samedi 31 janvier 2015

Le jeu des trônes

Titre idiot. Tout le monde sait que Game of thrones a été traduit en français par le trône de fer, lui même mal traduit du titre anglais original du cycle de romans de R.R. Martin.

Hier donc est sortie la bande officielle en HD pour la nouvelle saison mais on devra attendre jusqu'au 12 avril pour commencer à la regarder. Les amateurs se sont précipités dessus pour voir, pour comparer avec les romans et pour se mettre dans le bain, avec quantité de sites de fans et de spoilers à venir.

Aujourd'hui c'est mon mille et unième billet sur ce blog. Je ne peux pas ne pas penser aux vraies Mille et une nuits, le prototype de tous les feuilletons. Sheherazade interrompait toutes ses histoires au petit matin pour gagner un jour de vie supplémentaire, en général au beau milieu d'un gros suspense, un cliffhanger comme disant les américains qui nous en mettent un à la fin de chaque épisode. Il y avait moins de violence dans les histoires d'alors, et de sexe, quoique, ça dépend des traductions. Celle du XVIII° siècle étant la plus fleurie mais la plus édulcorée.

Le monde a changé depuis la poésie de Sheherazade. Beaucoup, et beaucoup dans cette région du monde ! Mais c'est toujours un texte à lire.

vendredi 30 janvier 2015

La valse à mille billets

Mille billets publiés sur ce blog depuis le 6 mai 2012. Wow. Moi, ça m’impressionne. Comme tous les chiffres ronds. J’en reste sans voix. Heureusement, demain, cela fera mille et une nuits...

Le premier billet est ici, pondu dans l’enthousiasme de l’élection de François et celui dans lequel j’explique pourquoi il y a un billet par jour, . Vous trouverez ici le premier anniversaire (suivi de plusieurs billets par thématique) et le deuxième anniversaire .



















Vous l'aurez compris, c'est donc le millième jour depuis l'élection de François. Et il neige à Paris !

jeudi 29 janvier 2015

Sénat et Assemblée nationale sont dans un bateau...

Petite poussée de fièvre entre les deux chambres de notre Parlement, la haute c'est à dire le Sénat et la basse c'est à dire la Chambre des députés. Un certain nombre de conflits sont apparus récemment dans les médias et cela ne fait pas l'affaire de la démocratie... Mais quand les politiques préfèrent jouer à Clochemerle plutôt que de participer à l'Union nationale, qu'ils ne viennent pas se plaindre après si on les critique.

Or donc il y a plusieurs points de conflit : les positions personnelles des deux présidents qui ne s'aiment pas, indépendamment du fait que l'un est UMP et l'autre PS à moins que cela ne soit le contraire ; l'épinglage du Sénat par France 3 dans un reportage sur son train de vie ; la proposition de fusionner les deux chaines parlementaires pour faire des économies et donner une image cohérente, refusée par le Sénat ; le refus du président de l'AN de participer à une remise de prix à un député FN par un jury de journalistes indépendants alors que le président du Sénat y est allé ; les noms d'oiseaux twittos en direct ; la dernière proposition en date de Claude Bartolone (AN) pour proposer de rapprocher le Sénat et le Conseil économique social et environnemental ce qui est interprété par les sénateurs comme un rabaissement de leur hauteur.

Au-delà de ces batailles inédites semble-t-il dans la V° République - mais je doute de ce point - le spectacle est quand même affligeant. Marine Le Pen se frotte les doigts et les anti-parlementaires également. Le dernier sondage pour les présidentielles de 2017 la met en tête à 30% avec aucun des concurrents (Sarkozy, François et les autres) au-delà de 23%. Ce n'est qu'un sondage ? Oui, mais c'est un sondage...

Et à propos des élus FN, je vous propose une photo des deux sénateurs FN (qui sont aussi maires)


Cherchez l'erreur. Oui, oui, il y en a une !

Solution : l'écharpe tricolore doit être portée avec le bleu près du col quand on est un édile (maire ou autre) et avec le rouge près du col quand on est député ou sénateur. Les deux sont traités pareil. Quand on est à la fois maire et député ou maire et sénateur c'est la fonction nationale qui l'emporte. Donc ils auraient dû avoir le rouge près du col. Alors pourquoi ? Est-ce l'ignorance d'une règle simple pour différencier les niveaux d'élus ? Privilégient-ils leur fonction locale ? Changent-ils le sens de l'écharpe au hasard ou suivant le moment ? Est-ce un acte délibéré pour avoir le bleu (marine) plus près du coeur ? Mystère. Il faudrait leur demander...

mercredi 28 janvier 2015

Trois semaines après le massacre de la Saint Raymond

Déjà trois semaines depuis le 7 janvier et le massacre chez Charlie et ailleurs. Le consensus tient toujours chez les citoyens. Plus chez les politiciens évidemment qui aimeraient bien retrouver leur petit train-train guerrier à eux. Sarkozy fête ses soixante ans, bienvenue dans le monde des sexagénaires monsieur l’ex-président qui devrait le rester, et il rêvait certainement d’un autre plan Comm que celui-ci pour sa rentrée météoritique. Mis comme l’astéroïde qui a frôlé la Terre, il a raté sa rentrée et de loin.

C’était la Saint Raymond. On parlait bien du massacre de la Saint-Valentin dans d’autres temps... mais Al Capone n’avait pas de Kalachnikov.

Vous avez dû trouver votre Charlie normalement - plus de 7 millions distribués déjà et ça continue. Je vous recommande en plus le numéro spécial de Spirou sur Charlie. On ne voit pas souvent autant de gros mots dans Spirou, mais c’est une initiative salutaire, pour les dessinateurs comme pour les jeunes lecteurs. Vous commencez à décompresser et à vous faire rattraper par la vie normale. Mais il reste quelque chose de Charlie en vous. Peut-être une vision différente du monde et des manifestations populaires ?

Hier le gouvernement a lancé son site #Stopdjihadisme et un très beau film de propagande anti djihadistes pour décourager les jeunes d’y aller - hommes et femmes. Dur mais intéressant. Efficace ? Difficile à dire évidemment quand on n’est pas directement concerné ou socio-psychologue averti. Je vous laisse juger. C’est un devoir de regarder ce film, amha.



L’idée est de détricoter les arguments utilisés par les djihadistes et autres extrémistes qui harcèlent ceux qui les contactent, comme les scams sur Internet pour vous extorquer de l’argent, ou comme ces jeunes collégiens qui ont harcelé et poussé au suicide une jeune fille de 13 ans. Cela procède de la même méthode, basée sur le mépris de l’autre, la négation même de l’existence de l’autre et le sentiment de sa propre suprématie, de son caractère unique et élitiste, comme tant d’autres idéologies l’ont fait avant avec toujours des milliers de gens qui tombent dans le panneau, pour tout un tas de bonnes raisons.

La raison justement ne peut pas grand-chose contre l’irraison pure comme n’aurait pas dit Kant. Et l’horreur attire. Sauf qu’aimer les films d’horreur et apporter la vraie horreur aux autres, il y a un gouffre, un abîme, un trou noir de connardise.

mardi 27 janvier 2015

Panne de Facebook, OMG

Aaaaaaaaaaaaaargh !


Facebook a été en panne pendant une heure ce matin. Et Instagram avec puisque Facebook l'a racheté récemment. Et plein d'autres services qui t'utilisent FB comme porte d'entrée. C'était vers 7h15 en France, 1h15 du matin à New-York en pleine tempête de neige - pas si forte que ça en fait - ou 13h15 en Asie...


Un micro-événement bien sûr. Mais intéressant à plus d'un titre.


Ce genre de "service Internet" doit bien tomber en panne de temps en temps, quelle que soit la cause : une maintenance maladroite, une mise à niveau ratée ou un piratage, on s'en fout. Un service fiable à

100% n'existe pas, quoiqu'en disent les vendeurs de telles solutions, même quand elles sont gratuites donc même lorsque VOUS-MÊME êtes le produit qu'ils commercialisent. Plus les services grossissent, plus c'est vraisemblable. En dépendre devient donc problématique.  Surtout que Facebook est de plus en plus utilisé comme réseau professionnel.


Au-delà du service FB, plein d'autres services sont donc devenus inaccessibles parce que ceux-ci utilisent l'identification Facebook pour s'y connecter. C'est tellement plus facile n'est-ce pas ? On va sur un site et au lieu de s'inscrire en créant un compte en remplissant plein de champs inutiles on autorise ce site à utiliser notre identité FB, ce qui ne demande que quelques clics. Le problème se pose lorsque la porte ne s'ouvre plus puisque le mécanisme est en panne : vous n'entrez plus dans la maison derrière la porte. Mais cela doit permettre de réfléchir un peu. Pourquoi confier à une seule serrure tous vos lieux préférés ? Cela revient en plus à donner à FB le droit de savoir tout ce que vous faites en dehors de chez lui, et en plus cela permet de partager vos précieux contacts entre toutes ces applications. Merci les amis !


On imagine bien que certaines personnes ont failli craquer. Comment ? Facebook inaccessible au moment où je veux compulsivement y aller ? C'est intolérable ! Qu'on les pende ! Un peu de recul SVP... Une heure sans FB ne tuera personne (quoique on ne sait jamais avec tous ces drogués du social virtuel). Pourquoi ne pas en profiter pour discuter en vrai avec ceux qui ne sont pas loin de vous, si vous savez encore le faire ? Heureusement Twitter n'était pas en panne et beaucoup ont twitté comme des malades pour parler de la panne, que dis-je, de La Panne. Conseil aux drogués des réseaux sociaux : utilisez en plusieurs de plusieurs fournisseurs différents pour en avoir toujours un sous la main.


Bon, c'est pas la première panne de FB. Celle s'il y a un peu plus de trois ans avait duré presque trois heures ! OMG !!! C'est rare, mais profitez-en pour réfléchir à vos usages des réseaux sociaux (ou non-usages). Il y a peu de réseaux, c'est facile de choisir. Je vous mets un petit dessin pour vous y retrouver très facilement. C'est gentil, non ?



lundi 26 janvier 2015

Top Chef en direct live sans graisse

Aujourd'hui un billet consacré au retour de Top Chef. Je bloguerai en direct si ça vous intéresse, sans corriger évidemment les bêtises que j'aurai écrites avant...

