Monsieur et Madame Pomme... changent de vie - Épisode 131

Premier épisode là et épisode d'hier ici

Monsieur Pomme n'a pas le moral ce matin. C'est samedi, il ne sera pas en télétravail même s'il pourra sans vraiment d'enthousiasme rattraper quelques trucs en retard. D'habitude il essaye de ne jamais travailler le week-end, sauf urgence. Pour avoir le temps de se ressourcer, pour se plonger dans les bras de Madame Pomme ou pour faire des trucs intéressants.

Mais aujourd'hui, le tonus n'y est pas. Il a pris une double douche et fait lustrer ses poils. Vous saviez naturellement que les pommes ont des poils, tout petits évidemment mais quand même. Il faut les entretenir, les cirer, les faire briller, les brosser dans le bon sens. Tout ça est très bien, mais cela ne suffit pas.

Alors Monsieur Pomme regarde la liste de tout ce qu'il doit/peut faire : une liste bien triste car elle manque de buts, d'objectifs. Ce sont plus des passe-temps que des chemins vers un objectif, des voyages sans destination. Et comme l'a dit Lao Tseu "celui qui n'a pas d'objectif ne risque pas de l'atteindre"...

Monsieur Pomme regarde sa liste : il ajoute "Programmer le jeu que je n'ai jamais fini". Au moins c'est un objectif avec un résultat qui pourrait être visible pour plein de gens. Enfin, plein... ne rêvons pas, se dit Monsieur Pomme. Peut-être quelques proches y joueront pour me faire plaisir. Car c'est un jeu simple et éculé, mais qui correspond à une époque. Celle des jeux aujourd'hui appelés abandonware ou vintage. Dans son cas il avait choisi un jeu à base de pommes - évidemment - qui se faisaient manger par un vilain serpent. Une sorte de catharsis pour évacuer tous les péchés des pommes depuis celui de la première, à l'époque d'Ève et d'Adam.

Seulement, il faut de l'énergie pour se remettre à un tel jeu. Monsieur Pomme n'en a pas encore assez. Il entend en plus au loin le bruit des trains qui pourraient l'amener auprès de sa blonde Madame Pomme. Il soupire.

Puis il allume la radio et entend la voix de Madame Pomme ! Madame Pomme à la radio ? Qu'importe, c'est sa voix. Il monte le son et écoute :

"...groupe de combattantes. Nous ne laisserons pas faire !" puis un homme dit "Merci Madame Pomme. À suivre donc". Et la musique reprend.

Monsieur Pomme est interloqué. Que se passe-t-il ? Combattantes ? Groupe ? Il ne comprend rien. Il se précipite sur son téléphone et appelle Madame Pomme. Mais elle ne répond pas. Il envoie plein de messages par toutes sortes d'applications sur son téléphone. Et il attend fébrilement.

Il pressent déjà qu'il va passer un samedi de merde comme dans pulpe friction. Il se refait un café.

Monsieur et Madame Pomme... changent de vie - Épisode 130

Premier épisode là et épisode d'hier ici

Monsieur Pomme a passé une journée horrible hier. Sans Madame Pomme évidemment, mais aussi dans une atmosphère véreuse tout autour de lui : un boulot encore présentiel en partie et pas du tout bien organisé ; l'attente du détail des mesures de confinement pour savoir s'il pourrait aller au parc qui est à un peu plus d'un kilomètre de son studio ; l'horreur d'un attentat qui a rétracté ses pépins (dans un ordre croissant d'importance).

Il a réussi à honorer de sa présence deux de ses restaurants favoris, qui vont fermer pour plusieurs semaines, comme un tout petit geste de solidarité. Ses courses l'ont amené dans une librairie de musique pour démontrer là aussi une solidarité ridiculement maigrichonne et pour, soyons réalistes, assouvir sa nouvelle passion musicale.

Car Monsieur Pomme avait de l'énergie, vous vous souvenez ? Alors il a ouvert son ordinateur (un Mac d'Apple of course, quoiqu'il préfère manger autre chose que des pommes car il n'est pas autopommophage quand même) puis son tableur excellent et il a commencé à y lister les choses qu'il pourrait faire, puisqu'il sera seul pendant ce confinement :

