mardi 31 mars 2015

L'assemblée, c'est la santé, ne rien faire c'est la conserver

Journée Santé en France aujourd'hui, avec le début du débat sur le projet de loi sur la Santé à l'Assemblée Nationale, les médecins dans la rue et la publication de la charte pour une santé solidaire.
Episode douloureux des relations entre le gouvernement et certains professionnels de santé, dans un contexte où beaucoup se demandent si la France a encore les moyens de sa tradition de sécurité sociale. Un débat complexe car s'il y a un système aussi complexe que la santé en France, il faut venir m'en parler. Même l'éducation nationale est plus simple.

Parlons juste de cette charte pour une santé solidaire, proposée par une centaine de professionnels, d'universitaires et d'experts. Une manière d'essayer de faire avancer le débat en le sortant des affrontements dans la rue ou à l'Assemblée, avec des querelles qui deviennent vite politiques, surtout au sortir d'élections catastrophiques pour la gauche et avant un remaniement qui ne saurait tarder.

La charte pour une santé solidaire ne contient que 12 principes, quelque part au-dessus des objectifs du millénaire et à égalité avec les travaux d'Hercule. Mes commentaires en italiques.

1. Respect des droits des malades ; (un consensus général et qui montre bien que cette charte est un peu plus tournée vers les patients que vers les soignants)

2. Formation à la santé à l’école, au collège et au lycée ; (ah oui ! bien au-delà de la dissection en vidéo d'une moule ou de la présentation par la police des problèmes de sécurité)

3. Prévention et éducation à la santé tout au long de la vie en lien avec le médecin traitant ; (Un changement de rôle du médecin qui deviendrait formateur et accompagnateur ?)

4. Garantie d’un accès effectif à une médecine de ville universelle et au service public hospitalier ; (Ohla ! Attention au voeu pieux, car les mots garantie et effectif engagent fortement)

5. Accompagnement médical, médico-social et psychologique et éducation thérapeutique, en particulier pour les malades chroniques ; (importance de mélanger plusieurs types d'accompagnement alors qu'actuellement seulement certains sont disponibles sur la durée)

6. Droit à l’information sur la qualité des soins ; (ahah ! l'évaluation à 180° ? l'évaluation non seulement par les pairs et les organismes officiels, mais aussi par le public ? une révolution copernicienne)

7. Liberté de choix par les patients du médecin et de l’établissement de santé ; (une revendication de fond à relier avec la numéro 9)

8. Indépendance professionnelle et déontologique des praticiens et accès à des formes diversifiées de rémunération ; (comment remplacer l'argent des laboratoires privés pour à la fois assurer des revenus aux médecins et empêcher des dérives non éthiques...)

9. Liberté de choix du tiers payant par le patient dans le parcours de santé pour les soins remboursés par la Sécurité Sociale ; (satisfaire les médecins qui ne veulent pas du tiers payant - au coeur de la loi en discussion - et les patients qui peuvent se le permettre ?)

10. Sécurité sociale finançant au moins à 80% les soins pris en charge par la solidarité et à 100 % au-delà d’un plafond en cas de dépenses élevées restant à la charge du malade ; (changement de modèle pour les rapports entre sécu, mutuelles, assurances privées et patients ? Un jargon délicat à comprendre mais qui propose une répartition radicalement différente en insistant sur le mot solidarité)

11. Liberté de choix de la Sécurité sociale pour la protection complémentaire ; (donner une plus forte autonomie à la Sécu sur un sujet important pour la plupart des citoyens)

12. Equilibre obligatoire de l’assurance maladie solidaire dans la loi de financement de la sécurité sociale. (Ah !!! Enfin ! le rêve d'une sécu équilibrée, sans trou et avec un financement suffisant de toutes les parties prenantes ! Un peu ambitieux... mais il faut toujours l'être, non ?)

Exercice intéressant, quoiqu'un peu technocratique, mais qui permet au moins à tous les lecteurs de mesurer l'ampleur de la tâche pour avoir une sécu solidaire en France, pérenne et viable.

Et donc une santé de fer, comme les 126 ans aujourd'hui de l'ouverture de la Tour Eiffel en 1889 au grand public. Vive l'eau ferrugineuse ! Sans abus...


lundi 30 mars 2015

Socialifuge ou socialipète ?

Késaco ? Vous connaissiez peut-être les forces centrifuges et centripètes qui nous retiennent ainsi que nos satellites autour de la Terre. Hier avait lieu le deuxième tour des départementales et la question se pose nettement au PS maintenant. Petite analyse.

La défaite du gouvernement est totale, même si moins pire qu'attendue par ceux qui s'attendaient au pire. Celui qui a gagné est clairement Sarkozy et sa ligne anti-tous les autres, qui a réussi à absorber l'UDI et à tuer un centre avec des velléités d'indépendance. Le Front national a prouvé qu'il était présent dans beaucoup plus d'endroits que prévu, comme troisième force (ou deuxième ou première selon les décomptes et les interprétations). On notera quand même que la gauche a conservé Paris - cocorico, même si on n'y votait pas...

A gauche, la division a produit ses effets centrifuges - socialifuges - comme toutes les divisions, a fortiori dans un mode de scrutin non proportionnel. Dans ce type de scrutin, toute division est suicidaire, mais les politiciens ont la mémoire courte et une capacité d'écoute très faible. A droite, a contrario, l'unicité des listes UMP-UDI a été pour beaucoup dans le succès, dans une logique centripète.

A droite, il n'y a pas plus de ligne qu'à gauche, celle de Sarkozy n'étant pas (encore) claire et les divergences profondes entre centristes et aile droite. Mais il y a rassemblement "contre" quelque chose de précis : le gouvernement et depuis peu François lui-même car c'est évidemment la cible principale en vue de 2017. A gauche, il y a plusieurs lignes, mais pas moins qu'à droite, et il y a également divergence sur le combat "contre". Contre quoi en fait ? Contre le gouvernement pas assez à gauche ? Contre la montée du FN ? Contre la droite "républicaine" ? Contre les diviseurs socialifuges ?