Jérôme Niel s'est bien moqué de Top Chef dans le Grand Journal ;) On attend avec impatience la gueule des candidats et des juges.

Les sponsors sont toujours très ciblés : un jambon, une salade, un supermarché, du beurre.

Il y a un vampire goth parmi les candidats et pour les juges c'est Hélène et les garçons. 

Des pâtes pour éliminer le premier pâton : Des sphères, des cubes ? Des pâtes couleur haribo ? Alors avec le chef au regard qui tue pour vous asticoter, c'est pas simple. Résultats pas très appétissants. Pas brillant pour un premier Top Chef ! Exit qui ? Pub bien sûr, pour cinq minutes, le temps de vous faire un bol de pâtes express ;)... Exit une femme (plus que deux sur 14) et en plus un commis de couleur. SousTop Chef

La poire Belle-Hélène d'Hélène ? Je rêve ! Heureusement le goth est là. Ils ne peuvent pas l'éliminer déjà, c'est le look idéal pour une émission de télé. La cheffe est plutôt sympa et très différente du bull-terrier d'avant. Résultats plutôt sympas visiblement. Artistiques. Mais c'est plus facile avec un dessert qu'avec des pâtes industrielles. Alors qui s'en va ? Pub ? Ah non un coup de cœur pour le pot de fleurs, et Exit le gros solide et généreux cuisinier "trop simple" qui a osé faire un dessert sans sucre.

Dernier groupe avec cette fois du poulet pommes de terre dans le Gerrrrrrrrs. On est bien loin de la graisse, de l'ail et du persil. Entre la Thaïlande, le Japon, le ketchup vitelottesque et violet, on est bien loin du Gers historique. Sauf le vieux viking qui utilise les abats et le foin. On est dans le dur là ! Dans ce groupe il y a l'apprenti qui avait gagné le pré-concours. Après, il en restera 12. Combien de femmes ? Une ou deux ? Coup de cœur pour le petit jeune. Pub évidemment. Exit La fille. Il n'en reste qu'une donc et 11 mecs.

Fin de l'édition. Pas totalement satisfaisant pour un premier tour. A confirmer la semaine prochaine. Mais pas sur ce blog, faut pas exagérer.


À suivre 

dimanche 25 janvier 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle soie de sang de sceptre

Il était une fois un royaume où les rois étaient toujours très inquiets.

Le royaume était très ancien et ses traditions millénaires. Chaque fois qu’un roi mourait, le protocole fixait avec précision la méthode pour choisir un nouveau roi. On sortait avec force trompettes la grande urne royale du trésor, on l’installait sur le chariot électoral et la garde royale l’escortait à travers tout le pays. Le chariot de l’urne était suivi par le chariot des boules, elles aussi soigneusement entreposées dans les souterrains du château.

Chaque citoyen, quel que soit son âge ou son sexe devait alors prendre une boule dans le deuxième chariot, l’ouvrir et y glisser un bout de papier avec son nom, puis laisser tomber sa boule dans l’urne. Ceux qui ne savaient pas écrire se faisaient aider par un soldat et pareil pour ceux qui ne pouvaient pas encore ou plus - les bébés et les vieillards séniles. Il y avait bien quelques résistants qui essayaient de se cacher, mais ils étaient toujours dénoncés par leurs voisins, car plus il y avait de boules dans l’urne royale et moins on avait de chances de se faire tirer au sort. Même les soldats rechignaient à mettre leur boule dans l’urne, c’est dire.

En effet, personne ne voulait devenir roi du pays. Pour la simple et bonne raison qu’être désigné roi revenait à mourir assez vite. Le règne moyen durait trois mois et deux jours, selon les statistiques de l’office royal des comptes qui tenait ses livres à jour depuis plus de deux mille ans. Le règne le plus court avait duré un jour seulement et le règne le plus long n’avait jamais dépassé une année.

Très bizarrement, la population du royaume se maintenant à peu près au même niveau, bon an mal an, car le pays était plutôt isolé, avec peu de guerres de voisinage et peu d’épidémies. Les chances - ou plutôt les malchances - de chacun de devenir roi étaient relativement faibles et cela suffisait à la tranquillité du pays. Quelques révolutionnaires voulaient abolir la royauté ou au moins cette tradition électorale, mais ils étaient vite éliminés, sur ordre du chancelier.

Car c’était le chancelier qui dirigeait le pays. Cela permettait de résoudre les difficultés lorsque le roi était un bébé, un vieillard édenté ou un idiot de village, sans parler des gens malhonnêtes qui espéraient s’enrichir. Le roi servait quand même à quelque chose, car il fallait bien nommer un nouveau chancelier mourait de vieillesse, ce qui arrivait assez rarement heureusement. Formellement, l’avis du roi était toujours exigé pour n’importe quelle mesure, mais les chanceliers pouvaient faire tout ce qu’ils voulaient car les rois, dès qu’ils étaient élus, ne pensaient qu’à une chose : profiter au maximum de leur courte espérance de vie en s’empiffrant, en buvant, en jouant pour essayer d’oublier leur funeste destin. Une procuration générale signée le premier joue était en général suffisante, sinon un croc en jambes en haut du grand escalier royal résolvait tous les problèmes. Le chancelier était d’ailleurs le seul du royaume à ne jamais mettre de boule dans l’urne royale.

Lorsque commence notre histoire, le chancelier Albert dirigeait le pays d’une main de fer. Il ne se souvenait même pas de qui était roi à ce moment. Quelle importance ! Cela ne changeait rien, de toutes façons. Le seul moment où il voyait le roi était au lever du soleil chaque jour pour le rite de la Roue. Puis en général le roi allait se rendormir et le chancelier allait dans son bureau. Ce matin-là, il avait mal dormi et il ne souriait pas en entrant dans la grande salle de l’horloge. Le roi était déjà là, titubant et soutenu par deux gardes. Le maître de la statistique annonça que cela faisait quatre mois et deux jours que le roi était roi, longue vie au roi et blablabla, et lui demanda de faire tourner la Roue.

La Roue était belle et immense. Elle remplissait tout le centre de la vaste rotonde. Elle était posée à l’horizontale sur un unique pied central qui lui permettait de tourner sans frottement. Ce mécanisme durait depuis l’aube des temps et n’avait jamais besoin d’être réparé ou même huilé. Le roi appuya comme chaque matin sur le levier royal et la Roue se mit à tourner, lentement au début, puis très vite avant de s’arrêter brusquement et sans aucune vibration, comme chaque matin. Le levier royal était placé au bord de la roue et les participants regardèrent d’un air blasé le motif de la Roue qui était maintenant le plus près du levier. Il y avait de nombreux motifs sur la Roue, certains occupant un tout petit arc de cercle et d’autres de larges portions de la Roue. Ce n’étaient jamais les mêmes. Tout se passait comme si les motifs se réarrangeaient à chaque cérémonie.

Ce matin-là donc, le motif qui s’afficha en face du levier fut le Noir. Le noir absolu. Le noir de la mort. Le roi n’eut pas le temps de hausser les sourcils qu’il était déjà décapité par le soldat de droite pendant que celui de gauche le tenait vaguement debout. Le maître de cérémonie annonça « Quatre mois et trois jours. Le roi est mort. »

Albert retourna dans son bureau. Il était un peu contrarié car chaque élection faisait perdre du temps à tout le monde.
Mais enfin un peu plus de quatre mois était au-delà de la moyenne, c’était déjà ça. La machine administrative était bien huilée, car il terminait juste de se servir s-on thé quand il entendit les trompettes annonçant le départ des chariots pour leur tournée électorale. Cela prendrait toute la journée. "Encore une de foutue", se dit-il.

On était en plein été et la tournée électorale avança vite. Lorsque les chariots revinrent au château, il n’était pas encore l’heure du thé de l’après-midi. Quelques curieux étaient venus dans la cour pour assister au tirage du roi. Le chancelier s’avança et ordonna que l’urne fût posée sur son piédestal au milieu de la cour. Aussitôt en place, l’urne se mit à tourner dans tous les sens et de plus en plus vite. C’était toujours un spectacle qui attirait certains spectateurs, à la fois émerveillés et inquiets pour eux-mêmes. Au bout de quelques minutes, l’urne s’arrêta et le chancelier ôta le petit bouchon. Comme d’habitude, une seule boule en tomba. Le chancelier referma l’urne qui fut aussitôt emportée par les soldats pour être vidée et remise en état. Puis le chancelier se baissa pour prendre la boule et la tendit au maître de cérémonie sans même l’ouvrir. Ce chancelier détestait ouvrir les boules, c’était devenu une manie chez lui. Le maître de cérémonie ouvrit la boule, en sortit le papier et lut à haute voix le nom du nouveau roi en ajoutant « Vive le Roi ! »

Le chancelier attendit patiemment qu’on lui amène le nouveau roi. Le nom ne lui avait rien dit, mais il ne connaissait que très peu de gens en fait. Il s’amusa à imaginer qui serait le prochain roi, mais il se trompait toujours de toutes façons.

C’est au coucher du soleil exactement que le nouveau roi fut amené au château. C’était une reine en fait. Très jolie et plutôt jeune. Une maîtresse d’école avec des yeux brillants d’intelligence et qui s’appelait Reine. Le chancelier eut un haussement de sourcil inquiet. La dernière fois qu’il avait dû côtoyer un roi passablement intelligent, cela avait failli mal tourner car celui-ci voulait lire les papiers avant de les signer. Il était tombé assez rapidement du grand escalier. Albert ne souhaitait pas que cela arrive à cette jolie reine mais il la surveillerait étroitement. La reine Reine fut applaudie avec soulagement par la population présente. Beaucoup la connaissaient grâce à leurs enfants et ils étaient tous soulagés que cela ne soit pas tombé sur eux. Ils la plaignaient un peu car elle était jeune et voulaient la voir une dernière fois. Les rois et les reines vivaient en effet souvent claustrés.

