jeudi 31 juillet 2014

L'argentine reperd la finale contre... la finance internationale

Depuis cette nuit l'Argentine est en crise ouverte.

En quelques mots la crise est financière et partout dans la presse : depuis sa grosse faillite du début des années 2000, l'Argentine essaye de remonter le courant. Pour cela elle avait patiemment négocié un remboursement partiel de sa dette abyssale : la plupart de ses créanciers de tous poils avaient accepté de ne toucher qu'un tiers de leurs "factures" en échange d'un payement effectif (vaut mieux un peu que rien du tout) et l'Argentine devait payer avant hier soir une de ces échéances pour laquelle ils avaient l'argent. Mais 7% des créanciers n'avaient pas accepté ce marché et notamment deux fonds d'investissement qui voulaient récupérer la totalité de leurs créances. D'où trois problèmes : un juge américain (car ce sont des fonds américains pour de la dette en dollars donc la justice américaine prend le pas) a statué en leur faveur et interdit à l'Argentine de payer les autres avant ces deux fonds, bloquant de facto le remboursement des créanciers qui avaient joué le jeu - cette décision ayant été rendue possible par une décision de la Cour Suprême des USA qui a refusé d'intervenir ; l'Argentine ne veut pas payer car les autres créanciers risquent de demander aussi des remboursements à 100% et cela dépasserait leurs moyens pourtant fort honorables aujourd'hui (il y a plein d'avocats aux USA qui sont prêts) ; enfin, l'Argentine est considérée en défaut de paiement et sa note a été rétrogradée à SD (défaut sélectif de paiement)...

Heureusement tout va bien, rassurez-vous :
- l'ineffable Christine Lagarde pour le FMI dit que cette crise ne débordera pas de l'Argentine
- toute la presse qualifie ces deux fonds spéculatifs du nom de "fonds vautours" et explique qu'en fait ils avaient racheté la dette de l'Argentine à vil prix et qu'ils ont oeuvré pour se faire rembourser la totalité, avec une marge qui doit dépasser les 1000 % au bas mot.
- le juge américain qui a tranché en leur faveur (parce que c'est le droit) est jugé comme un méchant coupable (de quoi, puisque le droit américain est là  ?)
- l'Argentine pourrait trouver une solution en demandant à des banques privées du pays de racheter discrètement la dette aux deux fonds (mais à moins de 1000%) et ensuite l'Etat s'arrangera avec les banques de son pays, en monnaie locale (c'est bien la finance internationale, hein ?)
- ça ne se produirait pas chez nous, hein ? On a de moins bons avocats internationaux, c'est sûr et on a des dettes en euros (Hum, pas la BNP qui est en déficit à cause de son amende en dollars).

Jean Jaurès avait en son temps combattu la naissance d'une finance et d'un capital qui voulait détruire les peuples, brider les médias indépendants en leur faisant écrire ce qu'ils voulaient. Tout le monde le cite, en ce jour anniversaire de son assassinat. Et tout le monde s'approprie ou détourne ses citations. C'était le gag de la campagne de 2012 avec Sarkozy citant Jaurès, souvenez-vous.

Aujourd'hui les médias, tous indépendants naturellement, disent pis que pendre de ces fonds vautour mais en même temps ne remettent pas en cause leur existence, car c'est une conséquence logique du marché international de la finance. D'ailleurs qui parle de l'argent récolté par ces deux fonds (dans leurs opérations courantes) et des secteurs dans lesquels ils investissent ? Peut-être que cet argent sert à financer des projets auxquels vous ou votre banque êtes liés ? Peu d'informations circulent comme par hasard sur ces fonds. Wikipedia en parle un peu. Et à propos de presse, même le New York Times semble contre ces fonds ! Le NYT la nouvelle Humanité ?

En France on a heureusement une position claire sur le sujet de la finance internationale :
- Pendant la campagne de 2012, François avait fixé le dogme en lançant avec force : «Mon adversaire, c'est le monde de la finance... Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l'économie, de la société et même de nos vies»...
- En juin 2014, notre nouveau premier Ministre a dit : "Nous avons besoin de la finance...Là aussi, il faut sortir des dogmes».
- Face à l'Union européenne (et à son futur commissaire à l'économie et aux finances, Moscovici ?), aux allemands (les capitalistes de la finance européenne) et aux anglais (les banquiers et les libéraux de la finance internationale), la France a une position délicate, considérée par tous comme une "mauvaise élève" de cette école du libéralisme dont on vient de voir avec l'Argentine un bon exemple et un cas d'école.

Tout va donc bien, rassurez-vous.


mercredi 30 juillet 2014

Palaces à Paris : vous y allez quand ?

Le luxe attire toujours la curiosité. Les palaces en sont un bon exemple. Un palace c'est un très bel hôtel parfaitement situé et luxueusement aménagé. Dans une ville comme Paris, qui attire les gens riches, la bataille des palaces n'est pas nouvelle mais elle prend un tour nouveau en cette fin juillet début août avec l'ouverture d'un tout nouveau palace et la réouverture d'un autre.

Récemment, en 2012, la création d'un label "palace" - dont se contrefoutent les riches - a déclenché une guerre de modernisation à Paris : les vieux palaces historiques ont été obligés de se transformer pour garder leur niveau. Certains réussissent à le faire sans fermer, d'autres ont décidé de le faire en fermant, tellement il y avait de choses à changer. Quand on regarde la liste des palaces on a la tête qui tourne, et encore ce n'est qu'une liste partielle, dans laquelle il manque forcément votre palace favori et habituel ;)

- Le Crillon, en travaux, place de la Concorde
- Le Ritz, en travaux, place Vendôme
- Le Lutétia, en travaux, à Sèvres Babylone
- Le George-V, avenue éponyme
- Le Parc Hyatt Vendôme, rue de la Paix
- Le Fouquet's Barrière, sur les Champs-Elysées
- Le Claridge, rénové, sur les Champs-Elysées
- Le Marriott, racheté, sur les Champs-Elysées
- Le Bristol, rénové, à côté de l'Elysée
- Le Meurice, rénové, rue de Rivoli
- Le Royal Monceau, un des premiers rénovés, avenue Hoche
- Le Shangri-La déjà rénové, avenue d'Iéna
- Le Mandarin oriental déjà rénové, rue Saint-Honoré
- Le Plaza-Athénée, qui rouvre vendredi, avenue Montaigne
- Le Peninsula, ouvert tout juste, avenue Kléber
- Le futur Cheval blanc, à la place de la Samaritaine

Beaucoup de ces palaces ont été rachetés par des fonds ou des chaînes asiatiques (de la Chine au Qatar en passant par Singapour ou d'autres pays arabes), car la clientèle asiatique est la plus riche et la plus attendue dans les années qui viennent. Les décors des hôtels évoluent donc pour suivre cette demande, ainsi que les services associés, en commençant par le "Concierge". Au fait si vous n'avez pas vu "Grand Budapest Hotel" achetez le DVD !

Parlons un peu du Peninsula qui ouvre en ce moment. Ceux qui ont travaillé dans l'international connaissent bien ce qui a été le centre international de conférences de l'avenue Kléber. Il abritait plein de bureaux du ministère des affaires étrangères mais surtout au rez-de-chaussée un centre international avec belles salles de réunion pour ministres ou chefs d'Etat, fauteuils en cuir et alcôves discrètes pour négocier, sans oublier une grande salle remplie des ors des palais de la République pour accueillir cocktails et autres cérémonies. C'était l'époque où ce ministère était encore riche. Même la Francophonie en profitait et ça plaisait beaucoup... Mais la Francophonie aussi a laissé des plumes et l'Etat a vendu le palais à cette chaîne chinoise. N'y voyez aucun signe du déclin de la diplomatie française, hein ? ou de la montée en puissance de la Chine, hein ?

 Négociation à Kléber pour la fin de la guerre du Vietnam en 1973...

Le même à la belle époque...

D'ailleurs avant d'être un centre de conférences, ou même le premier immeuble à accueillir l'UNESCO à sa création tout au long des années cinquante, le palais était... un palais privé, puis était devenu déjà l'un des principaux palaces parisiens de la Belle époque, le Majestic (à ne pas confondre avec celui de Cannes). Grandeur et décadence des palaces. Et renaissance !

Bon allez, fini de parler de palace, on revient demain à la dure réalité du quotidien, promis ;)

mardi 29 juillet 2014

Les billets de blog auxquels vous avez échappé

Dans la grande tradition satyrique française, comme dans feu Hara-Kiri, voici quelques billets auxquels vous avez heureusement échappé aujourd'hui, car ici ce n'est pas un média normal. Fin juillet à Paris, il ne se passe pas grand chose et les journaux sont plutôt vides.