Cette analyse astronomique est simpliste. Autant pour nous maintenir sur une planète qui tourne, il faut un équilibre des forces centrifuges et centripètes, autant en politique, pour maintenir en vie une coalition, faut-il savoir équilibrer ces forces... Ainsi la course à l'échalote qui consiste à augmenter la force centripète pour contrebalancer des forces centrifuges qui se développent (notamment lorsqu'il y a défaite) est une course dangereuse. Et encore ! Le problème est relativement simple avec deux corps (la Terre et vous par exemple) mais il devient nettement plus complexe avec trois corps - même en astronomie. Avec trois partis + une nébuleuse en coalescence à gauche, le problème devient quasi insoluble.
où C=François, A=l'électeur indécis et R=la taille de la gauche

La situation sera différente pour les élections régionales car la proportionnelle y existe réellement et le panachage des listes y est possible. Les troisièmes tours (élection des présidents et exécutifs) y seront plus importants car pour les départementales tout semble réglé sauf dans le Vaucluse où le FN détient une minorité de blocage.

Mais les élections régionales sont dans un peu plus de 8 mois et ensuite cela sera le grand saut jusqu'à 2017 (présidentielles, législatives). Cela laisse 8 mois au gouvernement pour 1) être remanié rapidement 2) agir comme bon lui semble. Ouf, un peu de tranquillité après un hiver 2014-2015 horrible !

Donc on attend un remaniement, un nouveau parti à gauche sous la houlette de Mélenchon qui n'a pas pris sa retraite, contrairement à une vague promesse déjà ancienne, et une politique continuée jusqu'à 2017. Car comme l'a dit notre ministre de l'éducation sur un plateau télé hier soir "pourquoi changer maintenant ?"... On appelle ça le piège abscons (attention à bien prononcer, les universitaires ont parfois un sens de l'humour un peu potache) : quand on attend le bus depuis longtemps, pourquoi commencer à marcher puisque sinon on aurait perdu tout ce temps pour rien... Le problème est de savoir si la croissance est un bus (qui finira bien par arriver sauf s'il y a grève ou détournement de ligne) ou si elle est comme Godot dans le désert des tartares, un fantasme qui arrivera peut-être.

La gauche a mal mais finalement elle a deux ans pour gouverner maintenant, sans vraie anicroche devant elle. A voir ce qu'ils en feront !

dimanche 29 mars 2015

Du temps de cerveau pour.. une nouvelle fois sans te saisir

Elle m’a énervé. Je n’aurais pas dû lui répondre. Ca nous a entraînés trop loin. Je suis bien emmerdé maintenant.

Il faut dire qu’elle a exagéré. On est au 26° siècle quand même, on n’est plus des novices. Avec tous ces siècles de civilisation et de technologie derrière nous, nous sommes capables de tout. Alors, oser me dire que la Joconde est la preuve que la peinture d’il y a dix siècles rend mieux les sentiments et est plus artistique que nos photiques actuels, c’est incroyable de bêtise. Dix siècles ! Et puis quoi encore ?

Il faut bien reconnaître que ce tableau est resté une oeuvre d’art... pour l’époque et les quelques siècles qui ont suivi. Mais aujourd’hui, après toutes ces restaurations, on ne distingue plus grand-chose d’autre que ce sourire et ces yeux, sur fond d’une silhouette simpliste. Rien à voir avec nos techniques modernes qui captent l’âme même du modèle et qui permettent de sentir palpiter même les plus petites veines du visage, lorsque le photique-portrait est réalisé par un artiste. Comme moi, évidemment !

Il n’empêche que je n’aurais pas dû lui promettre que je pouvais faire mieux.

Autant il est facile pour moi de réaliser un portrait, au sommet de mon art, autant il est effectivement difficile de faire mieux que ce sourire. Depuis une semaine déjà, j’ai essayé tout un tas de trucs, en commençant par les plus usuels. Aucun des modèles que j’ai trouvés n’est capable de sourire comme cela, en regardant ailleurs comme si vous aviez quelque chose derrière vous, derrière votre épaule droite. J’ai même essayé de les faire bouger en permanence, puis de capter l’image clé. Normalement avec ma caméra photique à 10 000 images par seconde, toute trace d’âme est visible, même les plus fugaces. Mais autant je m’en suis rapproché quelques fois depuis lundi, autant je n’ai jamais pu l’attraper.

J’ai essayé de faire apparaître derrière mon épaule droite des événements très divers qui feraient apparaître chez mes modèles ce sourire précis, ou même un plus beau sourire encore.

Je refuse de demander à Allanda de poser pour moi. Si cela ne marche pas, elle se moquera de moi dans tous les salons. Si cela fonctionne, elle dira que c’est grâce à elle, pas à moi. Et je me serai ridiculisé devant elle et tous les témoins de notre pari. Elle ferait un très beau modèle pourtant. Elle est si belle. Pourquoi doit-elle être si peste avec moi ? Nous pourrions faire un couple merveilleux d’artistes, chacun dans son genre, moi en photique et elle en anapeintique. Deux arts concurrents mais qui font appel à des sens si différents qu’il faut être de vrais esthètes pour admirer pleinement les deux... comme moi et Allanda.

Elle m’a donné jusqu’à ce soir pour lui montrer le portrait qui est censé éclipser Mona Lisa. Il ne me reste qu’une heure, puis elle franchira la porte de mon atelier. Et je n’ai toujours pas d’idée. Il va falloir que j’avoue mon impuissance. J’espère avoir quand même le temps de faire l’amour avec elle auparavant. Ca au moins, ça nous réussit toujours. J’aime regarder ses yeux pendant que nous jouissons. Si je pouvais capter son visage à cet instant précis...

... Mais oui ! Il me reste une heure mais il me suffit de quelques minutes pour installer mon système photique, que je déclencherai d’un clignement des paupières. Il sera installé dans le mur, face au lit, à côté de la porte et face au lit. Elle n’y verra rien, et j’aurai le temps de finaliser mon oeuvre pendant qu’elle prendra sa douche ensuite. C’est génial !