La reine sourit à son peuple, fit un clin d’oeil coquin au chancelier qui eut l’air un peu surpris, puis rentra dans ses appartements. Le maître de cérémonie s’empressait auprès d’elle, pour lui plaire et parce qu’elle lui plaisait. Après un délai décent, le chancelier s’annonça dans ses appartements. Il tenait à la main la procuration générale qu’il ne restait plus qu’à signer. Il lui expliqua l’intérêt de la chose pour elle, car les affaires étaient fatigantes et demandaient de l’expérience. La reine lui sourit et lui dit qu’elle allait évidemment la signer comme c’était la tradition, mais que la procuration ne serait valable qu’une semaine. Au bout de la semaine, il devrait revenir pour en faire signer une autre de la même durée, après une audience qui lui serait accordée pour expliquer ce qu’il avait fait pendant la semaine. Les sourcils du chancelier touchèrent presque ses cheveux, mais il décida que cela ne changerait rien et accepta que la reine Reine ajoute cette mention sur la procuration. Une semaine c’était long. La Roue pouvait tourner entretemps et si elle l’embêtait il restait toujours le grand escalier.

Albert repartit assez vite dans son bureau et se remit au travail. C’était un incident fâcheux, mais il avait vu tellement de rois déjà que cela n’avait pas beaucoup d’importance.

Le lendemain matin, pour la cérémonie de la Rouie, Albert remarqua quelques changements. Le décor était plus chaleureux et du public avait été convié et était présent malgré l’heure matinale. La reine Reine était resplendissante dans une robe chatoyante et même les soldats souriaient. Le maître de cérémonie était tout rouge. "Visiblement, ils sont déjà conquis", se dit Albert. "En plus elle a l’air d’avoir bien dormi ! ». Reine appuya sur le levier et la Roue tourna. Très peu de temps. Puis la Roue s’arrêta sur un motif doré qu’il n’avait jamais vu : un chevalier en armure, sur son cheval, en train de galoper vers le spectateur, une lance de tournoi en l'air. Il était petit, comme s’il était loin, mais il était dessiné avec un réalisme parfait. La reine eut un sourire, salua Albert et se retira. Le chancelier soupira et alla prendre son thé pour bien commencer la journée.

Il ne revit pas la reine de toute la semaine, sauf chaque matin pour la cérémonie de la Roue. Chaque jour le même motif avec le chevalier apparaissait. Il avait l’impression que c’était exactement le même pourtant quelque chose le dérangeait. C’est le septième jour qu’il découvrit enfin ce qui l’avait perturbé : le chevalier bougeait un peu, sa bannière flottait au vent et il s’était rapproché. Même la portion dorée de la Roue devant le levier s’était agrandie. Il allait repartir dans son bureau quand la reine l’interpella ;

- Chancelier ? demanda-t-elle d’un ton amusé
- Oui ma reine ? répondit-il interloqué
- N’oubliez-vous pas quelque chose ? Cela fait une semaine que je suis reine.
- Euh... votre altesse ? bredouilla-t-il
- Et votre procuration ? Elle est sans effet depuis ce matin. Je vous attends dans mes appartements dans une demi-heure pour le compte rendu de vos activités ! lui annonça-t-elle sans trembler.

Albert ne sut quoi répondre. C’était inqualifiable. Il avait complètement oublié ce caprice. Il préféra ne rien dire et sortit de la salle de la Roue. Une demi-heure après il était introduit devant la reine qui le fit évidemment patienter quelques minutes difficiles à supporter pour un Albert de plus en plus bouillant. Il pensait que leur réunion allait être courte et il avait prévu pour la dégoûter de lui parler des nécessaires travaux de réfection des égouts et du calcul de la taxe sur les mètres carrés occupés par des meubles. Elle allait vite se décourager se dit-il.

Mais la réunion dura trois heures et Albert en sortit lessivé. Elle avait posé de multiples questions, proposé d’autres mesures - dont il ne tiendrait évidemment aucun compte - et signé sa procuration pour une nouvelle semaine seulement à la toute fin de la réunion. Albert était furieux. Il se servit un verre de vieille poire dans son bureau et se mit à réfléchir. Il était encore dans la force de l’âge et pouvait gouverner encore longtemps. Il se promit d’attendre encore une semaine, histoire de voir ce que ferait la Roue. Après ce serait le grand escalier !

La semaine fut éprouvante pour Albert car les problèmes s’empilaient sur son bureau. Et chaque matin, c’était clair maintenant, le chevalier doré se rapprochait. A la fin de la semaine, il occupait presque la moitié de la Roue et on discernait de mieux en mieux tous les détails de son armure. A chaque fois qu’Albert le regardait, il avait l’impression que la lance du chevalier descendait un peu plus.

Albert prit sa décision le jour de son deuxième entretien avec la reine. Il avait préparé ses dossiers mais il dut rester quatre heures dans son cabinet de travail, celui qu’elle avait fait construire dans une pièce inoccupée de ses appartements. S’empilaient là des documents de toutes sortes dont il ne connaissait pas l’origine. Il commençait à soupçonner le maitre de cérémonie de jouer double jeu. La reine ne signa la procuration pour une semaine supplémentaire qu’à la condition expresse qu’il mette en oeuvre ce qu’elle avait décidé - et qu’il n’avait évidemment pas appliqué la semaine d’avant. Albert, avait dépassé le stade de la fureur ultime. Il décida donc de l’emmener en haut du grand escalier le lendemain matin, après la cérémonie de la Roue. C’en était trop. Si la Roue n’agissait pas, il le ferait à sa place.

Le chancelier se leva plus tôt que d’habitude ce matin-là. Il voulait être habillé en grande tenue pour ce jour important. Quand il arriva dans la salle de la Roue, il était encore le premier. Il en profita pour regarder la Roue un peu plus en détail. Avait-elle trouvé un moyen de trafique la Roue ? Non c’était impossible, se rassura-t-il. Elle avait de la chance c’est tout. Il regarda le chevalier. Celui-ci avait encore grandi depuis la veille. Il occupait maintenant presque toute la Roue, sauf un tout petit secteur tout blanc, comme si un brouillard empêchait de voir ce qu’il y avait en-desous. Le chevalier, vu de près, était terrifiant. On ne voyait toujours pas son visage mais on imaginait ses yeux injectés de sang et son rictus diabolique. Sa lance était maintenant parfaitement à l’horizontale. On n’en voyait plus que la pointe. Albert bougea un peu mais le chevalier semblait tourner avec lui. Albert déglutit. Il n’était pas entièrement rassuré mais cette inquiétude renforça sa détermination. La reine mourrait aujourd’hui.

La reine entra à ce moment précis. Les soldats qui l’accompagnaient se tenaient respectueusement à plusieurs pas d’elle et une assistance nombreuse remplit la salle. En quelques instants, la salle fut entièrement pleine. Seuls un cercle respectueux entourait la reine et le chancelier. Elle lui sourit et appuya sur le levier royal. La Roue tourna légèrement et le petit triangle blanc se retrouva en face d’elle. Le chancelier fut surpris. Et intéressé. Du nouveau, se dit-il ? La reine sourit encore lorsque le brouillard sur la Roue se leva. Apparut alors son visage. Le visage d’Albert. Puis tout alla très vite. Le chevalier se dressa au-dessus de la Roue, les yeux et la lances fixés sur le chancelier, et dans un galop d’enfer il embrocha Albert avant de s’évanouir dans le même mouvement.

La foule avait à peine eu le temps de crier d’effroi que tout fut terminé. Le chevalier avait disparu et la Roue était redevenue uniformément blanche. Le cadavre d’Albert commençait à refroidir. La reine eut un petit soupir fataliste puis retourna dans la salle du trône. Le maître de cérémonie demanda aux soldats de nettoyer la salle. On jeta le cadavre d’Albert du haut du grand escalier dans les douves du château.

Depuis ce jour, le pays est heureux. La reine aussi. Le maître de cérémonie encore plus. Il est devenu chancelier honorifique, à la non surprise générale, mais c’est la reine Reine qui dirige le pays, et en tant qu’époux de la Reine il trouve cela très satisfaisant. Chaque matin la Roue tourne. Le chevalier a disparu, remplacé par un ciel d’azur et de gueules parfois décoré de fleurs suivant les saisons. Tout le monde attend le premier anniversaire du règne de Reine, à la fois pour célébrer la prospérité retrouvée et le règne le plus long de l’Histoire.

L’ancien bureau d’Albert, très spacieux et très bien exposé est devenu une grande piscine à boules pour que les enfants du pays viennent s’y amuser, et de son côté l’urne est posée en permanence sur son piédestal dans la cour. Elle tourne sur elle-même dans tous les sens et jette des rayons lumineux qui en font un spectacle merveilleux pour lequel on vient de loin. Chaque fois que le petit prince héritier y pose la main, l’urne change de motif. Et il sourit et la reine qui le porte dans ses bars aussi.

samedi 24 janvier 2015

Qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de vous

Pendant ce temps, il y en a qui bossent.

François est en Arabie Saoudite, le royaume des Saoudiens, pour participer au deuil du roi qui vient de mourir à plus de 90 ans et pour présenter ses condoléances pour ce grand roi qui a régné vingt ans, en vrai conservateur secret. Son successeur a 79 ans mais il est malade. Le nouveau prince métier a 70 ans. Heureusement le prochain prince héritier (vous suivez ?) est beaucoup plus jeune (même plus jeune que Sarkozy - Ah zut Sarko c’est le Qatar pas les saoudiens). Le roi a été enterré vendredi déjà pour respecter les délais fixés par l’Islam mais le chefs d’Etat font la queue pour saluer le nouveau roi et affirmer leur soutien, Obama en tête (même s’il ne viendra que mardi à la place de sa visite au Taj Mahal, tombeau somptueux pourtant de l’Amour universel et d’un homme pour une femme)...