- Invasion de rats sur les pelouses à côté du Louvre : il fait beau et les touristes (pique-)niquent sur l'herbe. Ils laissent plein de nourriture pour les oiseaux mais aussi les rats qui se régalent. Beaucoup de gens trouvent cela mignon, mais savent-ils que ce sont des rats ? Croient-ils que ce sont des hamsters échappés de la fête foraine proche ou du quai de la Mégisserie un peu plus loin ? Il y a toujours eu beaucoup de rats à Paris, comme dans toutes les grandes villes. On estime qu'il y en a deux fois plus que d'habitants à Paris et les campagnes de dératisation sont régulières. En tous cas, il faut bien que ces rats viennent de quelque part ! Et il vaut mieux qu'ils soient là à bouffer du cochon (jambon et saucisson) que dans les sous-sols du Louvre à bouffer de l'Art... Mais que fait le gouvernement ?

- Encore une affaire pour Sarkozy ? Cette fois il s'agirait des élections de 2007, quand il a été élu Président. Aurait-il triché avec l'aide de l'UMP comme en 2012 ? Franchement il y en a assez. Soit on est pour lui et on doit se dire "mais lâchez-le un peu", soit on est contre lui et on doit se dire "mais lâchez-nous avec ce mec à oublier" soit on s'en fout et on doit se dire "mais lâchez nous avec ces infos sans intérêt". Dans tous les cas il sera difficile de transformer ça encore une fois en feuilleton de l'été, comme si les conférences qu'il donne au coeur de la Françafrique nous intéressaient encore. Mais rassure-vous, c'est une intox. Le procureur a démenti cette "info" parue dans le Parisien et reprise par les autres médias en choeur ;)... Mais que fait le gouvernement ?

- C'était la fête de fin du Ramadan pour les musulmans pratiquants, l'Aïd el-Fitr, l'Aïd al-Fitr, l'Aïd as-Saghir, le Lebaran, le Hari Raya Puasa, le Bajrami i made, le Ramazan Bayramı1 ou la Korité... Un moment important dans cette religion. Manuel Valls a eu un week-end agité avec le départ de la dernière étape du Tour de France d'Evry (sa ville) et l'Aïd lundi soir toujours à Evry. Parler ce cette fête hérisse les catholiques intégristes qui n'aiment pas qu'on parle d'autres religions ni d'autres fêtes que Noël ou Pâques ou toutes les autres. C'est pourtant un fait et une fête. Mais que fait le gouvernement ?

- C'est aussi la fin des soldes ce mardi. Pas un gros succès visiblement cet été. La morosité ambiante a poussé les acheteurs à acheter moins et moins cher. On a du mal à imaginer ce que les boutiques devraient faire pour réussir mieux leurs soldes semestriels : baisser plus les prix sans vendre à perte ? renouveler les produits et proposer des choses moins standard ? diversifier leurs modes de vente ? vendre français ? vendre chinois... Il y a eu tellement de dérégulation sur les soldes, avec l'introduction de plus en plus de jours où les magasins peuvent proposer des réductions tout au long de l'année qu'il devient de plus en plus habituel de chercher des réductions à tout moment. En quelques années, si ça continue, les soldes massives disparaîtront... Mais que fait le gouvernement ?

- C'est la crise au Front de gauche : Mélenchon a des états d'âme et veut se reposer après avoir dressé un constat d'échec sans concession de ce mouvement hétéroclite. Même le patron du PC a voué la même chose. Il s'inquiète certainement aussi pour la fréquentation de la fête de l'Huma mi-septembre. Il faut dire qu'ils ont tous pris des trajectoires divergentes ces derniers temps, avec les municipales et les européennes, mais aussi avec les votes au Parlement. La gauche de la gauche est à réinventer - ou à oublier... Mais que fait le gouvernement ?

Comme vous le voyez, rien d'intéressant en France.... Mais que fait le gouvernement ?

lundi 28 juillet 2014

Drapeaux en berne ?

Aujourd'hui et pour trois jours les drapeaux français sont en berne aux frontons des bâtiments publics. C'est un hommage aux 54 morts dans l'accident d'avion de la semaine dernière. Au-delà de cet accident et de la volonté de rendre hommage, ou comme le disent les mauvaises langues de récupérer un chagrin sur le plan politique, parlons un peu des drapeaux en berne.

C'est une décision rare. Une petite histoire des mises en berne et de leurs modalités se trouve ici. La dernière mise en berne date de la mort de Mandela. Il y en a eu d'autres par le passé, pour la mort de papes par exemple, mais aussi en 1953 d'un certain Joseph Staline ! Au plan national, la décision est du ressort du Président de la République ou de son Premier ministre. En ce qui concerne les accidents d'avion avec beaucoup de français, il y a déjà eu des précédents. Et rien à voir avec un deuil national qui est une affaire beaucoup plus formalisée.

Qui regarde les drapeaux aujourd'hui ? Si les médias n'en avaient pas parlé auriez-vous remarqué cette mise en berne ? L'idée de base est bonne : il s'agit d'afficher partout un symbole frappant et hautement visible d'un deuil ou d'un événement triste. C'est un signal envoyé à tous que quelque chose de triste et d'important vient de se passer et qu'il est utile d'y réfléchir. C'est en fait un double signal : attention il s'est passé quelque chose de grave, et attention d'y réfléchir en tant que citoyen français.

Depuis la naissance de la République française, la quantité d'informations que reçoit ou peut recevoir un citoyen a crû de manière inimaginable. Le drapeau - ou le tocsin - n'est plus un signal majeur, tellement il y a d'autres canaux pour nous informer. Il reste pourtant toujours des personnes non informées et que ce type de signal peut alerter. Mais il y aura toujours d'autres personnes qui n'en ont rien à foutre, quel que soit le signal émis, car ils vivent dans leur bulle égoïste et parfaitement justifiée de leur point de vue. Alors quid des actions de "mettre en berne" ou à l'inverse de "pavoiser" en cas d'événement heureux, de fête ou de visite officielle ? Isolés, ces signaux indiquent simplement qu'il s'est passé quelque chose. Mais il faut déjà lever les yeux vers le drapeau, le voir, analyser la différence avant de s'interroger sur la cause. N'avez-vous jamais rencontré quelqu'un qui se demandait pourquoi il y avait des drapeaux sur les bus certains jours par exemple, et qui une fois la réponse donnée dit un truc du genre : "ah bon ? bof" ?

De tels signaux sans la réflexion collective derrière ne sont que superficiels. Les tâtillons vérifieront que les drapeaux sont bien en veille. Les énervés protesteront si les drapeaux sont normaux ou pour la perte de temps que cela représente. Finalement, seuls ceux qui ont un sens du collectif en parleront ou s'en apercevront, seuls ceux qui sont conscients de leur propre conscience individuelle et de la conscience collective y réfléchiront. C'est donc un acte rare et grave. Pas un épisode pour meubler les médias en cette molle fin de juillet. Et je parle bien ici d'une vision à l'échelle de la France. La plupart du temps les émotions de ce type sont localisées au plus près des victimes, de la population touchée ou de la communauté concernée : c'est le moteur de beaucoup de manifestations, de marches blanches ou de protestations ciblées. Montrer à la France entière quelque chose est une action puissante en théorie, mais cela dépend du niveau de conscience collective présent à un moment donné. Et en ce moment, ce n'est pas terrible.

Cette conscience collective, à travers les drapeaux, s'oppose en effet frontalement aux attitudes individualistes qui caractérisent notre société. Etre dans le bus et regarder son téléphone ou regarder la ville et s'interroger sur ces drapeaux en berne, y a-t-il une différence ? La réponse est Oui. Résolument. Il y a peu d'occasions de se sentir membre d'un collectif, par solidarité, par volonté, par plaisir, par devoir ou de droit... Celle-ci en est une. Réfléchissons-y.


dimanche 27 juillet 2014

Du temps de cerveau pour… une nouvelle quatre entre quatre

Le restaurant d’Eugène ne désemplissait pas. Il y avait toujours la queue dehors, midi et soir tous les jours. Eugène ne prenait aucune réservation et il fallait patienter. Heureusement les temps d’attente n’étaient jamais très longs. Pourtant, une fois à l’intérieur les clients trouvaient toujours un restaurant calme, avec même quelques tables vides en train d’être dressées. Les clients avaient le temps de s’installer, de prendre apéritif et amuse-bouche, entrée, plat, dessert, fromage, dessert, café et digestif.

La décoration du restaurant plaisait à tous. Elle était riche et vous mettait en appétit. Chacun la trouvait à son goût. Mais ce n’était rien comparé à la cuisine. La réputation du restaurant avait crû de manière fulgurante. En à peine trois mois, rien qu’avec le bouche à oreille, Eugène était devenu le cuisinier le plus en vogue de la Capitale. Aucune carte n’était affichée à l’extérieur mais tous les clients qui en parlaient avaient presque les larmes aux yeux. Tous célébraient la richesse des goûts et des textures, l’originalité des plats et la délicatesse des goûts. Tous s’émerveillaient de la fraîcheur et de la qualité des produits et de la beauté des assiettes qui arrivaient sur leurs tables. Chacune était différente. Chacune était parfaite.