Allanda vient d’arriver. Elle est belle comme la Joconde. On dirait qu’elle s’est habillée à l’ancienne exprès. Je souris. Elle me sourit. Nous échangeons peu de mots et nous retrouvons au lit. Comme à chaque fois que nous nous rencontrons. Je choisis soigneusement la position où elle sera presque face à ma caméra. Elle me regarde intensément. Elle est si belle. Nous en sourions tous les deux. Je me laisse aller et elle aussi. Nous jouissons. Au moment précis où cela se déclenche, je cligne des paupières, et sa main à côté de sa joue droite se convulse une fraction de seconde. Elle est adorable.

Allanda s’est levée au bout de quelques minutes. Elle prend sa douche. Elle y met le temps, heureusement pour moi. Je dessine l’image photique au moment précis du début de son orgasme. Je la plaque sur le meilleur portrait que j’ai réalisé cette semaine. Voilà. C’est parfait. Elle ne se reconnaître pas et le portrait est merveilleux. Un sourire surpris et inquiet, joyeux et plein d’attente, et des yeux qui font un brusque écart à droite comme si elle regardait la caméra. Je suis très fier de moi. J’attends qu’elle sorte de la douche. Je crois avoir gagné mon pari.

Elle sort. Nue évidemment, comme moi. Elle me dit « Alors, ce portrait ? ». Je lui souris et lui dévoile mon oeuvre. Elle le regarde pendant de longues secondes. Puis elle dit « Pas mal ». Et elle ouvre sa main droite. Une anapeintique se déploie au-dessus. Un homme, en train de sourire et de regarder en face, comme si ses paupières étaient en train de s’abaisser, ou de se relever. Avec un sourire encore plus parfait que celui de mon oeuvre. Je regarde ce portrait pendant de longs instants. Puis je me tourne vers elle, la prends dans mes bras et lui dit : « Et si nous détruisions ces portraits ? Il ne sont que pour nous, non ? »

Elle sourit et acquiesce. Elle a un si beau sourire. Elle m’entraîne vers la chambre.
Le reste ne vous regarde pas.


samedi 28 mars 2015

Un café, un cigare et un pousse-café ?

Ce samedi (et hier vendredi) ce sont les journées du café...

Non, non, je ne raconte pas des blagues, c’est ici. Il y a des dégustations de café gratuites un peu partout en France (programme) mais ne rêvez pas, il s’agit des artisans torréfacteurs donc pas des cafés de base où le petit noir coûte toujours aussi cher.

C’est l’occasion de tester des cafés un peu partout, dans des endroits où on le torréfie et où on le sert également. Mon petit torréfacteur favori dans le 18° n’y participe pas directement puisqu’il ne sert pas le café, il ne fait que le vendre. Car il y a café et café et certains restaurants achètent clairement la pire marque possible (et la moins chère certainement) pour vous servir à la fin du repas une boisson imbuvable. Etrange manière de vous dire au revoir, ne revenez surtout pas ici ! C’est pourtant souvent la dernière note gustative d’un repas, donc celle qui couronne le tout et dont on se souviendra.

Ces journées concernent donc les « coffee shops » à ne pas confondre avec celles d’Amsterdam qui vend(ai)ent tout sauf du café. Vous remarquerez qu’on ne dit pas bar ou café..  Pas assez bobo et trop populo certainement. Le Figaro adore ce concept évidemment.

Le prix du petit noir de base à Paris varie énormément. Assis dans la salle ou en terrasse, il dépasse la plupart du temps les 1,80 euro et peut aller jusqu'à 8 euros (au Fouquet’s) sans compter les cafés qui refusent de vous le servir à certaines heures s’il n’est pas accompagné d’un gâteau ou d’une viennoiserie. Avant l’été dernier, la Mairie de Paris avait lancé une carte de Paris où trouver un café à moins de 1 € au comptoir of course, ce qui est déjà un exploit, mais quelques rares perles affichent ce prix en salle... Enfin, l’année dernière en tous cas ;) Au comptoir, il faut en général compter 1,20 euro mais certains cafés passent à 1,25 ou à 1,30...

Sans compter les astuces. Ainsi de plus en plus de cafés avec terrasses ajoutent des petits frais : un exemple qui se répand de plus en plus est celui du café allongé. Le café allongé c’est juste un café standard avec de l’eau chaude en plus dedans et servi dans une tasse plus grande. Il a toujours été servi au même prix que le café normal, mais on voit passer de plus de tickets avec 20 centimes de plus pour ce supplément d’eau. 20 centimes ? Ca fait cher l’eau ! Conseil aux buveurs d’allongés : demandez un café normal et un verre d’eau à côté. Celui-ci, on ne peut vous le facturer !

Le prix d’un revient d’un café standard ? On estime souvent à 11 centimes les matières premières, sachant que les machines sont la plupart du temps mises à disposition par le fournisseur de café et du reste (Richard, par exemple). Si on ajoute les autres frais et charges on ne dépasse pas 40 à 50 centimes. Je vous laisse calculer les marges. Y compris en comparant un café normal et un « double » qui, s’il comprend bien le double de matière première, ne demande pas beaucoup plus d’effort.

En tous cas, en cette veille d’élections départementales, les buveurs de café seront nombreux. Les nuits de négociations sont toujours longues et il y en aura beaucoup avant le fameux troisième tour. Et comme le premier ministre qui a fumé son cigare dimanche dernier pour célébrer la non-victoire du FN, tout est question d’ambiance. Sarkozy a dit que notre premier ministre allait se fumer toute la boite dimanche prochain. Mais rien n’est certain. Depuis l’ouverture des frontières avec Cuba, il est possible de trouver de plus en plus de cigares, et donc d’emmerdeurs qui les fument à côté de vous pendant que vous dégustez votre café en terrasse. Heureusement il reste le pousse-café, pendant que vous regardez la contractuelle en train de lui mettre une vieille prune. D’ailleurs il se dit que le café est efficace contre la Goutte (et d’autres pathologies).

Une petite goutte ?