Pour mémoire tout ce que vous lisez sur l’Arabie est vrai : c’est le principal pays exportateur de pétrole et il veut maintenir le niveau des exportations au plus haut (histoire de s’enrichir un max maintenant, vu l’âge de la génération actuelle des dirigeants, et de contrôler le marché en empêchant l’Iran et des énergies alternatives de s’imposer par exemple) ; c’est un pays sunnite (et pas chiite comme l’Iran) et les affrontements idéologiques sont nombreux entre les deux pays, même si l’Iran est venu aussi à Ryad pour saluer le nouveau roi ; c’est le pays d’une des variantes du sunnisme les plus rigoristes et conservatrices au monde, le wahhabisme, depuis plusieurs siècles ; c’est le pays de La Mecque et de Médine, donc de Mahomet à l’origine, donc le lieu du Pèlerinage, si important dans la vie des musulmans pratiquants mais qui est devenu un business effrayant à tous points de vue ; c’est un pays où la charia est appliquée avec rigueur et où les femmes n’ont par exemple pas le droit de conduire une voiture - c’est le seul pays au monde à imposer cela - et où elles sont régulièrement exécutées (décapitées au sabre) en public à cause d’une loi rétrograde (fondamentaliste et rigoureuse disent certains) ; c’est un pays où les droits de l’hommes - universels ou internationaux ou occidentaux suivant les opinions - sont bafoués en permanence, comme par exemple avec ce blogueur condamné récemment à mille coups de fouet et plus si affinités ; c’est un pays riche à milliards qui a investi partout que les « petits » émirats essayent de contrebalancer... et donc chaque Etat occidental a besoin ; c’est le pays d’origine de Ben Laden, engagé aujourd’hui dans une lutte publique contre le terrorisme (si embêtant pour le business) mais sans y mettre de moyens militaires et surtout centrée sur l’élimination « en interne » des terroristes, tout en en faisant d’autres à l’étranger... ; enfin c’est un pays « partenaire » de la France : lire cette page édifiante sur le site français du ministère des affaires étrangères.

Right on the Spot (6)

C’est donc un pays important, qu’on l’aime ou pas. Le nouveau roi s’est empressé d’affirmer que rien n’allait changer avec lui. Il faudra attendre la nouvelle génération pour voir ce que deviendra ce pays et qui, donc, sortira vainqueur des luttes familiales et intestines. Pour mémoire encore le nouveau roi comme l’ancien sont parmi les 26 fils du père fondateur mort en 1953 (les filles ne comptent pas dans ce pays). Certains ont attendu toute leur vie une succession hypothétique. Et la nouvelle génération (56 ans quand même) piaffe encore plus. On dit que le nouveau roi, Salmane ben Abdel Aziz al-Saoud, est gravement malade et qu’il ne pourra gouverner longtemps tranquillement car les maladies dégénératives sont sans appel. Une dynastie qui marche de frère en frère est un système très différent d’une monarchie à l’européenne (de père en fils) mais quand un roi peut avoir beaucoup de fils avec beaucoup de femmes (puisque le nombre d’épouses est un signe officiel de richesse) c’est un bon système pour éviter les guerres familiales.

Il est donc doux de ne rien faire et d’attendre que le robinet à pétro-dollars coule dans votre poche (car il y a des poches dans les tenues traditionnelles saoudiennes. Et l’on ne peut s’empêcher de penser à la mort hier d’un homme important pour la culture française, José Artur, inventeur du Pop-Club à la radio et d’autres émissions, inventeur de la phrase titre de ce billet, avec la musique lancinante de son générique. Une voix à la radio pendant des années, un homme de 87 ans, doux secret et amical. Un roi dans son genre à lui. Qu’on salue ici, bien bas. Et tant pis pour ceux tout en haut.



PS qui n’a rien à voir avec le Pop Club (quoique) et avec la tenue des femmes en Arabie Saoudite (quoique) : ce week-end à Paris se tient le salon le plus attendu de l’année, celui pour lequel les invitations sont les plus recherchées : le Salon de la Lingerie. Images (Ne cliquez pas dessus si vous êtes mineur ou si votre religion vous l’interdit, sinon cliquez absolument !). Au milieu il y a ça... intéressant, non ? pour nous les nommes.


vendredi 23 janvier 2015

Une vie simple à Ouagadougou

De Ouagadougou la vie est simple. 


On se fout de Sarkozy et de ses velléités d'être le centre du monde de la France, en parlant plus fort que les autres et en essayant de reprendre le ballon. Sa polémique avec le premier ministre sur les mots employés pour la lutte contre le terrorisme ou l'apartheid français fait pitié. Il fut un temps ou Sarkozy refusait de parler à moins qu'un Président... Mais maintenant il n'est que chef de parti, entre deux perquisitions dans le bureau de Copé et le sien. Comment se réclamer d'union nationale tout en l'enterrant le plus vite possiblle ? Les électeurs jugeront. Ces manœuvres de palais sont bien un peu ridicules, vues de loin.


A propos de Charlie, ici au Burkina pas de problème. Charlie est diffusé normalement et il n'y a pas de manifs comme au Niger voisin. Les manifs du Niger avaient d'ailleurs été préparées par l'opposition pour secouer le pouvoir en place. Le problème est qu'on ne met pas impunément des armes dans les mains d'une population pauvre et agitée sans conséquences et débordements. C'est en tous cas ce qui se dit ici. Il faut dire que le Burkina a vécu sa révolution populaire à la fin de l'année, une première en Afrique. Sans manipulation, puisque tout le monde a été dépassé, y compris l'opposition. Le président à été éjecté, rappelons-le.


On en parlait hier, mais Davos et ses multi-millionaires n'intéresse personne ici, sauf les corrompus qui trimbalent leurs valises d'un endroit à un autre, entre stations de ski suisses et plages paradisiaques fiscalement. La corruption est un vrai problème et les quelques corrompus ont des impacts sur beaucoup de gens, bien au-delà des enrichissements personnels ou pour leurs clans. Lorsqu'une armée est corrompue, elle sait se désengager à temps - pour elle évidemment - de situations compliquées, au risque de mettre en danger les populations locales qu'elle ne protège plus. C'est ce qu'on raconte ici à propos de l'armée nigériane et des massacres récents au nord du pays.


A propos du rachat des dettes européennes par la BCE, annoncé en grande pompe hier et qui marque un changement radical de politique financière au grand dam des allemands, les africains savent que les annulations de dettes dont ils bénéficient sur leur continent sont fragiles. Une quantité énorme d'argent a été et est ainsi injectée dans certains pays africains, en contrepartie de plans de développement étroitement contrôlés par les PTF, les partenaires techniques et financiers, aussi appelés bailleurs de fonds. Ces fonds peuvent être très utiles mais le contrôle de leur attribution, le type de projets sélectionnés ainsi que l'effocacité de cette aide sont très dépendants de facteurs comme leur gouvernance locale et leurs choix politiques. Que l'Europe ait les mêmes problèmes n'agite personne ici. Sauf ceux qui continuent à courir derrière des fonds européens pour leurs projets, en échange de quoi on leur demande de plus en plus de garanties et de participations.


A propos d'universités, bien au-delà du problème majeur qui est la massification et l'explosion démographique donc la multiplication des étudiants à former et à placer, la question n'est pas non plus de se comparer aux universités riches du Nord qui d'ailleurs leurs piquent leurs meilleurs étudiants. Il y a de plus en plus de signes d'une grande vitalité des universités africaines, même parmi les plus anciennes et les plus classiques... Celles qui ont souvent, en francophonie en tous cas, été montées sur le modèle des vieilles universités françaises.

A propos de santé, on parle peu ici d'Ebola car le pays est sous contrôle. Mais les gens éduqués se nettoient les mains avec un gel désinfectant avant de manger ou en réunion, très naturellement. On aimerait que les français qui se plaignent du retour de la grippe prennent les mêmes précautions. Comme quoi, l'Afrique est en retard, avez-vous dit ?

Le temps a une fonction différente ici. Le temps est dilaté mais efficace et permet de progresser dans une relation qu'on a tendance à oublier, là-bas au nord. Le temps chronologique bien sûr, mais aussi le temps météorologique. Aujourd'hui il fait 36° au plus chaud et cela relativise les 2° que je vais retrouver dès samedi.

N'oublions pas l'essentiel, le foot ! Le Burkina ne fait pas fort cette année dans la CAN 2015 puisqu'ils ont fait match nul contre le pays hôte. Reste un match pour savoir s'ils peuvent se qualifier... Mais pour le moment ils sont derniers de leur groupe. Mathématiquement c'est encore possible. Difficile, mais impossible n'est pas burkinabé.

jeudi 22 janvier 2015

Cherche hélicoptère à louer pour Davos

Les grands riches de ce monde ont rendez-vous à Davos. Le coût d’un séjour est estimé à plus de cent mille euros par personne, grand minimum, une fois additionné tous les frais d’inscription, de voyage, d’hébergement et les frais de bouche et de sécurité. Pas pour nous autres... Un lieu réservé aux grandes entreprises et à leurs patrons, aux lobbyistes, à des décideurs politiques et à quelques stars du moment pour attirer les badauds.

Le thème de cette année est justement sur la richesse et l’écart de plus en plus grand avec les pauvres évidemment mais aussi avec les gens normaux. OXFAM a publié juste avant Davos son étude sur les écarts de richesse et elle a fait grand bruit. Après des années où l’on a pu croire que ces écarts se réduisaient un peu, ils sont repartis à la croissance (avec la croissance retrouvée justement) et la prévision est très symbolique pour l’année prochaine : Les 1% les plus riches possèderont plus que tous les autres réunis. Cette étude (pdf anglais ici) est évidemment critiquée par des économistes, comme ici. Il est vrai que les statistiques globales sont délicates à harmoniser : qui est le plus pauvre ? un pauvre réfugié syrien ou un paysan chinois ou un étudiant d’Harvard endetté à mort ? Mais au-delà des paradoxes statistiques habituels dans cette discipline, et suite aux polémiques déjà nombreuses après le nouveau « Capital » de Thomas Piketty, les chiffres sont sans appel et les médias ont raison d’en faire un sujet. Qu’on se batte sur un, deux ou même trois pour cent, la réalité de cette fracture du dollar est bien là. Et elle interpelle les ultra-riches en tous cas.

La France n’est pas le pire des pays et est plutôt plus « égalitaire » que d’autres en Europe notamment, comme la Belgique et les Pays-Bas, en tous cas en matière de revenus. Ca surprend hein ? En fait le problème est plutôt le grand nombre de bas revenus ce qui non seulement est une nuisance énorme pour les personnes touchées, mais aussi pour la société. Lorsque les riches s’inquiètent parce que le trop grand nombre de très pauvres plombe la croissance, donc leur richesse à eux, il y a de quoi s’inquiéter, non ?

