dimanche 11 août 2013

Les aventure de Monsieur Gentilliti à Paris - 2

Monsieur Gentilliti est content. Il se regarde dans une vitrine en descendant le Boulevard Saint-Michel, car personne, même sur Biti, gloire à lui, n'a envie de remonter une avenue. Il rajuste la mèche qui est retombée sur son front après la grande bataille du Gap. Il s'est bien amusé et a beaucoup appris sur les moeurs françaises.

En entrant luisant dans la boutique, il a tout de suite vu converger vers lui trois vendeuses, comme des doramphyres dorées attirées par la fleur du claniculier au printemps, dans ce ballet nuptial qui assure la reproduction des deux espèces et accessoirement la célébrité du parfum tiré de leur jus. Adoptant instantanément la pose du texan riche, il a sorti sa carte d'or. La vendeuse la plus proche a immédiatement tendu la main pour attraper la carte, mais la deuxième vendeuse a décidé de lui enfoncer les doigts dans les yeux et c'est là que ça a commencé à aller mal, à peu près 3 secondes après son entrée. La troisième vendeuse a avancé vers lui pour toucher les muscles de son bras gauche mais s'est trouvée sur le chemin d'une main onglée et déjà pleine de mèches de cheveux, évidemment colorés artificiellement. Monsieur Gentilliti a fait un pas de côté pour éviter une chaussure à talon aiguille et s'est tranquillement dirigé vers le rayon des costumes que cette chaussure lui indiquait si obligeamment. Le bruit de la bataille des trois vendeuses était assez gênant mais Monsieur Gentilliti a quand même réussi à se faire comprendre par gestes du vieux vendeur myope qui n'avait pas bougé au fond. En deux temps et trois mouvements, Monsieur Gentilliti a choisi une belle tenue d'homme d'affaires chic, un peu bohême, avec une pochette assortie à la cravate, des lunettes de soleil et un chapeau élégant. En un temps et très peu de mouvements, le vendeur myope a inséré la carte dans la machine et réalisé la plus grosse vente de sa carrière. Monsieur Gentilliti est ensuite sorti, mais il n'a pu éviter le soutien-gorge à bretelles dures qui volait et qui le décoiffa légèrement en passant avant de heurter la serveuse du Tabac qui était finalement accourue et qui eut le temps de le reconnaitre avant de s'évanouir.

Toute cette grandiose bataille n'avait duré que quelques minutes, mais déjà une sirène de police approchait pour ce qui deviendrait l'émeute de la Place de la Sorbonne. Le journal télé du soir, qui n'aait rien à dire en plein coeur du mois d'août, consacrerait 7 minutes à ce sujet. La serveuse du Tabac et les trois vendeuses seraient interviewées mais leurs propos seraient incohérents. Parfait pour le journal télé que personne ne regardait d'ailleurs. La police serait interloquée, mais c'est une autre histoire.

Monsieur Gentilliti est donc maintenant en train de marcher sereinement en s'éloignant de la commotion qu'il a créée. Il va devoir faire plus attention dorénavant, se dit-il. Il espère que son costume actuel le rend plus invisible, car qui a envie de regarder un homme d'affaires dans une grande ville ? Monsieur Gentilliti se félicite de la vitesse avec laquelle il s'est sorti de la situation et se promet d'être beaucoup plus discret à l'avenir.

Il lui faut un lieu où se cacher. Il cherche donc un hôtel. Avec piscine, car il a gardé son maillot de bain dans un sac en plastic à quatre trous, deux sous les anses, un pour y mettre des objets et l'autre écrit dessus en anglais. Il ne trouve pas ça très pratique mais il savait que ce genre d'accessoire était utilisé sur la Terre. Il préfère évidemment les sacs Biti, gloire à lui avec aucun trou comme ça tout est bien protégé. Le degré d'avancement de cette planète n'et pas très élevé. Ca ne devrait pas le surprendre, mais c'est quand même un choc pour lui.

