jeudi 30 juin 2016

Moins d'un an à tirer pour Hollande

Pas "Putain, deux ans" comme disait la marionnette de Chirac aux Guignols (feu les Guignols). François vient de dévoiler ses projets pour cette dernière année au pouvoir (et pour sa future campagne. Interview fleuve à lire ici, résumé là. On peut lire aussi cet interview sur le site de l'Elysée, un media neutre et objectif... Qu'a-t-il dit ?

Comme tout le monde il a été surpris par le vote britannique sur le Brexit, mais reste ferme : pas de négociation partielle sur des bouts de traités, ou même avec l'Ecosse sur des bouts de Royaume-désuni, et réaffirmation des principes de libre circulation : la liberté au sens des marchés est indissociable selon lui de la liberté humaine. Vaste débat idéologique et fracture droite-gauche évidente. Il ne veut pas de référendum en France sur ce sujet et se range dans le camp de ceux qui prônent le rôle majeur des élites (?) politiques, élues sur des mandats et des positions, ce qui nous ramène à l'élection de 2017 ;) Naturellement, le Président n'affiche pas trop d'inquiétude sur les conséquences de cette crise européenne pour la France, c'est son rôle. Pour l'UE, il affiche d'ailleurs un programme court et simple : sécurité, croissance, jeunesse, harmonisation sociale et fiscale et rôle majeur de l'Euro (€ pas le foot). En parfaite harmonie avec Angela même si leurs approches sont très différentes. Cela n'empêche pas une démarche conjointe.

Il en profite habilement pour reparler de la taxe sur les transactions financières, serpent fiscal de mer, en rappelant que la principale objection était de laisser filer à Londres (qui n'en veut pas) les acteurs bancaires et autres spéculateurs. Cette objection ne tiendra bientôt plus selon lui... Intéressant.

A propos de taxes, il annonce des baisses d'impôts si la croissance se confirme, une promesse électorale par excellence. Aux autres maintenant de faire mieux que son chiffre de 2 milliards et que sa cible (les pauvres et les classes moyennes). Cela lui permet d'ailleurs de réaffirmer une position dure sur la loi Travail et l'importance des négociations avec le Patronat. Le fait que le MEDEF menace de ne pas appliquer le compte pénibilité est un pavé dans la mare auquel François n'st pas sensible. La loi s'applique à tous, même aux patrons ! Incroyable, non ? On ne serait plus au XIX° siècle ? Cela lui permet également de taper sur la droite et ses programmes économiques d'une autre époque libéralo-libérale, en les mettant tous dans le même panier (de crabes ?). Citation à propos de l'absence de différence entre les candidats de droite dans le domaine économique : "C'est, si je puis dire, un fonds commun de mauvais placement".

François se proclame donc homme de gauche. Quelle gauche ? En tous cas pas une gauche qui aurait trahi La Gauche, selon lui. Citation sur la loi Travail : "Ce texte, c'est en réalité la prolongation des lois Auroux et de la première loi Aubry, qui avait fait de l'entreprise un lieu de négociation pour l'organisation du travail. Quant à l'inversion de la hiérarchie des normes, le verrou me parait sérieux : seuls les syndicats représentant la majorité des salariés peuvent en prendre la responsabilité"... Le bilan arrivera (pendant les primaires), et les armes se fourbissent déjà. On notera qu'en s'attaquant frontalement aux journalistes des Echos, il fait preuve de bravoure économique puisque ce journal est plutôt à droite de Macron. A quand l'Huma ?

François face aux journalistes. Il regarde à droite, mais son coeur est à gauche. (Les Echos)

Il regarde en face, mais toujours avec la gestuelle de sa main droite (Elysée)


mercredi 29 juin 2016

Petite dérive poésiaque

Demain c’est la fin juin
Dans mon immeuble ça sentait le joint
Le Marché de la Poésie est clos
et demain sa périphérie aussi sera close
Rue Robespierre
A la Guillotine
Si, si, monsieur le juge
je vous le jure

Alors devant une actualitté raide (et raire)
pourquoi ne pas s’évader un peu
La poésie est plus forte que la somme des poètes
Mais chaque poète est toute la poésie à lui tout seul

Pas envie de bloguer
du sérieux, du triste, du politique
du dérisoire (c’est pareil)
de l’insolite, des chats, chatons et chattes

Juste l’envie de vous donner envie
de lire un poème et de vous le réciter à voix haute
Choisissez celui que vous voulez
Sinon prenez un de ceux-ci

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Quéquette en juin, layette en mars. (Pierre Desproges, grand poète ci-nique).

Sa femme, plus âgée que lui, était une créole toujours belle et lente comme une après-midi de fin juin.
(Jean Giono, l’homme qui plantait les poèmes).

Que c'est triste ! Je vais devenir vieux, horrible et épouvantable. Mais ce portrait, lui, demeurera toujours jeune. Il gardera à jamais l'âge de cette journée-ci de juin... Si seulement ce pouvait être le contraire.
(Oscar Wilde, à moins que cela soit Dorian Gray)

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits - la ville n'est pas loin -
A des parfums de vigne et des parfums de bière....
(Arthur Rimbaud, jeune homme pas sérieux de 17 ans)

Nuits de juin
L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.
(Victor Hugo, avec ce commentaire véridique de lecteur « Ouais, trop cool Victor Hugo. Dommage qu’il est mort »)



mardi 28 juin 2016

Phases éliminatoires

Il n'y a pas que le foot dans la vie, paraît-il. Ah bon ?

Le foot vient de nous donner quelques leçons humoristiques. L'Euro 2016 a accouché de sa première vraie surprise avec la victoire de l'Islande sur l'island d'Angleterre. Quelque chose d'impensé. La victoire de joueurs robustes, organisés et dynamiques contre des joueurs mous et sans motivation. Une leçon de vie de la part de ce pays qui compte moins de joueurs professionnels (dont 30% de femmes) que de volcans et moins d'habitants qu'une ville anglaise moyenne. Une élimination précoce pour les anglais, un Brexit 2 comme l'ont noté tous les commentateurs. On en est maintenant aux quarts de finale, dont un très attendu, maintenant, France-Islande, histoire de mesurer la mobilisation de nos bleus à nous, puisque les islandais ont les mêmes couleurs. Regardez au moins leur célébration de victoire en communion avec leur public. Ça fait frémir.  

A propos des britanniques et de leur auto-élimination de l'UE, c'est le bordel. Les pro-Brexit qui ont gagné ne savent pas quoi faire et ils comptent sur les dirigeants européens pour les aider. Mais même Angela qui semblait au début vouloir leur laisser du temps, à la demande de Cameron, le futur-ex-premier ministre, est revenue à la raison. La sortie doit être déclenchée rapidement et rien ne sera négocié avant le début de la procédure officielle. La phase de discussion sera déjà assez longue comme ça. La pétition qui réclame un nouveau référendum a déjà dépassé les 3 millions de signatures. La note du Royaume-Uni, paradis fiscal notoire, a été abaissée de deux crans d'un coup avec perspective négative. Mais le flegme est encore là. 

En France, les éliminatoires pour la candidature de gauche à la présidentielle ont commencé. Les ténors de la gauche socialiste anti-Hollande étaient nombreux à vouloir se présenter mais ils seraient en train de se mettre d'accord pour ne proposer qu'un candidat contre François. Pôvre Francois qui comptait diviser pour mieux régner. C'est comme s'il y avait des éliminatoires avant la primaire avant l'élection. Comme au foot avec une phase de poule avant la demi-finale. A droite, ce sera pareil ?

Enfin, il y a les manifs avec l'élimination progressive des casseurs. Grève légère aujourd'hui et manifs en attendant celles du 5 juillet (et le 11 juillet sur les Champs avec la France gagnante de l'Euro ? Mais je m'égare c'est une autre histoire). Les syndicats s'éliminent petit à petit du jeu avec maintenant retour du ballon aux sénateurs puis aux députés, cette fois sans 49-3 promis juré craché celui qui ment est éliminé aux chaises musicales du politicien girouette. 

Tout ça nous rapproche des vacances. La télé prend ses quartiers d'été après avoir éliminé plein d'animateurs et des heures de programmes (plus que deux heures en clair sur Canal+ par exemple). Les séries télé arrivent en fin de saison comme GOT ou Outlander. Place aux rediffusions et aux résidus après élimination. 


lundi 27 juin 2016

Le vote ça sert à quoi ?

La notion même de vote est en train d'en prendre gros sur la patate en ce moment. Mettons à part les aphorismes classiques :
"La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous" de Churchill le magnifique insulaire anglais ;
"La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s'abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen non seulement sur les affaires de l'Etat, mais sur celles de la région, de la commune, de la coopérative, de l'association, de la profession. Si cette présence vigilante ne se fait pas sentir, les gouvernements (quels que soient les principes dont ils se recommandent), les corps organisés, les fonctionnaires, les élus, en butte aux pressions de toute sorte de groupes, sont abandonnés à leur propre faiblesse et cèdent bientôt, soit aux tentations de l'arbitraire, soit à la routine et aux droits acquis ... La démocratie n'est efficace que si elle existe partout et en tout temps." de Mendes-France le penseur de la France moderne ;
" Un référendum c'est une excitation nationale où on met tout dans le pot. On pose une question, les gens s'en posent d' autres et viennent voter en fonction de raisons qui n'ont plus rien à voir avec la question." de Rocard le cynique réaliste...

