jeudi 27 octobre 2016

Quel François ?

La gauche fête le centenaire de Mitterrand qui aurait donc eu 100 ans hier s'il avait survécu à l'Union de la Gauche. La droite aussi, pour rappeler qu'il ne faisait pas consensus.

François, notre président actuel, aussi bien sûr fête cet anniversaire, discours souriant et auto-satisfait ici. L'occasion est trop belle de faire des parallèles à quelques mois d'une primaire puis d'une élection présidentielle. La presse regorge de comparaisons (bonnes ou mauvaises) et d'analyse des mots à demi-mot du discours hommage de François l'actuel.


Le temps d'abord. 1981, c'est un temps que les moins de vingt ans n'ont pas connu. Pas la bohème. 35 ans depuis son élection, disons donc qu'en dessous de 35 ans aujourd'hui on ne sait plus vraiment qui était ce président unificateur des gauches. La plupart des gens aujourd'hui le voient d'ailleurs comme un personnage historique plutôt que comme un homme politique, genre De Gaulle. Je n'ai pas dit Giscard car il est encore vivant parait-il, tant mieux pour lui et sa famille fleurie, même s'il a été président juste avant Mitterrand.

La durée ensuite. 14 ans c'est beaucoup, puisqu'on raisonnait en multiples de 7 à l'époque et que Mitterrand a été le président le plus longtemps au pouvoir dans cette République quinte. On a parlé de génération Mitterrand. Un score inatteignable aujourd'hui puisque dix ans est le maximum, si jamais un président arrive à se faire réélire.

La génération justement. Lorsque la gauche est arrivée au pouvoir, toute une génération de "brillants" politiciens de gauche a enfin pu respirer, car ils allaient pouvoir à leur tour exercer des fonctions politiques. Depuis, c'est un enchaînement de va-et-vient entre les cohabitations avec l'opposition ou les emmerdements entre branches d'une même "majorité". Les combattants de l'époque étaient souvent des jeunots. Beaucoup sont encore au pouvoir, même si cela s'éteint progressivement dans notre modèle pourtant très gérontocratique en France. A l'époque, les jeunes énarques étaient pleins d'illusions. Et le classement initial n'est pas forcément le même que celui d'aujourd'hui (et je ne parle pas du classement de sortie de l'ENA). Ségolène était mieux placée que François à l'époque, par exemple.

L'amour ensuite. Mitterrand a été fortement détesté par de nombreux concurrents ou amis. Le pouvoir entraîne automatiquement ce genre de sentiments. Certains y résistent mieux que d'autres et entre les deux François il n'y a pas photo, quels que soient les gesticulations d'aujourd'hui. L'amour et l'autorité peuvent aller ensemble. Il y a plusieurs formes d'autorité et les deux François en ont certainement eu leur dose. L'amour des femmes, l'amour du peuple, avec des durées variables et une inconstance constante à moins que cela ne soit une constance inconstante. L'autorité ferme ou molle, la manière de mobiliser des fidèles ou de les faire fuir à tour de rôle. Leur désamour commun des journalistes, mais avec des façons différentes de leur parler, autre temps autres moeurs, l'Internet n'ayant commencé à vraiment exister qu'à la fin du règne de Mitterrand.

Alors quand notre François d'aujourd'hui essaye de nous entraîner grâce au François d'hier, on ne peut que le regarder piteusement, avec une tendresse désabusée. Il n'a pour le sauver que la médiocrité des autres vieux, puisque les jeunes sont interdits de pouvoir par le système. Pas de quoi se réjouir, face à cette classe politique vieillotte et radoteuse, d'une extrême à l'autre en passant par le ventre mou des partis de gouvernement. La notion même de centenaire nous fait plonger dans l'Histoire et ses critiques, de l'exégèse à l'enterrement.

Arrêtons-nous vite là. Pourquoi autant parler du passé ?

C'est un peu comme quand on marche et qu'on a un engourdissement d'une main dans le froid, la main gauche évidemment. On continue à avancer mais on pense à cette partie de soi-même qui est en retard, comme arrêtée dans le temps. Et à force on ne pense plus qu'à cette main gauche comme si c'était la plus importante dans le monde. Au risque même de nous empêcher d'avancer. Et de regarder devant. C'est ça les commémorations. Le danger de figer quelque chose qui n'avance plus. Au risque de s'immobiliser soi-même ou de vouloir s'aveugler avec des illusions du même type que celles qui ont bercé le début de notre carrière politique.

N'est-ce pas, François ?




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