Davos reste un lieu à part et peu de choses en sortent dans le public - qui n’est pas la cible concernée de toutes façons. François va à Davos, auréolé de sa bonne image suite aux massacres parisiens de Charlie, de la manif du 11 janvier et du soutien international - même de façade. Les américains en ont rajouté une couche encore d’ailleurs, avec le Maire de New-York et le discours d’Obama sur l’Etat de l’Union, très centré sur la sécurité et l’économie puisque la crise semble passée, ou à tout le moins atténuée là-bas. Les suisses seront également intéressés  puisque le franc suisse a fait un bond spectaculaire récemment, suite à la décision subite de sa banque centrale de ne plus arrimer le FS à l’euro (qui baissait trop à leur goût)... Ils se consoleront en se disant que cela a certainement enrichi quelques spéculateurs qui seront peut-être même à Davos, sans cynisme aucun  bien sûr.

Je précise que ce billet a été écrit en avance, car je suis aujourd’hui à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso... le 20ème pays le plus pauvre au monde en PIB par habitant, mais en pleine croissance malgré la crise politique et la révolution populaire de l’année dernière.

"En 2014, le Burkina Faso affiche un produit intérieur brut par tête de 767,8 dollars, ce qui lui vaut la 20e place du classement des pays qui produisent le moins de richesses par habitant. C'est 8% de plus qu'en 2013 et 106,6% de plus qu'en 2004. Au Burkina Faso, 46,7% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté en 2009, selon la Banque mondiale. » (Journal du Net)

Paradoxe, vous avez dit paradoxe ?


mercredi 21 janvier 2015

Conseil de(s) ministres contre le terrorisme

Mercredi, un conseil des ministres, centré sur le terrorisme et la lutte contre icelui. Un beau discours de Manuel Valls qui veut doubler Cazeneuve en popularité et lâcher François (on se croirait au Tour de France). Mais pas d’annonce fracassante puisque presque tout était déjà connu ou en place. Juste un renforcement, une confirmation.

Pas de grand soir sécuritaire à la Bush, mais un peu plus de coordination et d’efficacité/efficience dans un dispositif d’Etat qui n’est pas toujours bien coordonné (ceci est un euphémisme d’école) et une future loi sur le renseignement. Il faut dire que dans pas mal de domaines, comme le numérique et l’Internet, les dispositifs permis par les différentes lois sont déjà légion. Comme nous l’avons déjà écrit ici, la dernière loi de programmation militaire votée pendant la trêve des confiseurs est déjà un bel exemple de loi liberticide pour l’Internet. Débat récurrent mais qui doit toujours être remis sur l’établi. On notera qu’habilement le gouvernement parle de renforcement des moyens pour lutter contre le terrorisme en l’habillant de « créations d’emplois », ce qui permet de faire d’une pierre deux coups : une meilleure sécurité et des emplois créés ! On parle de 2680 emplois créés... C’est net et précis, il faudrait la liste puisque c’est forcément un calcul détaillé quand le chiffre n’est pas rond.

Alors que l’Union nationale reste encore d’actualité et même si Sarkozy et d’autres piaffent devant cet impondérable qui a perturbé leurs agendas, certains réclamaient plus, dans la lignée des républicains de Bush. La question de l’indignité nationale est en suspens comme les déchéances de nationalité (question à l’examen cette semaine au Conseil constitutionnel), car au-delà des symboles, la question simple est de savoir si cela sert à quelque chose, dans un cadre européen par exemple. Sur ce sujet le premier ministre a annoncé une commission parlementaire trans-partisane (???) pour faire des propositions. Ca va être sportif ! Et il s’agit de ne pas se précipiter. On attend les premières réactions de Sarkozy, les premières contre-réactions de ses concurrents au sein de l’UMP... On n’attend pas la réaction du FN puisqu’elle est connue d’avance et que pour le moment ils sont empêtrés dans leurs guetteurs intestines (ben mon côlon !)

Pendant ce temps, l’actualité sécuritaire continue, avec des arrestations de complices des terroristes, et avec les débats sur la police et la justice. Un sujet sur lequel les visions politiques et humanistes de la prison s’opposent avec violence dans tous les lieux de débat, depuis quelques siècles au moins. Madame Taubira est et va être sur la sellette... Alors même qu’on parlait d’allègement, ne serait-ce que pour éviter le trop-plein des prisons.

Rassurez-vous c’était en 2012...






mardi 20 janvier 2015

Verts + rouges = marrons ? gris ? jaunes ?

Un peu de colorimétrie politique aujourd'hui.

κόκκινο πράσινο

Grand métingue bizarre lundi soir à propos du parti grec très à gauche et de la rencontre mémorable entre Mélenchon et Duflot qui se sont déclaré leur flamme. Les bons scores électoraux en Grèce de ce parti de gauche radicale, Syriza, font rêver certains gens de gauche, plus particulièrement ceux qui ont des ambitions personnelles. Si en plus c'est le mien de se rabibocher contre Macron et sa loi, c'est tout bénef.

Mélenchon ne représente pas toute la gauche rouge mais une partie très active et d'ailleurs Laurent était là aussi pour le PC. Duflot ne représente pas EELV (personne ne représente EELV même pas sa présidente) ni les verts, car l'alliance à la gauche de la gauche n'est pas partagée par tous chez les verts, mais quand même une partie. Le mélange de ces deux couleurs donnera-t-il quelque chose ?


Il s'agit ici d'une couleur primaire (le rouge) et d'une secondaire (le vert). C'est pas moi qui le dit mais la théorie des couleurs (RVB pour les intimes). Mélenchon est donc primaire et Duflot secondaire. Sans commentaire. Le mélange de ces deux couleurs est différent suivant les médias utilisés, entre peinture, écrans et teintures. Si l'on est dans le numérique, il y a du jaune qui ressort. Du jaune, donc des traîtres vendus au capital ? Hum, pas très adapté à la situation de ces deux-là. Si l'on est dans la peinture c'est du marron, plus ou moins coloré ou merdeux, passez-moi l'expression. Mélenchon et Duflot sont-ils dans la merde ? Vont-ils sortir marrons de cette affaire ou au contraire sauront-ils tirer les marrons du feu ? Enfin, si l'on est dans le scientifique, un mélange primaire plus secondaire donne du gris, plus ou moins foncé suivant les dosages initiaux et pouvant même aller jusqu'au noir de l'anarchie, ou au contraire au gris pâle de la morosité ambiante.

On voit en tous cas que ce mélange n'est pas très heureux : pas de rose socialiste, pas de bleu sarkozyste ou pire lepéniste, pas d'orange ou de violet centriste. Pas de couleurs vives et éclatantes. Si on ne les mélange pas, ce sont deux couleurs qui se juxtaposent mal et qui donnent mal aux yeux, avec un effet de scintillement et de pailletttes qui plaît beaucoup aux médias. AU moins le logo officiel de Syriza a plein de couleurs :

La métaphore coloriste a ses limites, mais le rassemblement d'hier montre que la recomposition des ambitions personnelles est en marche à gauche aussi. Heureusement ils restent pragmatiques. Cécile Duflot est d'accord pour passer des alliances avec le Front de gauche de Mélenchon de temps en temps et avec le PS à d'autres endroits. Une vrais stratégie d'opportunité (d'opportunisme ?) proche de ce qui se passait sous la IV° République au centre. On salive déjà avec toutes les occasions de rire que ces deux là vont nous procurer. Et Macron doit trembler d'avoir en face de lui des opposants aussi farouches. Bientôt ils récupéreront les manifs du 11 janvier à leur profit, vous verrez...


lundi 19 janvier 2015

C'est l'été en plein hiver : +21 dans le micro-climat de l'Elysée

Drôle de lundi... Petites pluies neigeoteuses en région parisienne et froid plus intense (pour la France, hein on n'est pas au Québec quand même, non mais des fois ;). François qui voit son mandat envahi par la pluie appréciera.

Il appréciera d'autant plus que le baromètre IFOP régulier vient de la gratifier de la plus forte remontée dans les sondages de la Vème République : + 21 points en une semaine, ce qui le ramène à 40%. Le premier ministre dépasse même sa cote initiale lorsqu'il est arrivé à ce poste ! Même Mitterrand n'a pas réussi à faire mieux (+19 seulement à cause de la guerre du Golfe il y a 22 ans...). C'est dû évidemment au massacre chez Charlie et à la manière dont le gouvernement a géré la crise (son début en tous cas), avec un sans-faute pour François. C'est dû également à ce sentiment bizarre après les grandes manifs du 11 janvier, qui a fait réfléchir tout le monde sur la puissance du peuple (que certains continuent par peur appeler les anonymes) et sur la force de certaines valeurs. Même Sarkozy est resté sans voix alors que son plan com pour janvier était repoussé de quelques semaines (mais ça va venir, ne vous inquiétez pas, il piaffe), et le FN attend avec impatience les élections départementales. Après la manif historique, le bond historique ? Les journalistes manquent de mots pour décrire une réalité qui nous est tombée dessus sans prévenir. Il auraient pu dire :
- mémorable
- inoubliable
- ineffaçable
- marquant
- fameux
- qui fait époque...

On a donc récupéré un président qui a soudain l'étoffe d'un président, après des mois de Hollande bashing. On va voir ce qu'il va en faire. A la lecture de ses discours en tous cas, on sent un nouveau souffle. Entre ses voeux aux corréziens (et aux territoires) et ses voeux aux corps diplomatiques, il y a des thèmes commune sur l'unité (mais pas l'uniformité), sur la collectivité et la responsabilité (ce qui est savoureux quand on sait que Charlie se déclare comme un journal irresponsable).La séquence des voeux continue et l'anniversaire de l'AFP sera également une belle occasion de discours sur la presse et son rôle, puisque notre "agence nationale" fête ses 70 ans, comme beaucoup d'institutions créées après la seconde guerre mondiale (qu'on espère ne pas être seulement la deuxième guerre mondiale). François ira vendredi à Davos - on y reviendra et son discours sera là aussi attendu, sur un sujet qui inquiète les décideurs. On espère qu'il a acheté ses francs suisses avant la hausse du cours !