J’ai choisi un chat, sculpté (en vrai ou pas) dans la mousse d’un café au lait pour deux raisons : avoir un chat dans son blog c’est toujours l’assurance de plus de visites ; et qui veut donner la gougoutte à son chat au fait ? C’est Margot qui poussait même le bougnat à négliger sa tâche (de café).




vendredi 27 mars 2015

Et les Lumière furent

Début aujourd'hui de l'exposition hommage aux frères Lumière au Grand Palais à Paris, pour cette année du 120ème anniversaire de la première projection cinématographique. On en parle un peu pour que vous puissiez briller en société comme la lumière du projecteur sur l'écran blanc de vos salles noires préférées, puis sur l'écran noir de vos nuits blanches, en vous remémorant les sensations dans un cinéma. Lisez aussi cet article sur Le Point et évidemment l'article de Wikipédia qui leur est consacré, comme d'habitude le plus complet.

Les frères Lumière s'appelaient Auguste et Louis. Louis était l'inventeur génial (le Steve Wozniak d'Apple) et ses inventions équipent encore toutes les caméras analogiques ainsi que les projecteurs (argentiques) modernes. Le débat sur les réels inventeurs du cinéma a été tranché depuis longtemps avec Edison et son assistant (les américains) qui ont effectivement inventé l'enregistrement d'images animées, sans penser à la projection publique devant plusieurs personnes. Les frères Lumière ont mélangé cette invention qui permettait à une seule personne de regarder un court film avec celle de la projection de dessins animés. Le kinétographe est devenu le cinématographe en devenant un art public à partir de Lyon.

Il est intéressant de noter qu'à cette époque les Lumière prospéraient en vendant des plaques photographiques particulières qui avaient assuré leur fortune, mais qu'en bons entrepreneurs ils étaient toujours à l'affût d'inventions pour développer de nouveau marchés. Et aussi à l'écoute des tendances du public. Eternel débat entre offre et demande, création d'un marché à partir de rien ou simple reproduction des offreurs de matériels... Non, non, je ne reparlerai pas de Steve Jobs ni d'Apple ;)

La schématisation des films a réussi été un élément important de leur succès. Le choix des premiers sujets était fait pour impressionner le public, et pas seulement la pellicule. L'histoire des trois versions de leur premier film officiel, la sortie de l'usine Lumière à Lyon, est à lire car on y sent déjà l'angoisse du réalisateur face à des contraintes techniques lourdes (conditions de lumière justement, mais aussi longueur en mètres pu en secondes du film). Les twittos en 140 caractères ou les Vineurs en 5 secondes savent de quoi je parle...

Lors de leurs premières projections, privées et publiques en 1895, je vous parle d'un temps que les moins de cent vingt ans ne peuvent pas connaîîîîîîîîîître, leur film emblématique ne fut pas projeté - l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Pour imaginer la sensation des spectateurs à cette époque, pas la peine d'aller bien loin. Pas la peine de se moquer de ces dinosaures d'il y a deux siècles non plus. Enfilez un Oculus Rift ou allez dans une salle de projection en iMax ou dans une fête foraine bien équipée et vous revivrez ce sentiment de déséquilibre qui a dû caractériser les spectateurs d'alors.

Et si les frères Lumière avaient en fait été trois ? Leur père Antoine était celui qui dirigeait l'entreprise et qui a semble-t-il vu pour la première fois l'invention d'Edison à Paris. Il était photographe, donc avec l'oeil de l'artiste et le sens du regard par le public. En plus il a eu le mérite de mourir en 1911, alors que ses fils ont eu des comportements inavouables pendant la seconde guerre mondiale, du côté de la collaboration, même s'ils furent légers. Aujourd'hui, ils sont célébrés pour leur inventivité et pour le choc des Lumière (à ne pas confondre avec le choc des lumières quelques siècles plus tôt en France).

Papa Lumière !

Alors pour le plaisir, un petit autochrome (invention de Louis) de deux femmes de la famille Lumière, génération suivante ? avec en prime ici une description des principes de la lumière et des autochromes sur le site du département de Maths d'une université lyonnaise...

jeudi 26 mars 2015

Economie pour les nuls

C'est le moment où sont publiés par l'INSEE les chiffres définitifs pour l'année 2014 qui vient de s'écouler et chacun y va de son interprétation.

Il y a deux chiffres principaux sur lesquels les médias se précipitent : le déficit et la dette.

Le déficit, c'est celui du budget annuel et consolidé de la France en incluant l'Etat mais aussi les régimes déficitaires comme la Sécu ou les collectivités locales. Le déficit qui était prévu à 4,4% du PIB n'a donc été que de 4%, soit un déficit en chiffres bruts de 84,4 milliards d'euros. Ce chiffre est claironné par le gouvernement comme un signe de reprise et de début de croissance, et il sera sans doute proclamé en avril à la face de la Commission européenne comme un signe de réussite de la politique du gouvernement.

La dette, c'est un chiffre cumulé qui additionne toutes les dettes prises par la France au fil du temps, notamment celles pour couvrir les déficits. On la mesure aussi en % du PIB et on frôle les 95%. Le gouvernement promet qu'on n'atteindra pas le seuil psychologique des 100%. La dette a donc augmenté l'année dernière de 84,8 milliards d'euros.

Le Figaro, de droite, titre sur l'augmentation de la dette, et Le Monde, de gauche, sur la réduction des déficits. C'est de bonne guerre. Les vrais économistes, eux, lisent des journaux plus spécialisés.

Il n'y a rien qui vous frappe entre ces deux chiffres ? Je ne parle pas des pourcentages qui sont du domaine du psychodrame social et médiatique, mais des chiffres bruts.

Le déficit a reculé de 84 milliards d'euros mais la dette a augmenté de 84 milliards d'euros.

Si le budget de la France était comme le vôtre - toutes valeurs mises à part car je ne crois pas que vous parliez en milliards d'euros pour vous, mais si c'est le cas, merci de m'écrire directement, j'ai un placement pour vous - qu'est-ce que cela donnerait ?