Au début évidemment, cela n’avait pas été pareil. Le jour de l’ouverture du restaurant Eugène avait montré quelques signes de nervosité. C’était un gros pari pour lui et il n’était pas certain de le gagner. Il avait mis pourtant toutes les chances de son côté. Il était particulièrement fier d’avoir obtenu, seulement la veille, l’autorisation d’ouvrir le restaurant. L’administration était toujours tâtillonne et les règlements de sécurité ou d’hygiène étaient si nombreux qu’il fallait une bonne dose d’inconscience pour rêver d’ouvrir un restaurant.

L’inspecteur avait un peu froncé les sourcils en arrivant devant la porte. Il avait trouvé étrange l’absence de carte visible de l’extérieur, pourtant obligatoire (un point négatif), l’impossibilité de voir l’intérieur du restaurant du trottoir (un autre point négatif) et la mitoyenneté avec un grand garage désaffecté qui sentait encore un peu l’essence (encore un autre point négatif). Mais dès qu’il avait franchi le double rideau rouge qui marquait un peu pompeusement l'entrée, il avait été séduit par le décor qui correspondait en tous points à ce qu’il attendait d’un restaurant : un décor très épuré, presque zen, avec des tables bien espacées, une douce musique d’ambiance et des serveuses impeccablement habillées de robes agréables et chatoyantes, ni trop courtes ni trop longues. La carte qu’il put examiner comprenait des plats très bien décrits et qui mettaient l’eau à la bouche. L’inspecteur fit ce jour là un repas mémorable. Sa visite des cuisines l’enthousiasma par leur propreté et leur efficacité. En plus les serveuses et les aides cuisiniers étaient très gentils et Eugène lui-même adorable. Le rapport de l’inspecteur fut positif et le précieux certificat de conformité fut délivré à Eugène. Il comportait même une mention qui dispensait Eugène d’afficher sa carte à l’extérieur, compte tenu du caractère exceptionnel de son restaurant.

Le premier jour donc, Eugène avait attendu ses premiers clients à midi pile. Eugène savait que cela pouvait mettre du temps à démarrer. Il n’avait fait aucune publicité et l'emplacement n’était pas situé dans une rue particulièrement fréquentée. Mais ce jour là il avait quatre clients qui attendaient à midi : deux voisins et l’inspecteur de la veille accompagné d’un homme bedonnant. A la fin du déjeuner il avait servi douze couverts et à la fin de la première journée quarante quatre. Après la première semaine, il dépassait déjà les deux cents couverts par repas. Beaucoup de clients revenaient avec des amis ou des voisins. L’inspecteur connaissait beaucoup de monde et venait régulièrement. Il prenait toujours des plats différents et les aimait tous.

Eugène ne discutait jamais avec les clients et les serveuses éludaient les questions. Les convives étaient par contre toujours très bavards et l’atmosphère était très chaleureuse dans le restaurant. On aurait même eu l’impression que les gens devenaient les meilleurs amis du monde pendant leur repas. Etrangement, quand ils sortaient du restaurant, ils ne se parlaient plus, chacun perdu dans les souvenirs de son repas. Le restaurant devenait ainsi la coqueluche du quartier, puis de la Capitale puis du reste du monde. Beaucoup d’articles étaient publiés, dans toutes les langues et chacun y célébrait la qualité du décor et de la cuisine, décrivant à coups de superlatifs la nécessité de venir manger ici. Pourtant, pour préserver la surprise, tous ces articles restaient muets sur le décor et sur les plats. Même les critiques gastronomiques les plus renommés, ou les plus cruels, encensaient le restaurant d’Eugène tout en réussissant le tour de force de ne jamais décrire sa carte ni son décor.

Et le restaurant ne désemplissait donc pas. Personne ne se souciait de compter combien de couverts étaient servis par jour, tous étaient fascinés par le lieu. Chaque fois qu’Eugène sortait dans la rue pour promener sa petite chienne, tout le quartier le saluait. En quelques mois Eugène avait en effet réussi à transformer le quartier qui était devenu branché. Tout le monde le saluait, sauf Madame Eugénie. Madame Eugénie était la SDF de la rue et elle était là depuis si longtemps que personne ne la remarquait plus. Lui donner une petite pièce ou un croissant était devenu un réflexe pour certains, détourner les yeux également pour quantité d’autres. Madame Eugénie n’était jamais allée au restaurant et n’en avait pas du tout envie. Elle et son bâtard de chien étaient beaucoup plus heureux dans la rue.

Enfin c’était ce que pensait Madame Eugénie, car son chien avait tout de suite été très intéressé par la chienne d’Eugène. Un vrai coup de foudre canin. Et les quelques reniflements qu’ils avaient pu échanger en étirant leurs laisses quelques secondes malgré leurs maîtres avaient rapidement confirmé aux deux canidés qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Le chien de Madame Eugénie se languissait de la petite chienne d’Eugène et il se décida : il devait entraîner sa maîtresse dans le restaurant d’Eugène pour rencontrer son amoureuse. Les chiens n’avaient en général pas le droit d’entrer dans les restaurants, mais comme la petite chienne d’Eugène y habitait, il devait bien y avoir un petit coin pour lui, et avec un peu de chance juste à côté de son amoureuse ! Les raisonnement des chiens sont ce qu’ils sont mais sont-ils plus tortueux que les raisonnements des humains ?

- C’est comme cela que tout s’est déroulé, votre Honneur. Moi, inspecteur certifié pour l’agrément des restaurants, officier public, je dînai dans le restaurant d’Eugène ce soir-là. J’essaye d’y aller une fois par semaine au moins, compte tenu de mes finances, depuis la première fois où j’y suis venu la veille de son ouverture. C’est tellement bon... Ah, vous connaissez aussi ?… Oui, le décor est si beau et la nourriture si bonne ! Donc je dînai, seul, et juste au moment où une serveuse me demandait ce que je souhaitais comme dessert, après avoir mangé une entrée et un plat somptueux à base de… je ne sais plus très bien mais c’était excellent dans un style… exotique je crois à moins que cela ne soit français… Enfin cela n’a aucune importance. C’était excellent et les couleurs de mon plat s’harmonisaient encore une fois parfaitement avec la couleur de la nappe. La serveuse me tendait donc la carte et j’ai vu entrer cette dame avec son chien. Elle était habillée comme une princesse et elle se dirigea vers la table libre à côté de moi. Je la saluai d’un regard poli mais elle ne regardait que son chien, un très beau labrador pure race. Le chien, lui, regardait fixement la petite statue à l’entrée. Tous les habitués du restaurant connaissaient cette statue d’un petit chien, la première chose que nous voyions en arrivant dans le restaurant. Le gros chien gronda et tira sur la laisse. C’est à ce moment précis que la catastrophe est arrivée, votre Honneur. La dame a laissé filer la laisse et le gros chien s’est précipité sur la statue, l’a bousculée. Elle est tombée et s’est brisée en mille morceaux, avant même qu’Eugène puisse amorcer un mouvement. Et tout a changé, instantanément. Je n’étais plus dans le restaurant mais dans une sorte de hangar désaffecté, en fait le vieux garage d’à côté nous a-t-on dit, assis sur un banc comme des centaines d’autres personnes devant une table à tréteaux branlante. Ma voisine avait changé d’habits et était habillée en SDF, plus en princesse. La serveuse debout à côté de moi était une sorte de machine avec des bras articulés. Elle portait quatre bacs et utilisait un autre de ses bras pour servir d’autres clients. Je baissai les yeux vers mon assiette qui était en fait une écuelle à trois bacs. Il y avait là des carottes (pour l’entrée je présume) des crevettes (pour le plat) des oranges (pour le dessert) et un gobelet plein d’une boisson orangée indéfinissable. Tout le monde leva les yeux en même temps et se mit à crier. Où étions-nous ? Qu’était devenu le restaurant ?… Comme vous le savez, votre Honneur, il y eut plusieurs blessés quand les gens essayèrent de sortir de ce lieu infâme. La plupart des robots serveurs furent renversés et cassés. On me dit qu’aucun d’eux n’est encore en était de marche. Voici ce que je sais, votre Honneur. Je ne comprends pas. Et vous ? Savez-vous où est Eugène ?... Malgré tout, sa cuisine était si délicieuse (soupirs, partagés par le juge et l’assistance…)

Le procès dura plusieurs semaines, tant il y avait de témoins. C’était l’affaire de l’année. Tout le monde voulait en parler, même si le principal « témoin », Eugène, manquait à l’appel. Le chien de Madame Eugénie devint un héros, mais Madame Eugénie elle-même n’avait pas voulu témoigner. Elle voulait retrouver la quiétude de son coin de rue. Depuis Madame Eugénie s’est séparée de son chien, parti à Hollywood pour faire un film sur sa vie. Elle ne retournerait plus jamais dans un restaurant, c’est certain. Elle n’avait même pas réussi à y manger la seule fois où elle y était entrée et en plus elle n’aimait pas la couleur orange.

