dimanche 31 juillet 2016

Du temps de cerveau pour... une nouvelle ferme

Don regarda ses trois derniers épi de maïs. C’était bien les derniers. Il avait cherché partout dans les réserves mais tout était vide. Hier encore il en avait eu des centaines et la semaine dernière des milliers.

Sa ferme avait été l’une des plus grandes sur cette planète.  La plus grande du voisinage en tous cas, et la plus prospère. La dernière aussi vraisemblablement.

Cette planète était pourtant si parfaite... au début, se dit Don. On aurait dit qu’elle avait été créée pour être un gigantesque terrain fertile capable de tout faire pousser. L’atmosphère, la température, l’ensoleillement, l’eau... tout était tellement adapté à l’agriculture. Lorsqu’ils y étaient arrivés, personne n’avait été là pour les combattre. Les quelques espèces locales étaient frêles et peureuses, et en plus elles n’avaient aucune arme pour se défendre. Ils les avaient naturellement exterminés pour leur faire peur et depuis tout avait été tranquille depuis, les quelques survivants se cachant dans des coins reculés et le reste étant reconverti en nourriture. Ayant vite compris les avantages du climat de la planète, ils avaient décidé de la transformer en un gigantesque grenier pour satisfaire les besoins de leur immense empire. Cette planète, à elle seule, nourrissait maintenant presque la moitié de leur population dans toute la galaxie.

Ils avaient investi beaucoup pour y créer les fermes, pour les mécaniser et pour mettre au point un système de transport automatique capable d’acheminer les différentes productions partout dans la galaxie. Au début l’effort avait paru disproportionné à certains, notamment ceux qui tenaient les cordons de la bourse, mais ils avaient vite compris les avantages énormes liés à l’existence et à l’exploitation intensive de cette planète. Tout cela fonctionnait depuis des dizaines d’années sans anicroche. Fonctionnait, oui, se dit Don. Jusqu’à la semaine dernière.

Vu le degré de mécanisation des fermes, il y avait très peu de résidents permanents sur la planète. La vie n’y était pas difficile, mais pas drôle du tout et même très ennuyeuse. Les personnels chargés de la surveillance était si peu nombreux et si éloignés les uns des autres qu’ils ne se voyaient presque jamais. C’est pour cela qu’ils ne restaient que trois mois chacun sur place avant d’être remplacés. C’était déjà trop long, se dit Don. Il faut dire que Don attendait d’être relevé incessamment. Il se regarda dans le miroir et grogna : jamais il n’y arriverait.

Ils avaient commencé à être trop confiants. La planète était protégée contre tous les dangers extérieurs possibles, venus de l’espace, même le plus profond, car son commerce était vital pour la galaxie. Mais personne n’avait pensé à se protéger contre un danger venu de la planète elle-même. Pourquoi l’auraient-ils fait, d’ailleurs ? Les seules armes qui se trouvaient sur la planète étaient à l’astroport avec les robots de combat, mais tout avait été détruit là-bas dès le premier jour de l’attaque. Les robots fermiers et les fermiers eux-mêmes n’étaient pas armés.

Don se souvenait de ce premier jour. Il regardait son programme favori au télévisio et tout avait été coupé brutalement. A la radio il n’avait pu joindre que les fermes voisines. Tout le reste était muet. Il leur avait fallu 24 heures pour comprendre ce qui s’était passé, en rebondissant de ferme en ferme avec les radios à faible portée. Les nouvelles de l’attaque sur l’astroport étaient floues car elles étaient venues de la seule ferme qui en avait été proche, quelques heures avant sa destruction. L’astroport avait été attaqué par une espèce locale, pourtant si fragile et lymphatique que personne ne s’y était préparé. Ils avaient projeté un gaz qui avait endormi tout le monde, visiblement, puis ils avaient détruit méthodiquement toute la base.

Il avait ensuite suivi impuissant l’avancée de l’attaque, chaque ferme attaquée tour à tour. La technique était toujours la même : les assaillants arrivaient en nombre, s’approchaient suffisamment pour lancer leurs gaz, tuaient le ou les fermiers puis détruisaient tout. Don avait pu voir quelques images floues transmises par radio. C’était impressionnant. Au début, aucun fermier n’avait pu ou su réagir. Et puis, un fermier plus créatif avait réussi à tenir une heure en éloignant suffisamment les envahisseurs. Il avait réussi à bricoler une espèce de canon à eau qui les tenait suffisamment à l’écart pour ne pas pouvoir lancer leurs gaz. Mais ses réserves d’eau s’étaient épuisées et il avait été anéanti comme les autres.

Sur son modèle, plusieurs fermiers avaient réussi à bricoler des armes artisanales, mais elles ne tenaient pas bien longtemps. Don avait été plus chanceux. Il faut dire que la ferme où était Don était spécialisé dans le maïs : maïs délicieux d’ailleurs, se dit-il en regardant avec envie ses trois derniers épis. Et les épis qui poussaient ici étaient si gros ! Disproportionnés, en fait. Les fermes spécialisées en salades n’avaient pas eu autant de chance. Car l’épi de maïs faisait un très bon projectile. Il pensait que les fermiers en pommes de terre avaient aussi de la chance, mais on ne pouvait être sûr de rien, maintenant que les communications radios étaient complètement coupées. Ce qui voulait dire que toutes les fermes à portée de radio avaient été détruites.

Il avait donc bricolé un canon à épis de maïs et bombardait depuis trois jours les hordes d’assaillants. Au début il avait eu du mal à régler la distance, car on ne s’improvisait pas canonnier en maïs du jour au lendemain. Il voulait surtout les tenir à l’écart suffisamment longtemps pour qu’ils ne puissent pas lui lancer de gaz et pour que les secours arrivent, avec la relève de la garde. La relève était prévue maintenant pour dans une heure ou moins. Si seulement il avait eu un peu plus de maïs !

Chaque épi lancé tuait plusieurs attaquants, car il était lancé avec force par son canon et éclatait en arrivant, chacun des grains pénétrant profondément dans le corps de ces êtres fragiles. Fragiles, oui, mais si nombreux...

Le jour allait bientôt se lever et Don savait qu’ils allaient recommencer à attaquer. Ils connaissait leurs tactiques maintenant. Elles étaient simplistes et auraient été faciles à déjouer avec plus d’épis.

Don prit ses jumelles et attendit que le premier groupe approche. Les trois épis étaient dans ses trois canons, pointés exactement où ils allaient attaquer encore une fois. Il espérait tant que la relève arrive un peu plus tôt.

Mais la relève arriva trop tard. Le commandant Piggyou avait eu beau déployer toutes ses armes et tous ses capteurs en sortant de l’hyperespace, plus aucun signal n’était visible nulle part sur la planète. Ils ne détectèrent qu’un tout petit éclair - le dernier tir d’épi de maïs de Don - puis plus rien. La planète était silencieuse. Ils ne purent même pas se poser sur l’astroport car l’air y était saturé de gaz mortels. Le commandant Piggyou conféra quelques instants avec le haut commandement. Ils allaient envoyer des vaisseaux militaires pour reconquérir la planète, mais cela prendrait du temps. Et pendant ce temps, la galaxie allait devoir se serrer la ceinture.

Piggyou se tourna vers son second : « Comment cette espèce a-t-elle pu prospérer sans qu’on ne se rende compte de rien, Piggylon ? »
- C’est incroyable, commandant. On n’en avait laissé survivre que quelques milliers et les autres étaient en élevage. Ils ont dû se reproduire comme des humains.
- Comme des humains ? Quelle horreur ! On n’avait pas besoin d’une autre espèce aussi abjecte !
- Oui commandant. Il va falloir les éradiquer tous, ici, une bonne fois pour toutes.
- Oui, Piggylon, c’est certain. Après tout ce n’est qu’une espèce inférieure, comme les fourmis. Nous devons les éliminer tous, même si leur chair est délicieuse, foi de cochon !


samedi 30 juillet 2016

Cachez ce sexe que je ne saurais voir

C’est samedi, je sais, mais on se calme, pas de fièvre du samedi soir, ce soir. Ne pas confondre Art et Cul(ture). Un billet en hommage à tous les David de la Terre, combattant contre les Goliaths qui veulent nous assommer.


(Le vrai, à Florence)

Avez-vous lu cette nouvelle ? Moi oui, avec stupeur et tremblements. On n’est pas le premier avril mais bientôt le premier août... Dans le cadre donc d’une exposition (!!!) consacrée à Michel-Ange, une reproduction de son David est exhibé (!!!) en ce moment à Saint-Petersbourg. Il y en a une au bout du Prado à Marseille depuis très longtemps par exemple et cela ne gêne aucunement les marseillais qui ont l’habitude de l’habiller et-ou de le décorer de temps en temps, comme beaucoup de statues dans le monde : un geste affectueux et créatif. A Saint-Petersbourg jamais une exposition/exhibition n’aura autant mérité son nom !



Mais à Saint-Petersbourg, une voisine s’est déclarée choquée et un vote est organisé (dans cette grande et belle démocratie russe où les urnes ont toutes un mécanisme pas du tout secret pour les ouvrir, un poutinoscaphobourrateur). Ce vote aura lieu mi-août.

Cinq mètres de haut. Je vous laisse, mesdames, calculer la hauteur, le diamètre et la longueur dudit phallus artistique. Ce David devra-t-il être habillé, déplacé, émasculé ou laissé tel quel depuis des siècles, dans une sorte de priapisme mou ? Certaines personnalités russes témoignent qu’il y a des centaines de statues montrant des sexes d’homme à Saint-Petersbourg, mais cette dame est décidée : il s’agit d’un sexe italien quand même ! Je peux d’ailleurs témoigner du caractère éducatif de tous ces phallus, comme je le narrais ici, car tout de même la Grande Galerie du Louvre est remplie de zizis...