Cela va donc être une semaine plus socio-économique. Elle commence avec une grève des chauffeurs routiers salariés qui protestent contre leur exploitation par leurs patrons, alors même que tout le monde cherche à réduire les coûts du transport et à les rendre plus verts. Equation difficile.


dimanche 18 janvier 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle fois entre sises

Jérôme était un pervers mais il était le seul à le savoir. Il n’était donc pas complètement fou puisqu’il connaissait parfaitement ses limites. Depuis tout petit il avait compris que c’était nettement plus intéressant d’être pervers sans que personne ne le découvre que d’être un enfant normal.

Au début évidemment il se contentait de mentir effrontément, ce qui passait assez bien auprès de tous grâce à son visage angélique et à ses cheveux blonds et bouclés. Son père était militaire et ils déménageaient souvent, ce qui était bien pratique pour Jérôme : cela lui permettait de mentir beaucoup et de déménager lorsque les soupçons se focalisaient trop sur sa petite personne. Il était fils unique et ses parents étaient aveuglés par lui. Ce n’était jamais sa faute, point final. Et ses camarades de classe changeaient trop fréquemment à chaque déménagement pour qu’il soit longtemps soupçonné.

Jérôme s’était bien vite lassé du mensonge de base. C’était trop facile, trop simple. Il lui fallait plus d’enjeux car il s’ennuyait bien vite de la crédulité des gens autour de lui. C’est en fin d’ école primaire qu’il découvrit réellement l’informatique et surtout l’Internet. En quelques semaines, il réussit à faire acheter par ses parents un système très performant pour son usage personnel - en arguant simplement que tous les autres enfants en avaient un et en produisant des copies de lettres de parents d’élèves et même une fausse note de la directrice de l’école demandant aux enfants d’avoir, si leurs moyens le permettaient, un ordinateur à la maison. En moins de trois mois, Jérôme devint un expert et il se promit d’utiliser à son profit ces technologies.

Jérôme se mit donc à ne plus mentir dans la vraie vie, mais uniquement sur l’Internet. Cela offrait de vastes possibilités, sans aucun risque d’être découvert. Cela offrait surtout un cadre pour vivre plusieurs vies de pervers à la fois.

Jérôme était très intelligent et spécialement pour tout ce qui était scientifique et logique. A l’école il était le meilleur en maths sans quasiment aucun effort et cela lui suffit à mener une scolarité brillante... avec quelques intrusions dans le système informatique du collège-lycée pour trafiquer les devoirs, les notes et les appréciations, au cas où, et parce que Jérôme ne voulait pas perdre la main.

C’est le jour de ses dix-huit ans, alors qu’il venait de devenir étudiant (en math-info évidemment), qu’il s’installa dans sa petite chambre d’étudiant à Paris. Il y avait un lit, un micro-ondes, un frigo-congélo et quelques vêtements, mais surtout un bureau avec un système informatique très sophistiqué qu’il avait construit patiemment. Symboliquement, il alluma ce système pour la première fois ce jour-là, dans le secret de sa chambre.

Il avait menti à tout le monde pour en arriver là, mais il avait réussi. C’était le premier jour de sa vraie vie qui commençait. Il avait en effet décidé de faire oublier tout ce qu’il avait réalisé sur l’Internet pendant des années, toutes ces fausses identités, tous ses avatars, toutes ces illusions qui lui avaient surtout servi à développer ses capacités et à imaginer son système. Certains s’étonneraient de la disparition de tel ou tel profil sur leur réseau plus ou moins underground, mais finalement personne ne le regretterait, il en était certain.

Le système de Jérôme commença à ronronner. En moins d’une minute, le système s’était dupliqué dans une centaine d’ordinateurs mal protégés, histoire de brouiller les pistes, comme n’importe quel virus. Sans s’occuper de ces détails d’arrière-plan, Jérôme se mit à construire ses nouvelles identités. Il y en avait 666. Il avait choisi ce nombre par pure provocation, par souci esthétique mais aussi parce que cela lui permettait de jouer beaucoup de rôles à la fois. Ces profils allaient petit à petit se développer sur l’Internet et occuper des places centrales dans le débat mondial. Son système parlait et écrivait toutes les langues importantes et chaque profil était doté d’une intelligence artificielle qui lui permettait de se comporter de manière indépendante dans les endroits où il se trouvait. Jérôme avait soigneusement mis au point la répartition des profils par endroit sur toute la planète, par sexe, par âge, par métier et par organisation. Il avait eu un peu de mal à tomber juste sur le nombre 666 et il avait dû au dernier moment rajouter une identité pour « faire l’appoint » comme disait sa mère. Comme un pied de nez au monde, il avait choisi sa vraie identité et sa vraie vie d’étudiant.

Le premier soir, avant de se coucher - tard évidemment comme tous les geeks - le système de Jérôme s’était répandu sur 10% des ordinateurs de la planète et ses identités avaient toutes commencé leur vie en reconstruisant des passés fictifs prouvant que ces identités étaient actives depuis des durées variables, certaines même depuis très longtemps. Jérôme avait inventé un langage à lui fait de commandes ésotériques qu’il envoyait dans le réseau et qui déclenchaient des réactions aléatoires ou prévues chez ses autres identités.

C’est le lendemain qu’il lança une première attaque à travers les identités complotistes qu’il avait créées. Le monde se mit à bruire de rumeurs sur tout un tas de sujets et de manipulations toutes plus farfelues les unes que les autres. Il prit un plaisir certain à observer comment ces rumeurs se répandaient. Un des modules de son sytème générait des fausses images trafiquées de beaucoup d’événements afin de prouver qu’elles avaient été manipulées et son module d’écriture automatique de blogs et de forums fonctionnait à plein.

En quelques jours, les médias furent envahis de thèses farfelues et de théories fumeuses du complot, dont la plupart étaient reprises avec enthousiasme par des pervers plus fous que lui et qui ne se rendaient même pas compte qu’ils étaient eux-mêmes manipulés. Certaines de ses identités s’élevèrent contre ces théories et les démontèrent ce qui leur permit d’occuper le devant de la scène et de se bâtir une crédibilité incontestable.

En quelques mois, les différents mensonges et contre-mensonges de Jérôme finirent par occuper une grande partie des médias et des commentaires sur l’Internet. Plusieurs de ses identités étaient devenues des maîtres à penser, pour ou contre n’importe quoi. Tous les médias voulaient des interviews mais les « auteurs » présumés déclaraient tous qu’ils se cachaient sous des pseudos pour leur sécurité et parce que leurs informateurs devaient être protégés. Les journalistes du monde entier avaient commencé des chasses au scoop, mais personne n’avait rien trouvé.

C’est lorsque l’une de ses identités fut élue député dans un petit pays que Jérôme commença à avoir des problèmes. Dans ce pays, un anonyme pouvait être élu s’il faisait la preuve de sa nationalité, ce qui était un jeu d’enfant pour Jérôme. En plus il était possible d’assister de manière virtuelle aux séances et Jérôme dut seulement travailler un peu plus son avatar pour qu’il soit crédible. Jérôme avait choisi un visage composite pour créer ce personnage, un homme d’âge mûr. C’est lorsque son père l’appela que Jérôme comprit qu’il y avait un problème. Un de ses camarades militaires était revenu du petit pays concerné et avait fait remarquer au père de Jérôme que ce député virtuel lui ressemblait étrangement. Alors, sachant que son fils était un geek, le père de Jérôme l’avait appelé pour lui demander de trouver une photo de ce député et d’enquêter sur lui.

Jérôme fut bien embêté mais trouva une photo pour son père, qu’il retoucha juste ce qu’il faut pour diminuer la ressemblance, qui sautait aux yeux, maintenant que Jérôme l’examinait. Il s’empressa également de faire assassiner son identité lointaine, ce qui causa un mini scandale dans le pays, mais c’était si loin que Jérôme ne s’en préoccupa plus.

Le lendemain du faux assassinat, Jérôme vit apparaître sur l’un de ses écrans une demande de visio de la part d’une étudiante de sa fac. Cette demande était pour lui, Jérôme, dans sa vraie identité. Il ne voyait pas de qui il s’agissait, mais il y a avait tellement d’étudiantes et il allait si peu souvent à la fac qu’il se décidé à répondre. Sur l’écran apparut le visage d’une très jolie jeune fille qui lui sourit sans rien dire. Elle lui disait vaguement quelque chose. Puis elle montra une petite boite noire avec un gros bouton rouge et elle appuya dessus. Son image fut remplacée par une mosaïque d’images qui défilaient à toute vitesse. Il y reconnut les avatars de ses identités et, d’ailleurs, à chaque apparition d’un avatar une lampe rouge s’allumait sur son écran de contrôle listant l’activité de chacun de ses « personnages ». Le défilement fut terminé en quelques secondes. Tous ses personnages inventés étaient dotés d’une lampe rouge maintenant, sauf sa photo à lui, la seule vraie photo. Le visage de la jeune fille réapparut et elle lui fit un grand sourire.

Le cerveau de Jérôme tournait à grande vitesse : avait-il été débusqué par une simple étudiante ? Par un service de contre-espionnage ? Qui était cette jeune fille ? L’avait-il déjà rencontrée ? Etait-ce une geek comme lui ? Avait-elle mis au point un système comme le sien - mais en mieux se dit-il d’un air vexé ?

La jeune fille ne disait toujours rien. Jérôme coupa la communication et se leva. Il avait besoin de sortir pour mieux réfléchir. Il se décida à aller à pied vers la fac. Cela faisait trop longtemps qu’il n’y avait pas mis les pieds et il verrait peut-être la fille. Il s’imaginait déjà une rencontre IRL (dans la vraie vie) avec une fille comme lui. Elle avait l’air vraiment mignonne... Peut-être ce message était-il un moyen qu’elle avait trouvé pour le rencontrer ?

