fendu d'une sortie à ce sujet sur la responsabilité, qui mérite d'être citée : "Le seul message que je peux faire passer, sans prendre sa place, sans me substituer à l'Église de France, sans prendre la place des juges, car une enquête est aujourd'hui ouverte, c'est de prendre ses responsabilités. C'est à lui de prendre ses responsabilités, de parler, et d'agir"... Episode savoureux du "dialogue" sur la laïcité, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la notion même de responsabilité. A rapprocher d'un autre rôle pour Valls, celui de sélectionneur de l'équipe de foot de France par rapport à la "sélectionnabilité" de Benzema.

En Allemagne, Angela a chuté gravement ce dimanche, face à une montée inattendue du parti populiste, anti-tout, AfD. Une chute sans conséquence (encore ?) au niveau fédéral mais qui va poser de nombreux problèmes dans les trois länders concernés, ne serait-ce que pour y trouver une majorité. On parle de fin d'un tabou - lié évidemment à la peur panique de l'extrême droite dans ce pays suite au nazisme. Une chute partielle donc, mais qui ouvre la porte à un phénomène de type Front National également en Allemagne. Car il n'y a pas beaucoup de millimètres entre anti-migrants et racisme.

Enfin, je ne reviendrai pas longuement sur la chute du Go traditionnel et historique face à la puissance des intelligences artificielles. AlphaGo a gagné sa cinquième partie et le score final est de 4-1 contre l'humain. J'en ai déjà beaucoup parlé ici et ici depuis la semaine dernière. Tous les experts ont compris que quelque chose de capital s'était produit. Un nouveau style de jeu doit être trouvé par les humains pour battre ce type de joueur-machine... sauf que la machine aussi apprend. Certains jaloux ne décolèrent pas, comme chez Facebook où on s'est fait doubler par Google sur le sujet des intelligences artificielles (IA ou AI suivant vos goûts linguistiques). Heureusement, en matière de technologies, il y a souvent des chutes, mais aussi des relèves. C'est fluide, très fluide...

lundi 14 mars 2016

Un travail sans fin

Oui, oui, il s'agit de la loi Travail ce projet qui est passé directement du statut d'avant projet remis au Conseil d'Etat et fuité, à celui de brouillon pour un nouveau projet très réaménagé.

Mais avant de détailler ce qui est nouveau à propos de ce projet, ne confondons pas avec d'autres trucs sans fin :

- la tapisserie que Pénélope défait chaque nuit pour éconduire ses prétendants et attendre le retour d'Ulysse qui est heureux d'avoir fait un beau voyage.
- le jour sans fin (groundhog day), ce film qui relativise le temps et qui fait recommencer le même jour sans fin visible à un Bill Murray magnifique malgré tous les obstacle sur sa route.
- le nombre Pi qui contient un nombre infini de décimales, sans aucune répétition, puisque c'est un nombre transcendantal, comme disent les matheux. C'est d'ailleurs aujourd'hui le "Pi Day" mais j'en ai déjà parlé ici l'année dernière, et allez simplement lire ce billet : l'actualité du nombre Pi est assez calme ces temps-ci ;)

Le projet de loi, alors ? Grande rencontre entre Valls et les "partenaires" sociaux, des grands patrons aux  artisans et aux PME, des syndicats réformistes aux anti, des vieux aux jeunes... Le texte a été amendé ce week-end au plan politique avec une Ministre qui regarde passer les balles entre Valls et François au-dessus du filet politique national.

Exceptionnellement, la suite de ce billet ne sera disponible que ce soir, une fois les principales mesures, contre-mesures et sur mesure connues (comme disent les croque-mort dans Lucky Luke lorsqu'ils viennent mesurer les cow-boys avant un duel, au cas où...)

(A suivre ce soir donc)

Alors donc. Le Figaro dit ceci "Valls et Hollande reculent sur les mesures polémiques de la loi Travail"... et Le Monde cela "Loi travail : « Avec ce nouveau texte, Valls peut espérer emporter l’adhésion de ses troupes"...