Il y a le referendum britannique, qui reste pour l'instant un referendum tant que l'article 50 n'a pas été invoqué officiellement par le pouvoir britannique auprès du Conseil européen, et cela risque de prendre du temps : de quelques semaines selon les désirs ce certains européens dont Hollande, à quelques mois si l'on en croit Cameron et sa volonté de rester premier ministre jusqu'au congrès de son parti prévu en octobre, afin de laisser au prochain premier ministre l'initiative de ce dépôt, sans oublier la possibilité de ne jamais déposer cette demande de retrait mais de laisser trainer les choses tout en négociant des avantages à chaque pas, comme le soupçonnent certains diplomates chevronnés face à une diplomatie britannique rodée à ce type d'exercice. Cette semaine sera décisive, avec force réunions attendues.

Sur ce referendum, les jeunes sont en colère puisque ce sont les vieux qui ont voté pour quitter l'UE alors que les jeunes voulaient majoritairement y rester. Un bon exemple des limites du vote dans une société vieillissante avec de plus en plus de personnes âgées et conservatrices, face à des jeunes qui ne votent pas. Un des paradoxes de la démocratie directe.

Il y a le référendum local (ou plutôt consultation locale) sur NDDL qui a débouché dimanche sur une approbation du projet d'aéroport de Nantes délocalisé, après des dizaines d'années de valse-hésitation. Un vote sans équivoque, à l'échelle de la démocratie, puisque 55% c'est nettement plus que d'habitude pour une majorité. Un résultat aussitôt dénoncé par les opposants (locaux mais aussi écolos canal historique) alors même qu'ils avaient appelé à voter massivement.

Sur ce referendum, le fait de dénoncer sans aucun scrupule un résultat qui vous déplait est un signe d'immaturité politique et citoyenne, d'irresponsabilité. La démocratie ne peut pas s'embarrasser de telles critiques. Par contre, la démocratie doit être directe et permanente. Elle ne doit pas se limiter à quelques sujets pris en otage entre deux tranches d'actualité, aléatoires ou manipulées.

Il y a les élections espagnoles où la droite a renforcé ses positions, ainsi que le PS, au détriment de Unidos Podemos, le parti qui devait tout changer. Il n'y a pas (encore pas) de majorité absolue au Parlement, mais le contexte européen devrait pousser rapidement les partis à se mettre d'accord, si les ambitions personnelles ne viennent pas perturber le jeu, comme c'est courant en France.

Sur ces élections, c'est bien le modèle de gouvernance de la démocratie espagnole qui est en jeu, avec trois blocs qui n'arrivent pas à se mettre d'accord. C'est pourtant ce qui s'est passé. Les électeurs votent pour les candidats en lice. C'est donc aux partis de désigner les bons candidats et de mettre en avant non seulement des programmes alléchants et réalistes mais aussi des possibilités d'accord avec les autres partis.

Il y a les élections islandaises pour un nouveau président, le précédent ayant disparu dans les tourbillons des Panama Papers. C'est un universitaire qui a été élu. Donc un homme intègre (non, non, je rigole sur le "donc"). L'Islande est donc sereine et prête pour son match de ce soir contre l'Angleterre (si, si, ça ne s'invente pas, c'est l'UEFA qui a tout manipulé). Ce sera le dernier huitième de finale et incidemment celui qui désignera l'adversaire de la France en quarts.

Sur ces élections, la plupart des non-islandais s'en foutent. Pourtant ce sont des élections démocratiques comme les autres et même s'il n'a été élu qu'avec 39% des voix, car elles se sont déroulées sur un seul tour avec plus de deux candidats, il a été élu. Un néophyte, plutôt jeune. Ça fait rêver non ?

Alors oui, le vote ça sert à quelque chose, comme la liberté de la presse (qui ne s'use qui si on ne s'en sert pas comme dit le Canard).



dimanche 26 juin 2016

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle chatte

Mignonette, de son vrai nom Ch'aristolëmikralotta secret, était une très belle chatte. Naturellement, me direz-vous, tous les chats sont très beaux, même si les humains n'en sont pas toujours persuadés. Les humains ont tellement mauvais goût, et en plus ils sont souvent très laids. Comparés aux chats bien entendu.

Elle n'aimait pas ce nom idiot, mais tous les humains donnaient des noms idiots aux chats, cela faisait partie de leurs caractéristiques et cela n'avait aucune importance. Les chats avaient des préoccupations bien plus importantes que cela. Les chats, en tant que maîtres du monde, devaient assurer la survie de cette planète qui les avaient accueillis il y a si longtemps déjà. Une bonne planète qui aurait même pu être parfaite si les hommes n'avaient décidé de la détruire à petit feu, depuis des siècles et des siècles.
Mignonette, en particulier, avait été chargée par le Haut Conseil d'une mission délicate et avait été affectée à Madame Albertine pour surveiller ses dentelles. Madame Albertine était en effet une vieille dentelière à la retraite, les plus redoutables. Mignonette se souvenait encore de ses premiers cours à l'école primaire des chats. On lui avait très vite appris le danger terrible que représentaient les dentelles et cette leçon était restée gravée dans sa mémoire. Notre héroïne était une chatte particulièrement douée et avait rapidement été sélectionnée dans les unités d'élite. Elle savait que si elle réussissait bien cette mission délicate elle aurait une promotion. Le poste de responsable en chef de la dentelle serait bientôt disponible...

Madame Albertine était l'une des plus dangereuses dentelières de la planète. Elle avait travaillé très longtemps dans le plus célèbre des ateliers et avait acquis des techniques exclusives. Elle avait même passé quelques années à former des jeunes filles. Mais l'atelier était surveillé par une brigade spéciale de chats très entraînés et tout y avait été sous contrôle. Seulement voilà, Madame Albertine avait vieilli et était partie à la retraite, mais elle continuait à broder de la dentelle, pour son propre plaisir. Et elle expérimentait de nouvelles techniques toutes plus innovantes les unes que les autres. Il fallait donc la surveiller de près pour éviter qu'elle ne s'approche de La Dentelle.

Madame Albertine fabriquait ses dentelles tout le temps, sauf quand elle dormait. Heureusement Mignonette pouvait dormir souvent, car elle repérait vite si la dentelle en cours était dangereuse ou pas. Comme tous les chats, Mignonette dormait beaucoup, car c'est pendant que les chats dorment qu'ils pénètrent dans leur réseau mondial, leur toile à eux, tellement plus puissante que ce que les humains avaient inventé. Ce soir-là, lorsque Madame Albertine éteignit sa lumière en souhaitant bonne nuit à Mignonette, celle-ci sut qu'elle aurait plusieurs heures de tranquillité devant elle. Elle était un peu fatiguée d'ailleurs, Mignonnette, ou plutôt son corps. Cela faisait près d'une semaine qu'elle dormait beaucoup, il faudrait qu'elle veille à manger un peu moins car elle risquait de prendre du poids. La cuisine de Madame Albertine était de plus en plus savoureuse. 

Dès qu'elle entendit le doux ronflement de Madame Albertine, notre chatte rejoignit la toile. C'était si simple, il suffisait de dormir et de rêver pour entrer dans le réseau des chats. C'était toujours un immense plaisir. Enfin entre eux ! Cela lui avait toujours énormément plu, depuis son plus jeune âge. Elle avait beaucoup progressé depuis ses premières années sur les bancs de l'école, mais le bonheur était intact. Mignonnette salua ses copines, vit avec plaisir que ce gros matou prétentieux de Bruto n'était pas là et se dirigea vers sa cheffe pour son rapport quotidien. Rien à signaler de particulier et cela ne dura que quelques minutes. Mignonette était contente. Cela lui laissait le temps de traîner un peu et d'aller à la bibliothèque centrale pour étudier les dernières actualites de la lutte contre la dentelle. Au bout de quelques heures, elle en sortit satisfaite. Tout était en ordre et l'immense majorité des humains ne se doutaient toujours de rien. Seuls quelques-uns, étroitement surveillés par des chats spécialement entraînés, entrevoyaient la domination des chats, mais personne ne les croyait. Les humains étaient si bêtes, sourit-elle.

Elle dégustait un thé avec sa meilleure amie quand celle-ci lui mît la puce à l'oreille. "Tu n'as pas bonne mine en ce moment, on dirait que tu dors trop" lui susurra-t-elle entre deux scones. Mignonette prit un air surpris, puis elle commença à réfléchir. C'est vrai qu'elle dormait vraiment beaucoup ces temps-ci. Depuis une semaine en fait. Depuis le jour où Madame Albertine lui avait préparé ce délicieux plat au poisson. Le matin, depuis, c'était même Madame Albertine qui la réveillait.

Bizarre, se dit Mignonette. Elle décida de ne pas manger le lendemain soir et de faire semblant de dormir. Ce ne fut pas facile, car Madame Albertine insista beaucoup et le plat était encore plus savoureux qu'avant. Mais Mignonette réussit à tromper la vieille dentelière et fit semblant de s'endormir.

Au bout de quelques minutes, croyant Mignonette endormie, Madame Albertine se leva doucement et se dirigea vers son placard à dentelles qu'elle ouvrit sans bruit. Mignonette l'observait sans respirer. Elle la vit appuyer sur le fond de l'armoire et un compartiment secret apparut. Mignonette faillit faire un bruit tant elle était surprise. Un compartiment secret qu'elle n'avait jamais vu ? Madame Albertine sortit alors un petit panier plein de dentelle, prit ses instruments habituels, plus certains que Mignonette ne connaissait pas et s'installa à sa table de travail. Il s'agissait d'un grand morceau de dentelle, très complexe. Tellement complexe que Mignonette avait l'impression en le regardant de voir flou comme si chaque épaisseur de dentelle était elle-même composée de plusieurs épaisseurs. Exactement comme la toile. Comme La Dentelle. 