Comment son chien avait-il pu l’attirer dans un restaurant qui s’appelait « L’Ora(n)ge » ?

samedi 26 juillet 2014

Un livre pour l’été ?

Si vous réussissez à en acheter un ailleurs que chez Amazon ou votre hypermarché habituel… Le marché du livre est en plein boum et Amazon a réussi à le faire exploser. Retour sur quelques actualités.

Il y a quelques mois Amazon a réussi à faire condamner Apple pour sa politique vis-à-vis des livres aux USA. En gros Amazon a dit défendre les lecteurs et les auteurs contre les éditeurs en faisant baisser le prix de vente des livres. Apple au contraire disait défendre les éditeurs grâce à un autre modèle de distribution - une agence, un intermédiaire plutôt que de la grande distribution. Amazon a gagné et Apple a versé une grosse amende, mais moins forte que prévu, donc qui ne profitera qu’à Amazon et pas aux lecteurs. Paradoxal non ?

Ensuite il y a eu l’affaire des frais de livraison où Amazon contrevenait à la règle sur le prix unique du livre en ne faisant pas payer la livraison et en appliquant 5% de réduction. Résultat ? Une nouvelle loi spéciale anti-amazon empêchant cela et puis ensuite un joli contournement de la loi par Amazon en facturant la livraison à un centime d’euro, donc non gratuite. La loi avait été mal rédigée et détricotée par des amendements (honnêtes évidemment, hein). Reste maintenant à voir ce qu’il est possible de faire. Il y va là de la concurrence entre Amazon et les libraires physiques. Amazon a encore gagné contre le réseau des libraires. Paradoxal, non ?

Et puis il y a cette pétition signée par les plus grands auteurs américains, toute récente, contre Amazon et sa politique anti-éditeurs. Amazon a en effet supprimé les livres d’Hachette de son catalogue car Hachette n’était pas d’accord avec les fortes marges de la distribution de ses livres chez Amazon. C’est un peu comme si Coca-Cola ne se trouvait plus chez votre hypermarché habituel, sauf que les livres ne sont pas des biens comme les autres. En plus Amazon, devant le tollé a suggéré aux auteurs Hachette de venir se faire éditer directement chez eux. Plus besoin d’éditeur, non, tout en répétant que c’est pour les auteurs qu’ils agissent. Pourquoi les auteurs ne sont-ils pas contents alors ? Paradoxal, non ?

Enfin il y a les résultats financiers d’Amazon, très négatifs. Amazon perd de l’argent partout en investissant en masse pour prendre de vitesse tout le monde et tuer ses concurrents, pour pouvoir être ensuite en situation de monopole avec plein d’emplois précaires créés partout pour se rendre incontournable. Pourtant Amazon est toujours recommandé comme une action à acheter. Paradoxal, non ?

On aime ou on n’aime pas Amazon. On aime ou on n’aime pas les livres. On aime ou on n’aime pas la politique absurde et timorée des éditeurs français qui sont maintenant deux siècles en retard… Mais il est important de réfléchir à ces sujets avant de lire votre livre sur la plage, sous forme papier ou numérique.

Et si vous vous sentez morose, sans envie de lire, voici une réflexion de Z Lartiste (absolument pas autobiographique, hein ?) pour vous aider. On vous aime, ici sur ce blog, chers lecteurs !


vendredi 25 juillet 2014

Cartes d'Afrique : c'est grand !

On voit fleurir les cartes d'Afrique (parmi une floraison de cartes à tout propos) en ce moment. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, pas sérieuses, guerrières ou dramatiques comme cet accident d'avion quelque part entre Ouagadougou et Alger, au Mali. A ce propos on peut y constater une méconnaissance totale de l'Afrique chez beaucoup de journalistes ou d'infographistes qui produisent de telles cartes. Même après avoir identifié avec précision le lieu du crash, certains le placent à la frontière Nord du Mali ou à la frontière Nord du Burkina, quelque part dans le Nord du Mali mais plutôt au Sud du Nord. Les définitions politiques ou médiatiques de la géographie sont très éloignées de la géographie physique.

Alors aujourd'hui, juste quelques cartes d'Afrique, pour comprendre un peu ce continent.

D'abord la taille. Suivant les cartes et les systèmes de projection, on voit des tailles très variées de l'Afrique. Google par exemple réduit énormément la taille de l'Afrique (ah bon, Google n'est pas objectif ?)... Voici un collage intelligent pour prendre conscience de l'énormité de ce continent : Impressionnant non ?


C'est un continent très divisé. Cette carte muette est conforme aux décisions internationales, bien que certaines parties soient contestées...


Celle-ci est politique (et issue de Wikipedia où l'on trouve plein d'autres cartes de l'Afrique dans plusieurs dimensions)



La carte précédente est issue de la colonisation. La carte suivante est celle qui serait peut-être celle de l'Afrique si la colonisation n'avait pas eu lieu...



Le monde s'est réduit avec le temps. Les distances aussi comme en témoigne ces projections de la taille du monde en fonction de la vitesse moyenne de déplacement.



Mais ce n'est pas parce que le temps réduit les distances qu'il réduit les inégalités, par exemple en terme d'accès à l'Internet, voyez-vous l'Afrique ?



Et en Afrique, le Sahel est une zone très étendue



Pour terminer et replacer l'Afrique dans le monde, une carte différente, comme si le système solaire était cousu d'une seule pièce, sans trous entre les surfaces : L'Afrique aurait la surface de la Lune à peu près ?

jeudi 24 juillet 2014

Pendant les manifs, la guerre continue

Il y a des manifs contre la politique d'Israël en Palestine un peu partout. A Paris celle d'hier a été importante avec beaucoup de participants, presque pas de débordements grâce à un service d'ordre musclé des organisateurs (CGT par exemple, des vrais pros habitués). Des slogans pour les palestiniens ou la Palestine. Les tentatives pour transformer ce combat en d'autres sont toujours présentes et les provocations toujours sous la surface. Finalement, une manie bien organisée et bien entourée est un vrai plus, contrairement aux rassemblements interdits et "sauvages". La manie prévue samedi aura-t-elle lieu (comme la guerre de Troie) ? Ca dépend répond la préfecture, suivant les garanties données par les organisateurs...

Mais sur le fond, que changent ces manifs, à part mobiliser des communautés et des militants ? Les pouvoirs politiques en France, en Europe, aux USA ou ailleurs sont tous partagés à des degrés divers entre Israël et la Palestine. Les lignes peuvent apparaître comme fluctuantes ou floues, mais les actions diplomatiques ou économico-diplomatiques sont sans effet. Ce matin encore, Israël réaffirme que la guerre actuelle, ou plutôt la campagne défensive comme ils disent, n'est pas finie : il faut du temps pour détruire plus de tunnels, tuer plus de palestiniens et rabaisser encore plus ce pays pour ne pas être embêté pendant plusieurs années ensuite, jusqu'aux prochaines élections par exemple. La suspension des vols vers Israël de compagnies aériennes importantes risque d'avoir plus d'effet sur la politique israélienne.

Parmi ceux qui se frottent les mains en ce moment, il y a certainement le président syrien, fraîchement réélu dans des conditions grotesques. Pendant qu'on parle de la Palestine, on oublie la guerre civile en Syrie. Pendant qu'on parle du danger en Europe et en France des djihadistes qui partent en Syrie et qui reviennent ensuite dans leur pays pour y importer de la violence, on ne parle pas de la guerre que mène contre son peuple le président syrien. Pendant qu'on parle de la menace de création entre Irak et Syrie d'un nouveau territoire islamiste, on ne parle pas de la politique syrienne... La complexité des jeux de pouvoir dans la région est évidente. Ceux qui ont des solutions parfaites pour tout résoudre d'un coup sont bien naïfs ou très extrémistes. La plupart des acteurs essayent de faire durer et "après moi le déluge" comme on aurait dit dans l'ancien Testament, livre commun aux trois principales religions du coin.


mercredi 23 juillet 2014

C'est le coeur de l'été : un projet de loi sur l'immigration ?

A sujet sensible, date adaptée. Dès qu'on parle immigration en France, plein de démons ressortent. C'est le terreau du FN mais aussi des opposants de toutes sortes. Proposer une loi dans ce domaine est un exercice délicat pour n'importe quel gouvernement. François a choisi le Conseil des ministres d'aujourd'hui pour valider enfin ce projet de loi... mais il devrait n'être soumis au vote qu'à la même époque l'année prochaine ou peut-être vers Noël cette année. Plus prudent que ça, tu meurs. Ce projet avait déjà été ficelé par un certain Manuel Valls alors ministre de l'intérieur, mais les créneaux pour le présenter ne s'étaient pas vraiment présentés jusque là : trop d'actualité chaude ou d'élection refroidissante.