Vous vivez au-dessus de vos moyens d'un montant annuel de 84 cacahuètes, donc vous empruntez 84 cacahuètes de plus pour boucler votre année. Il faudra rembourser un jour, mais... Que sera, sera...

C'est troublant non ? Tout se passe comme si la dette servait à financer le déficit et que celui-ci ne se réduisait pas énormément en fait, sans compter le "service de la dette" pour rembourser icelle. Où sont les économies brutes ? Où sont-elles vraiment ?

Je sais que cette analyse est fausse, en tous cas je l'espère (?!?) mais je cherche quelqu'un pour m'expliquer cette troublante coïncidence qui n'en est pas une... et dont personne ne parle.

Et voici donc une courbe comme je les aime : pleine de couleurs, avec des légendes incompréhensibles et une interprétation douteuse. Vive l'infographie !

mercredi 25 mars 2015

Un billet dans les airs

Ce billet est entièrement écrit dans un avion volant quelque part entre Marrakech et Paris, même s'il est posté un peu plus tard.

C'est le voyage qui compte, pas les extrémités. Ni le départ, ni l'arrivée. Sinon, on parle de transport, ou même de bétaillère dans les avions d'aujourd'hui en classe économique. Et le voyage est ritualisé avec ses stations comme dans un chemin de croix plus soft. Mais entre ces stations, il y a le vide. Chacun le remplit comme il veut, ou plutôt le plus souvent comme il peut. 

Car il reste du temps à gagner sur un vol de trois heure au moins. Autant ne pas le perdre. Il y a les démonstrations de sécurité que les habitués ignorent avec snobisme, et que les hôtesses déroulent en mode robot. Il y a le décollage, ce moment de hauts les cœurs ou de haut le cœur pour certains qui permet de tester en vraie grandeur la manière dont l'avion réagit. Il y a la phase de croisière avec ses turbulences, de plus en plus nombreuses avec le changement climatique. Il y a le repas, grand moment de solitude alimentaire et d'équilibrisme afin de ne pas tacher sa cravate entre un faux mouvement, une turbulence ou un coup de coude du gros voisin. Il y.a les annonces plus ou moins aléatoires mais toujours trop fortes dans vos oreilles martyrisées. Il y a la vente de produits, survivance d'un ancien temps pas encore révolu et qui permet aux personnels de bord de gagner des bonus. Il y aura l'atterrissage évidemment avec la confirmation des talents du pilote : est-il un ancien de l'armée de l'air russe qui atterrit comme un sabot dans une bassine ou un esthète de la caresse de la piste avec ses roues ? Puis il y aura le long roulage sur des pistes mal décorées alors qu'ils pourraient y mettre des couleurs, des affiches ou des objets d'art. Et il y aura enfin la cohue au moment de l'arrêt, tout le monde se levant en même temps et se bousculant pour s'eborgner avec les coins de leurs sacs et rester debout à poireauter en attendant une improbable avancée, en se jaugent des yeux comme des bêtes prises au piège.

Mais il y a toujours au moins un moment où il n'y a plus rien d'autre à faire que voyager. C'est le meilleur moment. Celui où on ne lit pas. Celui où on ne dort pas. Celui où on ne finit pas son Sudoku ou ses mots croisés. Ce moment où même regarder par le hublot ne sert a rien, surtout quand on est mal placé. C'est de ce moment que je veux vous parler aujourd'hui. Même si je me le gâche un peu en écrivant mon blog à ce moment précis.

C'est un moment de rêverie, où on ne fait plus partie du monde. On l'a quitté et on n'y est pas encore revenu. On a épuisé les sujets sérieux et il ne reste que l'essentiel, le rapport à soi-même. Le moment où la sérénités peut nous atteindre si on y est prêt. Le moment rêvé où tout est possible puisque rien n'est possible, engoncés que nous sommes dans nos petits sièges, nos ceintures mal ajustées et l'impossibilité de marcher vraiment. Certains n'arrivent pas à assumer ce moment. Ils se lèvent, vont aux toilettes, appellent l'hôtesse pour le plaisir de la voir se baisser vers eux. C'est le moment, même court, où effectivement tout est imaginable, du pire au meilleur, puisque rien ne dépend de vous et tout en dépend. Pour que ce moment prospère, il ne faut pas qu'il soit perturbé, plein de turbulences ou des cris d'un bébé brailleur. Car ce moment ne revient pas facilement une fois passé

C'est un moment magique que celui où l'on s'imagine voler dans les airs, au-dessus du ciel connu, allant quelque part sans penser à y arriver. Même les campagnes de publicité des compagnies aériennes n'arrivent pas à rendre ce moment séduisant. Car seuls ceux qui le vivent de temps en temps savent l'apprécier. Les autres ne sont que transportés sans se sentir eux-mêmes transportés. C'est un moment d'intense solitude même quand on a la main posée sur le bras de l'être aimé, ou quand on sait qu'on va bientôt le retrouver. C'est un moment à nous et chacun le vit différemment.

Moi je pense à l'étendue du monde et des possibles, à l'infini des possibilités et à la serendipité. Être prêt à tout. Avoir tous les sens ouverts pour identifier ce qui va changer le monde. Tout ce à quoi l'on ne peut penser quand on est une fourmi ou un insecte solitaire qui se croit le roi du monde. Et je dis penser mais il faudrait plutôt parler de sentir, de ressentir. Comme si la tête pensante passait de bien faite ou de bien pleine à un vide rempli de rêve. Un grand plaisir, très différent pourtant d'une méditation ou d'un exercice de yoga. Car ce moment vient où ne vient pas. On ne s'y prépare pas.

Mais chacun est différent. J'ai un ami qui profite de ce moment pour se lever lentement, avec cérémonial, puis pour aller aux toilettes pour chier sur le monde entier et tous ses emmerdeurs, avant de se rasseoir avec une grande dignité et ce petit sourire aux lèvres.

Et vous ?