• Télétravailler, naturellement, en tous cas aux heures prévues, car il n'a pas trop envie de devenir un workalcoholic qui se dissoudrait progressivement dans le Calvados
• S'occuper de son studio et de la nourriture, une activité nécessaire mais pas très stimulante, car sa cuisine est très petite
• Écrire. Monsieur Pomme a toujours rêvé d'écrire mais il n'a jamais essayé. Alors il a décidé de s'acheter (dans la librairie musicale) un cahier avec des portées musicales pour y poser des mots, des notes ou même des dessins. Dans un premier temps il va le garder secret, mais on ne sait jamais...
• Apprendre la musique ! Monsieur Pomme a acheté une méthode pour apprendre à jouer de la mandoline, un instrument qui l'a toujours fasciné depuis les concertos de Vivaldi mais qui lui a toujours fait peur compte tenu du nombre important d'accidents domestiques avec les mandolines. Mais Monsieur Pomme est un optimiste et est prudent. Il n'est en tous cas certainement pas un domestique, non mais !
• Faire des maquettes. Il a laissé les neuves avec Madame Pomme, mais il lui en reste ici quelques-unes à rafistoler ou à terminer. Des maquettes en bois d'arbre fruitier évidemment. Des arbres qui ont bien vécu et qui ont été remplacés par plein de jeunes pousses ensuite. Soupir.

Monsieur Pomme a ajouté plein de colonnes pour essayer de calculer des priorités entre toutes ces bonnes (?) idées. Mais le résultat n'est pas probant. Alors il a décidé de tout faire à la fois en organisant sa journée.

Mais il a aussi décidé de ne pas commencer ce vendredi 30, premier vrai jour de confinement. Il sera temps de le faire lundi prochain. Aujourd'hui il va simplement travailler et bouffer des gâteaux. Et ce week-end il verra. Il peut aller jusqu'à un bout de son parc favori mais n'aura pas le droit d'en faire le tour. C'est toujours ça. 

Il pense à Madame Pomme, et croque un bout de gâteau. Que fait-elle ?

Monsieur et Madame Pomme... changent de vie - Épisode 129

Résumé des épisodes précédents, car la situation l'exige :

L'épisode 1, vous vous en souvenez tous, nous avait permis de découvrir ce couple charmant (surtout Madame Pomme), en pleine béatitude après un long confinement à deux dans leur cocon (de ver à pomme). Il se terminait sur un cliffhanger insoutenable. C'est dans les épisodes 2 à 128 que s'est développée l'intrigue principale : 

• retour aux boulots dans leurs deux villes suite à cet appel terrible du patron de M. Pomme, l'horrible Monsieur Datte ; 
• rythme haché et retrouvé de transhumances fruitières hebdomadaires dans des wagons souvent en retard et dans des conditions indignes d'une canette bio ; 
• possibilités rares de voir leurs enfants (eh oui, on a découvert leur existence dans l'épisode 54, souvenez-vous en) ; 
• alertes santé qui les ont obligé à ne pas se voir quelques jours par-ci par-là par précaution entre deux enfilages de cotons-tiges dans leurs pépins ; 
• réunions sans intérêt chez leurs employeurs et qui prenaient deux fois plus de temps en présentiel qu'en virtuel à cause des bavardages de leurs collègues... 

Une vraie saga en effet et je sais que vous l'aves appréciée à sa juste valeur si j'en crois les millions milliers centaines dizaines quelques réactions que j'au reçues.

(Mise à jour) : On m'annonce que les épisodes 2 à 128 ont été perdus et ne sont pas disponibles en ligne. Je ne comprends pas pourquoi : un piratage chinois ou trumpîen ? une censure de Google ? le fait que je ne les aurais ni écrits ni publiés ? une erreur technique ? Je ne sais pas mais j'enquête !

Or donc, cet épisode 129 est un peu spécial, car c'est le dernier jour avant le confinement new style, le retour, le confinement II. Le deuxième confinement, à ne pas confondre avec le second, car si l'on disait second, cela supposerait qu''il n'y aurait pas de troisième... un peu comme si un feuilleton ne comprenait que l'épisode Un et rien d'autre après... Ridicule, non ?

À partir de demain, le 30 octobre, l'épisode 130 continuera la chronique quotidienne de Monsieur et Madame Pomme, mais dans un monde et un contexte totalement nouveaux : finie la phase du confinement heureux à deux, finie la phase du déconfinement heureux qui les a éloignés physiquement seulement et qui était devenu leur quotidien en attendant ces mutations tant espérées. Demain, commence pour eux la phase du confinement heureux à distance, chacun dans son chez soi et juste des liens virtuels entre eux. Une expérience nouvelle pour eux. Un feuilleton qui, en quelque sorte, bénéficie d'un reboot (et non d'un rebut comme mon correcteur orthographique me le suggère - hommage à Monsieur Rey qui a si bien aidé les mots et la langue française, particulièrement autour des variétés de pommes).