Le projet de loi parle du droit d'asile qui avait bien besoin d'être réformé pour que la France continue à agir en accord avec ses grandes déclarations mondiales. En simplifiant ce droit, il y va d'une modernisation nécessaire et qui devrait faire consensus. L'engorgement est en effet patent.

Mais le projet propose de nouvelles modalités pour l'immigration. Ceux qui ont vécu les queues devant les préfectures pour renouveler leur carte de séjour annuelle savent de quoi je parle. Il y a plusieurs cas, mais en règle générale j'ai noté deux mesures :

- alors qu'il fallait renouveler sa carte de séjour (annuelle) tous les ans pendant cinq ans avant d'avoir celle valable dix ans, maintenant cela sera plus simple : après la première carte annuelle, il y aura dans la plupart des cas une carte valable deux ou quatre ans, puis directement la carte de dix ans qui ne bouge pas. La grande question reste de savoir si cela va faciliter l'intégration et la vie des immigrés légaux. Il aurait été plus simple de généraliser la carte de dix ans le plus vite possible. Cela sera le débat central : plus ou moins d'ouverture, ou un simple désengorgement...

- un "passeport talent" est prévu pour quatre ans pour les personnes à fort potentiel, ce qui inclut les scientifiques, les artistes et les investisseurs. Les étudiants auront une carte pour la durée de leurs études en France. C'est une bonne nouvelle pour tous les "travailleurs du savoir" qui avaient jusqu'ici les pires difficultés à venir en France, au bon vouloir des consuls locaux. C'était une revendication de longue date des militants francophones entre autres. La fuite des cerveaux vers la France va-t-elle s'accélérer ?

En contrepartie, parce qu'il en faut toujours, ne serait-ce que pour dédramatiser le débat, les contrôles seront renforcés : délais avant expulsion, assignation à résidence plutôt que placement en centre de détention (pour les désengorger), contrôles de véracité des déclarations en croisant avec les informations venues du fisc, restrictions de circulation pour ceux qui troublent l'ordre... C'est évidemment sur cette partie que les critiques vont pleuvoir. Mais le calendrier choisi va habilement réduire leur poids...


mardi 22 juillet 2014

Les BRICS gagneront-ils la RoboCup ?

Après la Russie, la Chine, mais dans l'ordre inverse. On vous avait parlé ici de la visite de Poutine en Amérique latine. C'était il y a dix jours. Entretemps le Sommet des BRICS s'est déroulé. Ey les patrons des BRICS ont poursuivi leur tournée avant de rentrer chez eux. Le dernier est le président chinois, qui termine sa visite par Cuba (là où Poutine avait débuté).

Tout le monde se précipite chez les Castro. Histoire de faire un autre pied de nez aux américains des USA certainement. Dans la dépêche précitée de Chine Nouvelle j'ai noté ces phrases : "L'élan de réforme de la Havane crée de nouvelles opportunités pour approfondir sa coopération avec la Chine, et d'autres grandes économies du monde, les Etats-Unis en particulier, devraient eux aussi tenir compte de ces évolutions et repenser, de manière sérieuse, à leur politique envers Cuba. Pour cela, Washington devrait d'abord lever ses sanctions, puis rejoindre la Chine et d'autres pays pour devenir un partenaire constructif de Cuba, et ce au profit non seulement de ce pays des Caraïbes, mais aussi des Etats-Unis eux-mêmes."... Mignon, hein ? Les chinois stent discrets dans leur politique, mais quand ils se déplacent, ils signent des accords à tour de bras. En Afrique, mais aussi en Amérique latine, leurs voisins de l'autre côté du Pacifique le bien nommé.

Poutine a fort à faire en Europe, lui, pour se dépatouiller des brumes dans lequel son empire se désagrège. Pendant ce temps, les autres BRICS caracolent un peu partout dans tous les pays en développement. Saviez-vous qu'en ce moment a lieu au Brésil la Coupe du Monde de Football par exemple ? Non, non, je ne rigole pas. La Coupe du monde de foot pour les robots humanoïdes est en pleine action et on espère que les bleus iront loin dans cette RoboCup (attention à l'orthographe). Pendant ce temps l'Inde et l'Afrique du Sud freinent l'accord de Bali pour l'OMC, et il ne reste plus qu'une dizaine de jours avant la date limite.

Rappelons que la principale décision de ce Sommet des BRICS est bien la création (enfin finalisée) de cette banque de développement, à la fois complémentaire et concurrente du FMI et de la Banque Mondiale. Le message est clair : si ces institutions, dites de Bretton Woods, ne se réforment pas au bénéfice des pais en développement (comprenez les BRICS dans un premier temps), alors d'autres instruments naîtront à la place. Les cercles internationaux financiers et de coopération internationale sont très concernés par cette nouvelle, qui n'atteint que peu le grand public il est vrai.

Il faudra pourtant vous habituer à suivre l'actualité des BRICS. Il n'y a pas que votre jardin, votre ville, la France ou l'Europe. Même Angela le dit en rappelant le jour de ses soixante ans que l'Europe ne pèse plus que 10% dans plein de domaines...


lundi 21 juillet 2014

Je vous parle d'un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître

La bohème ? Non, vous n'y êtes pas. Aznavour parlait en 1966 de la butte Montmartre et de sa jeunesse perdue.

Moi je vous parle de 1969, il y a exactement 45 ans la nuit dernière, vers trois heures du matin en France. L'homme a marché sur la Lune pour la première fois dans la réalité, après que les romanciers, les écrivains de science-fiction, les cinéastes ou les auteurs de BD l'aient imaginé. Pour beaucoup aujourd'hui, c'est juste un fait divers historique, ou même le sujet d'un épisode de Mad Men.

Comme on dit au Québec, je me souviens. C'était le plein été et j'étais en Corse dans un hôtel-club de vacances qui a dû disparaitre depuis ou être dynamité ou être racheté par une autre famille corse. Il faisait chaud, très chaud et la nuit était le meilleur moment pour profiter de la vie. On pouvait faire tant de choses. Il y avait la piscine du soir, le dîner dehors, la chasse au dahu dans le maquis d'à côté, la boite de nuit avec sa piste de danse à moitié à l'intérieur et en terrasse, et des tables entières pour s'asseoir et discuter. Il était facile de draguer à toute heure de la nuit. Pourquoi se coucher ? Surtout une nuit comme celle-ci. La lune était belle et ronde, haute dans le ciel. A cette époque, il n'y avait pas d'écran géant et je me souviens de cette petite télé que tout le monde regardait au-dessus du bar. Les gens allaient et venaient car cela a duré longtemps, avec des images floues, grises, hachurées, mais nettes quand même malgré tout. Tout le monde s'est mis à aimer l'espace, la lune, les étoiles et l'astronomie. Je me souviens de ce moment où je crois que j'ai choisi de devenir un scientifique.

La magie d'un moment tient à peu de chose. Cette magie peut subsister pendant 45 ans sans problème. C'est la magie du recul. "Et le désir s'accroit quand l'effet se recule" disait-on dans Polyeucte (Acte I, scène 1). Il m'a suffi de reculer de quelques pas pour avoir à la fois dans mon champ de vision cet écran de télé avec cette image floue et si nette d'un scaphandre blanc sur une surface grise, et la lune elle-même, pleine de sa grandeur et de sa distance, pour comprendre la beauté du monde et la puissance de la science et de la technologie. Le contraste entre les deux images était trop fort pour ne pas interpeller un jeune garçon, un parmi tant d'autres.

La science et les technologies déraillent souvent, car les hommes de pouvoir en font ce qu'ils veulent. En tant que telle, la science n'est pas belle. Les usages de la science peuvent être beaux ou non et la limite entre les deux est délicate. En grandissant (l'homme), en grandissant et en rapetissant à la fois (le monde), en partageant (le monde et l'homme), la science nous accompagne, visible ou invisible.

Le recul nécessaire devant quelques moments importants est une précieuse recette pour que l'homme garde raison. Alors qu'aujourd'hui le moindre non-événement attire des commentaires sur tout et son contraire, et que paradoxalement l'événement important est noyé sous des commentaires qui le cachent au monde, il me semble utile de se rappeler la magie du moment et l'importance du recul. Je ne me souviens d'aucun commentaire au moment de l'événement d'il y a 45 ans. Eux se sont envolés. Mais la magie de l'événement est restée, elle. Et c'est cela qui compte. Qu'on le réalise sur le moment ou plus tard, même beaucoup plus tard, n'a que peu d'importance en fait.


dimanche 20 juillet 2014

Du temps de cerveau pour… une nouvelle carence de droit

Le petit Etat de Bonjoree accueillait pour la première fois le Congrès International Annuel et Albert était très excité. Comme beaucoup de ses collègues il n’était jamais allé à Bonjoree mais toutes les informations présentaient cette petite île comme un vrai paradis terrestre. Aucun extrasoliste n’était originaire d’ici, mais le roi local devait bien connaître les rouages du Congrès pour avoir réussi à attirer un groupement aussi puissant que la société internationale d'Extrasolie. Ils ne se déplaçaient en général que d'une très grande université à une autre. Et il n’y avait même pas d’université à Bonjoree !