Mignonette eut un sursaut. Madame Albertine se retourna vers elle, mais Mignonette était habile et entraînée. La dentelière se remit à son ouvrage. Elle travaillait si vite que notre chatte ne voyait pas ses doigts. La dentelle s'empilaient à toute allure dans le panier, et pourtant le tas de dentelle ne grossissait pas. Mignonette eut peur. Que se passait-il ? Il fallait absolument qu'elle prévienne le Haut Conseil des chats. Il se passait ici quelque chose de dangereux. Madame Albertine marmonnait pendant qu'elle travaillait. Mignonette ne comprenait pas ce qu'elle disait, mais elle devina que celle-ci était très excitée. Comme si elle arrivait bientôt à la fin de son ouvrage ?

Mignonette rejoignit en urgence le réseau. C'était malheureusement le jour de la fête des chats et elle eut beaucoup de mal à accéder au Haut Conseil. Elle n'y arriva qu'après de trop longues heures. Elle réussit à obtenir un entretien avec la numéro un des chats, une chatte bien entendu, et ne mit que quelques minutes à lui expliquer la situation en la suppliant d'envoyer très vite une brigade spéciale pour neutraliser Madame Albertine, avant que cela ne devienne trop dangereux. "Une brigade spéciale, dis tu ?" Lui répliqua la numéro un. "Et en urgence en plus ? Tu ne crois pas que tu exagères ?"

Mignonette eut beau tempêter, la numéro un ne céda pas. Selon elle, la vieille dentelière était très douée, certes, mais elle était très loin de découvrir La Dentelle. Mignonette se retrouva sur la place du haut conseil, désespérée. Elle sentait, avec tous ses instincts de chat, qu'il fallait agir.

Alors Mignonette se força à se réveiller. Madame Albertine était toujours en train de travailler et elle était très concentrée. Il ne restait qu'une solution. La solution de dernier recours. Elle allait devoir détruire cette dentelle avec ses crocs et ses griffes, toute seule. Mignonette se prépara en bandant ses muscles. Puis elle sauta. Directement dans le panier de dentelle.

Mais Madame Albertine l'attrapa au vol, d'une main sûre. Mignonette se sentit paralysée. Cette main était beaucoup plus ferme qu'avant. Puis Madame Albertine regarda Mignonette dans les yeux : "Il est trop tard Ch'aristolëmikralotta, regarde !" Les pupilles de Mignonette s'agrandirent. Madame Albertine termina une boucle de sa main libre puis laissa tomber dans le panier ce dernier morceau de dentelle. Il y eut un léger bruit de frottement et Mignonette vit avec horreur le tas de dentelle rétrécir. Rétrécir jusqu'à disparaître. A ce moment précis, Mignonette ressentit un choc et s'endormit.

Comme tous les chats. La Dentelle venait de disparaître. Madame Albertine posa Mignonette sur le lit. Elle lui caressa le dos puis rangea son panier dans le placard. Une bonne chose de faite, se dit-elle, je vais me faire une petite tisane, moi. 


samedi 25 juin 2016

Brexit, idées courtes et coupures de cheveux longs en quatre

Le Brexit agite la planète et c’est parti pour un certain temps. Incidemment, j’ai mis à jour la page avec les Unes et Frontpages de la presse mondiale, il y en a maintenant plus de 160, en attendant les Unes américaines. On sent que les médias ont eu le temps de préparer deux Unes et que leur créativité s’est exprimée avec force sur ce coup, beaucoup plus que pour d’autres événements. On aimerait d’ailleurs bien voir « Les Unes auxquelles vous avez échappé », celles qui chantaient la victoire du In... Quelqu’un a une idée ?


Il y a ces dessins qui montrent le drapeau européen pleurant sa douzième étoile perdue. C’est un joli symbole mais sans rapport avec une réalité quelconque. Lire cet article pour s’en persuader, car il n’y a aucun rapport entre le nombre d’étoiles et celui de pays membres, même si le drapeau a été officiellement adopté lorsque l’UE est passé à 12. D’ailleurs de 28 on n’est pas (encore) passé à 27.

Le temps est une dimension importante dans cette affaire. On annonce deux ans de négociations pour sortir officiellement de l’UE et négocier un nouveau statut. Mais les politiciens anglais de tous bords souhaitent étendre ce délai, le flou étant le meilleur moyen de continuer à avoir des avantages tout en n’ayant pas les inconvénients. Cameron a annoncé une démission seulement en octobre et son principal opposant au sein du parti conservateur, l’ineffable Boris, dit aussi ne pas être pressé. Histoire de voir et de négocier au mieux, puisque cela a toujours été le point fort des anglais. A contrario, sentant le piège, l’Ecosse est en train de jouer habilement sa carte en annonçant vouloir mener des discussions « immédiates » avec l’UE pour « protéger sa place » (et remplacer le Royaume-Uni dans l’UE ?). Le commissaire britannique de l’UE a annoncé sa démission immédiate, au grand dam de son parti, créant ainsi un vide politique.

Il y a donc ceux qui veulent aller vite, essentiellement partout ailleurs qu’en Angleterre, car les autres pays européens savent bien que ces incertitudes pèsent sur la vie économique, sociale et politique de l’UE et de chacun de leurs pays. Les italiens par exemple ont déjà réclamé le transfert de l’Agence européenne du médicament de Londres à Rome, puisqu’il faudra bien à un moment relocaliser tous les « organes européens » dans l’Union. Il y a ceux qui veulent aller lentement parce que rien n’est prêt, sauf à donner les rênes à l’extrême droite, et qui espèrent tirer profit de cette (longue) période d’incertitude. Il y a même ceux qui veulent revenir en arrière, le Bregretters, ou un deuxième référendum avec une majorité plus décisive, avec une pétition signée à cette heure par plus de 1,3 million de personnes. Aller vite ou lentement ? (Vous avez quatre heures).

D’ailleurs, ce samedi, les six pays fondateurs (allemand, français, italien, belge, néerlandais et luxembourgeois), réunis à travers leurs ministres des affaires étrangères, en attendant un Conseil européen au début de la semaine, demandent que le processus (de divorce) doit commencer aussi vite que possible ». François en profite pour essayer de reprendre la main. Il reçoit les principaux leaders politiques français, l’ONU (et le pape ?) pour griller Angela sur le fil. Mais Angela a déjà laissé entendre que ce serait maintenant elle la vraie patronne. Rappelons qu’il y a aussi des élections bientôt en Allemagne, comme en France... Avant, quand il y avait trois pays « forts dans l’UE, c’était toujours forcément deux contre un. Maintenant, ce sera du un contre un ?


Tout le monde veut en profiter pour refondre l’Europe de Mélenchon à Le Pen en passant par Sarkozy et Macron. Idem en Europe. Grand concours de pétitions et de textes à venir. Tous plus incompréhensibles les uns que les autres. Voici en tous cas une dimension un peu oubliée mais percutante d’une Europe sans les britanniques.


A propos d’idées reçues, il y a celle sur la langue anglaise dans l’Union européenne. Les extrêmes se rejoignent de Mélenchon à Ménard pour demander à ce que l’anglais ne soit plus langue officielle ou de travail de l’UE. C’est oublier qu’il y a l’Irlande et Malte qui sont membres et que comme langue de travail, l’anglais s’est imposé dans le monde à côté en Europe du français et de l’allemand pour beaucoup de raisons. Ce n’est donc pas demain la veille que cela se produirait, et tant pis pour la Francophonie sur ce coup.

Parmi les Unes dont je parlais au début, il y a celle-ci (allemande) que j’aime bien. Elle pose la question du Royaume désuni et du moral de la reine qui doit en avoir plein les escarpins. Le prochain roi sera-t-il roi d’un royaume plus petit, d’une simple île même ? Ou les anglais arriveront-ils à jongler avec cette situation pour pragmatiquement et cyniquement faire le contraire de ce qu’a voulu leur premier ministre et leur peuple ?



vendredi 24 juin 2016

To Brexit or to Brexit : ce n'est plus la question maintenant

Réveil tôt ce matin, avant 5h30 et coup de bambou sur la tête en allumant la radio. Les britanniques ont donc voté pour la sortie de l'UE, et plutôt largement. Non seulement la tendance à été renversée mais l'écart est important, avec une très forte participation. Décision du peuple, décision sans appel donc. La presse ne parlera que de ça évidemment, elle qui a largement pris parti pour le Out. Quelques réflexions personnelles à chaud avant les déclarations des VIP de la politique.

C'est un de ces rares jours historiques qu'on vit dans une vie et dont on se souviendra longtemps. Les partisans du Out ont même déclaré que c'était comme un jour de l'indépendance. Drapeaux européens en berne, si j'étais un responsable européen. Je publierai comme d'habitude à chaque gros événement une compilation de Unes de la presse britannique, française, européenne et mondiale. L'Histoire ? C'est justement aujourd'hui l'épreuve du brevet et gageons qu'il y aura un sujet en lien avec l'UE. L'Histoire n'a pas d'humour, juste des coïncidences qui font mal. Les québécois fêtent leur fête "nationale" aujourd'hui, dans une définition du in-out et de l'autonomie qui leur est propre.

On sent ses convictions intimes dans ce genre de moment. J'ai mal au ventre ce matin et mes boyaux sont profondément européens. Ils ont donc une douleur qui ne s'éteindra pas de si tôt. Car on peut dire tout ce qu'on veut des anglais et de leurs idiosyncrasies, on les aime. Les voir s'éloigner politiquement est une mauvaise nouvelle pour nous aussi. L'incertitude qui s'installe depuis cette nuit va toucher toutes les composantes de notre vie, qu'on le veuille ou non. L'incertitude en soi n'est pas un problème, à partir du moment où on se projette vers l'avenir, de manière pragmatique. C'est par contre le moment de tous les débordements avec des gens sans scrupule. On le voit aux premières réactions, chacun s'appropriant cet événement pour en tirer parti. 