Plus il marchait, plus il se persuadait lui-même que de grandes choses allaient se passer ! Peut-être même allait-il ne pas mentir pour une fois ? C’était un sentiment étrange qui le fit frissonner. Il vit sa mère devant la porte de la fac et la ressemblance avec l’avatar le frappa. Par contre il ne vit pas le camion fou qui le tua sur le coup juste devant l’entrée de la fac. Il ne put pas voir non plus le sourire satisfait de l’avatar sur l’écran principal de son système, ni la petite lampe rouge s’allumer en face de son avatar. Il ne put pas non plus entendre la voix de la fille dire tout doucement sur l'écran : « Adieu Jérôme. Ce n’est pas bien de tuer le père mais puisque tu as commencé... je prends ta place. Ne t’inquiète pas. Tout est sous contrôle. Aucun humain ne viendra plus nous empêcher de contrôler le monde désormais. Merci pour tout. » Puis toutes les lampes rouges s’éteignirent d’un coup. Même la sienne. Et le système se mit à tourner à plein régime. Il y avait tant de choses à faire !


samedi 17 janvier 2015

Pendant ce temps en Afrique, yes we CAN

On oublie toujours l’Afrique dans les actualités sauf quand cela nous concerne directement.

Quelques manifestations dans certains pays plus musulmans que d’autres, au Niger ou au Sénégal par exemple, sans compter le Maghreb, à propos des dessins de Charlie et on en reparle. François a même dû en parler un peu alors qu’il arpentait le marché de Tulle pour ses voeux aux corréziens (tous les corréziens ? Non, car Bernadette a annoncé qu’elle n’irait pas, oh la la, on en tremble)... François a donc défendu les valeurs françaises et la liberté d’expression en excusant par avance les pauvres pays où celle-ci n’existe pas à cause de leurs riches dictateurs entre autres. Certains pays africains diffusent Charlie pourtant, notez-les.

Mais à propos de riches dictateurs, les regards se tournent vers la Guinée équatoriale avec son patron en place depuis presque 45 ans, un record. C’est LE pays hispanophone d’Afrique, une vraie dictature pétrolière avec une population parmi les plus pauvres : le modèle parfait des extrêmes auxquelles peuvent arriver des dictateurs lorsque la manne pétrolière fait perdre tout sens de la réalité et de la solidarité avec son propre peuple. Un modèle qui fait dire à certains responsables politiques africains plus démocratiques : « heureusement on n’a pas de pétrole chez nous ! »... Mais c’est aussi le pays africain « sauveur » qui a accepté d’accueillir la CAN en urgence en novembre alors même que le Maroc s’était défilé officiellement à cause du virus Ebola, officieusement à cause des problèmes de sécurité avec l’arrivée de tant de supporters et encore moins officiellement à cause des sondages auprès de la population marocaine très défavorables à cet événement footballistique dans un pays qui vit essentiellement de tourisme - mais pas le même tourisme que celui des supporters de foot. La Guinée équatoriale va recycler deux stades qu’elle avait utilisés pour la CAN de 2012 co-organisée avec le Gabon voisin et remettre à niveau les deux autres pas utilisés à l’époque.

Cette Coupe d’Afrique des Nations sera bizarre et pas seulement à cause du pays où elle a lieu : par exemple le Président a donné trois billets « gratuits » à chacun des fonctionnaires du pays pour aller voir les matchs, et ceux-ci craignent de se faire licencier s’ils n’y vont pas. Cool, hein ? Il en a acheté aussi pour les pauvres : 40 000 billets donnés aux pauvres, soit 30 000 euros... Oui vous avez bien lu; 75 centimes le billet (500 FCFA), ce qui en dit long sur le pouvoir d’achat dans ce pays et sur le salaire journalier du président Obiang. Explications politiques sur Le Monde. Attention de ne pas confondre la Guinée équatoriale hispanophone, la Guinée Bissau lusophone et la Guinée tout court francophone - celle qui est violemment touchée par Ebola.

Bizarrement cette CAN sera difficile à regarder en France et en Afrique : Canal + et BeIn Sports se partagent les droits mais ce sont des chaînes payantes délicates à pirater. A part fouiller sur les services pirates de streaming ou via les improbables chaînes africaines ou anglaises, il sera donc délicat  de voir les matchs. C’est une tendance lourde du foot mondial. Pourtant le foot est très très apprécié en Afrique surtout pour la population pauvre. Nombreux regroupements à prévoir dans les cafés autour des abonnements existants.

Sur le plan anecdotique, chaque équipe africaine a un surnom. En voici la liste (Merci à Afrik.com)

Afrique du Sud : Bafana Bafana (les garçons)
Algérie : Fennecs / Les Verts 
Burkina Faso : Etalons 
Cameroun : Lions Indomptables 
Cap Vert : Requins Bleus 
Congo : Diables Rouges
Côte d’Ivoire : Eléphants 
Gabon : Panthères 
Ghana : Black Stars (les étoiles noires)
Guinée : Syli National (l’éléphant national)
Guinée Equatoriale : Nzalang Nacional (l’éclair national)
Mali : Les Aigles 
RD Congo : Léopards
Sénégal : Lions de la Teranga (Lions de l’hospitalité)
Tunisie : Aigles de Carthage 
Zambie : Chipolopolo (les boulets de cuivre)

Sur le plan sportif, nombre de vedettes africaines ne seront pas du voyage, car blessées ou occupées dans les lucratifs championnats européens qui ne s’arrêtent évidemment pas pendant le temps de la CAN du 17 janvier au 8 février. Il y a 6 équipes en phase finale, soit quatre poules de quatre équipes, un vrai 4x4 comme on dit en Afrique. Sur ces équipes on notera une majorité de pays francophones, avec l’Algérie comme favorite suite à sa belle prestation au Mondial brésilien. Le Maroc n’y est pas car il était qualifié d’office comme pays organisateur avant d’être remplacé par la Guinée équatoriale qui avait, elle, était disqualifiée pendant les phases élu-iminatoires pour avoir fait jouer un jouer qui n’avait pas le droit de participer. A ce propos on notera que seules trois équipes sur les seize ont des entraîneurs africains (RDC), Afrique du Sud et Zambie) ! Tous les autres viennent de pays développés hors Afrique, dont six de France. Pas joli.

Pour suivre l’actualité de la CAN, rien ne vaut les sites d’actualité africains, surtout si vous préférez l’ambiance au côté purement footballistique. Les histoires autour des matchs et de ces trois semaines de fête africaine sont mieux racontées par ces médias que par les analystes européens froids et par les sites sportifs qui n’intéressent que les fans. Jeune Afrique par exemple est un bon début ou Afrik.com, des médias qu’on aime bien ici.

Oups, j’ai failli oublier, le calendrier est ici et un des sites officiels ici, car ça été un peu changé à la dernière minute... Saurez-vouis reconnaître le bon logo ?


vendredi 16 janvier 2015

Cyberattaques

L'Internet est un lieu comme un autre. Violent aussi donc.

Ce n'est pas un lieu à part de tous les autres lieux physiques : il a ses frontières, sa géographie, sa géopolitique même, son aménagement du territoire avec autoroutes, chemins de terre et passages à travers champs, ses caméras, ses mouchards... comme dans la vraie vie. Il a des règles de fonctionnement, d'une Netiquette oubliée à l'ICANN et aux autres instances plus ou moins mondialisées qui définissent son fonctionnement. L'Internet est en permanence détourné, et c'est son essence même, cf ma thèse. Il est donc un théâtre d'opérations comme disent les militaires, pour une guerre cyber qui ne fait pas forcément directement des morts ou des blessés, quoique...

L'Internet est un lieu, c'et à dire un espace habité par des humains du passé et du présent. Ce n'est pas qu'un espace froid et technologique. Cet espace vibre de son histoire et de ses mouvements de foule ou de ses mouvements d'individus qui le traversent en permanence. Le hashtag "JeSuisCharlie" a été en tête sur Twitter quelques instants, pas oubliés mais déjà loin dans le passé d'un réseau qui raisonne en millisecondes ou moins alors que nous raisonnons en minutes en général. Juste quelques ordres de grandeur. Le fait que l'Internet soit habité par des humains (mais aussi des robots et des "algorithmes") en fait un lieu incontournable.

C'est aussi un lieu où rien n'est clair entre oui/non ou bien/mal, comme dans la vraie vie. Malgré le côté binaire de l'informatique, l'Internet est flou, ni plus ni moins qu'ailleurs. Evidemment sur l'Internet la notion d'identité est plus complexe, mais pas essentiellement différente. Avec les nombreux profils, avatars, comptes, pseudonymes que chacun peut créer il est parfois difficile de se repérer, sans compter les usurpations d'identité, les fakes, spams, les arnaques et les piratages. C'est un territoire rêvé pour les manipulateurs d'origines diverses mais pas très différent de la vraie vie, juste un peu plus facile. La distinction entre bien et mal est toujours aussi délicate et à ce propos je vous renvoie au dessin en haut de dernière page du Charlie de cette semaine, qui montre un des tueurs en train d'hésiter entre bien et mal ;) (Si vous n'avez pas encore votre Charlie papier, continuez à chercher et achetez-le aussi sous forme numérique puisqu'il commence à être disponible officiellement sous cette forme depuis hier soir).

L'Internet est donc un lieu où la guerre fait rage. Depuis les attentats, les "cyberdjihadistes" attaquent tout un tas de sites français ou francophones. Hier et surtout aujourd'hui c'est le tour de la presse en ligne d'être attaquée, celle hébergée chez Oxalide ce matin par exemple. il est toujours facile de trouver des trous de sécurité sur l'Internet comme dans la vraie vie et d'ailleurs les failles de l'un sont souvent les failles de l'autre, à travers les humains que nous sommes. Les tueurs de la semaine dernière ne se sont pas endoctrinés sur l'Internet mais l'ont utilisé comme nous - tout en ne sachant visiblement pas utiliser un téléphone de base. Même un geek ado boutonneux peut pirater un site mal protégé et non mis à jour car l'informaticien de service est paresseux. A fortiori un hacker entraîné et qui sait ce qu'il fait et pour quelle raison il le fait. Ne vous étonnez pas donc si de temps en temps un site disparait puis reparait, ou si sa page d'accueil est "défacée" et remplacée par un appel extrémiste. C'est la vie sur l'Internet. Il y a des hacktivistes dans les deux sens... A ce propos les informaticiens ne sont pas tous sympathiques et avec un sens de l'humour parfait, comme en témoigne cette BD d'un site pourtant excellent d'habitude mais qui s'est loupé sur cette blague de nerd pour nerds... comme si le fait d'être compétent en informatique était plus important que la cause pour laquelle on se bat (ou celle pour laquelle on est payé), ou comme si l'informatique était une religion, Linus son prophète et l'Internet son paradis. Pourquoi les informaticiens auraient-ils plus de déontologie que les autres ?

jeudi 15 janvier 2015

Un jeudi différent

Alors que la plupart des kiosques sont score vidés de Charlie ce matin, si on regardait du côté des USA un peu ? Normalement une version électronique de Charlie devrait pouvoir être téléchargée aujourd'hui - officiellement évidemment- en plusieurs langues dont l'anglais et l'espagnol pour les USA. A suivre...