Il arrive devant une rivière et traverse le pont. Au loin, grâce à ses yeux triméliorés il voit l'enseigne qu'il cherchait. Hôtel ! Enfin ! Il entre et se dirige vers la réception où trône un groom âgé et peu souriant, mais avec une jolie casquette. Un court dialogue s'engage
- Hello, a room please, dit Monsieur Gentilliti au groom
- Patientez, lui répond le préposé en lui indiquant d'un mouvement de menton un banc à droite et en lui remettant un ticket avec le numéro 22.
Monsieur Gentilliti prend le ticket, un peu étonné mais pas trop car il voit d'autres personnes qui attendent déjà. Il s'assoit entre une jolie femme habillée en bas comme une toile d'araignée et en haut comme un petit coquelicot, et un homme un peu gras et qui se parle tout seul en regardant ses pieds. Il entend un ding en en sol dièse et voir le chiffre 648 s'afficher en rouge sur un écran placé au-dessus de la casquette du préposé et en-dessous d'une pancarte "Hôtel de Police". Monsieur Gentilliti commence à être vaguement inquiet. Il connait le mot Police et ne souhaite pas les rencontrer. Un espion doit être discret. Peut-être s'est-il trompé d'hôtel ? Pendant que Monsieur Gentilliti réfléchit, plusieurs dings retentissent et plusieurs individus se lèvent et franchissent une porte translucide. Monsieur Gentilliti est maintenant seul avec ses deux voisins et le préposé. C'est le bon moment pour partir. Il se lève mais juste à ce moment retentit le ding et le chiffre 18 apparaît. Sa voisine se lève également et l'interpelle.
- Non mais, rupin, c'est à mon tour. C'est moi qui ait le 18. Je le sais c'est mon âge, dit-elle d'une traite en lançant à la fois une oeillade au préposé et un sourire carnivore à Monsieur Gentilliti. Le préposé, qui connaît bien Lucette et ses nombreux printemps, lui retourne un clin d'oeil appuyé et fusille Monsieur Gentilliti de l'autre. C'est une exercice difficile, mais le préposé n'a que ça à faire dans la journée et il vient juste de mettre au point cette combinaison.
Monsieur Gentilliti regarde cette femme d'un air dédaigneux et se dirige vers la sortie, c'est à dire l'entrée, malencontreusement placée à côté de la porte translucide. Lucette, ragaillardie par la sympathie affichée par le préposé et qui augure d'un traitement de faveur pour sa contravention quotidienne, s'interpose devant Monsieur Gentilliti avec la vitesse d'un scrouble qui a vu une sodka. S'ensuit un mouvement compliqué à la fin duquel la situation est la suivante :
- plusieurs insultes ont été proférées par Lucette et Monsieur Gentilliti n'en a compris qu'une puisque c'est la même que celle utilisée par la serveuse du Tabac.
- Lucette et Monsieur Gentilliti sont tous les deux en train de marcher dans la rue, bras dessus bras dessous, après être passés par la porte d'entrée. Lucette voulait au départ l'entraîner vers la porte translucide en passant devant lui, mais les muscles de Monsieur Gentilliti sont très efficaces et en les sentant sous sa main, elle a senti également son coeur s'attendrir. D'autant plus qu'elle a aperçu la carte d'or dans la poche de Monsieur Gentilliti et qu'en vraie professionnelle, elle a tout de suite su évaluer l'intérêt de la chose.
- la contravention quotidienne de Lucette n'a pas été payée, mais la planète Terre continue de tourner et a prévu de le faire encore 24 heures au moins. Le préposé n'a vu qu'un tourbillon et le voisin assis sur le banc n'a vu que ses pieds.

Lucette décide de parler à son compagnon.

- Tu t'appelles comment, mon chou ? susurre-t-elle
- Excuse me ? répond Monsieur Gentilliti 17 mètres plus loin.
- English ? American ? questionne Lucette qui se félicite à cet instant d'avoir fréquenté une bonne école, celle de la rue et des touristes étrangers. Elle sait leur parler.
- American ! You speak english ? dit prudemment Monsieur Gentilliti.

A partir de ce moment, la conversation se déroule en anglais. Lucette n'a pas besoin de beaucoup de questions pour comprendre qu'elle a touché le jackpot et serrer un peu plus son bras. Monsieur Gentilliti  est un peu rassuré d'avoir trouvé quelqu'un qui va l'aider car elle lui a annoncé qu'elle connaissait un hôtel très bien. Il décide de se laisser faire pour l'instant, d'autant plus qu'il a peut-être trouvé sa première recrue.

Pour le vérifier, il va falloir lui faire passer le test de l'autruche biglée.


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