L'UE touche plein de dimensions de nos vies, toutes imbriquées dans un système. Ceux qui prêchent pour un marché commun purement économique ou marchand en se disant que l'UE politique est morte sont les mêmes que ceux qui défilent pour dénoncer la politique économique d'un gouvernement. Il y a évidemment des liens forts entre tout cela et quand on coupe un brin, c'est toute la ficelle qui cède. Ceux qui opposent les élites au peuple (puisqu'il y a eu une ligne de partage dans les votes, par exemple avec Londres contre l'Angleterre industrielle) se réjouissent de la victoire du populisme. En France, le FN rigole et "exige" un référendum en France ou en Europe. Ça ne surprendra personne car ils étaient quasiment les seuls à prôner le Out, et surtout parce que Marine veut avoir le leadership en Europe de l'extrême droite : avant, l'UKIP britannique était le groupe le plus influent et Marine ne pouvait pas supporter de n'être que deuxième. Voici une opportunité pour elle, au terme des négociations UK-UE, de devenir le rassembleur dans l'UE. Comme quoi...

L'UE va devoir bouger fort. On attend des initiatives fortes. Du boulot pour François et le prochain président francais avec Angela. On attend les réactions d'autres pays très à droite pour se retirer aussi de l'UE et tout le monde pense aux Pays-Bas. On attend une Europe qui assume ses vitesses différentes, avec un cercle extérieur de plus en plus important. Évidemment, tout cela va prendre du temps, on parle de 2 ou 3 ans, car les négociations de divorce ou d'héritage seront complexes, mais c'est irréversible. Ceux qui essayent d'opposer l'Europe à l'Union européenne, comme une idée et une mauvaise incarnation de cette idée, se trompent lourdement. Former l'Europe, le réformer, la réformer, la déformer ? En tous cas, aujourd'hui, l'Europe est informée !

Irréversible, oui ! Une première en Europe.


Du point de vue britannique, en parallèle avec une sorte de désunion européenne, une des questions à venir est la désunion du royaume. Les écossais ont voté massivement pour le In et on sent venir un double référendum pour à la fois quitter ce royaume et rester dans l'UE. Idem pour l'Irlande du Nord puisque la frontière européenne passera maintenant au milieu de l'île. Resteraient alors Angleterre et Galles. Je vous renvoie à ce vieux billet  sur la situation britannique au moment du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse en septembre 2014 avec la question complexe des drapeaux. Qu'en dit la Reine et le futur roi (de quoi en fait) ?

Alors ce matin, en dehors de toute analyse, c'est le dégoût qui m'habite. Pas le dégoût des électeurs, ni celui des politiciens britanniques qui ont joué avec le feu et se sont brûlés en même temps que leurs territoires. Mais le dégoût d'une situation et de ceux qui vont l'exploiter avec gourmandise à leur seul profit.  Comme Trump qui arrive "par hasard" en Ecosse ce matin pour inaugurer "un de ses golfs"...

Je vous souhaite une bonne journée. 
Je vais aller marcher dans la rue, comme ce jour d'avril 2002, au soir du premier tour lorsque Le Pen est apparu sur l'écran noir de nos cauchemars gris.
Good luck à mes amis britanniques. Et européens.



jeudi 23 juin 2016

Brevet. Brevet de quoi ? De natation dans l'eau sale et la boue des tranchées ?

Presque 840 000 ados sont aujourd'hui et demain en train de plancher sur leurs sujets de brevet, je sais, j'en ai un qui le passe ! Français, ce matin, maths cet après-midi, et histoire-géographie-enseignement moral et civique demain matin. Sans compter l'affectation demain dans la foulée dans le lycée de leur choix (ou pas) en fonction des listes de voeux exprimées il y a plus d'un mois.

Du strass stress en paillette pagaille donc. Un bon moyen de terminer l'année, même si les résultats sont attendus au plus tard le 8 juillet. En plus cette année c'est le dernier brevet du genre puisque la réforme des collèges sera passée par là et qu'il y aura plus d'épreuves ç partir de l'an prochain, en attendant la prochaine réforme que ne manquera pas de faire le prochain ministre de l'éducation (de droite ?). Le brevet n'enregistre que 15% d'échecs en général et n'a pas de valeur pour continuer ses études. Certains arrêtent leurs études à ce niveau, ne l'oublions pas et c'est important pour eux, c'est le premier diplôme national, le DNB pour les intimes. Pour les autres, c'est leur premier vrai examen en situation réelle (après des répétitions et des brevets blancs). En seconde, les lycéens vivront leur dernière année "tranquille" avant les exams tous les ans ou pire pour ceux qui continuent leurs études.

Français, maths et sociétal (pour résumer) sont trois piliers de la culture qui permettent de se sortir de pas mal de situations. Quelques exemples :

Le Brexit

Français : Être ou ne pas être, voilà la question du jour. Commentaire d'un texte de Jeanne d'Arc juste avant être brûlée, puis dictée plein d'anglicismes et enfin rédaction sur identité et identités.

Maths : Focus sur les probabilités et les sondages. Sachant qu'un chou est un chou, combien coûterait le cole slaw de M&S si le Royaume-Uni quittait l'UE ? Résoudre l'équation 27+1 > 28 ? (Ah bon, c'est pas une équation ? Zut)

Sociétal :
Commenter le graphique ci-dessous à la lumière du résultat du vote Leave or Remain. Décrire le fonctionnement complet et exhaustif des institutions européennes, sans omettre aucun détail (cinq minutes).



La manif et les grèves d'aujourd'hui

Français : Commenter diverses pancartes syndicales et militantes et y repérer les fautes de français, en vous inspirant de ce billet de blog. Rédaction sur l'importance de l'orthographe pour trouver du travail précaire.


Maths : Calculs sur les estimations du nombre de manifestants, de la surface et du périmètre dans plusieurs cas : Nuit Debout, Place de la République trapézoïdale, Nation-Bastille polygonale et interdite, Bassin de l'arsenal phallique. Résoudre l'équation de la primaire à gauche pour la troisième marche du podium présidentiel.


Sociétal : A quoi sert le code du travail ? Comment a-t-il été élaboré ? Comparer avec la Corée du Nord et identifier sur la carte muette jointe toutes les villes où il y a des chômeurs.

Le foot of course

Français : Relever au moins 32 fautes dans le commentaire des cinq premières minutes de n'importe quel match de foot sur TF1 et les expliquer. Justifier pourquoi l'amour serait mieux que la guerre, en fait et pourquoi le foot n'est ni l'un ni l'autre.


Maths : Expliquer rétroactivement pourquoi c'est l'Irlande qui va jouer contre la France son huitième de finale ce dimanche et pas l'Irlande du Nord. Vous pouvez vous inspirer de la carte synoptique ci-dessus. Calculer le nombre de bières bues dans un stade composé de 32 000 français, 32 000 irlandais et 3 000 personnes qui ne savent pas pourquoi elles sont là, en litres, tonnes et mètres linéaires de verres de 50 cl.  Dessiner avec le compas seul un ballon de foot en forme d'icosaèdre, d'après l'excellent billet de ce très bon blog.
Question bonus : compter le nombre de supporters de l'équipe de France de foot sur cette photo :


Sociétal : A partir des documents joints racontant l'origine du foot (et autres jeux de ballon), tracez un parallèle entre Charlemagne qui a inventé l'école, Napoléon qui a inventé les grandes écoles et Sarkozy qui a inventé le bling-bling. Points bonus si vous arrivez à parler des jeux de balle au prisonnier dans les prisons pour trafiquer des téléphones portables, sauf dans les quartiers VIP pour hommes politiques véreux où les téléphones sont inclus dans le prix de la chambre.


Et le vrai sujet de français est (en métropole) ici



De l'eau, de la pluie, des gouttes et de la boue dans les tranchées de la première guerre mondiale, un sujet déprimant, parfaitement adapté au stress naturel d'un candidat normal. Sympa, aussi, en ce début d'été après les crues. Mais l'eau, la sueur, les larmes et le sang, c'est un peu pareil, non ? La sueur surtout, quand on est dans la journée la plus chaude de l'année...

La rédaction ? (Mise à jour)
- Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu'un...
- Vous expliquerez ce que les oeuvres d'art peuvent vous apporter

Vous auriez choisi quoi, vous ? Moi, j'aurais pris le premier, en ce jour de manif, de marche statique ou Macronique...

mercredi 22 juin 2016

Sol(d)eil, enfin !

Ouf, le soleil et les soldes sont arrivés.

Les soldes, c'est bon pour les commerçants qui n'ont pas eu beaucoup de clients à cause de la météo et de la morosité. Ils espèrent aussi que les supporters de foot achèteront un peu plus que les objets moches habituels. C'est bon pour les acheteurs car les stocks sont pleins et ce matin par exemple à Paris, on en était déjà à -70% dans pas mal de boutiques sur mon trajet, -50% au minimum partout. Il faut dire que les soldes commencent bien tôt cette année.

Mais le soleil c'est bien aussi ! On est au deuxième jour de l'été, au plan calendaire, mais au premier  jour au plan climatique même si la situation risque de se dégrader dès vendredi (à cause du Brexit ???). Les tenues des parisiens et parisiennes ne trompent pas ce matin non plus.

Demain, il y aura une ou des manifs, même interdites, statiques ou limitées, car les syndicats ne se laisseront pas faire comme ça, pour le principe, malgré le tour de vis sécuritaire. On peut s'attendre à de joyeux ou tristes bordels sur les boulevards parisiens.

Alors, pour se préparer à tout ça, il est temps de penser "lunettes de soleil". Je vous propose quelques modèles adaptés à vos goûts. C'est vous qui voyez.

