jeudi 28 mars 2019

Réforme du droit d'auteur : petit tour des parties prenantes

Vous avez suivi l'actualité, je suppose, surtout si vous êtes un peu plus jeunes que la moyenne d'âge des députés (européens ou autres) et que vous connaissez un peu (plus qu'eux) le numérique.

Résumé ici, sur Google Actus of course.

Cette réforme en gestation depuis longtemps était partie d'une bonne idée, y est-elle arrivée ?

Il s'agissait de faire entrer le numérique dans une législation européenne sur les droits d'auteur et les notions connexes qui datait d'avant (2001 pour la dernière loi européenne sur le sujet, alors que Facebook ne sera lancé qu'en 2004 et YouTube en 2005. Le web avait moins de 8 ans).

Soyons clairs, aucune réforme ne peut satisfaire tout le monde, tant les "parties prenantes" sont différentes. Trouver un compromis ou un "en même temps" suppose une vision de la société numérisée. En l'absence de telles visions partagées, chacun y est allé de son propre compromis. Et non, je parlerai du Brexit et de ses absurdités un autre jour ;).

Focalisons nous un peu sur les parties prenantes, par catégorie, quand on parle de contenus sur internet : (our en savoir plus, je parle souvent de l'Internet sur ce blog, voyez ici ;)

Ceux qui les produisent :

- Les auteurs patentés (qui vivent au moins en partie de leurs oeuvres ou contenus), qu'ils soient auteurs officiels grâce à toutes sortes de supports (écriture, son, image, multimédia) ou que cela soit une partie importante de leur métier comme des enseignants, des chercheurs ou des journalistes. Eux cherchent à se faire rémunérer justement (fairness) grâce notamment au droit d'auteur et aux droits "voisins" ou par des systèmes de type "copyright" qui remplacent certains droits d'auteur dans dessines importantes du monde (comme les USA). Il y a l'aspect rémunération, mais aussi le côté moral pour vérifier que son oeuvre n'est pas trahie. En plus des professionnels patentés, on a vu apparaître plus récemment des personnes qui gagnent également de l'argent (youtubeurs par exemple) grâce à d'autres canaux, comme la pub.

- Les auteurs amateurs, ou les simples utilisateurs qui ajoutent des contenus, sans incidence financière, ou négligeable, et qui souhaitent même souvent que leurs contenus soient diffusés et repris le plus largement possible. Je me mets dans ce tas-là, très hétérogène, qui est en fait le sel même de l'Internet, et donc du Web. Le problème vient du fait que ces personnes sont aussi des utilisateurs de contenus et même de temps en temps des diffuseurs directs de contenus. J'écarte le sujet de la vie privée, de la pub qui est vendue par des sociétés à partir de leurs données personnelles plus ou moins bien protégées, pour ne parler que des contenus publiés et destinés à être partagés.

- Les robots et autres intelligences artificielles qui commencent à se répandre et qui, oui, aussi, produisent des contenus, au-delà de ce qui a été prévu par leurs programmeurs. On ne parle pas de droit d'auteur pour ces "systèmes", puisqu'ils n'ont pas (encore) de personne morale ou physique, mais cela viendra bien un jour, fatalement.

Ceux qui les rendent disponibles : Il y a foule dans ce segment, où se fait l'essentiel des bénéfices et des prises de pouvoir :

- Les GAFA et autres grandes plateformes numériques qui vivent essentiellement en vendant des services directs ou de la pub à partir de leurs visiteurs. On parle ici de grandes entreprises, ou de licornes ou même d start-up qui cherchent à se fair racheter le plus vite possible par des poissons plus gros. Il y en a aussi en France et pas seulement aux USA ou en Chine. Sans parler des aspects monopole, évasion optimisation fiscale, vie privée, censure, il y a beaucoup à dire sur leurs différentes politiques de contenu. Personne ne lit plus les clauses légales et c'est bien dommage car elles sont souvent léonines ou à la limite de la légalité, dans un contexte international où les lois nationales sont très différentes. Beaucoup parmi ces compagnies veulent profiter des avantages sans subir les inconvénients (payer des droits d'auteur, chasser les pirates, assumer une responsabilité éditoriale, permettre une transparence des usages...) et jouent selon les circonstances dans plusieurs registres : hébergeur, éditeur, auteur...