Bon, le nouveau texte n'est pas vraiment public, mais les principaux points en sont les suivants (avant que Valls parle au 20h de France 2 qui n'est pas en grève encore). Il faut se tourner vers la presse gratuite, c'est un comble :

Le barème des indemnités prud’homales seulement « indicatif »
Licenciement économique : contrôle accru du juge
Léger recul sur les accords d’entreprises pour les PME et TPE
Un accompagnement pour tous les jeunes sans emploi ni formation
Le compte personnel de formation est augmenté

Vous y comprenez quelque chose à la stratégie du gouvernement, vous ?

dimanche 13 mars 2016

Du temps de cerveau pour... Une histoire chaude

Dirina était une femme comme toutes les autres. Sur notre planète, me direz-vous, c'était facile puisqu'elle était la seule femme. Dirina représentait à elle toute seule la féminité et la normalité. Elle vivait alors dans ce qu'on appelle encore la base terrienne, une enceinte protégée et qui grouillait de robots en tous genres. Elle y travaillait, ou plutôt elle regardait les robots travailler pour elle et pour la Terre. Elle était la seule humaine sur notre sol. La Terre avait trop de planètes à coloniser pour y envoyer plus de quelques représentants. Notre planète était trop insignifiante pour avoir besoin de plus d'un représentant, une ambassadrice en fait, dans notre cas.

Dirina nous avait tous surpris en arrivant. Ses robots avaient rapidement détruit toutes nos forces de défense, bien faibles à l'époque, puisque c'était avant l'invention du radiateur. Elle s'était installée dans la base qu'ils avaient assemblée en quelques jours, puis elle avait commencé à nous rencontrer. Elle avait eu du mal à nous comprendre. Puis elle avait commencé à se gratter, évidemment. 

Il faut que je vous dise quelque chose à propos de notre planète. Quelque chose qui vous surprendra peut-être car à notre connaissance il n'y en a pas d'autres comme elle. Notre planète est asexuée. Complètement asexuée. La notion de genre n'y existe pas. Il n'y a pas de mâle ou de femelle chez nous. Quelles que soient les espèces, des plus petits insectes aux plus grands herblas, tous les individus ont le même genre, si vous préférez. J'ai entendu parler de planètes avec plus de deux genres, ce qui laisse entrevoir des combinaisons complexes pour la reproduction et toutes sortes d'autres activités, ou plus fréquemment d'espèces hermaphrodites où chaque individu peut se reproduire tout seul. Notre planète est plus simple que cela. Tellement simple qu'on se demande pourquoi elle est la seule.

L'air que nous respirons est assez semblable à celui de la Terre, m'a-t-on dit, si ce n'est la présence de l'etsch. L'etsch est partout sur notre planète. Dans l'air, mais aussi dans la terre, l'eau. Dans nous aussi, nous, les habitants de cette planète que nous appelons évidemment Etsch. L'etsch est petit et indétectable. Les humains l'auraient détecté qu'ils ne seraient jamais venus ici, et Dirina ne serait pas où elle est. L'etsch nous ensemence tous. Dès que l'un de nous choisit de se reproduire, il lui suffit de fermer son organe, et l'etsch l'envahit. Et cette irruption d'etsch dans le vide ainsi créé marque le début de ce que vous, les terriens mammifères, appelez la gestation.

Certains de nos philosophes ont argumenté sur l'etsch. Est-ce un principe sexué ? Est-ce une sorte de divinité ? Formons-nous une symbiose ? Pourquoi sommes-nous la seule planète avec de l'etsch ? Ces questions n'intéressent évidemment personne, mais je comprends que certains esprits aient besoin de se poser des questions. Tous ces philosophes n'ont pas un organe deficient, mais la plupart oui. Les pauvres. Incapables de se reproduire, même en leur faisant prendre des doses massives d'etsch...

Nous avons parlé de l'etsch à Dirina peu après son arrivée quand elle a commencé à nous recevoir. Nous lui avons tous dit la même chose : "L'etsch est partout et il est déjà dans vous. Vous comprendrez ensuite". Évidemment, au début, elle ne comprenait pas notre langue, malgré les efforts de ses machines sophistiquées. Elle nous avait regardés poliment. J'étais dans la délégation, en tant que scientifique en chef. Nous avons toutes sortes de formes, ici, mais Dirina était unique. On pouvait même dire qu'elle était belle. C'est au bout de la troisième visite qu'elle a commencé à se gratter lorsque l'etsch a trouvé comment s'y prendre avec elle, et elle a commencé à comprendre notre langue. L'etsch était en elle et elle le savait maintenant. Elle arborait un sourire surpris et nous eûmes de longues conversations pour lui apprendre tout sur l'etsch. Elle ne serait jamais complètement comme nous, mais cela n'a pas d'importance. L'etsch etait en elle, elle était donc l'une des nôtres.

Dirina est vite devenue pour nous un sujet brûlant de conversation. Elle était un cas unique, la seule personne à avoir rencontré l'etsch bien après sa naissance. En plus elle etait scientifique elle-même et voulait comprendre. J'ai dit plus tôt que nous n'avions pas besoin de plusieurs sexes pour nous reproduire, mais cela ne nous empêchait pas de prendre du plaisir avec d'autres personnes. Et Dirina était vraiment très belle. Nos corps étaient très différents et difficilement compatibles, mais nous trouvâmes vite le chemin de nos organes respectifs, entre deux expériences dans mon laboratoire. Nous avions même du mal, de plus en plus souvent, à suivre le fil de nos réflexions car cette relation surnaturelle, ni etschienne ni humaine, perturbait nos processus logiques. 