L’Art et la censure, c’est une vieille histoire. Même à Londres d’ailleurs, comme oublie de le rappeler la BBC. En 1857, les anglais choqués par une reproduction (!!!) du même David avaient même fait fabriquer une feuille de figuier pour cacher ce zizi qu’ils ne savaient pas voir. Evidemment à l’époque c’était la Reine Victoria, bien avant l’époque moderne de l’épanouissement de l’Art (Hum, hum). Et cette feuille est restée jusqu’après la première guerre mondiale. En passant, en anglais on dit feuille de figuier (fig leaf) et en français feuille de vigne : explication dans l'image tout en bas. 

Vive l'Art




vendredi 29 juillet 2016

Un pape à Auschwitz, de l'horreur à la beauté

Ce n'est pas tous les jours qu'un pape visite Auschwitz où un million de juifs ont été exterminés pendant la deuxième guerre mondiale (qu'on aimerait bien rester la seconde). A l'occasion des JMJ en Pologne, le pape François va aller se recueillir dans ce haut lieu de très basses oeuvres. Il n'est que le troisième pape à y venir. Pas de discours, un geste apprécié, à cette occasion, en pleine année de la Miséricorde et donc du Pardon (le grand pardon ?).

Les photographes du monde entier attendent La photo, à afficher en dessous des deux précédentes. Si elle arrive dans la journée je l'ajouterai à ce billet...



Mise à jour, la photo que j'ai choisie :

Sa visite en Pologne est paradoxale : comment prendre la suite de Jean-Paul II dans ce pays qui l'a élevé et adulé ? Comment articuler un soutien populaire et un accueil du bout des lèvres par un clergé polonais hyper-traditionaliste qui refuse toutes les réformes proposées par le pape ? Comment parler de la violence (et du meurtre d'un prêtre français dans une église par des terroristes islamistes) et en même temps prôner l'accueil des réfugiés de la même région, alors même qu'il déclare que le monde est en guerre, mais en guerre de religions ? Comment ne pas parler du rôle terrible de l'église catholique et de son pape d'alors pendant l'Holocauste tout en ne l'oubliant pas ?Mais l'existence même d'un pape est faite de paradoxes, temporels et éternels, n'est-ce pas ?

Les montées de la droite extrême et de l'extrême droite un peu partout en Europe sont incontestables. Elles ne riment pas forcément avec pogroms puisqu'il y en a eu aussi sous des régimes communistes. Mais elles cristallisent des excès qui font mal à la mémoire. Cette visite, qu'on soit chrétien ou pas, doit nous le rappeler. L'horreur a existé, existe et existera.

L'horreur existe, mais la beauté aussi. Alors pour se mettre un peu de beauté dans les yeux, comme je l'ai fait dans ce billet ou dans celui-ci, voici juste un petit film à déguster. Ensuite vous pourrez lire les explications ici sur cet artiste.




Et si vous vous demandez si le portrait est ressemblant au tableau du Gréco, n'oubliez pas que l'artiste est grec, que cela n'a rien à voir avec le Pape... et que la ressemblance est toujours subjective (sauf via une photocopieuse, et encore). Alors un dernier conseil pour vos vacances, en terme de beauté : choisissez bien vos objectifs quand vous faites des photos, car les distorsions d'images peuvent être troublantes, surtout pour les portraits (ou les selfies). Sur un téléphone, la focale est en général équivalente à celle d'un objectif entre 28 et 35mm...

jeudi 28 juillet 2016

Obama ? Il a ri !

Obama a donc clos cette nuit la convention démocrate, en adoubant Hillary Clinton. Un discours qui a emporté l'adhésion d'un parti très désuni. Les discours ont toujours été le point fort d'Obama,  l'avocat et professeur, et celui d'hier sonne un peu comme un testament du "Yes We Can" et comme une passation de relais. Lorsque Obama a battu Clinton il y a huit ans, le ton était différent et c'est toute l'habileté d'Hillary qui devra être mobilisée pour jouer à la fois la carte de la continuité et celle de la rupture.

En anglais les journaux titrent sur "Obama Hails Clinton". C'est un mot qui évoque plein de choses : faire acclamer, acclamer, adouber, saluer (comme Heil en allemand mais c'est une autre Histoire) ; mais aussi la grêle qui va tomber dru sur Trump.

Car évidemment l'ennemi commun est Donald (Trump) et toutes les attaques vont maintenant pouvoir se focaliser pendant un peu plus de 3 mois sur lui. On attend les premiers sondages post convention démocrate pour voir si Trump, qui était repassé devant juste après la clôture de sa convention, républicaine se refait doubler.

Les campagnes électorales américaines ne font pas dans la dentelle. Les rumeurs et accusations sortent de tous les placards. Contre Hillary, on lance l'étendard le chiffon rouge Goldman (la firme la banque, la même que celle où Barroso va aller après avoir dirigé l'Union européenne) afin de la décrédibiliser et donc de crédibiliser en contrepartie Trump. C'est un peu nauséeux à suivre, même de loin, ce type de campagne, mais on s'en rapproche à toute vitesse en France.

Et on a beau dire ce qu'on veut sur l'indépendance, ce qui se passe dans un certain nombre de pays a de l'influence sur ce qui se passe ici, à plusieurs niveaux :
- en Europe, notamment avec le Brexit britannique et les élections allemandes
- aux USA avec un interventionnisme et une politique internationale plus dure annoncée
- dans les pays en guerre (les vraies guerres).

Pour revenir aux USA, juste une illustration tirée de cet excellent blog (terminé) sur Paris vs New-York, à feuilleter sur Internet ou dans une de ses déclinaisons papier...


Il est vrai qu'en France, au lieu de dire "Yes We Can" on dirait plutôt "Non désolé"








mercredi 27 juillet 2016

Quelle énergie pour demain dans le ciel, après le tour du monde de Solar Impulse ?

Solar Impulse a bouclé son tour du monde. Enfin. Les données issues de cet exploit sont impressionnantes : treize ans de préparation, deux pilotes seulement qui se sont relayés à chaque étape pour 23 jours de vol effectif (étalés sur deux ans et 17 étapes), la plus longue étape a fait 20% du trajet (8 000 sur les 40 000) et elle date d'il y a un peu plus d'un an, j'en avais parlé ici. 72 mètres d'envergure et des tranches de sommeil de 20 minutes entrecoupées de poses yoga. Un projet suisse, monégasque et financé par Abou Dhabi entre autres, puisqu'on est dans la vitrine de luxe de demain. Une vitrine pour la Suisse comme elle n'en a plus connu depuis sa perte de vitesse historique dans l'horlogerie avec l'arrivée massive de montres connectées non suisses.

Mais au-delà des données, que se passe-t-il dans le domaine de l'énergie pour l'aérien ?

Solar Impulse est avant tout une aventure humaine (les pilotes et leurs équipes) et logistique. Pour la mise au point des batteries et des techniques de vol, Solar Impulse n'est pas le plus important.  C'est un beau symbole, face à une réalité complexe en matière d'énergie électrique : car il faut la capter (par plein de moyens, dans ce cas précis, les moyens solaires), la stocker (dans des batteries de plusieurs sortes, légères et fiables, car le soleil ne brille pas la nuit, je crois savoir) et savoir l'utiliser de manière efficiente (et efficace, sans perte d'énergie ou de chaleur intempestive). C'est aussi un bon moyen pour les sponsors de se faire valoir, même ceux qui sont actuellement les champions des énergies non renouvelables ou de leur utilisation dans la chimie par exemple.

Car les experts sont partagés sur l'exploit technique, alors que personne ne conteste le symbole et l'exploit humain d'un Piccard digne de Star Trek. Même en Suisse, on considère que Solar Impulse (2) a ainsi apporté la preuve que le vol solaire est impossible pour transporter des personnes ou des biens. Les difficultés techniques pour ne transporter qu'une personne montrent qu'on ne pourra pas transformer ces vols en vols commerciaux, tant il faudrait de panneaux et de batteries pour contrebalancer un poids plus important de l'avion. Lorsque Blériot a traversé la Manche, il était seul, pourtant, il y a 107 ans à quelques jours près. Il est clair que les technologies doivent évoluer pour être utiles.

Alors la question est bien celle de l'impulsion donnée au solaire pour des exploitations commerciales. C'est pour moi le vrai sens du mot impulse dans ce projet. Entre les drones solaires et autres usages des technologies "propres" dans le ciel, il y a beaucoup de pistes possibles. Beaucoup de sueur et d'énergie humaine à dépenser aussi. Mais finalement, on a besoin de rêve, non ? Un rêve positif, teinté de science et non de religions qui passent leur temps à s'entretuer ou à se mépriser. Un rêve à long terme qui donne envie aux enfants, un peu comme en 1969 lorsqu'une ou deux générations a voulu devenir scientifique lorsque l'Homme a marché sur la Lune. Un rêve qui fasse aussi taire les politiques qui ne parlent qu'à court terme pour réagir à une actualité forcément négative.

Solar Impulse au-dessus d'Abu Dhabi, son fric, ses mosquées, son pétrole et ses financements bizarres


mardi 26 juillet 2016

Pokémon Go...ogle

Celui qui n'a pas entendu parler de Pokémon Go n'est pas connecté !
Celui qui n'a pas entendu parler de Pokémon Go n'est pas connecté !
Celui qui n'a pas entendu parler de Pokémon Go n'est pas connecté !

Bon, j'arrête de paraphraser le foot. Il s'agit aujourd'hui d'un autre sport, basé sur la marche.

Je vous épargne les articles qui expliquent le jeu ou donnent des cartes de Pokémon rares, des astuces comme ici, y compris ici par le premier joueur qui les a tous attrapés (pour professionnels obsédés uniquement) ou à propos d'anecdotes toutes aussi bizarres les unes que les autres. Je voudrais vous parler de ce qu'il y a derrière.

Le jeu se passe dans la réalité mais le regard fixé sur l'écran peut entraîner des accidents. En France, lancé officiellement dimanche seulement, les premiers accidents de la route ont été enregistrés, ainsi que les premiers retraits de points sur les permis des dresseurs de Pokémon. Il déconcentre complètement par rapport aux autres activités, sauf quand on est habitué des jeux vidéo et/ou en ligne, car il rend captif le joueur qui s'y laisse prendre. Un phénomène bien connu mais surprenant à observer chez les débutants. Les joueurs souriront, mais il est facile de se laisser happer car le jeu mélange plusieurs dimensions : un univers artificiel et mignon, un jeu de découverte et de batailles, une réalité augmentée qui est nouvelle et une visite de votre environnement qui fait découvrir des lieux insoupçonnés (et vaguement culturels).