S'il vous plait, au sens littéral de l'expression, la prochaine fois que vous volerez, sachez reconnaître ce moment et en profiter. Sachez reconnaître ce sourire sur vos lèvres, cette légère tension de la bouche et cette détente des yeux et du front qui vous apaise. Vivez-le intensément. Il ne durera pas longtemps, mais il vous regonflera pendant longtemps, justement.

mardi 24 mars 2015

#MuseumWeek ça vous dit quelque chose ?

Cette semaine d'entre deux tours, et pendant que les élus et les candidats pensent à autre chose, c'est la FashionWeek, zut plutôt la MuseumWeek.

Initialement lancée par quelques "community managers" de grands musées en France, cette initiative qui s'étale sur une semaine promeut les musées sur les réseaux sociaux avec ce hashtag, ou ce mot-dièse comme disent les puristes. Elle s'est étendue et touche maintenant plus de 1000 musées dans le monde, avec une communication bilingue français et anglais. Toute la semaine les mots que vous trouverez sur Twitter sont en effet astucieusement choisis : lundi c'était #secretsMW pour les petits secrets des musées et aujourd'hui mardi c'est #souvenirsMW pour les souvenirs de nous, les visiteurs. 

Le site officiel est ici et on en parle là par exemple.

Alors quelques souvenirs de visites dans les musées ? C'est parti !

Le Louvre, Paris, avec un petit gamin de 7 ans. Il n'est pas très intéressé par les musées et se traine un peu, surtout que le Louvre c'est grand. Idée lumineuse à l'entrée de la Grande Galerie, si longue, si longue... Compter le nombre de zizis sur les tableaux de la Galerie ! Attention, hein, seulement les zizis visibles, ni les zizis cachés, ni les paires de seins, ni autre chose... La visite s'est déroulée avec application, ni trop vite, ni trop lentement, car il y en a beaucoup et certains tableaux sont accrochés un peut loin quand on a sept ans. Grand souvenir. Et le résultat, me direz-vous ? Évidemment le nombre peut être différent aujourd'hui car certains tableaux changent, mais ce jour-là nous sommes tombés sur le nombre 100 (cent zizis tout rond). Magique, non ? Est-ce que les conservateurs ont fait exprès ? Je pose la question !

Modern Tate Gallery, Londres, exposition Matisse : la salle qui contenait son livre Jazz, posé feuille à feuille sous des vitrines tout autour de la salle, avec les collages originaux accrochés au-dessus. Une dégustation lente et jouissive de ce texte, avec moi traduisant au fur et à mesure en anglais ce beau texte, au début à ma compagne, puis progressivement à une petite grappe de visiteurs anglais qui nous suivaient. Une envie irrésistible d'avoir ce livre chez soi ensuite. 

L'Hermitage, Saint-Petersbourg : juste une salle dans ce grand musée, qui ne contenait qu'un tableau, un petit Léonard de Vinci. Une salle somptueusement décorée de bois et d'or, de sculptures et de formes. Un écrin et un bijou. Lequel choisir. Le contenant ou le contenu, l'excuse du tableau ou la raison d'être du lieu ? J'en suis encore perplexe. Comment valoriser à la fois un lieu et un tableau sans au.ils se concurrencent. Un petit souvenir, avec une seule envie, y retourner.

lundi 23 mars 2015

Un salon du livre agité

Le salon du livre se clôt aujourd’hui avec la journée professionnelle - journée réservée aux professionnels, loin des foules du week-end et des chocs de coupes de champagne du jeudi soir pour l’inauguration. Que s’y est-il passé cette année ?

Une manifestation inédite d’auteurs en colère. Auteurs de tous poils, entre romanciers, essayistes, traducteurs, illustrateurs et même scénaristes. Pas beaucoup, tout juste quelques centaines, mais lieu de la manif bien choisi, dans les allées noires de monde du Salon. Revendications classiques pour augmenter la part des auteurs (souvent réduite à un euro par livre sauf pour les auteurs connus et en situation de force pour négocier avec les éditeurs), un peu dans le même registre de la manif à Angoulême pour les auteurs de BD et de la lettre ouverte parue la semaine dernière. Il y a également des craintes de réforme du droit d’auteur, pour le rapprocher du copyright anglo-saxon, ou pour augmenter le nombre d’exceptions au droit d’auteur. Le Salon n’était pas habitué à ce type de magnum qui risque de devenir la règle maintenant !


A noter, pour mettre un peu d’huile sur le feu, la publication à cette occasion du 6ème baromètre des relations auteurs-éditeurs par la SCAM, société d’auteurs.

François est venu sur le Salon pour célébrer les auteurs (tiens, justement ?) la création (par les auteurs ?) et la liberté d’expression dans la lignée de Charlie. Il a dit par exemple "La raison de ma venue ici, c'est pour la liberté d'expression, parce que ce qui fait la force de la France, de sa culture, c'est la liberté. Nous avons été frappés au mois de janvier, ce Salon est aussi une des réponses ». C’est un peu tiré par les cheveux pour ce Salon qui existe depuis bien longtemps maintenant... Vous vous souvenez peut-être qu’il ne s’était pas rendu au Salon l’année dernière après son passage remarqué en 2013. Il a pu admirer sur le Salon des architectures bien balancées et de belles éditions originales et colorées. Plus de photos sur le site de l’Elysée (mais si, mais si !)


Par contre certains éditeurs ne sont pas venus directement et parmi eux des éditeurs importants sur le marché, qui souhaitent une autre forme de Salon : Hachette Livres donc Lattes, Fayard, Grasset, Stock et Calmann-Lévy, mais aussi Odile Jacob et Michel Lafon... Il y a débat entre différentes espèces de Salon : un marché réservé aux professionnels, genre MIDEM pour la musique où les rendez-vous s’enchaînent pour acheter des droits, négocier des contrats ou faire des affaires ; une grande foire genre Francfort ; la plus grande librairie de France ; un lei de rencontre avec les auteurs ; un salon plus confidentiel de retour au Grand Palais comme à ses débuts ?...

Le Brésil était l’invité d’honneur (avec un peu de Pologne en sus) comme en 1998 quand on leur avait mis 3-0 en finale, mais je m’égare c’est du foot et ce n’est pas de la littérature, quoique...