Mais il y avait un superbe palais des congrès qui jouxtait le palais royal et le grand palace, avec plusieurs piscines. Albert venait juste de s’installer dans sa luxueuse chambre et il se préparait à corriger sa présentation du lendemain quand quelqu’un frappa à sa porte. Pensant qu’il s’agissait d’un de ses collègues qui venait lui parler de ses dernières recherches, il ouvrit la porte sans réfléchir. Il ne s’agissait pas d’un collègue, mais d’un petit groom, vraiment tout petit, qui lui tendait un plateau en argent avec dessus un verre de vin et une enveloppe à son nom. Albert balbutia quelques mots gênés car il n’avait pas encore eu le temps de changer ses dollars mais le groom ne sembla pas lui en tenir rigueur et s’éloigna à toute vitesse sans rien avoir dit.

Albert resta quelques instants sur le pas de sa porte avec le plateau dans les mains. Il avait à peine eu le temps d’inspirer une fois. Albert était un savant normal, un peu distrait surtout quand il pensait à ses recherches, ce qu’il faisait à peu près tout le temps. A la deuxième inspiration, Albert sembla reprendre ses esprits et rentra dans sa chambre. Il installa le plateau sur la petite table de sa terrasse et s’installa dans le fauteuil pour lire la lettre. Mais l’enveloppe était vide et aucun signe distinctif ne permettait d’en identifier l’expéditeur. En bon extrasoliste, Albert essaya toutes les techniques qu’il connaissait pour extraire des informations de cette enveloppe, mais il ne put rien en tirer. Une vague odeur de poussière semblait indiquer que cette enveloppe avait été fermée il y a longtemps, mais c’était tout. Albert goûta alors le vin et le trouva délicieux. Un vin rare certainement et qui avait bien vieilli.

Albert ne comprenait pas mais pensa que c’était un geste de bienvenue des organisateurs et il se promit de demander à ses collègues ce qu'ils en pensaient lors le dîner. En attendant, le vin aidant, Albert se mit à songer sur son fauteuil. Sa présentation était oubliée et de toutes façons, il l’avait déjà relue tant de fois qu’il la jugeait parfaite. Il ne songeait à rien de précis mais cela faisait du bien, pour une fois, de ne pas penser aux mystères de l’Extrasolie.

Albert dormit sur sa terrasse. Il fut réveillé tôt le lendemain matin par un coup à la porte. Il alla ouvrir, nu comme un ver.

Albert était assis à la table d’honneur du banquet de bienvenue. Il ne se rappelait plus vraiment comment il était arrivé là, et crut un instant qu’il était toujours en train de rêver assis sur sa terrasse, mais tout était trop réel. Et maintenant qu’il y pensait il se souvenait de tout. Il avait juste dormi un peu, puis pris une douche et s’était habillé avec sa toge d’extrasoliste avant de descendre, appelé par le gong qui annonçait le dîner. Il avait discuté avec plusieurs collègues. Personne d’autre n’avait reçu de verre de vin dans sa chambre. Et maintenant qu’il était assis à cette table, il regardait avec stupéfaction sa voisine de gauche. Elle était d’une beauté merveilleuse, étincelante, avec des yeux brillants qui le fixaient comme s’il était la chose la plus importante de l’univers. Elle lui parlait et il lui répondait, mais il ne pouvait absolument pas se souvenir plus d’une seconde de quoi ils discutaient. Il était clairement tombé sous son charme. Le dîner passa si vite qu’Albert n’eut même pas le temps de jeter un regard aux autres convives. Il se retrouva très vite avec elle dans sa chambre. Ensuite Albert se transforma en quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’il ne connaissait pas, bien loin du professeur timide d’extrasolie qu’il croyait être. Et sa nuit fut enchanteresse. Il s’endormit tôt le matin, et fut réveillé par un coup à la porte. Il alla ouvrir, nu comme un ver.

Albert était assis à la table d’honneur du banquet de bienvenue. Il ne se rappelait plus vraiment comment il était arrivé là, et crut un instant qu’il était toujours en train de rêver assis sur sa terrasse, mais tout était trop réel. Et maintenant qu’il y pensait il se souvenait de tout. On lui avait annoncé à l’apéritif qu’il allait être élu nouveau président de la Société internationale, avec un très large consensus. Il avait bu quelques verres de vin, mais aucun n’était aussi bon que celui qu’il avait bu sur sa terrasse juste avant de descendre. Albert était assis entre le roi et son époux et il devait subir un feu roulant de questions sur l’Extrasolie. C’était une discipline ardue et délicate à expliquer à des non-spécialistes mais Albert était pédagogue et il s’en sortait plutôt bien. Tous buvaient ses paroles, sauf ce couple de l’autre côté de la table ronde qui n’avait l’air d’être là que l’un pour l’autre. La femme était assez jolie mais ce n’était pas son style et l’homme lui disait quelque chose, mais sans plus. Albert était beaucoup plus intéressé par l’époux du roi qui lui faisait du genou sous la table. Le dîner passa vite et Albert se retrouva dans la chambre royale pour terminer la soirée, qui fut longue et pleine de délicatesses. Il fut réveillé par un coup à la porte. Il alla ouvrir, nu comme un ver.

Albert était assis à la table d’honneur du banquet de bienvenue. Il ne se rappelait plus vraiment comment il était arrivé là, et crut un instant qu’il était toujours en train de rêver assis sur sa terrasse, mais tout était trop réel. Et maintenant qu’il y pensait il se souvenait de tout. Après avoir somnolé un peu, il était allé piquer un plongeon dans la grande piscine où il avait rencontré la présidente de la Société internationale. C’était une belle et grande femme, un peu intimidante. On disait qu’il lui fallait un homme différent chaque soir. Il se trouva que ce soir-là c’est lui qu’elle choisit. Albert ne sut jamais pourquoi. Peut-être avait-il été là au bon moment ? En tous cas elle l’avait embrassé dans la piscine et c’est pourquoi Albert était là, assis à côté d’elle à la table d’honneur. Personne ne les regardait car il était de notoriété publique que la présidente n’aimait pas être dérangée quand elle était avec l’une de ses conquêtes. Albert avait fort à faire pour garder une expression à peu près tranquille pendant le dîner car sa voisine était très délurée. Le nouveau président, qui était assis à côté du roi, avait l’air beaucoup plus normal et Albert en fut soulagé pour la suite de la Société. La nuit fut longue pour Albert et il n’avait pas beaucoup dormi lorsqu’au petit matin on frappa à la porte de la chambre. Il alla ouvrir, nu comme un ver.

Albert était assise à la table d’honneur du banquet de bienvenue. Elle ne se rappelait plus vraiment comment elle était arrivée là, et crut un instant qu’elle était toujours en train de rêver assise sur sa terrasse, mais tout était trop réel. Et maintenant qu’elle y pensait elle se souvenait de tout. Elle avait bu ce délicieux vin et avait eu envie d’en reprendre. Elle s’était rapidement préparée pour le cocktail et s’était retrouvée au bar. Elle avait goûté plusieurs vins mais aucun n’arrivait même à évoquer le plaisir qu’elle avait éprouvé à boire ce verre sur sa terrasse. Elle était un peu pompette quand elle était arrivée à la table d’honneur et ses deux cavaliers lui avaient fait passer un très agréable moment à table. Surtout son voisin de droite. Albert ne se rappelait pas très bien comment elle était arrivée dans cette chambre mais le soleil devait s’être levé il y a peu quand on frappa à la porte de la chambre. Elle alla ouvrir, nue comme un ver.

Le groom qui était à la porte était le même que la veille. Cette fois-ci il ne portait pas de plateau mais tendit à Albert une enveloppe à son nom, toujours sans rien dire. Il s’éloigna ensuite, beaucoup plus lentement, en marche arrière sans quitter Albert des yeux. Albert prit conscience de sa nudité. Il serait plus convenable d’enfiler un peignoir ! Albert referma la porte doucement, pour ne réveiller personne car il était tôt. L’enveloppe était vide. Elle ne sentait pas la poussière comme la première fois. Albert la froissa, prit un peignoir blanc et descendit à la piscine. Elle était déserte. Albert enleva son peignoir et plongea dans l’eau. Albert se souvenait de tout. Cinq Albert avaient vécu cette nuit, simultanément. Et Albert était chacun des cinq. Chacune de ses nuits avait été parfaite. Albert profita de ce moment avec passion. Un choix devait être fait. Albert le savait. Le petit groom l’attendait à côté de l’échelle, avec son peignoir et Albert savait que le choix était pour maintenant, avant de l’enfiler. Albert sortit de l’eau, fit son choix, s’ébroua et enfila le peignoir.