Les politiques sont vieux et n'ont pas connu les Pokémon. Ils doivent bien avoir des enfants ou des petits-enfants mais visiblement ils ont toujours traité cela avec mépris. En plus, bien peu de politiciens maîtrisent l'internet et encore moins les réseaux sociaux et le jeu en ligne, sans même parlée de réalité augmentée ou virtuelle. Leurs réactions sont désopilantes. C'st ce qu'on pourrait appeler gouverner un pays en regardant dans le rétroviseur plutôt que vers l'avant. Bien peu sont capables de mesurer l'intérêt causé par ce type d'activité. On admirera la réaction ridicule de la ministre de la famille dans ce tweet qui a beaucoup été moqué



Le jeu vidéo (première version) a été créé il y a vingt ans, un peu après le Web. On écrit Pokémon avec un accent aigu, explications fascinantes à lire ici... Les joueurs sont issus de plusieurs générations puisque les 25-35 ans sont nés dedans et sont plongés en pleine nostalgie de leur enfance devant des écrans minables et des cartouches de jeu dans lesquelles il fallait souffler : le fantasme des Pokémon envahissant le monde réel les a habités longtemps, et la réalité a enfin rattrapé l'imaginaire. Quant aux plus jeunes qui sont nés bien après et avec les nouvelles générations de Pokémon, ils jouent comme aux autres jeux et essayent de gagner, individuellement et à travers leurs factions. L'intérêt de ce type de jeu est effectivement qu'il peut se jouer à différents niveaux d'investissement sans se voir imposer un modèle uniforme pour tous. La preuve, j'ai créé un compte...

Au plan commercial c'est un franc succès : 200 pays où il est disponible, des milliards attendus de recettes et plein de produits et de services dérivés à venir : publicité en ligne pour les commerces de proximité, attirance vers des lieux spécifiques et des événements où l'on viendra aussi pour trouver un Pokémon rare, offres spéciales couplées à des Pokémon, (Comme Monoprix qui a essayé de distribuer un kit du dresseur avant de se faire dévaliser et ridiculiser), objets dérivés, et tous moyens de nous rendre captifs... Cela ne vous rappelle rien ?

Les gigantesques recettes attendues ne sont pas pour n'importe qui. L'action Nintendo a pris beaucoup de valeur en quelques jours, mais rechute depuis : les actionnaires ont enfin compris que Nintendo ne récupérerait qu'une infime partie des bénéfices, même moins que Apple par exemple puisque 30% des recettes du jeu sur iPhone vont automatiquement à Apple, comme pour tous les jeux sur cette plateforme. Les recettes vont aller principalement à Niantic. Niantic ? Une filiale de Google. Celle qui est spécialisée dans la réalité virtuelle et qui avait lancé un jeu de même nature il y a quelque temps. Cette société a simplement réutilisé son savoir-faire dans un univers emblématique, plus connu et plus ludique. C'est donc Google qui va tirer la grosse partie des recettes.

Car le jeu est dangereux, si on ne se maîtrise pas, comme toutes les addictions. Même Que Choisir nous alerte (à lire !).  Il représente une disruption dans le jeu vidéo, une vraie, au-delà du phénomène de mode, en plein été, quand il est agréable de marcher dehors. Il offre aussi une disruption dans l'équilibre financier du monde du jeu vidéo, avec l'arrivée massive de Google au détriment des concepteurs initiaux des Pikachu et autres. L'aspirateur Google de données est en marche et rien ne l'arrêtera dans ce secteur, comme dans d'autres.

Quand on parle de Google et qu'on sait que le jeu capte plein d'informations personnelles, on commence à frémir : votre nom, votre prénom, votre e-mail, votre numéro de téléphone, votre adresse IP (opérateur), le numéro d’identification de votre smartphone, votre localisation, votre âge, votre sexe, votre pays de résidence, votre date de naissance, vos loisirs, jouets et jeux préférés... et on en passe. Comme en plus les joueurs fanas peuvent dépenser de l'argent alors que le jeu est gratuit, on arrive à une situation de rêve pour Google.

Grâce à Pokémon Go, Google enregistre des centaines de millions de données qui lui servent à nous connaître, à nous pister, à vendre de la pub ciblée et à enrichir ses bases de données qui décrivent le monde. Comme si Google récupérait des millions de salariés non payés, qui doivent en plus payer pour travailler. Génial... du point de vue de Google.

Pokémon Go...ogle, vraiment !


lundi 25 juillet 2016

Dopage et dopage sont dans un bateau

Oui, dopage et dopage sont dans un bateau ; dopage tombe à l'eau ? Que reste-t-il dans le bateau sportif ?

Ce dimanche a été un jour de gloire extraordinaire pour le dopage, les dopés et les dopeurs, avec deux événements à la clé : la fin du Tour de France et la réunion du CIO sur les Jeux Olympiques de Rio.

Le Tour de France s'est terminé sans grosse affaire de dopage cette année (à date). Cela veut-il dire que le vélo professionnel est soudain devenu propre ? Que nenni ! Cela veut dire que les dopages sont devenus plus sophistiqués sans compter le dopage mécanique des bicyclettes elles-mêmes avec des moteurs électriques camouflés dans certaines. Cela veut aussi dire que de plus en plus de gens se foutent du dopage, tellement ce phénomène est normal. Car il y a le dopage interdit (mais pas forcément identifié ou même sanctionné) et il y a le dopage toléré ou accepté, à coup de techniques médicales sophistiquées, qui sont aux techniques de récupération naturelle ce que les OGM sont aux méthodes millénaires de croisement des cultures. Faire la différence entre les deux n'est pas simple. Il suffit d'avoir vu passer un peloton de coureurs professionnels sur une côte à pleine vitesse pour comprendre qu'on n'est pas sur la même planète.

Le CIO s'est réuni en téléconférence hier donc pour statuer sur l'interdiction ou non de la Russie des JO dans une dizaine de jours. Le rapport McLaren était terrible dans ses conditions et très affirmatif sur un dopage d'Etat impliquant la Russie à plein de niveaux. Lire le rapport ici au cas où ça vous intéresse. Le CIO a décidé de ne pas priver la Russie de JO, en refusant de les exclure en bloc. C'est chaque fédération qui devra décider pour ses sports (l'athlétisme a déjà exclu). Une décision d'une lâcheté exemplaire, arguant du fait que le rapport n'apportait aucune preuve. Une décision qui marque un succès important pour Poutine et une perte considérable de crédibilité pour le CIO (basé en Suisse comme la FIFA). Un blanc-seing accordé au dopage institutionnalisé (puisque les Russes le peuvent, pourquoi pas nous ?)... Des réactions virulentes contre cette décision du CIO ici et même là. Une presse choquée. Une bonne analyse politique de Slate.


Alors, la glorieuse incertitude du sport en a pris un coup hier. Deux coups même. On regardera les prochains JO avec un oeil différent, on comptera le nombre absolu de médailles russes avec un doigt frémissant.

Que cela ne vous empêche pas d'en faire surtout, de la marche à la course en passant par les sports de balle ou la chasse au Pokemon (j'y reviendrai bientôt).

dimanche 24 juillet 2016

Du temps de cerveau pour... une nouvelle voûte

L’invasion des extra-terrestres avait pris la Terre par surprise.

Malgré les avancées technologiques, personne n’avait venu venir les Touriens.  Les militaires pensaient pourtant que le système solaire était bien protégé. Il y avait des satellites partout, des détecteurs de toutes sortes de rayons et un bouclier anti-tout qui était censé pouvoir protéger contre une liste impressionnante de menaces. La paranoïa augmentait tous les jours sur Terre, mais c’était terriens contre terriens, puissances contre puissances, et la course aux armements pour défendre la planète n’était qu’une excuse pour mieux s’espionner les uns les autres.

Contrairement à ce qui avait été prévu par des générations d’écrivains de science-fiction, l’invasion fut parfaitement anodine. Pas vraiment de sang versé, juste des crises cardiaques par-ci par-là et quelques accidents de voiture. En une heure, la Terre fut remplie d’extra-terrestres. On en trouvait à tous les coins de rue et même dans des villages éloignés. Ils agissaient comme s’ils avaient toujours été là, très naturellement. Ils étaient très différents les uns des autres, mais tous télépathes. Tellement différents qu’on aurait dit des espèces complètement séparées. Certains ressemblaient à des monstres à tentacules comme il se doit, d’autres à des animaux familiers sur terre, comme des chats, des chiens ou des pingouins ; d’autres à des humains juste un peu décalés, repérables uniquement à leurs habits ou à leur usage de la télépathie. Certains semblaient presque évanescents.

Dans certains pays, où les armes étaient largement répandues dans la population, il y eut beaucoup de tentatives pour les tuer, comme dans les zones à forte concentration militaire ou policière. Mais à chaque fois, un signal télépathique envoyé au tireur potentiel enlevait toute velléité de nuire. A chaque fois ou presque. Il y eut bien quelques morts chez les envahisseurs, mais si peu que cela ne vaut pas la peine de les mentionner. Un jour normal en fait.

Les journalistes, les scientifiques, les militaires et les politiciens furent les plus intéressés par cette invasion : les journalistes écrivirent des tonnes d’articles, sollicitèrent des milliers d’interviews et les différents médias et réseaux sociaux connurent un boom jamais égalé avant, ni depuis d'ailleurs ; les scientifiques de toutes les disciplines essayèrent de comprendre comment tout cela avait été possible, par quels moyens les Touriens étaient arrivés et ce qu’ils pouvaient nous apprendre ; les militaires s’intéressaient à leurs armes et au moyen d’en tirer profit contre les autres militaires ; les politiciens firent de grandes déclarations et se montrèrent en compagnie d’extra-terrestres dans le plus possible de médias...