Ce changement de vie commence dès aujourd'hui, dans la tension : les annonces du reconfinement d'hier soir ont stressé tout le monde, y compris Monsieur Pomme, Madame Pomme et Monsieur&Madame Pomme. Comment vivre loin l'un de l'autre sans espoir de se revoir avant un mois, sauf cas de force majeure non souhaité ? Les enfants sont stressés, aussi pour leurs boulots - ou absence de ! Et en plus ils ne pourront pas les voir non plus chacun de leur côté ou si rarement... Les collègues ne savent pas encore à quelles sauces (chutneys évidemment) ils seront mangés. Tout cela doit se décider aujourd'hui dans les détails et tout le monde sait que le diable est dans les détails comme le ver dans la pomme.

Monsieur Pomme est donc bien triste ce matin. Un dernier jour de liberté dans cette ville qu'il déteste de plus en plus, avec ce petit studio et ces trains qui font vibrer les murs toute la journée, pour faire des courses avant fermeture des magasins, dans une cohue qu'il imagine déjà immense puisque tout le monde voudra faire comme lui ! Alors il décide de finir son café Calva et de prendre son pied la route, comme on dit au pays des Mangues. Il a plein de boulot aujourd'hui, mais c'est le dernier jour avant fermeture, alors, il faut y aller !

Monsieur Pomme se regarde dans la glace. Il est bien triste, mais il sait que le soleil de Madame Pomme reviendra. Il se sourit dans la glace, comme si elle était en face de lui. En fait, il lui sourit. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est toujours ça que les vers-virus n'auront pas ! Et ce sourire lui redonne de l'énergie.

De l'énergie ? Que va-t-il en faire ? Il n'a pas envie qu'on lui plante deux électrodes pour en faire une pile électrique, comme une vulgaire pomme de terre (horreur !). Alors, il faut qu'il fasse appel à son imagination... Oui, que va-t-il faire ?

Pourquoi ajouter du bruit au bruit ?

Pourquoi bloguer aujourd'hui ? 

Pourquoi poster un billet sur un sujet (d'actualité) parmi tant de voix si discordantes ?

Si c'est pour le plaisir de donner mon opinion personnelle sur un fait de société important, qui cela pourrait-il intéresser ? Celles et ceux qui me connaissent ? Ne savent-ils pas déjà ce que je pense et ne m'ont-ils pas déjà dit ce qu'ils pensaient ? En tant que citoyen de base, j'ai effectivement des avis, des opinions, peut-être même des informations, mais en quoi méritent-elles d'être partagées ? Ne serait-ce pas là le simple signe d'un égo démesuré ? D'un exhibitionnisme outré comme tant de gens sur les réseaux sociaux ? Et de voyeurisme, même, si on prend en compte les réactions possibles des autres ?

Si c'est parce que je détiens une science infuse et digne d'être partagée, enseignée, qui suis-je pour cela ? Serais-je autre chose qu'un simple citoyen ? Serais-je un des ces experts auto-proclamés qui n'ont que le mérite de bien parler ou de bien écrire et donc d'être invité par des médias qui cherchent avant tout à remplir le cerveau des auditeurs pour capter leur attention et leurs données personnelles pour se faire de la pub et du fric ? Serais-je un vrai intellectuel qui a des choses à dire, voir à débattre, et en ai-je les preuves, même, si j'ose le dire, en ai-je les couilles ? En quoi serais-je différent et plus intéressant que ce ballet de mouches comme disait le dramaturge grec ? Parler aujourd'hui ne serait-il pas autre chose que d'affirmer son humanité face au bruit du bruit du bruit du monde ?

Si c'est pour défendre une conviction de liberté d'expression, de laïcité, d'ouverture, quelle est mon autorité au-delà d'un simple citoyen ? Est-ce que je représenterais une organisation ? un mouvement ? Est-ce que je serais audible parmi ces informations, opinions et interprétations qui s'accumulent en ce moment, en mélangeant tous les niveaux comme s'ils n'en faisaient qu'un ? comme si les faits (vrais et validé, ou faux et même manipulés) et les interprétations (politisées ou intellectualisées) étaient confondus ? Pourquoi d'ailleurs mes billets de blog seraient plus crédibles ou intéressants que d'autres sources plus faciles à trouver, car souvent bien mises en avant par leurs auteurs, influencer, médias ?

Si c'est pour ajouter du bruit au bruit, voire aux bruits, est-ce utile ? Dans une situation où il y a déjà trop de fausses infos et de manipulations, ne vaudrait-il pas mieux rappeler les messages de base ? Simplifier ? Revenir aux valeurs derrière les multiples condamnations de l'attentat de Conflans ? Pourquoi attacher de l'importance a ce qui a été bafoué vendredi dernier ? Pourquoi, mais aussi comment, comment faire pour agir ? Qui doit agir ? Le gouvernement ? Certains corps constitués et lesquels ? Tous, si cela veut dire quelque chose ? Chacun ? Moi ? Vous, chère lectrice et cher lecteur ?

Oui, pourquoi bloguer aujourd'hui finalement ? Vous en pensez quoi ?