Et le numérique alors ? Comme toujours très absent et très décevant. On voit bien qu’à part quelques éditeurs et autres OVNI d’un genre nouveau le numérique n’intéresse pas les éditeurs, qu’il leur fait peur et qu’ils ne savent toujours pas comment réagir face à lui. Mais je radote, c’est un phénomène connu en France depuis longtemps et qui ne change que lentement... s’il change.



dimanche 22 mars 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle fois sans quinte

Claude adorait les congrès de dentistes. C’était l’occasion d’apprendre plein de choses nouvelles sur son coeur de métier, la création de nouveaux amalgames pour remplir toutes ces vilaines cavités dans la bouche de ses patients, mais c’était surtout le meilleur moyen de rencontrer des dentistes d’autres cultures et de comprendre comment ça se passait chez eux. C’était également un moyen très pratique de faire des rencontres avec l’autre sexe... des rencontres très agréables qui se terminaient la plupart du temps dans des bras accueillants, au bord de la plage. Car les congrès de dentistes étaient toujours dans des lieux somptueux au bord d’une plage.

Enfin, ça c’était d’habitude. Sur ce congrès précis, où son arrivée avait été tardive la veille, Claude ne disait pas bravo aux organisateurs : la plage était fermée au public pour cause de pollution et compte tenu des troubles dans la région, ils avaient interdiction de sortir de l’hôtel. Heureusement c’était un bon hôtel. Mais dans la cohue du petit déjeuner, Claude avait bien compris qu’il serait difficile de trouver « chaussure à son pied » cette fois : trop de monde dans un endroit trop petit. Tout ceci n’était pas favorable à ses projets d’aventure.

Il allait falloir cibler ses tentatives pour approcher ses collègues. En regardant le planning détaillé des activités, Claude identifia rapidement l’atelier qui serait le plus propice à des rencontres fructueuses. Il n’y avait pas beaucoup d’inscrits mais leurs photos étaient assez séduisantes. Le sujet de l’atelier n’avait aucune importance, évidemment. Claude ajouta sa photo à partir de son téléphone et entra en séance plénière.

La séance avait déjà commencé mais la salle n’était pas remplie. La première heure était toujours consacrée aux discours officiels sans intérêt et la plupart de ses collègues attendaient le début réel des travaux pour entrer en séance. A la tribune, le président parlait et à côté de lui un ministre local quelconque attendait son tour en caressant tranquillement son grigri comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. On était bien dans un autre monde, se dit Claude !

Le président était d’origine inuit et il n’avait été élu que parce que son statut de représentant d’une minorité autochtone était bon pour l'image de la société internationale des dentistes. Il était pourtant très compétent, comme Claude avait pu le vérifier en buvant un verre avec lui lors d’autres congrès, mais il était vraiment très moche. C’était peut-être également pour cette raison qu’il avait été élu, car comme cela il ne portait pas ombrage aux belles et beaux dentistes de l’assistance. Ses collègues pouvaient de temps en temps être un peu pervers...

Claude profita du changement d'orateur pour quitter cette triste kermesse d’auto-célébration. Il valait mieux se promener dans les couloirs et repérer quelques proies séduisantes que de supporter de si bon matin des discours célébrant la gloire de leur profession commune. Au moins dans les couloirs il y avait une petite musique de fond assez jolie et entraînante et quelques mignardises à grignoter. Claude repéra assez vite quelques petites salles et plusieurs recoins qui seraient très adaptés pour des conversations plus « intimes ».

En fait cet hôtel n’était pas si mal que cela. On voyait bien qu’il avait été pensé pour accueillir des congrès, malgré son style un peu kitsch. La direction avait dû essayer de plaire à toutes les nationalités à la fois en oubliant sa propre histoire et le résultat était improbable. Mais Claude adorait ce type de décoration de mauvais goût, mais pas trop, qui permettait très vite de séparer parmi ses collègues ceux qui avaient le sens de l’humour des autres.

Au début de sa carrière, Claude avait fait confiance à sa chance et au hasard dans ce type d’événement. Sans aucune planification, cela lui permettait de faire des rencontres très agréables et pleines de surprises. Plus tard Claude avait découvert le mot sérendipité qui correspondait exactement à son attitude d’alors : chercher quelqu’un sans vraiment chercher, et trouver quelqu’un d’autre qui correspondait bien mieux à ses demandes du moment. Faire confiance au hasard en étant simplement prêts à l’accueillir, à bras ouverts évidemment.

Mais depuis quelques années, Claude avait commencé à mieux organiser ces congrès. Le hasard, c’était bien, mais il fallait lui forcer la main un peu, de temps en temps. Claude passait donc du temps avant chaque congrès annuel sur le site internet dédié aux congressistes et s’y faisait remarquer, en publiant des commentaires sur le wiki ou en intervenant à bon escient sur les forums spécialisés. Toujours avec sa photo, pour qu’on puisse facilement l’identifier dans les couloirs. C’était une tactique efficace, même si une petite part était toujours laissée au hasard, en mémoire du passé, comme son inscription le matin-même à cet atelier.

Et justement, c’était l’heure de la première séance de l’atelier. Claude alla faire un tour aux toilettes et se composa dans le miroir un visage plein de zénitude. Une expression qui rendait son visage irrésistible d’après sa modeste expérience. Enfin le congrès allait réellement commencer ! Claude poussa la porte de la salle.

Première fin :
C’est à ce moment précis que la bombe explosa dans la salle. Claude fut projetée contre la porte et en même temps protégée par elle. Quand elle se réveilla à l’hôpital, le chirurgien était là. Il la rassura et elle tomba instantanément et follement amoureuse de lui. Finalement ce congrès était très intéressant.

Seconde fin :
C’est à ce moment précis que la bombe explosa dans la salle. Claude fut projeté contre la porte et en même temps protégé par elle. Quand il se réveilla à l’hôpital, la chirurgienne était là. Elle le rassura et il tomba instantanément et follement amoureux d'elle. Finalement ce congrès était très intéressant.