Mais l’individu normal, comme moi, ne s’en préoccupa bientôt plus. Après tout, c’était comme une sorte d’immigration géante qui apportait quelques inconforts bien sûr mais pas tant que cela, quelques conforts liés à leurs technologies et aux opportunités offertes, et somme toute assez peu de changement. Ceux qui allaient bien, comme moi, continuaient à aller bien et ceux qui allaient mal n’allaient ni mieux ni moins bien. On aurait dit que cette invasion miraculeuse ne s’était pas produite. On apprenait juste à vivre avec de nouveaux voisins. Tout s’était passé comme si l’espèce humaine avait franchi une étape banale, le plus naturellement du monde. Même les complotistes habituels se lassaient..

Au bout d’un mois seulement, plus personne ne pensa à la situation précédente. En fait, il n’y avait aucun changement et les crises étaient toujours aussi présentes. Incidemment c’était ce que disaient les extra-terrestres quand on leur parlait le soir dans un bar ou à midi dans une de leurs réunions de télépathes. Pour eux non plus, rien n’était différent. Ils étaient venus ici simplement parce que, chez eux, rien ne marchait plus. Leur planète s’était brutalement dégradée et ils avaient choisi la Terre parce qu’elle était compatible avec leurs morphologies. Et malgré le quasi doublement en une heure de la population humaine, nous étions tous comme avant, en train de mener notre petite vie.

Prenez mon cas, par exemple. Je travaille dans un bureau mais cela ne me prend pas beaucoup d’énergie, je vis seul mais pas tous les soirs et j’aime faire des puzzles. Après l’arrivée des Touriens j’ai repris très vite mes esprits et ma vie antérieure. Parfait ! Que demander d’autre ? Ce n’est pas pour me jeter des fleurs, mais j’ai certainement été l’un des premiers à reprendre ma vie habituelle. On verrait bien ce qui se passerait, et de toutes façons cela ne dépendait pas de moi, mais de personnages importants chez les Terriens ou chez les Touriens. Cela ne sert à rien de se faire du souci.

En plus, pas loin de chez moi, une nouvelle boutique de jeux vient d’ouvrir et j’y suis allé aujourd’hui même, ou plutôt hier. Une boutique tenue par une Terrienne et un Tourien, un couple parmi d’autres, nouvellement formé d’évidence, mais qui semble passionné par les jeux de toutes sortes. Ils ont réussi à constituer un stock impressionnant de jeux de tous les coins de la Terre et de Tour aussi. C’est naturellement vers ces jeux que je me suis tourné et spécialement vers le rayon des puzzles Touriens.

J’aime les puzzles et me considère un peu comme un expert. J’en ai fait de toutes sortes, même des blancs, des gigantesques ou des puzzles en trois dimensions dans des matériaux les plus improbables. Mais au rayon des puzzles Touriens, j’ai été déconcerté. Ils avaient tous la même forme et seuls les motifs et les tailles variaient. J’ai choisi le plus gros et suis allé payer. Le Tourien m’a regardé avec un grand sourire et m’a transmis ses félicitations. C'était un puzzle difficile, même pour un Tourien, et il m’expliqua le principe : les puzzles Touriens étaient tous basés sur des formes de voûte - des boules pas tout à fait sphériques en fait. Dans chaque puzzle il y avait une pièce particulière, la clé de voûte, qu’il fallait mettre en dernier, sinon le puzzle ne tenait pas. Et il n’y avait aucun moyen de reconnaître cette pièce à l’avance. Il fallait l’imaginer, la deviner et recommencer jusqu’à trouver la bonne pièce. Il m’a offert en plus un petit puzzle Tourien avec seulement trente-six pièces, pour m’entraîner avant de commencer le gros.

Je suis rentré chez moi à 18 heures. Il est 4 heures du matin et je viens à peine de finir le "puzzle de bébé". Je n’ai pas compté le nombre d’essais que j’ai effectués, bien plus en tous cas que si j’avais essayé chaque pièce tour à tour comme clé de voûte, tellement j’ai eu confiance en moi. J’ai cru pouvoir utiliser mon flair pour aller plus vite, mais je me suis trompé. Le petit puzzle terminé est maintenant devant moi. Il s’est soudé complètement au moment où j’ai ajouté la dernière pièce. Il s’agit d’une sphère qui ressemble à un cube sous d’autres angles, ou même à une sorte de tête. La clé de voûte est impossible à repérer, elle se fond dans l’image, une planète bleue différente de la nôtre. Tour ?

Je prends le puzzle dans ma main. L’objet est beau. Je suis le seul à savoir où est la clé de voûte car le vendeur Tourien m’a assuré que chaque boite était différente. La clé est ici, me dis-je. J’appuie dessus, il y a un clic et la pièce se sépare de la surface, puis tout le puzzle se défait. Je prends la clé de voûte et la regarde attentivement. Rien ne la différencie des autres.

Et pourtant, elle doit être différente. Je la pose sur la paume de ma main. Elle a en elle comme une vibration particulière. Maintenant je la sens.

Je décide de me mettre au gros puzzle. 5000 pièces quand même, une grosse voûte, me dis-je en commençant à débarrasser mon plan de travail.

***

Cela fait trois jours que je ne suis pas allé travailler. J’ai réussi à trier quasiment toutes les pièces. Dans ce genre de puzzle en trois dimensions, on n’a pas de limites, pas de bordures qu’on pourrait assembler d’abord. En plus, la boite n’a pas d’image dessus. J’ai donc trié les pièces par couleur et forme, mais ce qui m’a pris du temps est de les poser chacune à tour de rôle sur la paume de ma main pour sentir s’il y avait une différence. Je cherche la clé de voûte et suis un peu désespéré. Il ne me reste que trois pièces à trier. Je viens de me servir un verre. J’ai besoin d’un remontant. Si je ne trouve pas la clé dans ces trois pièces, je ne sais plus quoi faire. Recommencer à zéro ? Aller demander des conseils au magasin de jeux ? Non, ça jamais ! un vrai joueur se débrouille tout seul, me dis-je en vidant mon verre.

Les deux premières pièces me semblent aussi normales que les 4997 précédentes. Je pose la dernière sur la paume de ma main. Elle émet une vibration particulière. Je l’ai trouvée. La dernière évidemment. Est-ce toujours comme cela ?

Je regarde la petite pièce leur attentivement, puis je la mets dans une boite à part pour l’isoler. Mais c’est une précaution inutile car je me souviendrai toujours de sa forme, même si je la jetais sur l’un des tas qui occupe mon salon.

***

J’ai repris un rythme normal. Je travaille, je sors et j’avance dans le puzzle. Je sais que c’est juste une question de temps maintenant. J’ai évité de rentrer dans le magasin de jeux depuis ce premier jour. Je passe souvent devant. Il ne désemplit pas.

***

Ce soir j’ai fini le puzzle. Il est très beau. Sa voûte dessine presque parfaitement un visage et la clé de voûte que je viens d’installer est au milieu du front. On dirait un Tourien de l’Est comme nous les appelons ici, avec un profil très lisse et un crâne anguleux. On en voit rarement dans notre petite ville mais j’en ai déjà vu sur internet. J’ai sorti la clé de voûte de sa boite et le puzzle est devenu lisse comme une peau, sans qu’on puisse distinguer aucune pièce. Posé sur ma table, il mesure un mètre de diamètre à peu près. Je suis épuisé.

***

Hier soir je me suis endormi dans mon fauteuil. Le puzzle terminé est devant moi. Je décide d’en faire un petit film sous tous les angles. Je me douche, je m’habille et je sors pour aller travailler. Je passe devant le magasin de jeux. Déjà ouvert, me dis-je ? J’entre. Le Tourien est seul, il me sourit et me transmet « Alors, ce puzzle, trop difficile ? Vous en voulez un plus petit ? ». Je lui souris et lui montre mon film. Il le regarde attentivement et hoche la tête. Il ne sourit plus. Il me regarde avec un air étrange. Puis il me transmet « Bravo ! Nous en avons reçu d’autres, encore plus difficiles, je peux vous les montrer si vous êtes intéressé ». Je suis intéressé, évidemment.

Il m’emmène dans la réserve, et c’est là que je perds connaissance.

***

Je suis bien traité. J’ai repris connaissance dans une sorte d’hôpital. J’ai une grande chambre avec un énorme plan de travail. On m’apporte régulièrement de nouvelles boites de puzzle et on me demande de trouver les clés de voûte. J’y arrive de plus en plus vite maintenant, je comprends bien le principe.  Même pas besoin de finir le puzzle après avoir trouvé la clé, c’est un détail qui fait perdre du temps. En trouvant la clé de voûte je sais déjà exactement quelle forme aura le puzzle. Je suis vraiment bien traité. Je suis entouré de Touriens de l’Est, comme le vendeur de la boutique de jeux. Les Touriennes de l’Est sont très belles et peu farouches. Le rhum est bon. Que désirer de plus ?

******

- Combien de temps cela lui prendra-t-il encore, pensez vous ?
- A ce rythme, nous pourrons lui soumettre le Grand Puzzle dans une semaine.
- Une semaine seulement ? Mais il est si jeune et ignare !
- Oui, mais il est doué pour cela. Incroyablement doué pour un Terrien.
- Oui en effet. Quelles sont les instructions du Grand Taurien ?
- Prenons tout le temps nécessaire, il faut en être certain, même si le compteur tourne.
- Oui en effet, il faut en être certain. La dernière fois...
- Oui... La dernière fois que nous avons essayé de résoudre le grand Puzzle, la planète Tour a été détruite et nous avons dû la quitter pour venir ici sur cette planète pleine de Terriens idiots.
- Nous ne pouvons pas prendre ce risque cette fois !
- Non, nous ne pouvons pas prendre trop de risques. La liste des planètes disponibles s’amenuise avec les millénaires et il n’en reste plus beaucoup.
- Oui, il faut réussir.
- Oui !
- Imaginez un peu si nous n’y arrivons pas cette fois-ci ?
- Si nous n’y arrivons pas cette fois-ci ce n’est pas un drame absolu. Nous irons sur la prochaine planète en emmenant avec nous quelques Terriens triés sur le volet comme sur chaque planète où nous sommes passés. Et nous espérerons encore ! Mais il est nettement préférable de réussir.
- Et si nous n’y arrivons jamais ?
- Ah ! Si nous n’y arrivons jamais ? Sans la clé de voûte de l’Univers, l’Univers s’effondrera, et nous tous avec. Par contre...
- Par contre ?
- Par contre, si nous y arrivons, l’Univers sera à nous, parfaitement lisse et sans limites. Une voûte céleste idéale et éternelle.
- (Soupir) Oui...
- Allez, il est temps que vous alliez voir ce qu’il fait, ma chérie, et de lui apporter les puzzles du jour. En plus, il a soif et besoin de sexe.  Occupez vous-en bien !


samedi 23 juillet 2016

Qu’est-ce qu’un terroriste ?