Le jour où elle eut l'idée du radiateur est un jour mémorable à jamais. Nous avions bu de la liqueur d'etsch, spécialement raffinée par moi. Je lui avais montré ma petite distillerie personnelle et elle avait posé beaucoup de questions sur la température. La température ? J'avais eu du mal avec ce concept. Elle m'avait expliqué mais c'était un concept trop étrange pour moi. Un concept inutile lui ai-je dit, car pourquoi s'intéresser à un concept qui n'avait aucune application. Seule la concentration d'etsch etait utile. Elle m'avait regardé avec des yeux ronds puis elle s'était endormie dans tous mes bras. Elle n'avait pas dormi en fait. Elle avait réfléchi. Puis elle s'était relevée subitement et avait couru vers le laboratoire, en m'entraînant. 

Elle m'expliqua son idée. Une idée bizarre, mais je me dit que c'était une piste intéressante. Elle prépara une liqueur forte d'etsch qu'elle versa dans une boîte puis elle relia la boîte à ce qu'elle appela une "résistance". Quand elle fut satisfaite, nous prîmes un transport pour le Grand Désert. L'air y était pauvre en etsch ce jour-là, encore plus que d'habitude dans cet endroit le moins etsché de la planète. Je frissonnai à cause de ce manque d'etsch. Elle et moi étions couverts de vêtements etschés pour garder notre énergie. Puis elle brancha le "radiateur" et nous commençâmes tout de suite à en ressentir les effets. L'etsch se multipliait à une vitesse effarante. Nous fûmes obligés d'enlever nos vêtements en moins d'une minute. L'air s'etschait tout autour de nous comme si nous étions plongés dans un bain de liqueur. Un doux bonheur nous envahit.

Dirina était humaine, souvenez-vous. Le radiateur etait réglé à la puissance maximale. Son organe se transforma, en tous cas l'équivalent chez les humains. Elle devint asexuée comme nous. Et elle sut qu'elle ne pourrait plus jamais vivre sans etsch. C'est à ce moment que le plan germa. Elle mit un mois à le peaufiner. Elle mourut lors du dernier test avant envoi. Elle avait voulu faire ce test toute seule, sans assistance. Elle etait obstinée, Dirina ! Elle se trouvait dans un vaisseau en orbite autour de notre planète, avec un petit radiateur portatif d'etsch. Elle le brancha et se déshabilla, puis elle sortit dans le vide. Tout se passa bien pendant dix minutes. Elle nageait nue dans le vide intersidéral comme si c'était son milieu naturel. Ni la "température" ni les radiations ni l'absence d'air ne la gênaient. Elle me sourit à travers le hublot. Puis je coupai le fil qui la reliait au vaisseau. Elle mourut très vite. 

Aujourd'hui, ses anciens robots, reprogrammés, sont prêts à partir sur toutes les planètes colonisées par les humains et sur leur Terre. Chacun d'eux est équipé d'un radiateur. Une fois arrivé, il l'allumera et chaque planète s'etschera en quelques jours. Bientôt l'univers connu sera rempli d'etsch. Et pour l'univers inconnu, cela prendra juste un peu plus de temps, maintenant que, grâce à ces radiateurs, nous pouvons voyager sans risque partout où nous voulons.

Merci Dirina !

samedi 12 mars 2016

Go-eau-Gueules

Et si on revenait un peu sur cette semaine chargée ?