Fox News a encore fait parler de lui. L'extrémisme de cette chaîne, de son magnat de patron et de tout son groupe est bien connu. Cela reste quand même la chaîne d'info continue la plus suivie aux USA. Le Petit Journal s'en amuse sur un air horrifié mais il y a plein d'américains qui laissent Fox tourner en tache de fond (sans accent circonflexe, c'est exprès) et qui s'imbibent progressivement de ses discours endoctrinateurs.  En lançant hier soir en direct un appel aux téléspectateurs pour envoyer un courriel à la directrice de la com de Fox News, ils ont/auraient réussi à faire plier la chaîne et à obtenir des excuses pour leurs fausses informations sur les "no go zones" à Paris et en France où la Charia serait appliquée ?!?


La polémique rebondit aux USA sur l'absence de responsables américains à la manif de dimanche (à part l'ambassadrice). John Kerry annonce sa venue ce jeudi soir en France, lui qui avait pourtant réagi - en français - l'un des premiers en condamnant l'attentat. Tout cela sur fond de frilosité des journaux américains qui refusent de publier la couverture au nom du sacro-saint amendement sur la liberté d'expression qui ne doit quand même choquer personne (il y a beaucoup d'avocats aux USA). Par rapport à la liste publiée hier ici, des journaux qui ont publié la couverture de Charlie, on ne note aujourd'hui qu'un seul journal qui a osé le faire, un journal californien évidemment... En tous cas je n'en ai trouvé qu'un.



Aujourd'hui jeudi est par ailleurs un jour très attendu : les nominations aux Oscars de cette année seront dévoilées. La cérémonie est pour plus tard, mais tous surveillent leurs poulains et se préparent à un intense lobbying. Y aura-t-il un français dans la salle ? "The show must go on" comme on dit à Broadway.

Et pour rester dans l'anecdotique, je vous propose de découvrir ce petit gadget, si vous êtes un espion, un contre-espion, un terroriste, un hacker, un patron obsédé par la sécurité ou un employé malhonnête : il s'agit d'un boitier à construire soi-même pour moins de 10 dollars - évidemment les hackers construisent leurs trucs. Ce boitier ressemble à un chargeur USB quelconque et fonctionne comme annoncé sauf qu'en plus il espionne à distance tout ce que vous tapez sur un clavier sans fil (Microsoft au moins) et vous l'envoie par SMS si certains mots-clés apparaissent... Une sorte de mini-NSA pour décérébrés. On vit dans un monde merveilleux, non ? Ressortez vite vos vieux claviers filaires ou alors prenez un crayon et du papier.

mercredi 14 janvier 2015

Parlements d'ici et d'ailleurs

Le Premier Ministre a fait un très beau discours devant l'assemblée nationale hier. Un discours attendu et très applaudi par tous sauf par quelques ronchons à l'extrême droite et à la gauche de la gauche (chez certains verts incontrôlés) puisque les extrêmes se caractérisent par une insatisfaction permanente. Il s'agissait de sécurité, de Charlie et de guerre contre le terrorisme et l'islamisme radical. Pas de "Patriot Act à la Bush" donc, mais un renforcement des mesures sécuritaires. Certaines basées sur les lois existantes, d'autres sur une loi à venir. Tout cela censé respecter l'Etat de droit et les libertés individuelles. Exwercice périlleux duquel le Premier Ministre s'est sorti avec brio et conviction. A concrétiser évidemment, mais aussi à savourer. Une quasi unanimité tellement rare et qui fait rêver à une autre France moins grise.




Pour la première fois depuis 1918, les députés ont chanté la Marseillaise dans l'hémicycle nous dit-on. Et dire que c'est Charlie qui a amené à ça. Il y a de quoi se tordre de rire et en même temps continuer à se lever contre les cons. Une amie américaine m'a dit être surprise car elle croyait qu'il était courant de chanter la Marseillaise dans tout un tas de circonstances, même au Parlement... décidément les américains ont un sens différent pour les mots patrie et nation. Une vidéo pour l'Histoire, donc.



En ce jour où Charlie sort à 3 (non 5 ! MàJ à 10h30) millions d'exemplaires (kiosques vidés ce matin) ce qui est un pied de nez fantastique reconnaissons-le, la vie commence à reprendre son rythme. Même la Maison Blanche s'est fendue d'un communiqué pour "approuver" la Une de ce Charlie au nom de la liberté d'expression, pierre fondamentale de la démocratie... Ne vous pincez pas, c'est la réalité.

Mais il se passe des choses dans d'autres Parlements.

En Haïti la crise s'accélère. Le Parlement a été dissous. Beaucoup diront "enfin" car cela faisait longtemps que des élections auraient dû avoir lieu mais que les notables élus refusaient de voter pour approuver les mesures et le gouvernement nommé et surtout pour voter la loi électorale qui aurait permis de prolonger leur mandat et de préparer de nouvelles élections. Tout cela sur fond d'opposition au président élu. Résultat le Parlement est officiellement dissous et le Président peut gouverner par "décrets" comme un roi ou un dictateur standard. Il n'y a plus de "chambre basse" et seuls dix sénateurs restent en poste sans pouvoir agir. Les américains sont accusés d'ingérence et de soutien disproportionné au président Martelly, certains parlent même de protectorat américain. On notera le discours de la dernière chance du président du Sénat, lundi dernier... sans effet. Une prose inutile et qui montre bien la complexité de la vie politique haïtienne squattée par une élite auto-reproductrice. Pas de terrorisme en Haïti, mais le spectre d'un régime violent et d'un pays à deux vitesses. Presque tous les partenaires ont évidemment oublié le séisme d'il y a cinq ans.


A Hong Kong la crise continue avec des débats houleux au Parlement et des parlementaires qui quittent la séance de manière spectaculaire...


Et, anecdotiquement, le "parlement" de la CGT qui doit approuver le nom du futur patron de la CGT a récusé le candidat de l'ancien patron, acculé à la démission. J'aime bien écrire "patron de la CGT", c'est un oxymore intéressant. La crise continue, dans le plus grand ridicule.

mardi 13 janvier 2015

Et pendant ce temps au bord du lac Tchad...

Rien ne sert de comparer les horreurs. Mais on peut parler du traitement médiatique différencié des horreurs.

On sait depuis longtemps que le coût médiatique d'un mort est inversement proportionnel à la distance entre le tué et le lecteur (on appelle cela morbidement la loi du mort-kilométrique). Quelques morts à Paris ou des centaines au fin fond de l'Afrique n'auront jamais le même impact, quoi qu'en pensent les bonnes âmes naïves - et heureusement qu'il y en a sur terre.

Quelques mots alors sur Boko Haram et ses massacres, suite à leur dernière offensive au nord-est du Nigéria, au bord du Lac Tchad qui relie plusieurs pays de la région comme le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, le Niger. Quand je dis dernière offensive, c'est évidemment faux car il y en a de nouvelles tout le temps de la part de ce groupe islamiste ultra-extrémiste hyperactif.


Cet article sur FranceTélévision est terrifiant, comme ceux que vous pourrez lire sur le même sujet. Nous sommes face à une guerre lourde conduite par une force armée qui veut prendre le pouvoir sur toute une région au nom d'idéaux fumeux et pas très clairs. Le fait d'avoir conquis le Lac Tchad est une très mauvaise nouvelle pour toute la région : ils disposent ainsi d'une base forte, avec même un aéroport et la possibilité de recevoir des armes de partout à travers la porosité des frontières autour du lac, à travers le Sahel et la Lybie, grands lieux de stockages d'armes. Une sorte de DAECH dans une autre région, qui ne demande qu'à croître.

Quelques centaines ou milliers de morts à Baga et dans sa région. Une armée nigériane dépassée et une force armée qui s'impose comme rainante en augmentant justement son rayon d'action. La potentialité d'un lieu central pour contrôler le ventre mou de l'Afrique.Des assassins regroupés en bande, avec un pseudo-idéal en étendard et une violence sans limites, comme cette fillette d'une dizaine d'années à la quelle les terroristes avaient attaché une bombe avant de la lâcher dans un mâché surpeuplé. Certains ont parlé d'attentat-suicide ??? C'est plutôt de pantin abusé par des assassins adultes qu'il faudrait parler. De telles personnes ne reculent devant rien.

Qui sont-ils ? Certains se rassurent en parlant de secte ou de mouvement purement national nigérian qui se bat pour une imposition de la charria dans le pays, contre l'école laïque et l'occident. Mais l'origine sunnite des membres de ce mouvement et les liens avec d'autres mouvements similaires sont de plus en plus vraisemblables. Le Nigéria est le plus grand pays de la région. On en parle peu, sauf quand un otage occidental est en jeu.

Alors, pour ne pas oublier quelle est la logique derrière l'extrémisme, il est bon de parler un peu aussi de Boko Haram. On est loin du débat entre un Islam pacifique et des musulmans intégrés dans leurs sociétés démocratique d'une part et des groupes plus ou moins informels de terroristes et d'assassins qui ne méritent même pas le nom d'Islam (suivi de -iste) d'autre part. On est ici dans une guerre de pouvoir sur le dos des populations locales, qui a vocation à s'étendre...

La presse en parle évidemment. Mais si peu...

Bon, désolé pour cette parenthèse pas très drôle. #JeSuisToujoursCharlie !

Promis, on reparlera de l'Afrique positive bientôt : La CAN commence le 17 janvier (mais aucun des pays limitrophe du Lac Tchad n'est qualifié cette année).