Nous savons tous que ce mot est galvaudé.

C’est un mot qui a des significations différentes selon ceux qui l’utilisent et ce depuis qu’il a été inventé. Entre la grande Terreur de 1793-94 et les terroristes de Daesh, on est passé par des terroristes tchétchènes, d’Al-Qaida, irlandais, italiens, allemands ou résistants. Très souvent on est le terroriste de l’autre. Avec les islamistes, il n’y a pas de doute cependant, chacun en est convaincu, sauf à être complice. Objectivité ?

Mais hier, avec ce qui est arrivé à Munich, le mot terrorisme a été utilisé largement, par un peu tout le monde, puisque un acte de violence barbare est devenu synonyme de terrorisme, avant de réfléchir. Les têtes sont remplies de peur, du commerce de la peur comme dit Taubira. Et la peur est devenue synonyme de terreur. Il n’y a plus de « poristes », qui sèment la peur mais des terroristes qui sèment la terreur. Avec un regard malsain le citoyen informé regarde, effrayé et voyeur, content de voir que le boulet est passé à côté cette fois et triste d’une réalité qui s’impose à nous de plus en plus. Ou alors il préfère ne pas regarder. Or à Munich, il s’agit d’un « forcené », d’un homme devenu amok, sans motivation ou revendication (Relisez « Tous à Zanzibar » de John Brunner pour une mise en scène des amoks, déjà en 1968). Un simple produit individuel de la violence quotidienne , une violence de plus en plus fréquente et déguisée sous d’autres noms pour se banaliser : accidents de la route, tabagisme, mondialisation sociale, désespoir des pauvres, crimes passionnels...

Pourtant, en même temps, le vrai terrorisme de Daesh a frappé dans la capitale de l’Afghanistan, Kaboul : 80 morts avec une bombe placée au bord d’une manif pacifique de chiites contre la violence. Et il frappe ailleurs, en Lybie, au Nigéria... Sans beaucoup d’émoi ici en Occident.

Alors, au-delà du refus de ces actes de violence, terroristes ou non, refusons de tomber dans le piège des marchands de peur qui arrosent les semis de terreur plantés par d’autres.

vendredi 22 juillet 2016

Et l'Europe, au fait ? Coincée entre UK et Turquie, où est-elle ?

On entend moins parler d'Europe en ce moment.

Le Brexit a beaucoup mobilisé les médias, mais depuis le soufflé est retombé et la Jelly s'est solidifiée, entre les mains de fer de la nouvelle Première Ministre, Theresa May. Elle vient de se rendre à Berlin et à Paris pour commencer à négocier avec les deux principaux partenaires européens et préparer l'avenir. La stratégie est claire : puisque Londres est maître de la règle du jeu jusqu'à l'activation du fameux article 50, ils espèrent bien profiter de cette période ("pas avant la fin 2016") pour se mettre en ordre de marche en interne et négocier séparément avec les principaux Etats, car les négociations avec la Commission européenne ne sont pas possibles avant l'activation de la demande officielle de retrait. Ces pré-négociations qui n'osent pas s'appeler ainsi sont un bon moyen de fixer les "lignes rouges". Le Royaume-Uni souhaite ainsi repartir de l'état actuel pour négocier avec l'UE plutôt que de repartir de zéro, ce qui prendrait trop de temps et surtout ferait prendre trop de risques. L'Allemagne d'Angela est prête à prendre son temps également, en tant que premier partenaire commercial des britanniques. La France est vissée sur ses grands principes (circulation des biens ET des personnes) mais reste pragmatique sur le bordel ainsi créé.

Car la situation économique commence à beaucoup se dégrader outre-Manche. Et cela aura des effets bien au-delà du Rule Britannia. Hier, François était à Dublin pour parler de cela, puisque l'Irlande et la France partagent des intérêts en cas de Brexit défavorable, dans les domaines financiers, industriels ou d'immigration. L'Irlande parle d'ailleurs de réunification (comme l'Ecosse d'indépendance). Bref, tout le monde négocie en bilatéral avec tout le monde, pendant que l'Europe multilatérale n'a pas le droit de bouger. Cette situation réjouit les grandes puissances (USA, Russie ou Chine) qui ont intérêt à des négociations bilatérales et à une Europe affaiblie.

Toujours en Europe, parlons de ses marges. Le coup d'Etat avorté en Turquie a rebattu les cartes, qu'il soit factice ou vrai. L'Etat d'urgence dans le pays et la suspension annoncée par Erdogan de la Cour européenne des droits de l'homme sont deux phénomènes qui éloignent de plus en plus la Turquie d'une éventuelle adhésion européenne. Ceux qui sont contre s'en réjouissent... mais la géographie reste là, autour de la Méditerranée, par rapport à la Russie et au Moyen-Orient en guerre. Les purges continuent et s'amplifient et de plus en plus de commentateurs parlent d'un changement de régime à venir très bientôt.

L'Europe immobile l'est donc encore plus, entre un pays qui fait semblant d'y rentrer depuis longtemps pour en profiter un max (la Turquie) et un autre qui essaye d'en sortir le plus lentement et le mieux possible (Le Royaume-Uni), il y a comme un piège à loups avec ses mâchoires de fer. Le tout en attendant des élections majeures en 2017 en France et en Allemagne...


jeudi 21 juillet 2016

Loi pour une République numérique : que faire des politiciens ?

Hier a été adoptée à l'Assemblée nationale la version finale de la loi d'Axelle Lemaire pour une République numérique. Texte officiel et débats ici. Analyse là par exemple par les fournisseurs de services en ligne (ACSEL).

Le texte est donc définitif et sera simplement voté au Sénat après les vacances des sénateurs fatigués par leur train de sénateur d'enfer. Son processus de préparation a été exemplaire,  dans une sorte de co-construction en ligne assez innovante, même si les arbitrages politiques ont forcément obligé à des prises de position pas toujours consensuelles. La nouvelle loi s'en ressent comme à chaque fois.

Dans le domaine de l'économie de la donnée, l'idée est d'obliger les administrations publiques à publier leurs données en mode "open data" sauf exceptions qui devront être justifiées et concrétisées par des licences spéciales. C'est un retournement de la preuve important. En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche par exemple, et malgré un lobbying intense des éditeurs qui pervertissent le système, il y a maintenant création d'un véritable droit d’accès aux travaux scientifiques en ligne et la possibilité légale d'offrir des enseignements dans le supérieur par la voie du numérique. Une vraie révolution en France.

Dans le domaine de la protection des droits dans la société numérique, le vrai sujet était celui de la neutralité du Net, condition indispensable du développement de services innovants et de la liberté des utilisateurs. La loi y rajoute la notion de portabilité des données (récupérer vos données et fichiers quand vous changez de fournisseur de service), mais en limite fortement l'application en cas de valeur ajoutée "significative" par le fournisseur. Quel est le fournisseur qui clamera ne rien avoir ajouté en matière de valeur à vos données ? Un joli terrain de bataille pour avocats spécialisés. Le débat sur la loyauté et la manière de la prouver reste brumeux et la jurisprudence devra s'en emparer, c'est pourtant un sujet de plus en plus important : quelle est la vérité d'une information et qui me la propose ? Etre juge et partie, le débat est loin d'être clos.

Dans le domaine de l'accès au numérique, on touche là à une galaxie de secteurs concernés, puisque personne n'est épargné. C'est un inventaire à la Prévert avec des ordonnances à suivre. On y parle pêle-mêle des coffres-forts et autres trousseaux d'accès électroniques, des recommandés et accusés de réception électroniques pour des documents contractuels, des services de paiement, des jeux en ligne et même des compétitions de jeux vidéo. Il y a là tout un tas d'habitudes à changer.

Mais une chose manque, pour une République numérique : les politiciens.

Quand on parle d'ouverture, de loyauté, d'éthique ou de neutralité, on est bien loin de ce que nous racontent les hommes politiques français d'aujourd'hui. La plupart ont pété les plombs et cela ne risque pas de s'arranger pendant les neuf mois de la grossesse avant l'accouchement de la présidentielle de 2017. A l'extrême droite, on s'y est habitué et on s'attend au pire. A droite, les digues ont lâché et l'écart entre discours et actions est devenu infranchissable même pour un bon gros géant : la dérive anti Etat de droit pour prôner un Etat sécuritaire rappelle trop de mauvais souvenirs pour en parler sereinement, on reste dans le pur dégoût. Bientôt en France la Turquie avec son nouvel état d'urgence pour 3 ans et ses dizaines de milliers d'arrestations d'anti Erdogan ? Les universitaires turcs sont touchés aussi et leur liberté de parole millénaire disparait. On n'aurait pas imaginé de telles manipulations en France, mais avec les discours actuels de la droite, qui sait vers quoi on se dirige ? L'habileté du pouvoir turc est certainement admirée par tous les chefs de la droite "républicaine" of course. A gauche par contre, l'absence de discours est un acte manqué réussi, car de peur de faire un score minable personne ne parle des différences fondamentales et pratiques entre une approche de gauche et une approche de droite sur plein de questions au coeur du débat actuel.