Go d’abord. J’en ai parlé ici mercredi dernier. Aujourd’hui samedi, tôt ce matin, une partie de l’Humanité a basculé dans une nouvelle ère, n’ayons pas peur de le dire. AlphaGo a gagné son troisième match et mène donc 3 à 0 sur une partie en cinq matchs. Les deux derniers sont attendus dimanche et mardi, mais il ne peut plus perdre... Lee Sedol, l’humain, champion du monde de Go quand même, pensait gagner 5-0 ou 4-1 au pire. Maintenant, s’il perd 1-4 et non 0-5 ce sera un exploit...  Lisez les commentaires de joueurs professionnels ici, sur ce site de gourous du Go.
Alors qu’il y a encore une semaine, personne ne croyait voir de telles victoires de l’IA, on peut lire aujourd’hui sur ce site des phrases du genre "AlphaGo made history once again on Saturday, as the first computer program to defeat a top professional Go player in an even match. In the third of five games with Lee Sedol 9p, AlphaGo won so convincingly as to remove all doubt about its strength from the minds of experienced players. In fact, it played so well that it was almost scary ».
Cet article conclut par « We as a community of Go players will have to adapt and make the most of to this new force in the world of Go, and perhaps it’s time for broader discussion about how human society will adapt to this emerging technology ». On parle bien d’un saut dialectique. Il ne s’agit pas seulement d’un exploit technologique. Le Go était considéré depuis longtemps comme l’Everest des jeux de stratégie pour un ordinateur : impossible à gravir. Maintenant que la montagne est vaincue, le monde a changé :
- le jeu de Go ne sera jamais plus pareil, car les coups de AlphaGo ont été jugés comme novateurs, créatifs et brillants, spécialement dans l’ouverture que tous les joueurs s’accordent à dire le plus difficile des moments. Les échecs sont passés par là. Les prochains champions devront savoir aussi essayer de battre de telles machines, y compris en adaptant leurs stratégies.
- Google, à l’origine du rachat de la société qui a conçu AlphaGo, va maintenant s’attaquer à d’autres jeux exigeant des stratégies différentes. On parle par exemple de Starcraft avec un jeu massivement multi-joueurs (humains) et la difficulté de se mettre à les battre alors qu’ils sont par nature imprévisibles. A la recherche d’autres Everest.
- Google va aussi instiller des morceaux d’IA (intelligence artificielle, même si cette expression est ridicule) dans pleins de produits, des plus grand public aux plus professionnels (médecine notamment).
- L’autre conclusion oppose les machines à la fois aux génies humains et aux êtres normaux que nous sommes (en tous cas moi, sans offense).  Un génie comme Einstein ou Mozart a une durée de vie limitée. Quand il meurt ou arrête de créer, ses créations inspirent de nombreux humains pour très longtemps, mais lui, il arrête de créer. Alors qu’un programme informatique n’oublie pas. Il évolue tout le temps et apprend en permanence. Il peut être cloné un très très grand nombre de fois, sans perte. Comme des petits génies spécialisés. Spécialisés, vraiment ? Hum hum... Imaginez simplement des machines allant puiser leurs informations pour apprendre et pour assimiler les clones déjà existant dans une grosse base de données stockées sur de gigantesques serveurs (chez Google évidemment). Pas besoin de grande puissance alors. Juste de bonnes liaisons Internet... Sympa, non ?

Sur le Go, si vous ne connaissez pas le jeu, allez ici pour un manuel interactif d’initiation et gratuit très bien fait et essayez de jouer des parties sur un « goban » réduit, par exemple de 9x9 au lieu de 19x19 (un quart). Version française là.

Mise à jour dimanche matin : Lee Sedol a gagné le quatrième match. AlphaGo a visiblement perdu les pédales lors d'une bataille au centre vers le coup 79. Les experts ne savaient pas sur le moment si c'était un coup profond ou raté. Gageons que AlphaGo deviendra meilleur. Gageons aussi que c'est comme cela que les programmeurs apprennent. Et les pros du Go aussi !

Sic transit gloria mundi.... fluctuat ? Nec mergitur

Dans un autre domaine, plus mergitur, cette semaine était la première de l’exercice inédit de simulation de crue de la Seine à Paris. Une semaine pour que l’eau atteignent son maximum et déborde (voir la carte ci-dessous), avec son pic ce week-end : murage de station de métros, exercices de sauvetage.... Une semaine (la prochaine) pour la décrue et pour constater et réparer les dégâts (chiffrés en dizaines de milliards). L’opération a son site officiel ici.


En regardant ce genre de carte, certains se diront, c’est bon je suis protégé... Vaste illusion. Car au-delà des mètres d’eau à certains endroits, c’est bien l’ensemble de la région et de la France qui seront touchés dans un certain nombre de domaines cruciaux : réseaux eau et électricité détruits, transports impossibles, entreprises et sous-traitants fermés, chaîne alimentaire défaillante... Une vraie crise majeure pour laquelle cet exercice de simulation est une grands première (même au plan mondial). Article à lire ici pour en savoir plus sur les problèmes de coordination des différents métiers et sur les situations de crise majeure.

Alors, après le démarrage des manifestations contre la loi Travail, autre grande actualité de la semaine, il est important de se poser des questions marginales comme celles-là, du Go à l’eau de la Seine, sans oublier l’ogre Google. Tout cela nous éloigne du quotidien difficile des exclus du monde du travail, oui, mais cela doit nous faire réfléchir au monde en construction... et surtout à la place que chacun veut y occuper, en particulier les jeunes.