Il était temps maintenant de remonter dans la chambre.

samedi 19 juillet 2014

Manif or no Manif ?

C’est nulle part ailleurs qu’à Paris. Manif cet après-midi pour les palestiniens contre Israël. Manif interdite par la préfecture de police (le gouvernement) et seul le NPA ;) appelle à manifester. Ca se passe à Barbès. En tous cas ça commence à Barbès, à côté de chez Tati, un samedi de soldes, écrasant avec la chaleur même si elle se calme un peu. La manif a été interdite suite aux heurts du 13 juillet devant des synagogues… C’est une provoc évidemment, même si à écouter le NPA tout se passera bien et ce n’est pas une manif mais un rassemblement ;) Le NPA fait ce qu’il peut pour faire parler de lui, et la cohabitation parisienne (surtout dans ce quartier) risque de pâtir de ce « rassemblement ». Les autres partis habitués de ce genre de manif se plient à la décision d’interdiction, tout en râlant : iols ne veulent pas être condamnés. A signaler que les résidents américains en France ont reçu un avis de leur ambassade les appelant à éviter le quartier pour leur sécurité. L’ambassade américaine n’envoie pas souvent ce type d’alerte. C’est à noter. Les organisateurs veulent protester contre cette interdiction (une manif ?) devant le Conseil d’Etat, alors que dans d’autres villes de tels rassemblements sont autorisés, comme à Montpellier par exemple. Mais Paris c’est Paris.

Sur le fond, le monde entier est choqué par les événements de cette semaine à Gaza, et les tirs sur des civils en Palestine, notamment sur ces enfants qui joutaient au ballon sur la plage. En France tout le monde a protesté, y compris François et le gouvernement. De là à importer le conflit israélo-palestinien en France, il y a un grand pas. On a déjà beaucoup d’actes racistes, anti-juifs ou anti-arabes, et la France n’est pas le lieu où se résoudra ce problème vieux de 80 ans quand les anglais qui géraient en bons coloniaux cette région du monde ont laissé venir une communauté juive de plus en plus importante, jusqu’à la création unilatérale de l’Etat d’Israël il y a (6)66 ans. L’histoire de la région est complexe et chaque couche de guerre ou d’intifada a creusé la distance entre les peuples et éloigné toute solution pacifique. Quelle que soit sa conviction intime, il me semble que la recherche d’une solution équilibrée est rendue chaque jour plus impossible, tant il y a de parties concernées. La France a eu dans la région une diplomatie fluctuante mais centrée autour d’un équilibre entre les deux camps principaux, ce qui ne plait à personne évidemment. Et cet équilibre n’existe pas dans tellement de domaines : un état riche et militarisé, un état pauvre et bricolé, par exemple.

Dans une situation où chaque période calme est en fait un conflit larvé et où chaque période de guerre (comme maintenant) déclenche des salves de commentaires de tous les bords, il est clair qu’une résolution ne peut venir que de grands hommes qui décident d’agir malgré tout et qui savent le faire parce que les conditions sont favorables. Cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de grand homme dans la région, malgré ce qu’ils pensent dans leurs égos.

Puisqu’il est impossible de faire des commentaires objectifs sur ce conflit, il faut le reconnaître. Ceux qui se sentent coupables cherchent soit à accuser l’autre soit à prouver « objectivement » que le conflit est de peu d’importance (par rapport à d’autres par exemple : on trouve toujours plus nul que soi ! Mais justement à cause de cette subjectivation nécessaire des positions de chacun (individuellement et autour de communautés d’intérêt) les interprétations et le métadiscours prend plus d’importance que la réalité. La manif parisienne est un exemple parfait de cela. On parlera plus d’elle que des manifs quotidiennes qui parcourent Paris, encore plus le samedi, pour montrer son désaccord face à telle ou telle situation dans le monde, et qui ont plus fonction de rassemblement régulier d’une communauté pour en resserrer les liens que de protestation.


Alors vous y allez à la (non) manif ?

vendredi 18 juillet 2014

Rebattre les cartes : en Afrique ou en France ?

Sortez vos cartes.

François est en Afrique, entre Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire et Niger) et Afrique centrale (Tchad). Il a parlé économie à Abidjan et parlera sécurité ailleurs. Pour la partie économique, même s'il est comme toujours accompagné de chefs d'entreprises, il s'agit de dire, en bon français : "We are back". La France a compris que le pré carré avait beaucoup arrondi ses angles et ouvert ses portes à des investisseurs et exploiteurs de toutes origines. En Côte d'Ivoire, la France pèse encore 30% du PIB, mais il est hors de question de considérer que c'est une rente acquise à vie. Ce pays est encore un pays pauvre, classé dans les vingt bons derniers au monde, même si beaucoup d'espoirs reposent dessus : revenir à une place dominante comme à l'époque pré-mondialisation ? Concurrencer d'autre géants économiques de la région (le Nigéria par exemple) ? Rétablir un sentiment de sécurité favorable non seulement au développement mais aussi à la séduction d'investisseurs étrangers ? Le problème est que si tout le monde prédit un essor de l'Afrique, il s'agit de ne pas rater la marche pour les français. 30% d'une économie très pauvre, c'est très différent de 30% d'un futur pays émergent (dans dix ans a dit François ? Cela parait très optimiste, mais l'Afrique est comme un grand fauve qui dort, qui se réveille et qui court vite attraper une proie - pour se rendormir après...). Le discours politique a donc tourné autour de l'économie. Le président ivoirien en a profité pour demander un soutien dans le domaine de la justice car le pays manque cruellement de juges dans tous les domaines, et un pays sans justice ne peut offrir un cadre au développement. N'oublions pas que le droit ivoirien, comme partout en Afrique francophone est basé sur le droit français, avec une touche de droit coutumier et une organisation africaine sur le droit des affaires, l'OHADA.

Cette diplomatie économique est portée par Laurent Fabius. Elle vise entre autres à redessiner les contours d'une carte diplomatique, avec ses priorités et ses zones en jachère, autours des enjeux économiques de la France. Pour avoir écouté quelques discours lors des journées annuelles du réseau des diplomates et représentants de la France sur le terrain (politique, économique, culturel), il ressort de cette expression deux sens très différents :
- explicitement, la diplomatie Economique, qui met l'accent sur les liens entre le développement (y compris pour la France elle-même) et une diplomatie autrefois plus d'influence que d'autre chose, comme quand le monde parlait français.
- implicitement, la diplomatie économique, c'est-à-dire pas chère, au rabais ou cheap. Car les moyens sont en baisse rapide et les représentants français sur le terrain doivent faire avec des bouts de ficelle et des "partenariats" privés qui transforment leur action : Avant un centre culturel accueillait une exposition d'un artiste français. Maintenant elle loue ses salles à des expositions itinérantes sponsorisées par des entreprises. On passe tout doucement dans le régime de la production et du copyright tout en défendant les droits d'auteur et les artistes. Exercice délicat mais intéressant. En tous cas, si l'on applique ce discours à la Francophonie, sujet cher à ce blog, il y a beaucoup à faire pour la faire passer du négativisme passéiste à un positivisme innovant.

Le reste du voyage est consacré plus à la sécurité au Sahel et dans la région, hors frontières des pays puisqu'elles sont poreuses pour les groupes terroristes. Il s'agit de lancer officiellement la nouvelle organisation régionale qui sera basée au Tchad. Ballet d'avions à prévoir dans toute la région, heureusement moins équipée en missiles sol-air que la frontière est de l'Union européenne. On écoutera les discours de François avec attention ou on lira la presse africaine, ici ou ici.

Mais pendant l'absence de François de France les députés français en ont profité pour redessiner la carte des régions de France. La nouvelle carte vient d'être votée par l'Assemblée nationale cette nuit. Le Sénat ne sera pas d'accord mais avait passé son tour donc il faudra attendre un peu avant que la carte soit finalisée, mais c'est tout comme. Voici la manière dont Le Monde la présente :



De toutes façons cette carte va évoluer à la marge. Car un deuxième round commencera pour aboutir à la carte définitive en 2016 : une fois les discussions conclues entre régions dans cette carte, les départements auront le choix et pourront demander à changer de région. On pense évidemment à la Loire Atlantique ou à ce magma autour du Centre et des Pays de la Loire. En tous cas ce n'est pas dans la carte votée cette nuit qui s'est contentée de regrouper des régions sans toucher à leurs frontières. Il faudra déjà un peu de temps pour digérer tout ça. Il faudra aussi laisser passer les élections régionales, quitte à ce que paradoxalement un département vote dans une région et soit ensuite rattaché à une autre, en fonction des choix du nouvel exécutif régional et départemental issu de ces élections. Un cercle vicieux ou un cercle vertueux ? A voir !