Alors oui, une République numérique devrait-elle aussi avoir des hommes politiques numériques (robots) pour la diriger ? Des robots avec éthique et rigueur, pilotés par Google et ses intelligences artificielles ? Ou des robots français pilotés par des escouades de barbouzes plus ou moins officiels ?

Ou faut-il au contraire mettre en avant les valeurs d'ouverture, de loyauté, d'éthique, de neutralité et même de solidarité chez nos dirigeants ? Et les sélectionner sur ces critères ? On aimerait...

mercredi 20 juillet 2016

Plages, Paris, Fouilles et Touristes

Paris Plages est reparti pour un tour et pour sa quinzième année. Programme ici et détaillé là. On notera que la Comm officielle de la Ville de Paris s'est rajeunie, modernisée et dévergondée...


Quelles nouveautés en 2016 ?
- Des fouilles de sécurité aux différentes entrées "sur le modèle des fan-zones de l'Euro" avec des blocs de béton pour empêcher les véhicules de passer ;
- Une prolongation jusqu'au 4 septembre afin d'empêcher les voitures de revenir sur les berges à la rentrée, car l'objectif de la Mairie est d'aller jusqu'à la fermeture complète des berges et au réaménagement des quais ;
- Plus de concerts (notamment de mercredi à samedi sur le Parvis de l'Hotel de Ville) ;
- Un thème cette année autour de la Tunisie (chère à Delanoé) qui fera moins polémique peut-être qu'Israël l'année dernière... Entre Tel Aviv sur Seine et Gaza sur Prom à Nice, on n'y a rien compris en 2015. Indubitablement ;
- Toujours pas de baignade possible, mais c'est promis l'année prochaine on devrait pouvoir se baigner dans le bassin de la Villette ;
- On ne parle plus depuis longtemps de plage au singulier puisqu'il y a plusieurs lieux d'animation, mais Paris-Plages reste toujours un pari plage.

Si ça vous intéresse, vous pourrez toujours comparer avec l'édition 2013, ici sur ce blog.

Tout est question de perspective dans Paris-Plages. Quand on regarde les animations du haut des ponts qui les enjambent sur la voie Georges Poupoupidou Pompidou, on ne se rend pas compte de la réalité des lieux. C'est une belle promenade à faire à pied, sauf en pleine canicule et malgré les vaporisateurs d'eau du jardin des brunes à Châtelet. Il est difficile d'y trouver un transat, mais la simple balade est intéressante. L'enfer des quais pleins de voitures est au-dessus et celui des files de bateaux-mouches est à côté. La voie étroite des passants qui baguenaudent est effectivement étroite et bondée à certaines heures, mais elle est agréable. Il y a de quoi manger aussi, mais attention aux pâtisseries tunisiennes gorgées de miel et de soleil (jusqu'à dimanche seulement).


Je vous mets le plan pour les berges (pour la Villette c'est trop loin ;) mais ce plan c'est pas très clair, même en cliquant dessus pour l'agrandir. La carte n'est pas le territoire, il vaut mieux y aller. Vous pourrez admirer dans l'ordre le Pont des Arts libéré de ses cadenas mais pas tout-à-fait de certains vandalisées légers, la façade de la Samaritaine engoncée dans ses échafaudages avant de devenir un Cheval Blanc de luxe pas loin de la statue de son maître Henri IV, le Châtelet encombré de voitures et l'île Saint-Louis, terre de feu de glace.



mardi 19 juillet 2016

Les primaires peuvent-elles Trumper leur monde ?

Aux USA début des primaires chez les Républicains (leurs républicains, rien à voir avec les nôtres... quoique). Trump va être nommé. Regardez ici la vidéo de son arrivée en scène. Flippant.
Il a pu y avoir un certain doute lorsqu'une motion a été déposée par les anti-Trump pour redonner aux délégués leur liberté de vote, quels que soient les votes dans leurs Etats respectifs, mais après un chahut monstre, plusieurs Etats sont revenus en arrière sous la pression de l'appareil du Grand Old Party et le vote va se dérouler comme prévu. Trump ayant déjà la majorité, il ne peut plus y avoir de surprise. Il a déjà désigné son vice-président, un Républicain bon teint et fade, qui convient parfaitement aux apparatchiks présents. On se croirait dans House of Cards... sauf que la réalité va plus loin que la fiction, comme souvent. En France les médias sont sévères avec le candidat, surtout ceux de gauche (lire cet article au vitriol de l'Obs par exemple, ou la chronique vue par le Monde de son ancien nègre littéraire - original ici dans le New YorkerI put lipstick on a pig).

La bataille avec Madame Clinton va être rude, car même si les sondages la mettent en tête, l'élection sera serrée et les Républicains surfent sur la vague anti-démocrates, accusés de tous les laxismes du monde. On est dans une situation inédite aux USA. Les démocrates, tablant sur le sentiment anti-Trump pensent que Clinton va gagner, certains étant même contents du fait que Trump ait été le candidat choisi. Mais... tout est possible. La bataille des primaires a été gagnée par Clinton contre Sanders mais a laissé des traces.

Petit parallèle avec la France, dans l'autre sens : pour résumer, la droite est persuadée que le candidat qui sortira vainqueur des primaires de fin d'année sera qualifié au second tour des présidentielles et gagnera l'élection. Tous mettent donc le paquet dans cette course interne en tapant le plus fort possible sur la gauche et/ou le gouvernement. A gauche on cherche à perdre avec le plus de panache possible tout en croyant à l'existence d'un trou de souris où pourrait se glisser François. Les réactions hyper-violentes (et hyper-débiles) des candidats LR suite à l'attentat de Nice sont symptomatiques d'une course effrénée qui sert d'unique prisme à toute analyse politique. Et dire que ce sera comme ça jusqu'aux primaires. Cela se ressent dans les thématiques choisies : la peur de l'autre, la sécurité, plus que l'emploi ou la croissance. Disparue la solidarité, bienvenue aux thèmes du FN.

Les primaires, en jouant un rôle de plus en plus important (dans toutes les zones politiques) apportent une radicalisation obligatoire : se différencier des autres alors qu'ils sont proches de soi, puis une fois désigné s'en rapprocher pour fédérer son camp et enfin avant le second tour, rassembler les électeurs de tous bords. Un exercice paradoxal. Un oxymore. Et ce ne sont pas les Primaires citoyennes et leurs seize candidats qui vont arranger le climat.

Les USA sont des grands habitués de ce type d'exercice, même si cette année le combat semble avoir franchi des limites morales nouvelles. La France découvre ce phénomène et se complait dans un exercice destructeur qui stimule l'individualisme et la négation de l'autre et de son regard. Une valeur qui phagocyte toutes les autres.

Une valeur primaire, et pas dans le bon sens du terme.

lundi 18 juillet 2016

Le Maroc sera-t-il un peu plus en Afrique ?

Le Maroc est en Afrique c'est évident au plan géographique, économique et culturel.

Mais depuis 1984, il n'était plus dans l'Afrique politique, au sens multilatéral puisqu'il avait démissionné de l'Union africaine (OUA à l'époque) au moment où celle-ci avait accepté d'accueillir la République arabe sahraouie démocratique (auto-proclamée). Un conflit ancien sur lequel beaucoup a été écrit depuis des années, qui flirte bon le conflit algéro-marocain, mais pas seulement. Lire ici et sur les articles liés de Wikipédia quelques détails sur ce conflit ou ici un article suite à la mort récente de l'ancien secrétaire général historique du Front Polisario de la RASD et à son remplacement par un cacique du régime.

Tout est contestable et contesté dans ce type de conflit lié à la décolonisation non terminée (l'Espagne en l'occurrence). Le principe international Uti Possidetis Juris n'est pas reconnu par le Maroc, le seul Etat en afrique à ne pas le faire. Il suffit de lire différents atlas de l'Afrique pour comprendre les différentes positions. La carte officielle de l'ONU trace un pointillé pour marquer cette séparation au milieu du Maroc, mais elle n'est pas reconnue par le Maroc et beaucoup de dictionnaires et rapports se sont retrouvés à la poubelle lorsque les marocains protestaient contre ce trait (pointillé ou non).

La carte officielle des membres de l'UA est celle-ci (jusqu'à maintenant), j'en ai parlé lors de ses 50 ans. Elle fait hurler le Maroc mais elle est vraie, du point de vue de l'UA.


D'autres cartes d'Afrique ici, que j'avais rassemblées dans un billet, dont une belle carte muette (mais parlante en fait). Une autre aussi, plus tarabiscotée mais très intéressante pour comprendre la complexité politique de l'Afrique. Il s'agit des zones politiques et économiques de l'Afrique "supra-nationales". Encore plus compliqué que l'Europe, et c'est pas peu dire !



Or donc, hier, lors de l'Assemblée générale ordinaire de l'Union Africaine, le Maroc a officiellement déposé sa demande de réintégration. Le texte officiel du message du Roi est ici. La décision devra être prise par un vote au sein de la Commission de l'UA, alors même que les élections à la Commission sont en débat, la plupart des Etats d'Afrique de l'Ouest contestant les candidats en présence (on attendra janvier 2017 pour le prochain président de la Commission). Voici un facteur qui va influencer encore un peu plus les élections, prévues ce mardi matin. Le Maroc mène depuis plusieurs années un lobbying intense pour amener des Etats à ne plus soutenir la RASD (avec certains succès comme la Zambie il y a quelques jours) et une mission spéciale a été envoyée samedi à Alger pour présenter en avant-première la demande du Maroc au grand voisin. Comme dans toute démarche diplomatique, les termes ont leur importance. Lisez le communiqué officiel. "La vérité n’a point d’autre preuve de son existence que l’évidence" en est la dernière phrase. On dirait un sujet de philosophie pour le Bac...

Il faut donc s'attendre à des mouvements tectoniques suite à cette annonce en Afrique "politique". Cela peut faire bouger l'Afrique. Comme un facteur de cohérence, face à des menaces endogènes et exogènes fortes, religieuses, ethniques et économiques.