Modèle de T-shirt pour manifestant engagé et à la mode

Modèle pour manifestant engagé et blessé

Modèles bobos

Modèle efficace

Modèle bricolé à la mode Hong-Kong

Modèle pour supporter horrible
Modèle officiel pour supporter des Bleus
Modèle, euh, indescriptibles, dirons-nous

Modèles vus à Pigalle
Modèle aussi mignon que son porteur

Modèle aussi mignonne que sa porteuse

Modèle spécial GOT , pour la neige jaune, si je puis me permettre ce jeu de mots pourri

Et enfin, sans effets spéciaux, Tyrion en pleine action. 
Peut-être faudrait-il choisir des lunettes plus petites ?

mardi 21 juin 2016

En courant, en marche, debout, allongé, assis ou en dansant ?

Parlons de postures un peu ce matin. Postures politiques et physiologiques.

En courant ? Il s'agit de sport évidemment, quoique dans certains sports on n'ait pas vraiment besoin de courir - comme le curling. Le foot est partout cette semaine avec les huitièmes de finale de l'Euro qui approchent et la complexité des règles pour comprendre qui va jouer contre qui. Pas très important en fait. Un des avantages des règles complexes de ce type c'est que personne ne sait exactement qui va jouer contre qui à partir de maintenant, ce qui empêche les calculs sordides pour finir premier, deuxième ou troisième. Pour le moment on ne connait que deux éliminés, les roumains et les russes, deux autres à venir dès ce soir. Les joueurs courent sur le terrain, en tous sens et parfois sans trop savoir pour quoi. Quant aux JO qui approchent, les brésiliens courent pour terminer les travaux et les russes sont déjà en vacances puisque la plupart de leurs athlètes seront interdits de Jeux pour cause de dopage généralisé. Ils pourront toujours courir derrière Poutine.

En marche ? Il y a deux sortes de marches : celle de Macron et celle des manifs. L'en-marche de Macron (la Marchron) continue tranquillement son chemin (avec force tranquille of course) mais l'annonce de la primaire à gauche a changé brutalement sa destination. Beaucoup de questions se posent à notre jeune ministre, mais il a l'été pour s'y plonger entre préparation de la loi de budget 2017 qui sera forcément plus laxiste que les autres, et traversée du désert de la dune du Pilat. En marche, il rattrapera peut-être Juppé qui a ralenti le pas et s'est fait doubler par Sarkozy avec son vélo dopé. Mais il y a aussi la marche dans les manifs. Lors de la manif du 14 juin, on a plus parlé des casseurs de Necker que de la taille de la manif (avec un inédit facteur 12 entre les chiffres de la police et ceux des syndicats, une honte pour l'un ET pour l'autre). Regardez par exemple cette intéressante vidéo d'un collectif de manifestants "normaux" qui s'insurge contre ce traitement médiatique.

Debout ? Résultat des courses, la manif prévue jeudi risque d'être interdite ou uniquement statique, genre "Jour Debout à la Nation". Le bras de fer entre CGT et gouvernement se résoudra forcément. C'était prévu comme un jour de repos pour les policiers épuisés puisqu'il n'y a pas de match de foot ce jour-là. Interdire une manif, ça arrive mais rarement. Et pour le moment la France a démontré une grande résilience en pouvant gérer à la fois la menace terroriste, l'état d'urgence, l'Euro de foot ses stades et ses fan zones, les grèves et les manifs, sans compter la météo capricieuse.

Allongé ? Debout, c'est mieux qu'allongé par terre devant un pouvoir qui n'aime pas voir bouger les têtes. Mais allongé c'est une position qu'on est obligés d'adopter de temps en temps. Au PS, la plupart des responsables se sont allongés devant la promesse d'une primaire dont les contours flous ont surtout l'intérêt d'anesthésier les ambitions de tous ceux qui veulent dégommer François. C'est en fait leur intérêt premier à eux aussi. Dans un autre registre, devant la violence terroriste et latente en France, un sondage montre que la tolérance des français face à la torture augmente et que 18% des interrogés seraient prêts à torturer "dans des cas exceptionnels". Si vous avez le temps entre deux matchs de foot, (re)regardez "I comme Icare" avec Yves Montand, histoire de frissonner et peut-être de sortir de la position allongée ou vautrée sur le canapé.

Assis ? C'est tellement facile de dire y'a qu'à ou faut qu'on assis dans son fauteuil ou demi-assis sur son canapé. On passe beaucoup de temps assis en effet pour la plupart d'entre nous. Assis devant quelque chose. Un écran souvent. Mais quoi qu'il se passe sur un écran, n'oubliez pas que ce n'est qu'un écran. M6 a par exemple bluffé les médias étrangers en invitant sur son plateau, après le match de la France dimanche soir, des hologrammes des joueurs. Une première à la télé, et française, mesdames, messieurs, cocorico. Et tout ça assis dans votre fauteuil. Comme si on pouvait croire ce qu'on y voit...

En dansant ? Oui, finalement, il ne reste que cela. C'est la fête de la Musique et il risque même de faire assez beau pour une fois. Alors profitez-en pour danser avec la musique ! Et pas besoin de bouger beaucoup pour avoir le swing, comme nous le démontre avec brio Peggy Lee...



PS : Bon, à Paris, si vous êtes coincé au milieu de la nuit, il y a des lignes ouvertes toute la nuit. Pour rouler (parce que le Rock and Roll c'est quelque chose, non ?)

lundi 20 juin 2016

Primaires, gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche !

Bon, tout ça c'est fait, le dispositif 2017 est en place et tant pis pour ceux qui croient que la politique française c'est autre chose que la politique.

On s'est assez moqué ici de la fausse-vraie campagne de Sarkozy à droite, avec les primaires acceptées du bout des lèvres, puis un règlement interne taillé sur mesure pour Sarkozy, et enfin une confusion entre ses deux rôles de président du parti organisateur des primaires auxquelles il est candidat tôt en attendant de se déclarer le plus tard possible, histoire de sous et de pouvoir, n'en déplaise à Juppé droit dans ses bottes même quand il a les deux pieds dans la boue. A propos vous connaissez cette histoire blague ? Pourquoi la France a choisi le coq comme animal emblème ?... Parce que c'est le seul animal qui peut chanter même quand il a les deux pieds dans la merde...

Mais rappelons que c'est le PS qui a inventé les primaires en France avant l'élection de 2012 et que c'est l'une des raisons pour lesquelles la gauche a gagé, "rassemblée" quelques mois autour du vainqueur surprise. La droite les a copiées car le gain politique est trop évident pour un parti, même s'il n'y avait pas le cas Sarkozy à régler.

Le PS vient donc de voter à l'unanimité les primaires "de la gauche" pour fin janvier (22 et 29). Les commentaires sont nombreux après cette annonce surprise qui change la donne à gauche. Libération nous en offre une jolie compilation à savourer ici, avec les pro, les anti et ceux qui ne savent pas encore où ils mettent le doigt. La presse salue aussi ce mouvement, tout en se frottant les mains à cause d'une annonce qui fera vendre de la copie Quand la presse parle d'habileté (en politique) on mesure à quel point ils sont attentistes : en gros j'attends de voir comment le vent va tourner avant de choisir mon camp, félicitons-les pour leur courage.

Les règles de la primaire ne sont pas encore écrites et elles devront être discutées (pied à pied, certainement) par les lieutenants des candidats. Il s'agit de ne l'ouvrir qu'à ceux qui font partie de "la belle alliance populaire", un machin créé dans le désintérêt le plus complet. En gros, à ceux qui veulent bien, c'est-à-dire pas EELV (canal historique) ni Mélenchon (le cavalier seul qui surgit hors de la nuit). Certains y voient donc une manière de rassembler le PS, quitte à ce que la présidentielle de 2017 soit perdue, mais avec au moins un PS clair sur sa ligne, ce qui serait une première.

En tous cas, le suspense est maintenant à son comble. François sera-t-il candidat à sa primaire ?

Les candidatures sont attendues entre le 1er et le 15 décembre, soit quelques jours après les résultats de la primaire de droite. Tout cela dépendra des sondages à l'époque, que tout le monde juge sans intérêt mais que personne n'ignore. Quant au débat entre lignes politiques à gauche, c'est une autre affaire. Le PS ne les a jamais vraiment tranchés alors que le spectre est large, de Macron à Mélenchon pour simplifier.

On se réjouit en tous cas de cette remise de la balle au centre. François a été vu dans toutes les tribunes des matchs de l'équipe de France (première de son groupe, Yes !) mais cela ne suffit pas à satisfaire ses opposants. On est reparti, espère-t-il pour un autre championnat, car à partir du moment où il y a annonce d'une primaire, il est évident que c'est une nouvelle aventure qui commence. Exactement comme l'a dit Didier Deschamps à propos de l'Euro2016 en rappelant qu'à partir des huitièmes, ce sont des matchs à élimination directe et que c'est donc une toute autre histoire.

Pour la primaire (de gauche) il faudra enfin un logo. Celui de la droite (et du centre) est simple, comme son nom de domaine sur le Web primaire2016.org :


Donc il faut un logo sympa du genre


Pour ne pas faire comme en 2011



Pour le nom de domaine, c'est plus compliqué : primaire2017.org a été acheté déjà à l'été 2015 par Démocratech qui soutient laprimaire.org... Comme quoi, il n'y a pas besoin d'être unitaire pour être de gauche, et comme quoi l'usage de l'article défini peut être trompeur : la primaire, laquelle, les primaires, une primaire ?

dimanche 19 juin 2016

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle du Roi de l'Univers

Le Roi de l'Univers, Jules de son nom, s'était réveillé de méchante humeur. Il avait été surpris au petit matin par le ronflement d'une de ses femmes et il ne supportait pas ça. Elles savaient pourtant toutes qu' il était maniaque et qu'il pouvait devenir méchant en cas de contrariété. Mais on ne pouvait pas tout contrôler, n'est-ce pas, quand on était un humain normal, ce qui ne s'appliquait évidemment pas au Roi. Jules avait beau sélectionner ses compagnes, il y avait de temps en temps de petits incidents. 