- Les opérateurs techniques (réseaux et serveurs, accès physique) qui cherchent à se réfugier dans une simple rémunération des flux de données transportées ou des moyens physiques d'accès. Plusieurs acteurs cumulent ces deux premiers types, comme Google, Orange par exemple. Mais les rôles sont assez différents et tout le débat sur la Neutralité du Web est centré là-dessus. Contrôler à la fois le contenu et le contenant déforme la réalité et fausse la concurrence et les droits des autres. "Je fais passer mes contenus en priorité et plus vite, ou en fonction du montant payé par l'utilisateur ou le fournisseur. Eux, ils ne veulent surtout pas être tenus pour responsables des contenus qui circulent dans leurs tuyaux ou des usages qui en sont fait, sauf que un gouvernement leur demande de couper les robinets (comme récemment en Algérie, ou régulièrement en Chine, comme s'il pouvait devait exister plusieurs internets reliés par des filtres aseptisants).

- Les distributeurs classiques qui ont du mal à trouver leurs nouveaux modèles économiques face aux plateformes numériques mais qui y arrivent de temps en temps, selon le type de contenu distribué, souvent d'ailleurs grâce à des start-up dont le rêve est de profiter de ces marchés pour devenir des licornes. Tous les contenus ne sont pas numériques, encore.

- Les éditeurs (tous supports confondus), dont le métier est avant tout de gérer des droits d'auteurs et d'organiser une distribution par toutes sortes de canaux. Se faire évincer de son marché traditionnel par des sociétés numériques (pure players comme on dit) est leur principal cauchemar, mais tout reste possible s'ils sont assez "agiles". Eux considèrent que toute personne qui édite doit être un éditeur, respectant des règles, et que ce sont les éditeurs qui doivent contrôler le système. Ils contrôlaient très bien "leurs" auteurs auparavant et ne voient pas pourquoi cela devrait changer. Sauf que cela a changé, et même dans l'édition littéraire (fiction et non fiction) de plus en plus d'auteurs choisissent en plus l'auto-édition.

Ceux qui les utilisent :

- Les utilisateurs évidemment, lecteurs, spectateurs, joueurs et autres humains normaux. De plus en plus de ces utilisateurs deviennent des auteurs, petits au début, ou parce qu'ils contribuent de temps en temps à une oeuvre collective comme un wiki (il n'y a pas que Wikipédia). un forum de questions-réponses ou un partage de ressources éducatives, ou même et de plus en plus des informations tweetées, en l'absence de journalistes, que ces informations soient vraies ou des infox. L'utilisateur aime utiliser, par définition, ou alors il a besoin de le faire. Dans tous les cas, toutes les barrières sont perçues par lui comme des limites à sa liberté, y compris parce qu'il faut payer de plus en plus d'abonnements un peu partout le long de la chaîne pour voir des contenus. Certains utilisateurs piratent directement ou ne cherchent pas à savoir si les contenus qu'ils consultent sont légaux. Les doits de copie privée, de citation, de parodie ou d'usage éducatif sont autour d'eux dans un flou artistiquement entretenu. Rappelons quand même que sans utilisateurs tous les systèmes précédents s'écroulent.

- Les nombreuses sociétés qui utilisent ces contenus pour leurs besoins propres, que cela les aide à mieux cibler leurs acheteurs ou à créer des produits qui intègrent ces contenus (libres ou non de droits d'auteur). Il s'agit des fameux "usages commerciaux" qui se différencient donc des "usages privés". Il y a tellement de telles sociétés qu'il est difficile de savoir où gravitent les contenus produits par un auteur et s'ils sont légalement exploités.

Ceux qui les observent et règlementent :

- Les États ou les groupements d'États comme en Europe, qui règlementent. Chaque fois qu'ils fixent des règles ou qu'ils les font évoluer, les systèmes ci-dessus s'adaptent. Souvent même ils détournent ces règles pour exploiter d'autres pistes. Beaucoup reprochent aux États de trop intervenir ou pas assez, de ne rien connaître aux numériques (je préfère ici mettre au pluriel), d'avoir peur des usages du numérique contre leur propre pouvoir, voire existence ou d'être dépassés par leurs jeunes. Les lois qualifiées depuis longtemps de "liberticides" se succèdent mais à chaque fois, non seulement l'étau se resserre autour des plus faibles, mais des voies de contournement se développent. En l'absence de gouvernances supranationales efficaces, il est difficile pour eux de faire mieux, pour l'instant. Même en France, notre ministre du numérique vient de démissionner. Et encore, on n'est pas en Chine ou ailleurs...

- Les sociétés d'auteurs, qui ont un rôle trouble : censées protéger les intérêts des auteurs (par type de production, SACEM, SGDL, SCAM ou autres), surtout les faibles, en centralisant la gestion des droits d'auteur et en permettant des prestations sociales associées, ces sociétés se sont progressivement transformées en bunkers au service des très grands auteurs (puisque les plus riches ont des parts et sont donc rémunérés deux fois) et en lobbies très conservateurs. C'est normal, puisqu'elles défendent leur existence même. Dans la réforme européenne, ce sont elles les grandes gagnantes, what a wonder !

Voilà, voilà. 

Je crois que je n'ai rien oublié d'important...

Ah si : la justice ! On oublie toujours les juges et les tribunaux, nationaux ou internationaux. Il est tellement plus facile de les remplacer par des policiers ou des milices privées ou même des algorithmes bêtes comme leurs concepteurs. La justice applique le droit défini par des lois votées ou des conventions acceptées. Mais elle est indépendante, elle, des lobbies. Et elle a le droit de croiser plusieurs domaines du Droit.

Excusez-moi pour cet oubli.

jeudi 14 mars 2019

Solution (dans la vie courante) à la quadrature du cercle en ce Pi Day

Je vous en πarle régulièrement, mais cette année, il y a du nouveau.

Le Pi Day ? En 2015 "Mathons ce qu'il y a à voir", en 2016 "Un travail sans fin", en 2017 "Le dernier jour de Pi de l'ère François" et en 2018 "DMDM 2018".

Aujourd'hui, foin de Pi, d'Einstein et de Hawking. ∏arlons des différentes quadratures du cercle qui s'offrent à nous.

C'est aujourd'hui le dernier jour pour clore sa liste de vœux sur ∏arcourSup le bien nommé. Il sera toujours πossible πendant deux semaines de comπléter son dossier mais il ne sera πas πossible d'ajouter d'autres décimales vœux. Bonjour les angoisses πour nos chers terminaleux anonymisés en πartie à πartir de cette année, mais πas au niveau du nom du lycée. Une étaπe imπortante πour les élèves et aussi leurs πarents.

C'est aujourd'hui aussi le dernier jour du grand débat. Les analyses ont commencé mais la recherche d'une synthèse va être un exercice délicat, une vraie quadrature du cercle, histoire de ne πas tourner en rond, mais πlutôt dans une sorte de sπirale vertueuse (on esπère) ou vicieuse (c'est πossible...). On πeut être rassurés par l'absence d'un bordel comme dans d'autres πays, mais est-ce tellement rassurant ? Attendons un πeu...

Il y a le bordel πoπulaire et créatif en Algérie, un πays où la démocratie se doit de trouver une nouvelle forme aπrès des décennies de πouvoir concentré entre les mains de quelques-uns. un vrai πrintemπs algérien πour lequel il est trop tôt πour imaginer de quelles couleurs seront les bourgeons.

Il y a aussi le bordel britannique. Thérèse May a choisi une tactique risquée πour rester au πouvoir : éliminer tous les autres scénarios (que le plan aππrouvé par l'UE) afin d'avoir un Brexit raπide avec cet accord, ou au contraire un Brexit dur sans accord, mais cette fois imπosé πar l'UE qui en πorterait alors la resπonsabilité. C'est πas moi, c'est eux, haha... ∏ffffffffft ! En l'absence d'un gouvernement réel et en πrésence d'un πarlement sans majorité πour rien, il s'agit d'une vraie quadrature du cercle. Elle ne πourra se résoudre qu'en dehors du cercle. Je vous encourage, si vous avez le temps, à regarder les retransmissions des débats à la Chambre de Londres (ici πar exemπle). Édifiant et utile πour votre anglais et l'exercice d'une démocratie πarlementaire πar excellence.

Les mathématiciens savent bien que la quadrature du cercle n'est πas πossible "exactement" (dans un esπace métrique euclidien comme le nôtre), mais dans la vie courante, on se satisfait du 14 mars de 3,14. De manière intuitive (et graphique) nous savons tous que ∏ est une constante. Cela a été démontré avec les moyens du bord et les axiomes de l'éπoque par Euclide et Archimède. Mais c'est beaucouπ πlus tard que cette évidence à l'oeil a été πrouvée, avec d'autres conceπts. Un exemπle de discussion ici πour les fondus du πoireau.


Je conclurai πar ce dessert gourmand, πuisqu'on est en πleine semaine des maths donc du πalais.

Bonjour chez vous (et non, 6 est une πiètre estimation de Pi).

mardi 5 mars 2019

Petite analyse de la Grande tribune de Macron sur l'Europe

Bonjour, ou plutôt BonGrandJour. Macron a officiellement lancé son plaidoyer pour l'Europe ce mardi, avec une tribune en 22 langues (officielles en Europe). On la trouve dans les grands titres de la presse européenne, mais aussi sur le site de l'Élysée, évidemment, et dans toutes les langues : bienvenue aux centres de langues qui ont ainsi un bel exercice de traduction et d'adaptation.

Quelques commentaires, sur la forme d'abord :

- Un usage remarqué des majuscules puisqu'il parle de Renaissance européenne, donc en référence à la seule et à l'unique Renaissance (celle autour de laquelle l'Italie et la France se battent pour les oeuvres de Leonard de Vinci ?) et pas simplement d'une renaissance banale et même annuelle. Un moment clé, donc. Un appel à l'urgence, à l'Urgence. Vous remarquerez que dans la version anglaise, il ne parle que de "renewal"...
- Il parle aux citoyens. Le masculin emporte le féminin, comme on dit souvent, non ? C'est un raccourci commode, semble-t-il...
- Il n'utilise que six fois le pronom "je", ce qui est une amélioration par rapport à ses discours habituels. De là à identifier un changement de ton, il ne faut pas rêver non plus.
- En mettant en avant le Brexit comme le contre exemple parfait de ce qu'il faudrait faire (yaka) Macron pointe du doigt certains populistes, exploiteurs de colères et manipulateurs. Il ne parle pas des autres pays qui sont aussi assez anti-européens, pas la peine de mettre de l'huile sur le feu.
- En vantant la méthode des "grandes conférences" il cherche à remettre l'Europe au travail et autour de tables où discuter. Une méthode qu'il avait un peu oubliée en France avant les Gilets jaunes.

Sur le fond, il propose un plan en trois parties : défendre notre liberté, protéger notre continent, retrouver l'esprit de progrès.

- S'occuper du financement des parties et du bannissement de la violence sur Internet est un voeu d'impuissance. La liberté de l'homme, comme il dit sans majuscule, passe-t-elle vraiment par un bannissement de la haine, par une Europe sans critiques ? La haine et la violence sont inhérentes à l'homme depuis un certain temps déjà, je crois savoir. Bannir de tels discours, c'est fermer la porte, mais quid des fenêtres, des cheminées et des tuyauteries nombreuses sur l'Internet, qu'il soit mondialisé ou très localisé ? Le respect est-il possible en interdisant la violence ou en lui coupant la langue (et les doigts sur le clavier) ? Un beau sujet de philo, mais au plan politique, un combat étrange : échanger une liberté contre une autre ? Définir soi-même les limites de certaines libertés ?

- Pour la protection de l'Europe à l'intérieur de ses frontières, Macron mentionne les droits et les devoirs pour faire partie d'un espace Schengen remis à plat, ce qui inclut des règles communes pour le droit d'asile. Des règles communes ? Ne risque-t-on pas alors d'avoir le plus petit dénominateur commun, c'est à dire pas loin de zéro ?

- Il prône une défense européenne coordonnée (en incluant quand même l'OTAN, les autres pays européens et le Royaume-Uni déjà Brexité dans sa tête.. quoique... lire la fin). Il milite pour une clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, histoire d'embêter les russes pour la partie Europe de l'Est. On dirait un discours des années 30 avant la deuxième Guerre mondiale.

- Il prône un marché commercial européen qui se protège et se choisit en priorité comme fournisseur : oui au protectionnisme de l'Europe en entier, non aux protectionnismes nationaux. Une ligne délicate, non ? Car qui définit alors les règles de la concurrence saine ? Chacun ou tous ensemble ? Une manière quasi subliminale de mettre l'Europe au coeur des grandes puissances, un endroit qu'elle a quitté il y a bien longtemps, aux côtés des USA, de la Chine et de la Russie, en attendant d'autres puissances émergentes à venir.

- Le progrès pour Macron, c'est un bouclier social européen. En souhaitant privilégier la convergence (pas la coïncidence) plus que la concurrence, il suppose que l'état du marché est actuellement favorable à un tel mouvement. Lorsqu'on voit les bases sur lesquelles le marché européen a été construit, on peut douter de la capacité de l'Europe à s'auto-réguler en ce sens. Pourtant, il a raison. On ne peut faire autrement. Tout dépend du curseur, du niveau de bouclier, entre des pays ultra-libéraux et des mouvements égalitaires un peu partout. Ou au moins équitables !

- Le climat pour mandat ? Une jolie expression, mais tellement différente de la réalité actuelle. Le Parlement européen, que nous allons élire fin mai est déjà très favorable à beaucoup de mesures écologiques, mais cela ne suffit pas puisque les chefs d'Etat et la Commission européenne traînent ensuite des pieds, compte tenu des pressions subies à la fois par les lobbies collectifs et par des citoyens apeurés.

- L'innovation pour créer du travail ? Oui, certainement. Banal et dans tous les discours. Pas de contenu réel ici pourtant au-delà d'une augmentation du budget. Bizarre, non ? Une grande clarté pour réguler les géants du numérique, mais pas d'appel à la création de géants européens... 

- Je cite : "Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive : investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…" L'Afrique ! Le seul continent cité ici, en assumant un destin commun qu'on espère de nature différente de notre passé commun, si tant est qu'on puisse utiliser le mot "commun" ici. On notera quand même les priorités : l'investissement qui suppose une rentabilité (pour qui ?), le rôle des universités au service d'un développement co-construit, et la place des femmes à travers leur niveau d'éducation. Intéressant. On connait le tropisme de Macron pour ces sujets. En voici une autre preuve, qui parlera pourtant moins à beaucoup d'autres pays européens.

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Dans ce contexte, il cherche clairement à ancrer dans les têtes l'idée d'une Europe à plusieurs vitesses, chacun à son rythme, en incluant même le Royaume-Uni dans une nouvelle configuration. En ayant ainsi encadré son discours par le Brexit (avant et après) il a choisi son bouc-émissaire, tout en laissant "en même temps" la porte ouverte pour un retour. Une tribune dans l'actualité, donc.

Finalement, qu'en retenez-vous ? Une envie d'aller voter pour la liste LREM en France ? Pour des listes partenaires en Europe ? Un besoin pressant de ne pas aller voter ou d'exprimer une colère pour des petites listes qui ne seront pas représentées ? Une envie, de droite, de gauche ou d'uppercut ?

Les réactions seront nombreuses et forcément crispées. Macron est en campagne. C'est ce qu'il aime faire le plus, et peut-être ce qu'il fait le mieux.

PS : Un dernier conseil ; Allez voter le 26 mai (en France) ou du 23 au 26 mai dans les autres pays.


vendredi 1 mars 2019

Dialogue à trois : un académicien, une acadienne, un nenharien'abattre

Vous avez peut-être lu des histoires sur ce sujet ? Ça tombe bien. Figurez-vous que j'ai surpris ce matin un dialogue à trois dans le métro entre un académicien en vert (F) une acadienne non québécoise mais hilare (Q) et un mec normal qui n'en avait effectivement rien à battre de toute cette histoire (X). Je vous le retranscris ici. Q parle à X au début, puis F intervient.

Q : Non, mais tu y crois, toi, à ces conneries de maudits français ?
X : Quoi ?
Q : Ben oui ! Tu savais que les noms de métiers n'étaient pas genrés ici ?
X : Euh... genrés ?
Q : Ben oui ! féminisés
X : Ah ! Euh...
Q : Tu t'en fous, hein ?
X : Mais non, c'est un sujet vachement important !
Q : Oui, mon oeil. Il faudrait qu'on vienne un peu plus souvent ici avec mes copines pour vous montrer l'importance de la langue !
X (son oeil s'allume et il lève la tête de son téléphone qui fait de lui un zombiphone. Il regarde sa voisine) : Ah bon ? (il sourit)
Q : Pffffft. Maudits français ! En tous cas vous nous faites bien rigoler. Avec vos vieux académiciens qui viennent enfin de réaliser qu'il y avait des femmes écrivaines et pas seulement infirmières. C'est quand même incroyable.
X : Euh...
F : Pardon, mademoiselle (le vieux d'en face s'immisce dans la conversation, si on peut appeler ça une conversation). Je vous trouve bien dure avec notre belle institution.
Q (le regarde) : t'es qui toi ?
F : Hubert de la Bonnasserie de la Tarentelle, à votre service, mademoiselle.
Q : Arrête de m'appeler mademoiselle, toi le vieux. Tu me cherches ?
F : Mais non, mademoiselle.
Q : Tu recommences ? Chez moi, tu serais déjà au poste de police, t'sais-tu ?
F: Ah, désolé... Comment dois-je vous appeler ?
Q : Ne m'appelle pas et mêle toi de tes affaires. Moi et monsieur on bavasse.
F : Mais je voulais vous dire que je suis académicien !
Q (son oeil s'allume) : Académicien ? Vous êtes l'un de ces ringards qui a enfin reconnu la place de la femme dans la société après tant de siècles ? Mais fallait venir chez nous, mon vieux, on vous aurait montré ! Fallait pas rester cloitré dans votre coupole machin chose, là !
F : Mais enfin, madame. La féminisation des noms de métiers est un sujet complexe et qui méritait beaucoup de réflexions. Nous avons créé deux comités et préparé un rapport, puis tenu un nombre considérable de sessions.
Q : Ah ouais ? Complexe ? Et vous vous en pensez quoi ? (en se tournant vers son voisin qui n'a pas cessé de la fixer)
X : Euh... (il sourit bêtement)
F : Allez-y parlez, monsieur ! Tenez, par exemple, quel métier exercez-vous ?
X : Moi ? Euh, je suis écrivain justement.
F : Écrivain ? Comme c'est intéressant !
Q : Écrivain aussi ? Comme moi ? Sauf que moi, je suis écrivaine. Ou auteure si vous préférez.
X : Ah bon ? Et vous écrivez quoi ?
Q : Des romans féministes, mon gars ! Et toi ?
X : Des romans hoministes, c'est marrant. Nous étions faits pour nous rencontrer !
F : Excusez-moi, mais je ne suis pas d'accord. Hoministe n'est pas un mot bien formé.
X : Bien formé ? Bien formé ? Est-ce que j'ai une gueule de bien formé ?
Q (regarde son voisin de haut en bas et siffle d'un air appréciateur) : ... Bien formé ? hmmmm
F : Non, non, je ne voulais pas dire ça. C'est le mot qui ne fonctionne pas en français. Vous auriez pu dire masculiniste mais ce n'est pas très joli. Comme écrivaine d'ailleurs (sifflote).
Q : Écrivaine ? Qu'est-ce qu'il y a Bébert ? Ça ne te plaît pas ? Tu fais partie de ces gens qui voient vaine dans le mot et qui ne voient pas vain dans écrivain ?
F : Reconnaissez que ce n'est pas très beau, non ?
Q : Non ! C'est très beau au contraire. Et toi, tu en penses quoi ?
X : Euh... je suis d'accord avec toi. Mais en même temps Monsieur représente une autorité importante.
F : Merci monsieur. D'ailleurs je suis également écrivain, vous savez ?
X : Oui, comme tous les académiciens l'ont été un jour, oui.
Q : Ah ! Il t'a bien eu là, mon cheum !
F : Je respecte toutes les variantes du français, Madame, mais ici nous sommes en France et notre parler doit rester fidèle à nos traditions !
Q : Traditions ? Nous ont a gardé le vrai français, avant que vous ne l'abâtardissiez avec tous ces mots d'américain ! On n'a pas de leçon à recevoir de vous !
X : Oui, et puis tu ne parles pas comme ça à ma copine, à ma blonde.
Q : Ta blonde ? Non mais pour qui tu te prends, maudit français ! Gardez votre machisme dans votre langue pourrissante ! Moi je descends ici et je vais dans la vraie vie ! Tchao ! (elle se lève. Les deux autres se regardent)
X : Euh...
F : Elle a du caractère, non ?
X : Euh... je crois que je vais descendre ici aussi finalement. (il se lève).
F (seul. Il baragouine quelque chose dans sa barbe blanche) : On n'aurait jamais dû publier cette décision. Tout le monde se moque de nous...

Moi aussi je suis descendu à cette station. J'ai juste eu le temps de voir les deux autres dialoguistes s'éloigner ensemble vers la sortie sur la place de la Concorde (entre les francophones ?)