Le sens du timing des marocains est parfait.
Le moment est bien choisi.
Le reste, c'est de l'Histoire.




dimanche 17 juillet 2016

Du temps de cerveau pour... une nouvelle plaque

Artigol était sorti au petit matin. La nuit avait été agitée. Les lyncheurs avaient rôdé toute la nuit mais sa cachette était bonne. Une grotte bien invisible juste à la limite du Lieu, gardée secrète dans sa famille depuis la nuit des temps. Une grotte et leur atelier. Artigol était graveur, de père en fils. Son fils serait graveur aussi, se disait-il régulièrement, histoire de ne pas rompre la lignée. Si seulement...

Si seulement il n'y avait pas deux problèmes. Un ancien, puisqu'Artigol n'avait pas trouvé de femme et qu'il n'y en avait plus de libre par ici, il n'avait donc pas de fils ; un nouveau, puisque ce matin il avait trouvé tous les gardiens du Lieu morts. Les lyncheurs n'avaient pas fait de quartier. Quelque chose avait dû changer car jamais auparavant ils n'avaient osé attaquer directement le Lieu. Ils étaient partis maintenant. Mais le Lieu était sans gardien. Personne ne commanderait plus de gravure à Artigol. 

La maison des gardiens avait brûlé et avec elle toutes les provisions. Artigol ne pourrait pas vivre longtemps ici, seul. Le Lieu était au centre d'un immense désert. Il allait devoir partir. 

Partir ? Trahir en fait ! Artigol n'était pas prêt à trahir. Le Lieu était plus important que le reste. Il fallait rester coûte que coûte. Jusqu'à l'arrivée de nouveaux gardiens. Il y avait toujours de nouveaux gardiens. Il y en avait toujours eu. Il y en aurait, se dit-il avec confiance, car le Lieu était trop important pour être oublié. En attendant, il se serrerait la ceinture. Et pour s'occuper, au lieu de graver, il nettoyerait le Lieu dans la mesure du possible. 

Artigol repartit dans sa grotte chercher ses outils. Il prit aussi la plaque que le grand gardien lui avait commandée pour le mois prochain. Ils devaient inaugurer à ce moment-là une nouvelle terrasse qui dominait le Caillou, au centre du Lieu. Une terrasse en pierre qui épousait la forme de la colline et qui remplaçait des ruines sans valeur éparpillées autour du cœur. La plaque devait célébrer ce moment clé dans la vie du Lieu, comme par le passé les plaques gravées par ses ancêtres avaient marqué les étapes fondamentales du Lieu, disait-on. 

La terrasse était déjà terminée. Artigol se dit que la plaque pouvait être posée. Il n'y aurait pas de cérémonie officielle de toutes façons et c'était une sorte d'hommage au grand gardien. De plus, les graveurs n'avaient pas le droit d'approcher du Caillou car c'était le rôle des gardiens que de fixer la plaque au Caillou. Mais il n'y avait plus de gardien. 

Artigol s'avança vers le cœur du Lieu. Il fallait descendre lentement. De terrasse en terrasse. On discernait encore des ruines à quelques endroits. Certainement des emplacements possibles pour y construire des terrasses ou tout ce que décideraient les gardiens. Mais il n'y avait plus de gardien. Il descendait avec prudence et respect. Lentement. 

Lorsqu'il arriva devant le Caillou, le soleil était presque au zénith. Il avait chaud et il but directement l'eau qui jaillissait de la source au pied du Caillou. Une source formellement interdite d'habitude, sauf aux gardiens. Artigol se dit qu'il était une sorte de gardien maintenant, en tous cas le seul à des lieues à la ronde. Il était même plus que le grand gardien. Car Artigol savait lire et écrire - une nécessité pour un graveur de plaque - alors qu'aucun gardien ne pouvait le faire, au-delà des chiffres. De toute éternité. 

Artigol n'avait jamais vu la plaque actuelle. Il savait juste qu'elle avait été gravée par son grand-père au début de sa carrière. Son père ne lui avait jamais dit ce qu'il y avait dessus. Il s'était contenté de lui apprendre à lire, écrire et graver les formules consacrées. 

Lorsqu'Artigol arriva devant la plaque, il fut surpris. 

Le texte de la plaque était identique à ce que le grand gardien lui avait demandé, à la date près. Il avait aussi été question d'une nouvelle terrasse 52 ans auparavant. La seule autre différence était la signature : un rond barré en diagonale - la marque de leur famille - et un nombre à côté. 163. Artigol avait gravé 164 sur sa plaque, parce que le grand gardien, paix à son âme, lui avait indiqué ce nombre. Artigol n'avait pas demandé pourquoi. On ne posait pas de question au grand gardien.

La plaque était identique à la sienne, faite dans une ardoise veinée de métal, qu'on trouvait au fond de la grotte des graveurs. Elle était très fine, comme la sienne, et très délicate à graver. Mais Artigol fut intrigué par l'encadrement de la plaque. Il était trop épais pour être esthétique, plaqué qu'il était sur le Caillou. 

Artigol était intelligent. Il était aussi le premier à savoir lire et à venir ici. Il ne mit pas longtemps à comprendre que sa plaque était la 164ème d'une longue série et que toutes les plaques étaient empilées les unes sur les autres avant d'être insérées dans l'encadrement. 

Il eut soudain envie de comprendre. De lire. De feuilleter les plaques posées par sa famille depuis l'origine. Comme un voyage à rebours dans le passé glorieux du Caillou. Gamin, il avait entendu des contes sur l'histoire des hommes, ici, mais ce n'était que des légendes. Peut-être allait-il être le premier à connaître la vérité, l'Histoire. Pourquoi le Lieu était si important. Pourquoi le Caillou qu'il protégeait était aussi vénéré. 

Artigol sut que cela lui prendrait du temps. Il installa sa petite tente non loin du Caillou à l'ombre d'un pan de mur très ancien, et il se mit à ôter l'encadrement. Les plaques étaient serties les unes sur les autres. Il mit trois jours entiers à les séparer. Elles étaient toutes identiques, issues de la même veine. Les plus anciennes étaient délà gravées avec les mêmes outils que les siens. Artigol étala toutes les plaques en spirale autour du caillou en commençant par la sienne. 

Quand il arriva à la plaque numéro 1, il la laissa sur le Caillou. Celle-ci était ancrée solidement dans le Caillou. Il n'aurait pas osé l'abîmer. Il était trop impatient de lire l'Histoire. 

La plaque numéro 1 ne comportait qu'un texte court et aucune date : "Ci-gît l'Artiste, graveur et criminel. Que son nom soit maudit et que cette pierre marque son déshonneur jusqu'à la fin des temps, ici, sur le lieu de son crime."

Artigol écarquilla les yeux. Il n'y avait pas d'erreur. Le texte était écrit avec quelques fautes et la langue avait évolué mais les mots étaient sans ambiguïté. 

Artigol se dirigea vers la plaque numéro 2, au bout de la spirale. Elle était signée du rond barré et du chiffre 2. Le texte était également très court : "Ici repose l'Artiste, graveur et martyr, injustement accusé d'un crime qui n'en était pas un. Que son nom soit célébré et que cette pierre marque son honneur jusqu'à la fin des temps, ici, sur les lieux de son exécution, cinquante ans après."

Les plaques suivantes étaient presque identiques. C'est à la plaque numéro 5 qu'Artigol vit apparaître la première vraie date, en l'an 200. Cette plaque célébrait le prophète l'Artiste et annonçait la construction du mur qui protégeait le caillou. 

Les 25 plaques suivantes racontaient la construction petit-à-petit du Lieu : des murs puis un temple, puis un temple au-dessus, avec toujours le Caillou au centre. Elles étaient posées tous les cinquante ans à peu près. Chaque plaque comportait le nom d'un grand gardien. 

Lorsque le dôme de cristal fut posé, à la plaque 33, en l'an 1623, Artigol vit pour la première fois la mention du nom du prophète, l'Arti. A la plaque 102 on célébra les mille lustres de l'A. Le Lieu semblait alors avoir tellement grandi qu'il occupait toute la vallée. Cette plaque était plaquée en or. C'était la seule et elle était noircie au milieu. La plaque 103 datait de 252 ans après. Artigol vérifia plusieurs fois mais aucune erreur n'était possible. Le texte était court : "Aujourd'hui, an de l'A 5252 nous célébrons la gloire de ce Lieu de mémoire enfin libéré des miasmes de la guerre. Lieu interdit."

La plaque 135 mentionnait pour la première fois une terrasse, censée remplacer les gravats du temple devenu ruine. Chaque plaque parlait ensuite d'une terrasse. Aucune ne mentionnait l'A autrement que comme une origine oubliée du calendrier. 

En arrivant à sa plaque, Artigol se retrouva devant le Caillou. Il fit un tour sur lui-même. D'ici, les terrasses dessinaient comme une spirale complexe avec des ruptures symétriques. Il essaya d'imaginer le temple qui s'était tenu là plus de six mille ans auparavant. Mais il n'y arriva pas. C'était trop grand. Il se tourna vers le Caillou, regarda la plaque numéro 1. Soudain, il prit une décision et commença à la désceller. Cela lui prit du temps car elle avait été fixée vraiment bien au rocher. Il fallait que le Caillou soit restauré. 

Lorsque la plaque fût enlevée, il discerna des formes gravées directement sur le Caillou. Il les lut. Puis il les regarda longtemps. Il porta la plaque numéro 1 au bout de la spirale, puis il remonta la colline. Il entra dans sa grotte et commença à en sceller l'entrée. Puis il plongea son couteau dans son ventre. 

Au loin, l'air chaud faisait vibrer les plaques sur le sol, en spirale autour du Caillou. Puis les derniers rayons du soleil illuminèrent le Caillou et firent ressortir ce qui était gravé : un cœur avec un A au milieu. Et un petit rond barré en bas. Un zéro. Rien de plus, rien de moins. Un symbole éternel d'amour. Enfin libre. 



samedi 16 juillet 2016

iTurquie, un patrimoine mondial de droits

La tentative de coup d'Etat en Turquie qui a eu lieu la nuit dernière à échoué. D'Ankara la capitale politique à Istanbul la capitale éternelle, les militaires qui sont sortis de leurs casernes n'ont pas été assez nombreux. L'armée fidèle et la foule des Erdoganistes ont réussi à les contraindre à renoncer. Des centaines de morts chez ces putshistes et des milliers à venir certainement dans une répression classique et prévisible, mais confidentielle. Plus de 2000 juges arrêtés aussi. Des juges ? 