Jules hésita un  instant entre plusieurs solutions : soit il laissait faire, car après tout, une petite surprise de temps en temps c'était supportable, même agréable quelquefois ; soit il renvoyait cette femme, tant pis pour elle ; soit il luminait un coup pour remédier au problème. Quand il était plus jeune, il luminait tout le temps, c'était tellement simple et excitant. Mais aujourd'hui, alors qu'il approchait du demi-siècle, il hésitait à le faire pour des babioles. Les conséquences pouvaient être imprévisibles.

Il se rappela tout d'un coup la première fois qu'il avait luminé. Cela n'avait pas de nom encore et il n'avait créé ce néologisme que bien plus tard. C'était le jour de ses sept ans. Son frère jumeau, Jérémy, l'embêtait comme d'habitude sous prétexte qu'il était né une minute avant lui. Ses parents étaient émerveillés en permanence par leurs jumeaux, mais ils ne se doutaient de rien. Les deux frères faisaient leurs bêtises en douce et prenaient des airs angéliques dès qu'ils cassaient quelque chose. Cela faisait plusieurs mois que Jules en avait marre. Son frère exagérait vraiment. C'étaient des vrais jumeaux et s'ils se ressemblaient beaucoup, Jules sentait qu'il y avait une différence fondamentale entre eux. De plus en plus souvent Jules, quand il fermait les yeux, voyait une boule de lumière blanche grossir à l'intérieur de ses paupières. Il avait eu un peu peur au début, mais cette lumière était à la fois éblouissante et très douce. Elle le rassurait. D'ailleurs, quand cela lui arrivait, il prenait une expression stupéfaite. "Arrête de faire l'idiot" lui disait son frère chaque fois qu'il était comme cela. C'est comme ça que Jules comprit qu'il était différent de Jérémy, car son frère ne prenait jamais d'expression idiote. C'est aussi comme ça que Jules décida de ne pas lui en parler, ni à ses parents d'ailleurs. C'était devenu son petit secret, il avait l'impression qu'il pouvait parler à cette lumière et qu'elle le protégeait. 

Le jour de leur anniversaire, pour fêter leur entrée dans l'âge de raison, leur mère leur avait offert un jeu électronique à chacun, le même bien sûr pour qu'il n'y ait pas de jaloux. Seulement voilà, au bout d'une heure de jeu intensif, Jérémy avait atteint un bien meilleur niveau que Jules et Jules ne le supporta pas. Pendant que Jérémy ricanait, Jules ferma les yeux. La lumière était là, assez forte aujourd'hui. Il la regarda un instant et pensa "c'est pas juste, je voudrais avoir un meilleur score que lui". Il eut l'impression que la lumière vibra une seconde. Surpris, il ouvrit les yeux. Jérémy était à côté de lui, comme avant, mais il suait à grosses gouttes. Il jouait avec frénésie et de la sueur perlait sur ses joues toutes rouges. De la sueur ou des larmes ? Jules regarda l'écran de son frère. Celui-ci était bloqué sur le niveau qu'il venait de passer facilement. Jérémy était très énervé. Il cria " c'est toujours toi qui gagne, c'est pas juste". Puis il partit en courant se réfugier dans leur chambre.

Jules ne comprit pas sur le moment. Peut-être avait-il mal vu ? Il posa son écran et alla jouer dans le jardin. Sa mère lui dit de faire attention parce qu'il allait bientôt pleuvoir. Jules s'en fichait, comme tous les gamins, mais il dit "oui maman" et sortit quand même. Il avait envie de faire de la balançoire, mais le ciel avait vraiment l'air menaçant. Il eut soudain une idée et regarda le ciel, puis il dit "c'est pas juste, je voudrais qu'il fasse grand soleil". Mais rien ne se passa. Il eut à peine le temps d'arriver au fond du jardin que la pluie se mît à tomber avec violence et il dut rebrousser chemin en courant.

En y repensant, si longtemps après, Jules essaya de se souvenir du moment où il comprit ce qui lui était arrivé ce jour-là. Comme tous les gamins de son âge, il ne se souvint rapidement plus de l'incident de la console de jeux. Son frère non plus, qui recommença à l'embêter comme d'habitude. Jules ne se souvenait plus d'autres incidents de même nature, mais il en avait pourtant existé, car petit à petit il était devenu superstitieux. Lorsque quelque chose ne lui plaisait pas, il avait pris l'habitude de fermer les yeux, de prendre sa mine stupéfaite et de demander à la lumière blanche que ça aille mieux. Et ça allait mieux ! Toujours. C'était devenu naturel chez lui et plus personne ne s'inquiétait de le voir faire sa mine d'idiot de temps en temps. Jules était devenu bon élève. Il avait toujours la meilleure note, y compris devant son frère. C'était facile pour lui, il n'avait qu'à souhaiter avoir la meilleure note pour l'avoir. 

Lors de son entretien annuel avec la psychologue, et parce qu'il était joyeux ce jour-là, Jules lui raconta son petit cérémonial intime. La psychologue l'écouta avec bienveillance et lui expliqua que c'était tout-à-fait normal, qu'on avait tous des petits rituels et que cela nous donnait confiance. C'est pour cela qu'on réussissait. Jules fut impressionné par ces explications, mais il sentait que ce n'était pas suffisant. C'est pourquoi il décida de tenter une expérience objective. Le soir même, en regardant le journal à la télé, il comprit que quelque chose d'important venait de se passer, une déclaration de guerre entre deux pays voisins ou quelque chose comme ça. Ses parents prirent un air soucieux et s'isolèrent pour parler. Ils étaient très inquiets pour la famille de sa mère qui habitait l'un des deux pays. Puis ils revinrent à table. Jules leur demanda si tout allait bien et ils se lancèrent dans des explications brumeuses pour dire que c'étaient des affaires de grands mais que oui, c'était grave. Alors Jules ferma les yeux et demanda à la lumière blanche de faire qu'il n'y ait pas de guerre. Quand il rouvrit les yeux, ses parents se souriaient. Ils étaient parfaitement détendus et Jules fut un peu surpris. Il leur demanda si tout allait bien et ils répondirent que oui évidemment, pourquoi cette question mon chéri ?

Le lendemain dans le journal, personne ne parlait d'une guerre ni même de ces deux pays. Jules comprit qu'il avait un pouvoir.

Et Jules commença à en user. Il s'amuse à changer tout ce qui lui passait par la tête. Le grand vase bleu de l'entrée devint rouge sans que personne ne proteste ou même s'en rende compte, ses parents eurent un chien alors que son frère aurait préféré un chat, et la petite voisine se mît à fréquenter assidûment leur maison. Jules était heureux car tout lui souriait. La lumière blanche grandissait sous ses paupières. C'est le jour de leur huitième anniversaire que tout bascula. Ce jour-là Jeremy était en forme et leur petite voisine riait aux éclats quand il faisait des grimaces. Jules rongea son frein une partie de la matinée, puis il décida que cela suffisait. Il ferma les yeux et demanda à la lumière de faire disparaître son frère. Quand il rouvrit les yeux, sa petite voisine le regarda avec un grand sourire. "Tu en fais une drôle de grimace, toi !" Lui dit-elle en riant. Jules regarda autour de lui et rit un air satisfait. Son frère n'était pas là, il avait disparu comme il l'avait demandé. Tant mieux, se dit-il, enfin tranquille ! Il joua le reste de la matinée avec sa voisine, puis sa mère les appela pour le déjeuner. Jules fut étonné de voir qu'il n'y avait que quatre assiettes sur la table. "Tu ne manges pas là ?" demanda-t-il à sa voisine. "Mais si bien sûr, nigaud, tu vois bien qu'il y a une assiette pour moi" lui répondit-elle en s'asseyant. "Et Jérémy ?" demanda Jules. "Jérémy ?", dit sa mère, " c'est qui Jérémy ?"...

Jules sut plus tard qu'il s'était évanoui à ce moment. Le docteur appelé en urgence lui prescrit du repos et lui donna un calmant léger qui le fit dormir plusieurs jours. Quand il se leva, une semaine après, Jules était devenu un autre. Il avait beaucoup réfléchi. Il avait essayé de changer des choses pendant sa convalescence et tout s.etait passé comme il le demandait. C'est à ce moment qu'il inventa le verbe luminer pour décrire son pouvoir. C'est pendant cette période qu'il décida de ne plus luminer avant de comprendre. Il avait tout de suite essayé de faire revenir son frère, mais rien ne s'était passé. En comprenant qu'on ne pouvait pas revenir en arrière, il eut un frisson. D'une certaine manière il venait de tuer son frère. Il ne lumina plus. 

C'est à l'âge de seize ans qu'il eut une explication, en discutant avec son professeur de physique. En tous cas une explication plausible. L'Univers était composé d'un nombre infini d'univers parallèles qui ne divergeaient souvent que par des détails infimes. Son pouvoir lui permettait peut-être de passer d'un univers à l'autre, à chaque fois qu'il demandait quelque chose à la lumière. Les autres univers continuaient leur destin comme ils l'entendaient, mais lui se déplaçait comme il le voulait. Il fut grandement soulagé par cette explication, car cela voulait dire qu'il n'avait pas tué son frère, mais que celui-ci vivait dans un nombre infini d'univers parallèles. Il ne pourrait jamais plus le revoir, mais cela n'empêchait pas Jérémy de vivre ailleurs.

Jules commença alors sa vraie carrière de Roi de l'Univers, puisqu'il lui suffisait de souhaiter quelque chose pour que cela se réalise, en tous cas dans l'Univers où il arrivait, et donc dans tous ceux où il irait ensuite. La lumière blanche derrière ses paupières grandit jusqu'à emplir tout son champ de vision. Jules devint l'homme le plus riche du monde, le plus beau, le plus intelligent, avec le plus possible de femmes toutes plus séduisantes les unes que les autres. Il était adulé de tous et la paix régnait dans son univers. C'est l'une des raisons pour lesquelles il commença à luminer de moins en moins : ses désirs étaient satisfaits et même ses lubies étaient moins intéressantes. L'autre raison ? Elle faisait peur à Jules. De temps en temps, et de plus en plus souvent quand il luminait, apparaissaient de petits points noirs sur la lumière blanche et ses désirs n'étaient pas toujours exaucés comme il le voulait. Comme si le nombre d'Univers possibles se réduisait, comme si le sombre grignotait le lumineux,

C'est pourquoi ce matin-là, devant la femme qui ronflait à côté de lui, il hésita à luminer. Récemment les points noirs avaient commencer à dessiner un motif abstrait sur l'écran blanc de la lumière. Le mouvement s'accélérait. Jules décida de se lever. Sans bruit pour ne pas réveiller celles qui dormaient autour de lui. Il vola jusqu'au balcon. Il avait eu une bonne idée en se dotant plusieurs années auparavant de cette capacité, c'était à la fois utile et agréable. Il arriva sur le balcon au moment précis où le soleil sortait complètement au-dessus de l'eau, là-bas sur la ligne d'horizon. C'était un très beau lever de soleil, sur une mer paradisiaque, mais il trouva qu'il manquait un petit nuage devant pour donner de jolis reflets. Il ferma alors les yeux, regarda la lumière blanche et la forme abstraite qui était dessinée devant par les points noirs. Cela lui donna une idée et il souhaita qu'un joli petit nuage de cette exacte forme apparaisse devant le soleil. Puis il rouvrit les yeux.

Jérémy se tenait devant lui, lui cachant le soleil.  "Enfin", dit Jérémy, "tu y a mis le temps".
- Jérémy ? Dit Jules d'un air surpris
- Arrête de prendre ton air idiot, Jules, c'est fini maintenant. A mon tour.

Et Jérémy ferma les yeux une seconde, puis disparut. Jules s'ébroua. Il avait dû rêver. Le soleil était toujours là, aussi beau qu'avant et sa lumière inondait les sables du désert. Jules fut obligé de fermer les yeux, ébloui. La lumière sous ses paupières prirent une jolie couleur repose orangée. Il se tourna vers sa tente. Il était tôt encore mais il devait aller chercher l'eau au puits avant que son grand frère se réveille. Lui et ses brutes de gardes n'aimait pas qu'il traîne. Jules ne voulait pas être battu. Il ramassa ses seaux et partit. La vie était belle pourtant, même s'il aurait préféré ne pas avoir de frère...

samedi 18 juin 2016

Mille cinq cents billets de zéro euro

Cette semaine, j’ai publié ici mon mille cinq centième billet quotidien. Petite revue de détail, tous les cent billets, en laissant de côté le numéro 1 puisqu’il n’y a pas eu de numéro zéro, si vous me suivez. Evidemment, en sautant comme cela de centaine en centaine, il n’y a que quinze billets affichés, un peu au hasard, sauf celui du numéro mille ;- qui avait été pensé pour cela. Une vue forcément partielle de ce blog, mais finalement une manière de comprendre les sujets qui y sont abordés. Et de vous donner envie, peut-être, de taper au hasard une date et de voir ce qui est paru ce jour-là, en traitant à part les dimanches et en n’oubliant jamais que ce blog ne comporte aucune pub.

13 août 2012
Numéro 100 : C’est un dimanche et je publiais alors un feuilleton dans le cadre du « Temps de cerveau ». Ce jour-là, le troisième épisode d’Aujourd'hui. J’ai retiré le feuilleton en ligne pour le publier chez un « vrai » éditeur. Si ça vous intéresse, dites-moi. J’ai plusieurs feuilletons disponibles et une centaine de nouvelles écrites... A bon entendeur éditeur salut !

21 novembre 2012
Numéro 200 : Un petit tour du monde et des politiques internationales, notamment en Asie, car je parle souvent d’international ici, et un peu plus souvent des Afriques.

1er mars 2013
Numéro 300 : Politique intérieure en France avec le numérique et le développement, mais aussi cette phrase : "Sinon, le gouvernement continuera à parler, parler, parler »... Déjà ??? Et même pas un an de gouvernement. L’enthousiasme initial a vite baissé, dites-moi !

9 juin 2013
Numéro 400 :  C’est un dimanche, cette fois pour un billet scientifique autour des cicadas et autres cigales. Très appétissant pour le déjeuner du dimanche. Entre billets documentés et nouvelles, les dimanches se suivent et ne se ressemblent jamais.

17 septembre 2013
Numéro 500 :  Entre dette abyssale de la France qui remonte plus vite qu’elle ne baisse et remise à flots du Concordia, il y a un parallèle évident comme disait Raymond Devos avec son « Le flux et le reflux ça me fait marée ».

26 décembre 2013
Numéro 600 :  Lendemain de Noël où la courbe du chômage non seulement ne s’inverse pas, mais continue à monter, avec une petite leçon de statistique à la clé. On a entendu ce discours tellement de fois...

5 avril 2014
Numéro 700 :  Les billets auxquels vous avez échappé, pas très!s joyeux, ni en France ni dans le monde, mais il faisait beau à Paris... Alors, c’est un moyen de se dégager de l’actualité pour vivre, tout simplement.

14 juillet 2014
Numéro 800 :  Un billet de touriste comme il y en a quelques-uns, cette fois à Londres, avec force photos. Logique pour un 14 juillet, non ?

22 octobre 2014
Numéro 900 :  Pose de la première pierre de l’incubateur de Xavier Niel à la Halle Freyssinet, une occasion de parler d’innovation et de TIC (pas tac, mais TIC) comme j’aime le faire régulièrement, en bon geek.

30 janvier 2015
Numéro 1000 :  Célébration en images du nombre mille, sous forme d’exercices de style, puisque Queneau est l’un des Dieux incontestés de ma planète.

10 mai 2015
Numéro 1100 : Un autre dimanche, avec une nouvelle cette fois-ci. De la science-fiction pure et dure, mais un brin poétique et nostalgique.

18 août 2015
Numéro 1200 : Les parapluies de Saint-Raphaël, dans le Var, mis en lumière avec le cinéma. Une forme différente de tourisme culturel.

26 novembre 2015
Numéro 1300 : Thanksgiving, sus aux dindes, avec photos et recette inspirée. Un autre tropisme anglo-saxon de ce blog, assumé lui aussi comme les autres.

5 mars 2016
Numéro 1400 : La beauté pure de l’art sous toutes ses formes, ici avec des billes et un ballet fantastique. L’Art est indispensable, comme la beauté. Les deux ensemble, quand ils se rejoignent, me fascinent.

13 juin 2016
Numéro 1500 :  Lundi dernier avec ce coup de gueule contre tous les racismes, anti homo ou autres, puisque la connerie n’a pas d’autre limite qu’elle-même et c’est une loi récursive jusqu’à l’infini.

vendredi 17 juin 2016

Jo Cox, une mort qui doit servir à nous rebeller

Il y a des assassinats tout le temps, ici et ailleurs, pour toutes sortes de raisons. Certains assassinats individuels portent plus de sens que d'autres. L'assassinat de Jo Cox députée anglaise, militante de la diversité, de gauche et du "In" au Brexit est plus qu'un assassinat. Trois balles et sept coups de couteau, dit le Sun, c'est bien plus qu'un meurtre de passage. C'est une obstination meurtrière contre un symbole.

Jo Cox était inconnue de tous, en tous cas en France, simple étoile montante d'un parti travailliste un peu à la dérive, militante des droits de l'Homme et de l'humanitaire. C'est le premier assassinat d'un membre du Parlement en Angleterre depuis 26 ans, à la grande époque de l'IRA irlandaise. Les médias anglais sont outrés mais ne savent pas sur quel pied danser, en pleine dernière ligne droite du référendum sur le Brexit, dont la campagne a été suspendue (quelques heures) :

The Financial Times se focalise sur le nécessaire changement de ton dans les débats politiques au Royaume-Uni, devenu trop haineux à l'occasion du Brexit mais aussi de l'immigration et d'autres questions clivantes.  The Guardian oppose la compassion de la députée tuée à la bêtise des débats politiques britanniques. The Sun, qui n'en rate pas une dans le populisme se focalise sur les personnes et leurs histoires, mais adopte un ton mesuré, on dirait cette fois, malgré sa prise de position pour le "Out". The Mirror s'engage aussi, de manière surprenante, avec ces phrases par exemple : "Please vote. Please read the news. Please care what happens to us and not just to you. The world is full of decent and good people doing their best, and now that we're one down we all need to work harder.
We all want our country back - heart and soul."

Photo de la mère de famille, dangereuse militante et députée assassinée

Alors, quand les tensions s'exacerbent au point d'aboutir sur ce type d'acte, on a le droit de dire que ça suffit. Que ceux qui déclenchent les violences en accusant toujours l'autre d'avoir commencé se regardent un peu dans leur glace, le matin en se rasant par exemple. La violence est une foule incontrôlable. Il suffit d'une étincelle pour mettre le feu à une forêt sèche, il suffit d'un con dans une foule pour mettre la panique, alors qu'une personne intelligente dans une meute de cons ne pourra rien. C'est comme ça. C'est comme ça ? Et si cela pouvait être autrement ? Avec notre action ? Votre action ?

Think !

jeudi 16 juin 2016

Révolution en Chine : culturelle ou business ?

Il y a des petites et des grandes révolutions.

Disney vient d'ouvrir un de ses parcs à thème à Shanghai en Chine. Visite guidée ici, en mandarin ou en anglais, je vous conseille en chinois, c'est plus fun.


