mercredi 15 novembre 2017

Du temps de cerveau pour... une nouvelle sur les 40 ans du RER

Cette nouvelle est aussi publiée ici et vous pouvez voter pour elle ;) si le coeur et votre veste vous en dit assez. 
"Création réalisée dans le cadre du Prix Les 40 ans du RER"... C'est assez lisible ?




Au moment de partir au travail, à la course comme d'habitude, Jean décide de changer de veste. Il est déjà en retard et risque de rater le 7h14, mais c'est plus fort que lui. C'est vendredi aujourd'hui, non ? Pourquoi ne pas mettre une veste de couleur à la place de son éternel costume terne ? 

Ces derniers jours, il lui semble bien avoir vu quelques hommes porter des vestes colorées, comme des îles de bonheur dans un océan de grisaille. Pourquoi pas lui ? Il a justement une veste rouge, plutôt fuchsia, depuis sa rencontre avec...

Il s'ébroue. Ce n'est pas le moment de penser à elle. Elle ne reviendra pas. Elle le lui a dit très clairement.

Jean est maintenant dehors. Il marche vite pour essayer de rattraper un peu son retard. Il a fallu vider toutes ses poches, y faire le tri comme quand il était gamin, et les transvaser dans la nouvelle veste. Il a quand même gardé plusieurs trésors essentiels qu’il ne peut pas ne pas trimballer. La dernière lettre de Julie et ce petit caillou... Essentiels, vous dis-je.

En arrivant sur le quai du RER, il voit avec soulagement que son train a trois minutes de retard. Il ne le ratera pas. "Pour une fois que j'apprécie un retard", pense-t-il avec un grand sourire. Il se sent bien dans sa veste ce matin. Il a surpris quelques regards de femmes et d'hommes. Il a même vu un homme avec une jolie veste bleu électrique. Ils se sont souri. Complices.

Jean est debout dans le train, accroché à la barre. Il a le regard dans le vague. Lorsqu'il arrive à sa station favorite, celle où Julie est montée ce jour-là, il a un petit pincement au cœur. Comme à chaque fois. Aujourd'hui, le musicien est encore là. Cela fait presqu'une semaine qu'il le voit et qu’il entend cet air lancinant, joué avec une sorte de flûte, un instrument exotique dont il ne connait pas le nom. La musique entre dans le wagon par les portes ouvertes comme une bouffée d'air frais et reposant. Autour de lui, les visages se détendent.

Puis les portes se referment. Julie n'est pas montée. Il le savait, mais il n'a pas pu s'empêcher de l'imaginer, de l’espérer. Quelques notes de musique, elles, sont restées. Elle flottent longtemps, au-dessus des bruits habituels du wagon. Au prochain arrêt, la musique a (déjà ? enfin ?) disparu. Jean pense qu'il doit s'acheter aujourd'hui même une autre veste de couleur. N'en avoir qu'une n'est pas une solution.

C'est ce qu'il fait d'ailleurs, à l'heure du déjeuner. La jolie vendeuse lui fait remarquer que le rose lui irait bien. Il se décide. Elle sourit et lui confesse qu'il y a un regain d'activité sur les vestes de couleur depuis peu. Ils sont en rupture de stock sur le turquoise. Mais ils en auront la semaine prochaine. Jean en réserve une. Il ne sait pas pourquoi, mais il en a envie.

La journée de Jean se déroule comme dans un palais de délices mais il a hâte de rentrer. Et de repasser par cet arrêt. Le musicien est d’ailleurs toujours là et sa musique toujours aussi fascinante.
C'est le samedi soir, le lendemain, en rentrant de ses courses en ville qu'il voit Julie sur le quai. Elle donne une pièce au musicien. Elle est habillée en bleu étincelant. Exactement la même nuance que la veste qu'il vient d'acheter. Il a passé l’après-midi dans les boutiques de vêtements mais n'a réussi à trouver que deux vestes de couleur qui lui plaisaient. Rupture de stock partout.


Jean sort du RER et s'approche du musicien et de Julie. Elle lève les yeux et lui sourit. La musique est comme un cocon autour d’eux. Leurs yeux se rencontrent. Ça faisait si longtemps. Le musicien lève les yeux et sa flûte vers eux. Jean baigne dans la couleur et le bonheur. Mais n'est-ce pas la même chose ?

...

Le lundi suivant, Jean et Julie vont ensemble vers Paris, la main dans la main. Le musicien est parti, certainement vers une autre ligne. 


Mais cela n'a pas d'importance car presque tous les habitués de la ligne ont maintenant une veste de couleur.

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