La Turquie restera donc avec le même pouvoir en place et des droits de l'Homme identiquement ignorés. Une situation complexe pour ce pays au carrefour de plusieurs intérêts majeurs, entre américains et russes, OTAN et Est, christianisme et Islam, Europe et Asie, démocratie et charia, Méditerranée et Mer Noire. Erdogan en a profité pour demander la tête l'extradition de Gülen (des USA), son principal opposant à distance. C'est de bonne guerre. 

Mais il faut revenir sur quelques détails. 

Erdogan a su réagir dans l'urgence. Alors que les réseaux sociaux sont très surveillés en Turquie, où l'information est cadenassée, il est intervenu très vite à la télé pour appeler le peuple et les forces loyalistes à intervenir. Pour cela il a simplement appelé une télé privée très écoutée avec son iPhone en FaceTime (une sorte de Skype propre à Apple) et cette télé a montré le téléphone en direct. Une première. Article ici. Un mélange de technologies qui en dit long sur notre époque. Même pas eu le temps de faire mieux. 



La même chaîne a été très vite prise par les putschistes et arrêtée aussi. On a pu suivre cette prise en direct sur la page Facebook de la chaîne qui streamait en direct. 

Évidemment ce ne sont que des détails dans un épisode douloureux de la démocratie en Turquie. Mais ils sont révélateurs du poids des technologies et des réseaux sociaux aujourd'hui, et encore plus demain. 

Alors qu'hier... En ce moment à Istanbul se tient la 40ème session du comité du patrimoine mondial de l'UNESCO. Plein d'experts et de fonctionnaires des ministères de la culture du monde entier, souvent venus pour défendre leurs dossiers. La France en présente deux : les créations de Le Corbusier et la chaîne des volcans de Giscard d'Auvergne. Les deux devaient être défendues ce week-end, mais suite aux événements, la réunion internationale est "suspendue" et les délégués confinés, même si la situation se normalise rapidement. Le patrimoine a le temps, lui. Pas comme les putschistes. 

vendredi 15 juillet 2016

Nice...

Attentat à Nice hier soir juste après le feu d'artifice. Je regrette le titre de mon billet d'hier, car final est polysémique. Un fou dans un camion. Un bilan lourd. Une attaque violente et imparable. Un camion fou ça ne s'arrête pas.

François prolonge l'Etat d'urgence de trois mois et appelle pour la première fois la réserve pour épauler les gendarmes. 

Attaque violente contre plusieurs symboles d'un coup. Pensées pour les victimes directes et indirectes. Aucune pensée pour le(s) connard(s) coupable(s). Que son nom reste inconnu, un connard de plus. 



PS : il paraît que la télé a encore déconné cette nuit. Qui a encore envie de la regarder ? 

jeudi 14 juillet 2016

Feu d'artifice final

Dernier 14 juillet de ce blog et accessoirement du quinquennat de François. Une sorte de bouquet final pour un feu d'artifice très bleu blanc rouge. 

Pour le défilé on a eu droit aux antipodes australiennes et néo-zélandaises comme si Francois voulait se réfugier dans un atoll perdu du Pacifique et demander asile tant que les îles ne sont pas submergées. A part la Nouvelle-Calédonie on ne voit pas pourquoi nos troupes se croiseraient ailleurs que sur les Champs. A moins que la situation ne se dégrade en Mer de Chine suite au jugement international qui a dénié à la Chine tout droit historique sur cette mer et sur les îles-rochers qui font des envieux dans tous les autres pays qui bordent cette mer. Une zone où tous les intérêts commerciaux se mélangent, un peu comme la Baie des Cochons à Cuba à l'époque de Mad Men. La Caraïbe chinoise ? 

Pour le temps on a eu droit au soleil, pas besoin d'essuyer les lunettes de François pour une fois. Au moins c'est à inscrire au crédit de ce quinquennat, des Champs-Elysées revenus sous le ciel bleu ! Pas de garden party pourtant. Vivement le retour du bling-bling à la Sarkozy. 

Pour l'entretien habituel on a eu encore droit au "ça va mieux". Ça pourrait aller encore mieux évidemment mais selon François c'est déjà pas mal et c'est à cause des anglais si ça ne va pas mieux ;) François a dit qu'il ne voulait pas d'une France rabougrie. Rabougrie ? Étrange mot ancien qui va faire pschitt. Il n'a rien dit sur l'avenir sauf qu'il allait laisser les toilettes la France  dans un meilleur état qu'au début de ce blog et incidemment de son mandat. 

Pour le coup de patte, Macron en a pris un beau dans la gueule. Macron doit maintenant en effet « respecter les règles du gouvernement : la solidarité, l’esprit d’équipe, défendre le bilan, être à plein temps dans sa tâche. Respecter ces règles, c’est rester au gouvernement, ne pas les respecter, c’est ne pas y rester. Chacun est informé maintenant ». Oulalah ! Même pas peur. Comme si Macron n'était pas informé auparavant ? En tous cas il a été coiffé pour l'hiver, pas comme François qui l'est tous les jours. Et teint aussi. Éteint ? Faut voir. 

Pour le feu d'artifice, on verra. Je suis à Caen et c'est sur l'hippodrome que ça se passe. Pas de Tour Eiffel mais les 950 ans de la bataille de Hastings. Encore les anglais décidément. Les anglois contre les françois. 

Pour le reste, l'essentiel, l'équipe de France de foot a nettement amélioré son classement FIFA : de 17ème elle a sauté à la 7ème place. Bravo François Les Bleus. 

PS : je regrette ce titre (voir mon billet du lendemain)

mercredi 13 juillet 2016

Twitter a dix ans. Et vous ?

Dix ans déjà, ou dix ans seulement, c'est selon. 

Twitter a changé l'Internet, comme d'autres applications certes, mais plus que d'autres dans certains secteurs comme le journalisme et la presse, la politique, les mouvements sociaux, la science. Qu'on l'utilise ou pas on en voit les effets partout. 

Les chercheurs utilisent de plus en plus Twitter pour leurs travaux : veille, pré-discussions, promotion de leurs travaux, et même travail d'enquête. Lire ici pour comprendre certains usages scientifiques de ce réseau qui pourtant n'est pas dédié à la science. 

Les journalistes sont très nombreux sur Twitter, soit en tant que twittos professionnels et officiels, soit à titre plus personnel pour donner des infos ou des réactions qui n'engagent pas leurs rédactions. On lit souvent des phrases de ce type dans les profils "les tweets n'engagent que moi" ou "les tweets n'engagent que vous"... C'est une mine aussi pour eux en cas d'événement. 

Les mouvements sociaux et populaires usent largement de Twitter ou d'autres réseaux plus confidentiels, lorsque Twitter est censuré par exemple. Il faut quand même savoir y discerner la vérité des trolls.

Les politiques ont envahi Twitter. Ils sont partout (via les nègres qui écrivent les tweets à leur place, on les appelle des community managers ou CM). Cela permet un abus de petites phrases dont les politiciens sont friands. Ils espèrent tous être repris (RT pour retweetés) et que leurs #hashtags (mots-dièse) soient quelques instants en haut de liste des tendances

Plusieurs médias parlent de cet anniversaire en listant des tweets historiques (selon eux). Exemple ici avec TF1. Ils citent le tweet de Valérie contre Ségolène. Aujourd'hui autre tweet de Valérie pour dire que ce n'est pas elle qui a recruté le coiffeur de l'Elysée à dix mille euros par mois. Suivi 30 minutes après d'un autre pour dire que François non plus n'était pas au courant et qu'il était en colère. Entre-temps (une demi-heure) elle a dû recevoir des messages pour lui demander de dédouaner aussi le Président. Un bon exemple du rôle de Twitter. 

Même si vous n'êtes pas expert, vous aurez compris que sur Twitter (site internet ou applications mobiles ou ces petits boutons carrés qu'on voit partout) les tweets sont envoyés par des twittos (moi par exemple). Les twittos adorent suivre d'autres twittos en les ajoutants à leur liste d'abonnements et ils sont excités chaque fois qu'ils ont un nouvel abonné. Certains en ont des millions, certains en achètent à la pelle (des faux comptes la plupart du temps) et d'autres restent entre eux dans des communautés réduites, pas secrètes puisque tout est public ou presque, mais tellement noyées dans la masse qu'elles sont presque impossible à trouver. 

Les tweets étaient au départ limités à 140 caractères. Cette limite s'est assouplie puisqu'on peut y mettre des liens (typiquement vers une page web) des photos des vidéos des animations... La communauté Twitter s'est récemment élevée contre l'idée de passer à dix mille caractères ce qui aurait tué l'idée même du réseau en échange d'avantages commerciaux. Car Twitter a du mal à gagner de l'argent et ce n'est pas un "service public". Bataille à suivre. 

Pourquoi 140 caractères ? Parce que la taille des SMS (ou textos) était de 160 caractères depuis bien longtemps et que 160 = 140 + 20. Vingt caractères pour le pseudo au maximum (le mien est @2012a2017) et donc 140 pour le texte. Cela permettait de tweeter à partir d'un SMS si vous voyez ce que je veux dire dans l'archéologie de l'Internet, alors même que le Web a 25 ans au plus. 

Mais pourquoi 160 caractères pour un SMS (en tous cas au début quand Nokia les a inventés ? Solution ici  Comme quoi la vie ne tient qu'à un fil et Twitter qu'à un allemand. 

Twitter a dix ans aujourd'hui. Essayez d'imaginer ce qui existera dans 10 ans sur l'Internet. Pas facile. En tous cas dans dix ans il y aura toujours des bals de pompiers et des moyens pour se montrer aux autres en ligne, Twitter ou pas...