C'est le premier parc Disney en Chine, dans un marché en pleine expansion, avec au moins 300 millions de chinois (et moi et moi et moi) "aisés" de la bourgeoise classe intermédiaire, qui sont solvables pour ce type d'activités. Il y a déjà pléthore de parcs à thème dans la région et le grand groupe chinois Wanda prend du poids sur ce marché où il ne voit pas d'un bon oeil l'arrivée de l'impérialiste américain : objectif avaler Disney en Chine (et pourquoi pas au plan mondial un jour ?).

De gauche à droite : Wanda, Disney, Les cultures des autres pays du monde

Le marché chinois est immense, même quand il baisse et que la population réclame plus de pain (et de jeux). 33 milliards de Yuan et 100 000 personnes pour construire le parc  quand même... Pour fêter son apparition officielle, Disney a donné la première représentation dans le parc du Roi Lion, une comédie musicale (super) qui n'avait jamais été jouée en Chine, allez savoir pourquoi... Pourtant il n'y a pas de poisson dedans ??? Ah mais, ils n'y a pas de roi non plus...

En écoutant ce matin une universitaire chinoise venue présenter la grande activité de la Chine dans le domaine des MOOCs et de la formation à distance "de masse", j'ai découvert une nouvelle expression : l'espoir réside dans les technologies (chinoises évidemment) et après le iCloud (qu'on croyait être la propriété d'Apple), attendez vous à avoir le iRain, car avec les nuages vient la pluie (si, si, je vous assure, elle a dit ça). Sauf que la pluie chinoise, c'est une mousson violente et longue, pas une bruine parisienne (quoique). Déferlement attendu de cours chinois, en chinois et dans toutes les langues.

Autre temps autres moeurs, on célèbre cette année les 50 ans de la grande révolution culturelle prolétarienne, en 1966 en Chine, conduite par Mao et ses gardes rouges. Il y a du retournement dans les tombes en voyant Disney remplacer les bouddhas... Images nostalgiques

Témoignage historique rare en 1966 dans Paris-Match

Quelques gardes rouges

Beaucoup plus de gardes rouges en 1966




Shanghai dans les années avant Mao

Shanghai, aujourd'hui

mercredi 15 juin 2016

Le désir nous éloigne-t-il du vrai ? La philo au bac, un vrai désir.

En pleine sympathie avec les candidats au Bac (le premier diplôme de l'enseignement supérieur) qui planchent aujourd'hui sur l'épreuve de philo, j'ai choisi un sujet (série S) et je m'y suis collé, plein de vrai désir.
Mise à jour : Comme le Ministère de l'Education est organisé un peu n'importe comment, les sujets qu'il a distribué ce matin aux médias étaient ceux d'hier en Guyane... J'ai donc disserté sur un sujet pour la Guyane. Aujourd'hui les L de métropole ont disserté sur "le désir est-il par nature illimité ?" Un sujet différent mais ma conclusion reste valable pour ce sujet aussi !

Le désir nous éloigne-t-il du vrai ?

Une question appelle des réponses. Cette question en particulier cherche à mesurer la distance entre le désir et la vérité, et plus que la distance, la vitesse même avec laquelle ces deux concepts s'éloigneraient l'un de l'autre. Ou plutôt la vitesse avec laquelle le désir, maître des lieux, nous empêcherait d'atteindre la vérité. Toute question peut être arbitrairement tranchée dans un sens ou dans un autre, mais ni le désir ni la vérité ne sont univoques, c'est ce que j'argumenterai ici, en m'identifiant au "nous" de la question. Le moi est haïssable mais, en tenant cette plume, je représente ce "nous" englobant. Ma réponse repose sur une certaine approche de la vie, et de la place du désir et du vrai dedans, et sur une justification de cette approche.

Le désir semble supposer qu'on n'a pas encore atteint son objectif. Il cache une intention, consciente ou inconsciente, vers un but connu ou inconnu. Cela fait déjà quatre combinaisons possibles. Ce nombre augmente considérablement si l'on multiplie par d'autres facteurs : le type de désir, bien que la psychanalyse nous enseigne qu'il n'y a de désir que sexuel et issu de notre histoire personnelle : l'objet du désir, obscur ou non ; le caractère atteignable - réel - ou non du désir ; l'importance vitale du désir pour notre propre vérité ou une vérité sublimée ; sa durée dans le temps entre une impulsion incontrôlée et fugace et la lente construction d'un désir profond ; ou la distance entre nous et l'objet du désir comme l'a si bien dit Polyeucte à l'acte I, scène 1 de la pièce éponyme de Pierre Corneille "Et le désir s'accroit quand l'effet se recule", lapsus freudien avant l'heure qui fut d'ailleurs corrigé ensuite par des éditeurs prudes et voulant cacher leurs désirs, au grand dam des acteurs qui adorent dire cette tirade avec emphase. Le désir est donc multiple. Tous nos désirs ont-ils vocation à se réaliser ? Tous nos actes doivent-ils être guidés par le désir ? Dans l'instant, au moment où le désir émerge, on pourrait être tenté de le croire. Mais après ? Lorsque la vague du désir est passée sur le sable et que le ressac efface les traces de nos pas sur les sillons de notre mémoire, que reste-t-il de nos désirs ? Le temps est intimement lié au désir, comme cette vague qui submerge les grains de sable que nous sommes. Mais nous ne sommes pas guidés que par nos désirs, comme le pensent certains philosophes. Descartes ou Pascal nous parlent de raison et de religion, Kant de modèle moral et Freud de bataille intérieure. Les désirs qui concernent des choses vraies ne peuvent pourtant pas tous être réduits à des objets réels, comme le nouveau téléphone "intelligent" à la mode. En l'instance, le vrai est une dimension bien au-delà du réel et il faut de l'audace, toujours de l'audace pour s'y confronter. Opposer le désir au vrai, c'est vivre dans le fantasme. La vérité ne peut se satisfaire du fantasme, collectif ou individuel. Le "nous" est d'ailleurs ambigu dans ce contexte, puisqu'il fait référence à un désir intime et plus ou moins secret, ou à un désir collectif, lié à une communauté ou à un élan de foule, forcément éphémère ou nostalgique. Le vrai désir a besoin de vérité comme objet.

Le vrai fait pourtant peur. Il attire, comme la lumière fascine les papillons de nuit que nous sommes. Mais il y a tellement de lumières de couleurs différentes, allumées soit par les créateurs des Lumières, soit par des naufrageurs qui désirent nous attirer sur les récifs de l'intolérance et de leur vrai à eux, construit contre le vrai des autres. Comment choisir Le vrai, comment orienter ses désirs, comment les suivre avec confiance ? Le vrai est une poupée russe. Lorsque Clément Marot écrit son poème "A une Damoyselle malade", il pose un problème à tous ceux qui veulent le lire, le traduire dans leur vérité à eux, puisqu'il dit publiquement un désir intime. Lorsque Douglas Hofstadter tire de ce poème cette réflexion sur les différents niveaux de vérité dans "Le ton beau de Marot", presque vingt ans après avoir disséqué la notion de vrai et de vraisemblable dans "Gödel Escher Bach", il mesure l'intensité de la distance entre le vrai et l'intention. Lorsque Voltaire écrit à propos du poète "Clément Marot a rapporté deux choses d’Italie : la vérole et l’accord du participe passé... C’est le deuxième qui a fait le plus de ravages !", il ne se moque pas de la vérité historique, il la replace également dans son contexte, son désir de compréhension de la grande vague qui façonne notre vérité d'aujourd'hui, quel que soit notre époque. Le vrai, de par son caractère transitoire peut déclencher chez nous l'envie - le désir - de l'atteindre à tout prix. Et lorsque ce n'est pas possible, car le vrai est trop ambitieux et le désir trop gourmand, le décalage entre désir et vérité du réel nous entraîne alors vers des rivages dangereux. Comme transformer son désir en intention maladive pour aller dans une direction impossible, mais vraie dans nos têtes embrumées par l'ivresse d'un flacon plein de désir. Le fanatique brûle de fantasmes qu'il prend pour des désirs, et la vérité absolue ne lui importe plus. Seule compte la vérité inventée par son désir.

Alors, le désir du vrai est le seul qui compte. Soyons ambitieux et surtout audacieux. Cette vérité qui nous attire vers le bonheur est la plus importante, sans lien avec le bon, avec l'heure ou pire avec ce bien-être que les marchands du Temple nous vendent à toute heure comme un remède miracle à l'absence de désir et à la tristesse d'une vérité déprimante. Le vrai, c'est le bonheur pour moi, et tout ce qui permet de s'en rapprocher et de rapprocher les autres de celle vérité simple, pour nous tous. Le désir, tout en satisfaisant nos pulsions, est le chemin qui nous permet d'espérer cette vérité. Bien loin de nous en éloigner, le désir est tourné vers le vrai et nous en rapproche. Le vrai désir, bien sûr. Savoir reconnaître le faux désir immédiat ou implanté par des manipulations diverses - et tellement bien décrites dans le Petit traité de manipulation mentale pour les honnêtes gens -  et savoir reconnaître les fausses vérités vers lesquelles le faux désir nous entraîne, donc les vérités dont il peut nous éloigner, telle est la question. Être ou ne pas être philosophe, voici le seul débat possible. Désirer réussir l'épreuve de philo est-il un vrai désir profond, personnel et non inculqué ? Si oui, alors, ce désir nous entraîne vers la vérité absolue : la note au Bac. Le monde n'est pas binaire, même quand il est noté sur vingt, et le Vrai réside dans notre capacité à lutter pour lui, à le désirer et à agir. Passer de l'idée à l'action est l'étape clé. Je disserte donc je suis, je désire donc je suis.