vendredi 10 avril 2020

L'espace-temps de la crise : séparer le conjoncturel du structurel

En ces temps de crise, j’en profite pour vous livrer quelques réflexions générales qui pourraient servir à alimenter un débat pour aider à séparer le conjoncturel du structurel. Si cela vous intéresse, appropriez-vous ces réflexions et tirez-en parti ;)

On entend en effet tout et son contraire sur la durée de la crise et les différences géographiques.

Il est évidemment plus vital de s'occuper de ces aspects lorsqu'on se situe dans un environnement international, directement impacté par la crise. Mais beaucoup de secteurs sont internationalisés, même sans le savoir, comme M. Jourdain et sa prose, avec les achats, les ventes ou les transports par exemple. Et en France, les échanges entre régions et villes concernent beaucoup d'organisations.

Un peu d'anticipation ne fera donc pas de mal, et en plus vous aurez de quoi lire pendant que vous êtes confinés. Et même pourquoi pas, soyons fous, vous pourrez commenter ou relayer.

L’importance des rythmes temporels

Les relations internationales font que l'impact de la crise durera plus longtemps pour certaines organisations, compte tenu notamment des échanges internationaux : car entre les pays qui sortent petit à petit de la crise, ceux qui la vivent pleinement et ceux qui commencent à y entrer, il y a beaucoup d’écarts temporels. Ensuite, sans même parler des risques de reprise de la crise sanitaire, il y a la question des futures crises à venir.

Il semble donc nécessaire pour ces organisations d’articuler précisément leurs calendriers afin d’en avoir une vue claire, permettant d’organiser des actions aux bons moments, aux plans très local, national, régional, interrégional et mondial. Cela pourrait être une des tâches des nombreuses cellules de crise mises en place un peu partout.

Les durées pour la crise sont diversement appréciées par les parties prenantes qui émettent plusieurs hypothèses : sorties rapides / simple parenthèse / crise structurelle... Ces divergences de prévision ne doivent pas empêcher chaque organisation d’anticiper plusieurs suites possibles, pour elle-même et pour son environnement socio-culturo-économique plus largement.

Il serait utile de préparer plusieurs scénarios afin que ces organisations soient prêtes à agir/réagir dans différentes circonstances. Ces scénarios ne devraient pas être élaborés seulement en interne mais avec certains partenaires stratégiques, eux même concernés. Pas besoin de consultants pour cela.

Même si cette crise n’est qu’une parenthèse dans certaines situations notamment locales, il serait bon d’en profiter pour imaginer comment exploiter les opportunités ainsi créées, principalement autour du numérique. C’est a fortiori encore plus le cas pour une crise structurelle.

Les réponses à apporter dépendent en grande partie des temporalités, et je propose dans la suite de ce billet de les aborder sous cet angle. Il faut noter que ces temporalités et les vitesses de changement associées sont très différentes d’une région du monde à l’autre. C’est en croisant les deux dimensions (espace-temps) que les réponses seront les plus pertinentes, localement et globalement :

o les questions urgentes et conjoncturelles liées à la crise en cours ;
o les questions liées à la reprise des activités ;
o les questions à plus long terme et donc liées à la stratégie des organisations.


Les questions urgentes et conjoncturelles liées à la crise en cours

Elles dépendent de chaque organisation, selon qu'elle pratique le télétravail partiel ou global, le chômage partiel ou global. C'est le travail standard d'une cellule de crise qui doit articuler fonctionnement de l'organisation, servies assurés pour les clients, et mobilisation sociale des personnels, sans parler du rôle sociétal autour de l'innovation solidaire. Chaque organisation est responsable des réponses apportées, seule ou en lien avec le reste de sa "branche" comme on dit en France, et dans le respect des réglementations nationales ou européennes par exemple.

À titre d’exemple, je proposerai dans un prochain billet de réfléchir à la notion de « réunion » et de proposer des conseils virtuels opérationnels selon le type de réunion ou de rassemblement. Le concept de réunion couvre en effet beaucoup de situations où les relations interpersonnelles sont cruciales et où les modalités de la réunion peuvent largement influencer sa qualité. Souvent les offreurs de solutions vantent la capacité de leur outil ou de leur offre à servir à plein de choses différentes, sans que la dimension pratique soit bordée. Or les réunions sont tellement différentes par nature qu'il est difficile de toutes les traiter sur le même plan. Parmi les exemples de réunion : une réunion régulière d'équipe, un groupe de travail, une équipe projet, un petit groupe de réflexion, une conférence avec du public, un jury d'examen, un cours, une visite de chantier, une réunion décisionnelle avec vote, une assemblée générale, et que sais-je encore.