Rebattre les carte, c'est bien de temps en temps, surtout quand on est enfermé dans un jeu trop figé et qu'on semble arrivé au bout des possibilités avec cette donne. Mais rebattre les cartes pour le plaisir ou comme principe de management n'est jamais qu'une solution à court terme. Les patrons d'entreprises qui ont choisi ce mode de gestion savent bien que ça ne sert qu'à gagner du temps (avant leur retraite dorée en général). Les vrais stratèges le font peu et au bon moment. Car souvent ce  sont les hommes et les femmes et leurs motivations qui font les réformes, pas le redécoupage des cartes. Alors, ets-ce le bon moment ?

jeudi 17 juillet 2014

Côté cour (d'école) ou jardin/plage ?

La vie politique ressemble à du théâtre, avec sa scène et ses coulisses, la salle et le foyer, les acteurs et les seconds rôles, la comédie et la tragédie, les intrigues et les rebondissements. Il y aussi des intermittents en politique. Ce sont ceux qui nous gouvernent et qui oublient souvent qu'ils ne font que passer. Certains s'accrochent d'ailleurs un peu trop. Les politiques ne font pas grève, au contraire des intermittents du spectacle.

A Bruxelles on a vécu hier un Sommet européen proche du guignol ou de la commedia dell'arte. Les chefs d'Etats étaient a priori réunis pour trancher sur l'exécutif européen. Le président de la commission a été nommé, mais il n'a visiblement pas son mot à dire dans la composition de son équipe, les fameux commissaires. Le grand déballage était au rendez-vous. Normal, on est en pleins soldes un peu partout en Europe. Et chacun y est allé de son poulain. La France essaye de vendre Moscovici au poste le plus "économique et financier" possible, les italiens veulent les affaires étrangères, mais cet ensemble, qui est déjà difficile à mettre au point quand un président tout seul essaye de constituer son gouvernement devient un casse-tête quand il y a 28 "présidents" autour de la table, sans super-président malgré le souhait d'Angela, qui n'est que championne du monde de foot.

Les puissants de l'Europe se retrouveront le 30 août. Entretemps, vacances et lobbying intense pour eux et pour leurs conseillers. Augmentation du trafic téléphonique à prévoir en Europe, ainsi que des voyages entre capitales. Ca tombe bien puisque l'UE vient de demander à tous de baisser les frais de "roaming" (c'est du téléphone, quand on est à l'étranger avec son abonnement national). Le mot roaming me fait penser à une bête sauvage rôdant en attendant sa proie. Aucun rapport avec les télécoms ou la politique européenne, dites-vous ? Ah bon, vraiment ?...

Ces batailles de cour d'école entre politiques sont fréquentes. La Commission européenne qui sortira de ces nominations (dûment approuvées par le Parlement européen) gouvernera l'UE pour quelques années pourtant. Avec ces marchandages, on risque de se retrouver à la fin avec des personnes (compétentes par ailleurs) mais pas au bon poste. Il faut en effet penser non seulement en termes de compétences et d'expérience, mais aussi de nationalités, de genre, d'âge, d'origines religieuses, de familles politiques, d'affinités, de Nord-Sud, d'Est-Ouest et de je ne sais quoi encore. On verra bien qui restera sur le carreau.

On dirait une photo dans la cour de l'école, non ?

Comme au théâtre il y a le côté cour (officiel, apparat, droite, royal, courtisan) et le côté jardin (gauche et intime). C'est donc aujourd'hui aussi que Paris Plages commence. Le temps est au rendez-vous. Et Paris prend ses quartiers d'été et l'actualité politique va se calmer.

On espère que la Mairie profitera de l'occasion pour agir contre les cadenas d'amour. Faire sauter les cadenas, c'est une nécessité, partout où ils sont.

mercredi 16 juillet 2014

Spam, sperme ou les deux ?


ILondres se termine. Avant de revenir à la passionnante vie politique française, quelques impressions anglaises.

On en parlait hier mais les journaux anglais c'est pas comme les français. La preuve ? Une des nouvelles Cameron girls est décrite comme cela dans le Daily Mail. Vous imaginez ça en France sans qu'on crie au scandale ?


En tous cas l'objectif affiché est d'avoir un tiers de femmes au gouvernement ici. Seulement ? Et ils y sont presque... Celle ci est la star montante des conservateurs (leur NKM) et a le portefeuille de l'emploi. On est en plein remaniement marketing. Tout est bon pour les prochaines élections de 2015. 

Pas de photos touristiques aujourd'hui. Hier soir c'était les Monty Python (mostly) Live pour moi au O2. Magique, jouissif, joyeux et émouvant. Premiers spectacles en vrai depuis plus de trente ans. Cinq sur six sont vivants, entre 70 et 80 ans. Comme ils disent : "un de tombé, cinq à venir".

Ils sont en grande forme et ont du mal à retenir quelques fous rires. Tous les sketches classiques étaient au rendez-vous, avec des variantes. On notera avec délectation par exemple les nouveaux couplets de la chanson "it's nice to have a penis" qui parlaient du vagin et du cul (excusez ce langage qui fera désindexer ce billet par Google, mais c'est de l'Art et pas du cochon). On notera aussi les jolis penis déguisés en sucettes pour l'autre chanson "every sperm is sacred" (décidément). Un peu d'actualité à propos du foot avec la retransmission du match des philosophes (mais les allemands ont gagné ou perdu c'est selon) et quelques jeux de mots cruels sur les allemands. 

Quelques photos, pas de bonne qualité mais je rigolais trop. Je n'ai pas réussi à photographier les fans déguisés : le cosplay version Monty Python, avec des mouchoirs sur la tête, des philosophes en perruque et baskets, un homme des cavernes et plein de lumberjacks ;)















mardi 15 juillet 2014

Londonien d'un deuxième jour avec Matisse

Mais pourquoi deux jours à Londres ? Vous le saurez demain ;) car il y aura un troisième jour avant retour à Paris. 

Le gouvernement britannique a profité de mon séjour pour mettre la barre encore plus à droite vers les euro sceptiques. Le Daily Mail, bon représentant de la presse populaire titre sur la fin des quinquas blancs et bon teint pour une équipe resserrée autour de Cameron avec un rajeunissement attendu et une féminisation, genre dames de fer dans des tailleurs de velours. Le Daily mail est très macho, mais c'est normal ici... Il faut dire que les élections de 2015 font peur aux conservateurs au pouvoir. C'est le remaniement le plus important et le virage euro sceptique est flagrant. La coïncidence avec l'intronisation de M. Juncker comme président de la Commission européenne est tout sauf une coïncidence évidemment. Cameron l'avait assez combattu !

Mais Londres est une ville intéressante à visiter avec ses buildings posés aléatoirement les uns à côté des autres dès qu'on s'éloigne du centre historique. 

Allez y cet été et ne loupez pas l'expo Matisse à la Tate Modern. Fabuleux collages et expo indispensable. En anglais on parle de cut outs, des découpages dans du papier gouaché. En français on parle plus de collages : cut and paste comme disent les utilisateurs d'ordinateurs depuis 30 ans et le premier Mac... C'est intéressant de comparer le geste (cut out) et le résultat (collage). Matisse en a parlé beaucoup dans le rapport entre la main et la tête chez l'artiste, notamment dans son livre "Jazz". Ce livre remplit d'ailleurs une salle entière de l'expo avec collages originaux, reproductions du livre original et textes manuscrits. Très très émouvant.

Photos de Londres à suivre. 




Agréable de voir un pont sans (presque aucun) cadenas, non ? On a vraiment l'impression d'être sur l'eau. 


Et avec des bulles c'est encore plus aérien.



Matisse donc


L'intérieur de la Tate sans expo gigantesque reste une œuvre d'art à elle toute seule !





Un petit café ? En hommage aux Rolling Stones ?


lundi 14 juillet 2014

Londres


Je suis à Londres. Pas pour voir comment les anglais réagissent à la victoire et à la quatrième étoile de l'Allemagne au foot, ils s'en foutent ;)

Pas non plus pour commenter la décision historique de l'église anglicane qui va accepter des évêques femmes, après avoir depuis 20 ans des prêtres femmes. Ça leur permet de se moquer un peu plus du Vatican avec ils ont rompu il y a quelques siècles. 

Non, je fais le touriste ici, le 14 juillet. Images...

Eurostar nous a distribué des drapeaux et il y a la fête chez les frenchies de Londres !



Quelques vues




La plus ancienne prison de Londres avec un vieux prisonnier


La passerelle Millenium dont les fans de Harry Potter se souviennent


Un petit tour chez Harrods ?





Un tour au Globe, le théâtre (reconstitué) de Shakespeare





Et enfin une visite du Shard, le plus haut building d'Europe ( le Pérou aussi c'est haut mais c'est pas en Europe







Au 72ème, on ne peut pas monter plus haut mais il y encore pas mal de niveaux au-dessus



Vive la France !