samedi 1 octobre 2016

Sale temps pour les États, de l'ICANN à la COP21

Le monde est divisé en États, divisés entre eux bien trop souvent, sans parler des États divisés en leur sein. 

Il y a plusieurs moyens pour combattre cette division du monde, c'est ce qu'on appelle les initiatives multilatérales, par opposition aux négociations bilatérales pilotées en général par un État puissant face à des États plus faibles. Parmi les exemples de multilatéral il y a l'ONU et ses agences ou l'Union Européenne. 

Deux événements marquent cette tendance, par hasard en même temps. 

L'Union européenne a pris une décision historique hier à propos de la COP21. Les ministres de l'environnement ont en effet réussi le tour de passe passe d'autoriser la ratification de l'accord de Paris par le seul Parlement européen, sans être obligés d'avoir des ratifications dans chaque État. Quelques États ont déjà ratifié, bien sûr, comme la France, mais là il s'agit des 28 simultanément. Le vote au Parlement européen aura lieu le 4 octobre et il est acquis d'avance. Ça tombe bien car la date limite était le 7 octobre pour avoir le droit de participer aux négociations lors de la COP22 le 7 novembre. En plus donc, dès ce mardi, l'accord sera donc considéré comme officiel et en vigueur puisque les nombres minimum auront été dépassés. 

Évidemment, il reste à appliquer cet accord, mais du point de vue multilatéral, la révolution est ailleurs : un accord international est ratifié directement par l'UE sans passer par les États séparés. C'est une première, qui inquiète certains (petits) États. Quid d'autres accords internationaux ? On pourrait penser que c'est une péripétie. Non. C'est une décision majeure. Et lorsque les britanniques se seront retirés, ce précédent risque d'être encore plus utilisé. A moins d'un accordus interromptus toujours possible. 

Dans un autre registre (Haha ceci est un jeu de mots pour initiés) l'Internet a connu cette nuit une révolution majeure, attendue depuis des années. Les USA ont abandonné le contrôle total du DNS qui était assuré depuis le début de l'Internet par une organisation US, appelée IANA, en le confiant à l'ICANN une organisation multilatérale originale qui existe depuis une petite vingtaine d'années. Cela ne change rien pour l'utilisateur final, vous pourrez toujours acheter le domaine jefaisnimportequoi.xyz. Le DNS c'est un peu l'annuaire des noms de domaine et des milliards de machines sur l'Internet, un de ces trucs indispensables mais réservé aux spécialistes. 

En fait les USA faisaient face à une coalition de plus en plus forte contre ce contrôle US, principalement d'Etats ou de regroupements multilatéraux comme l'UE. Une autre possibilité aurait été de confier le contrôle du DNS à une agence de l'ONU (l'union internationale des télécommunications, qui essaye depuis des lustres de prendre le contrôle de l'Internet) mais ce multilatéral là fait peur : il y a dans le tas des États aussi démocratiques que la Russie ou la Chine par exemple, pas vraiment des amis intimes des américains. 

L'ICANN a un modèle original de gouvernance, multi parties prenantes (multi stakeholders), associant les États mais aussi les grandes compagnies, les universitaires, les spécialistes et des organisations internationales variées. Grâce à cette décision, l'Internet s'internationalise un peu plus même si le poids américain y reste prépondérant : il y a les GAFA par exemple et le fait que l'ICANN reste pour le moment en Californie. Les Républicains se sont opposés à cette décision, bien sûr, mais Obama tenait à ce qu'elle soit prise avant les élections US. Une dernière tentative a échoué hier pour obliger cette décision à passer devant le Congrès (majoritairement républicain). Elle venait entre autres du Texas. 

Alors, sale temps pour les États ? Peut-être pas totalement, mais c'est un signe important amha. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire