vendredi 1 mars 2019

Dialogue à trois : un académicien, une acadienne, un nenharien'abattre

Vous avez peut-être lu des histoires sur ce sujet ? Ça tombe bien. Figurez-vous que j'ai surpris ce matin un dialogue à trois dans le métro entre un académicien en vert (F) une acadienne non québécoise mais hilare (Q) et un mec normal qui n'en avait effectivement rien à battre de toute cette histoire (X). Je vous le retranscris ici. Q parle à X au début, puis F intervient.

Q : Non, mais tu y crois, toi, à ces conneries de maudits français ?
X : Quoi ?
Q : Ben oui ! Tu savais que les noms de métiers n'étaient pas genrés ici ?
X : Euh... genrés ?
Q : Ben oui ! féminisés
X : Ah ! Euh...
Q : Tu t'en fous, hein ?
X : Mais non, c'est un sujet vachement important !
Q : Oui, mon oeil. Il faudrait qu'on vienne un peu plus souvent ici avec mes copines pour vous montrer l'importance de la langue !
X (son oeil s'allume et il lève la tête de son téléphone qui fait de lui un zombiphone. Il regarde sa voisine) : Ah bon ? (il sourit)
Q : Pffffft. Maudits français ! En tous cas vous nous faites bien rigoler. Avec vos vieux académiciens qui viennent enfin de réaliser qu'il y avait des femmes écrivaines et pas seulement infirmières. C'est quand même incroyable.
X : Euh...
F : Pardon, mademoiselle (le vieux d'en face s'immisce dans la conversation, si on peut appeler ça une conversation). Je vous trouve bien dure avec notre belle institution.
Q (le regarde) : t'es qui toi ?
F : Hubert de la Bonnasserie de la Tarentelle, à votre service, mademoiselle.
Q : Arrête de m'appeler mademoiselle, toi le vieux. Tu me cherches ?
F : Mais non, mademoiselle.
Q : Tu recommences ? Chez moi, tu serais déjà au poste de police, t'sais-tu ?
F: Ah, désolé... Comment dois-je vous appeler ?
Q : Ne m'appelle pas et mêle toi de tes affaires. Moi et monsieur on bavasse.
F : Mais je voulais vous dire que je suis académicien !
Q (son oeil s'allume) : Académicien ? Vous êtes l'un de ces ringards qui a enfin reconnu la place de la femme dans la société après tant de siècles ? Mais fallait venir chez nous, mon vieux, on vous aurait montré ! Fallait pas rester cloitré dans votre coupole machin chose, là !
F : Mais enfin, madame. La féminisation des noms de métiers est un sujet complexe et qui méritait beaucoup de réflexions. Nous avons créé deux comités et préparé un rapport, puis tenu un nombre considérable de sessions.
Q : Ah ouais ? Complexe ? Et vous vous en pensez quoi ? (en se tournant vers son voisin qui n'a pas cessé de la fixer)
X : Euh... (il sourit bêtement)
F : Allez-y parlez, monsieur ! Tenez, par exemple, quel métier exercez-vous ?
X : Moi ? Euh, je suis écrivain justement.
F : Écrivain ? Comme c'est intéressant !
Q : Écrivain aussi ? Comme moi ? Sauf que moi, je suis écrivaine. Ou auteure si vous préférez.
X : Ah bon ? Et vous écrivez quoi ?
Q : Des romans féministes, mon gars ! Et toi ?
X : Des romans hoministes, c'est marrant. Nous étions faits pour nous rencontrer !
F : Excusez-moi, mais je ne suis pas d'accord. Hoministe n'est pas un mot bien formé.
X : Bien formé ? Bien formé ? Est-ce que j'ai une gueule de bien formé ?
Q (regarde son voisin de haut en bas et siffle d'un air appréciateur) : ... Bien formé ? hmmmm
F : Non, non, je ne voulais pas dire ça. C'est le mot qui ne fonctionne pas en français. Vous auriez pu dire masculiniste mais ce n'est pas très joli. Comme écrivaine d'ailleurs (sifflote).
Q : Écrivaine ? Qu'est-ce qu'il y a Bébert ? Ça ne te plaît pas ? Tu fais partie de ces gens qui voient vaine dans le mot et qui ne voient pas vain dans écrivain ?
F : Reconnaissez que ce n'est pas très beau, non ?
Q : Non ! C'est très beau au contraire. Et toi, tu en penses quoi ?
X : Euh... je suis d'accord avec toi. Mais en même temps Monsieur représente une autorité importante.
F : Merci monsieur. D'ailleurs je suis également écrivain, vous savez ?
X : Oui, comme tous les académiciens l'ont été un jour, oui.
Q : Ah ! Il t'a bien eu là, mon cheum !
F : Je respecte toutes les variantes du français, Madame, mais ici nous sommes en France et notre parler doit rester fidèle à nos traditions !
Q : Traditions ? Nous ont a gardé le vrai français, avant que vous ne l'abâtardissiez avec tous ces mots d'américain ! On n'a pas de leçon à recevoir de vous !
X : Oui, et puis tu ne parles pas comme ça à ma copine, à ma blonde.
Q : Ta blonde ? Non mais pour qui tu te prends, maudit français ! Gardez votre machisme dans votre langue pourrissante ! Moi je descends ici et je vais dans la vraie vie ! Tchao ! (elle se lève. Les deux autres se regardent)
X : Euh...
F : Elle a du caractère, non ?
X : Euh... je crois que je vais descendre ici aussi finalement. (il se lève).
F (seul. Il baragouine quelque chose dans sa barbe blanche) : On n'aurait jamais dû publier cette décision. Tout le monde se moque de nous...

Moi aussi je suis descendu à cette station. J'ai juste eu le temps de voir les deux autres dialoguistes s'éloigner ensemble vers la sortie sur la place de la Concorde (entre les francophones ?)



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