Les questions liées à la reprise des activités et à l'année à venir

La reprise des activités suivra des rythmes différents selon les pays et les organisations, sans que cela ne soit la faute de personne, d'elles ou des autres (ou du gouvernement puisqu'en France c'est le bouc-émissaire usuel). Inutile de culpabiliser. Observer le bon moment est donc crucial, localement, nationalement et au plan international.

J'espère que ces organisations pourront trouver des indications factuelles et précises (pas des rumeurs ou des fake news) sur les  différents calendriers de reprises, en tous cas ceux qui les concernent. Normalement, le travail des corps intermédiaires est de fournir des éléments précis pour cette reprise, qui permettent de s'organiser (en plus des râperies habituelles et souvent légitimes). Si ce n'est pas encore le cas, il est toujours utile de "botter les fesses" de ces corps intermédiaires pour leur demander, gentiment mais fermement. Et si c'est trop tard pour cette crise, c'est une tâche à prévoir pour un suivi permanent, car c'est utile à tout moment.

Il ne faut pas confondre déconfinement (progressif ou partiel) ou même télétravail avec reprise des activités. Les deux sont liés bien sûr, mais pas si étroitement qu'on le croit souvent. Attention à ne pas faire cet amalgame, qui est encore plus vrai lorsque les échanges sont importants entre une organisation et son environnement.

Le calendrier des événements est et va être bousculé, notamment au dernier trimestre 2020 avec des annulations d’une part et des embouteillages de rattrapage d’autre part.

C'est comme ça. Inutile de vouloir charger au maximum l'été et l'automne pour rattraper, au risque de créer plus de problèmes que de fausses solutions. L'étalement est la meilleure solution dans de nombreux cas. Ce qui suppose un peu de planification quand on peut. Normalement une organisation devrait pouvoir. En théorie. En pratique les pressions internes et externes sont nombreuses pour accélérer le rythme ou croire qu'il sera simple de revenir aux rythmes précédents : on appelle ça la résistance au changement... Évidemment, les politiciens tiennent souvent un autre discours, pour des raisons électorales en général (le meilleur exemple restant Donald Trump, mais pas mal d'autres leaders font pareil, de Poutine, à Xi en passant par Boris ou Trudeau). Quant à Macron, on verra lundi soir...

Les questions à plus long terme et donc liées à la stratégie des organisations

Il s’agit des effets structurels de cette crise : ils semblent nombreux déjà dans plusieurs secteurs. De nouvelles questions se posent donc et pourraient être posées dès maintenant : évaluer les changements structurels et à moyen-long terme évidemment, ce qui est au cœur de toute stratégie, mais parler également du conjoncturel pour estimer si une organisation a un rôle ou pas à jouer dans ce type de crise, et lequel. Il s’agit de deux aspects de la même question.

Il faudrait parler des transformations profondes du paysage et notamment du rôle joué par le virtuel et le numérique à l’avenir, avec un effet structurant dans plusieurs domaines, ce qui a deux conséquences : sur les partenaires et leurs pratiques elles-mêmes ; sur l’organisation concernée en particulier et son positionnement futur : forces et faiblesses à terme ?

Il serait utile également de parler de la crise en cours et des besoins liés à très court terme, ainsi que des réponses souhaitées de l’organisation concernée, pour montrer son empathie avec ses partenaires face à des crises. Quel rôle est souhaité pour l’organisation face à de telles crises ? Même si les réponses n’amènent pas directement à des propositions stratégiques, cela aura vraisemblablement des effets positifs sur l'image de l'organisation et pourra aider à préciser ses grands rôles. Personne ne comprendrait qu’on n’en parle pas, en fait ! 

Et le lien avec la crise climatique est évident. Il suffit de regarder les nombreuses publications et images sur l'effet de l'activité humaine (diminuée actuellement) sur la pollution, la météo et donc le climat.

En interne, ces problématiques concernent toutes les composantes des organisations et peuvent donc conduire à des réorganisations, pour plus d'agilité ou de résilience. Un travail avec d’autres organisations rencontrant les mêmes problématiques pourrait être envisagé, même si souvent la compétition l'emporte sur la coopération, alors que tout prouve que ce serait le contraire le plus efficace (coopétition ?).

La participation à des think tanks existants ou le lancement de telles réflexions avec des partenaires choisis pourrait devenir une action importante de beaucoup d'organisations. Attention cependant aux consultants de toutes sortes qui éclosent à Pâques ou à la Trinité comme des oeufs de toutes les couleurs et qui sont prêts à tout pour relancer leur propre activité ! (conseil d'ami et de simple blogueur).

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