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Texte en l’honneur des dix mots 2015 de la langue française.



samedi 21 mars 2015

La loi de Parkinson appliquée à la justice

Vous connaissez la loi de Parkinson ? On en a déjà parlé ici et ici. Elle est en général appliquée aux organisations, qui lorsqu’elles dépassent une certaine complexité ou taille ont tendance à s’occuper plus d’elles-même que du monde extérieur. Elle se vérifie tous les jours et l’expression «simplification des processus» ou l’expression «déconcentration» disent bien qu’il n’est pas facile de lutter contre cette loi.

Mais cette Loi peut également s’appliquer à d’autres systèmes que les organisations. Appliquons-là au système juridique, ou plutôt au corpus des textes qui réglementent les sociétés, et aux mécanismes pour traiter les conflits, nommément les cours de justice et tous ceux qui traitent avec eux.

Plus un corpus de textes juridiques est complexe, plus les cours de justice sont occupées à traiter inutilement de cas sans intérêt de plus en plus nombreux, sans pouvoir s’occuper des cas réellement importants. 

Sans s’occuper du fond, il est souvent facile de trouver une manière de traiter un cas individuel (avec un bon avocat) qui va faire appel à plusieurs droits liés ou voisins ou même complètement différents. Et ces cas sont évidemment de plus en plus complexes, donc demandent de plus en plus de temps pour les traiter, au détriment d’autres décisions à prendre. Sauf lorsque l’objectif de la démarche est de gagner du temps - les politiciens sont des grands adeptes de ces mesures dilatoires - le résultat est un engorgement des tribunaux de toutes sortes avec des cas inutiles qu’il faut traiter.

La récente décision du Conseil constitutionnel sur la vaccination obligatoire en est un bon exemple. En confirmant que la vaccination obligatoire avec le fameux vaccin DTP pour les enfants est conforme à la Constitution, le Conseil a répondu à une énième demande à ce sujet. Il ne s’agissait pas d’un vrai débat de santé publique - pour ou contre les vaccinations obligatoires - alors que la France reste l’un des seuls pays à pratiquer ces mesures, mais d’un vulgaire débat juridique initié par l’avocat d’une seule famille. Ceux qui sont confrontés aux problèmes de santé publique dans les pays pauvres mais aussi dans de plus en plus de pays dits développés autour de maladies endémiques, émergentes ou dans ce cas simplement ré-émergentes (de retour après des décennies d’absence) savent que la santé publique est un enjeu majeur, qui dépassent les volontés des individus, affiliés ou non à des sectes.

On voit régulièrement des décisions de justice de cette nature. De plus en plus de cours de justice - à tout niveau - sont saisies sur des principes généraux de demandes individuelles. Et la Loi de Parkinson est en pleine accélération : plus on a une taille importante du corpus juridique, plus il y a de plaintes inutiles déposées en invoquant des principes généraux pour ces cas individuels, et plus le temps passé à les régler obère les cas juridiques qui concernent de vrais problèmes. C’est tellement facile à déclencher, tellement « rigolo » et surtout tellement permis par une société démocratique saine, que l’engorgement qui s’en suit n’est perçu que comme une mauvaise gestion du gouvernement en place - quel qu’il soit - en oubliant les causes plus profondes du problème.

Evidemment les lecteurs de ce blog qui ont une culture juridique vont sauter en l’air et me traiter d’ignare et d’anti-justice primaire. Il n’empêche que la tentation est de plus en plus grande de saisir la justice autour de grandes questions de société autour de cas individuels, qui déchaînent les passions ou qui font tout simplement perdre du temps. Alors même que tous se plaignent des moyens insuffisants de la justice à tous niveaux. Il y a pourtant une complexité créée par la multiplication des règlements qui entraîne des saisines de plus en plus nombreuses à tout propos, et surtout en essayant de monter les affaires en épingle pour les transformer en débats vitaux, nécessaires, urgents et qu’il serait criminel d’éviter.

Certaines sociétés sont tombées dans le juridisme depuis longtemps, comme les USA avec un rôle déterminant et pervers des avocats payés au résultat. Cela a progressivement modifié la société américaine qui naturellement devient de plus en plus conservatrice, puisque tout écart risque d’être sanctionné. Pourquoi agir si on peut être sanctionné ? J’exagère certainement un peu, mais pas tant que cela. Quand une société interdit (par la loi) des activités, c’est une chose. Mais quand le principe de précaution et la peur d’être attaqué en justice censure a priori les activités de certains, il y a un problème.

Un exemple américain ? Le gouverneur de l’Etat de Floride n’aime pas qu’on parle du changement climatique. Pour quelles raisons ? Bof, ce n’est pas important et cela peut aller d’une peur individuelle à une peur d’effrayer ses électeurs, en passant par le poids du lobby pétrolier ou des considérations sectaires... Ce qui est intéressant est qu’il a interdit (informellement, sans jamais l’écrire) à ses employés et fonctionnaires d’utiliser cette expression « climate change » dans les discours et les documents. Il a suspendu un employé qui l’avait fait et l’a obligé à aller voir une psychologue et à subir un traitement. Intéressant, non ? L’employé a porté plainte évidemment. La politique de l’autruche n’est pas une solution, mais elle est bien pratique et montre que les conservatismes et les pertes de dynamisme peuvent vite être déclenchés avec des décisions de justice qu’on craint, qu’elles soient réelles ou implicites.

Alors, oui, on peut faire l’autruche chacun de son côté et mettre son intérêt individuel en premier - qui ne le ferait pas ? - mais de temps en temps il faut se poser des questions.


Et, au fait, l’autruche ne met pas sa tête dans le sable pour se cacher ou croire qu’elle s’enfuit... Elle enterre ses oeufs (assez gros) et va les surveiller et retourner de temps en temps ;) Comme quoi, les autruches ne sont pas si bêtes, elles.

vendredi 20 mars 2015

Eclipse de blog

Eclipse partielle, comme celle du soleil aujourd’hui et comme on l’a dit hier.

Je vous mets juste le tweet que j’ai posté ce matin au plus fort de l’éclipse...

jeudi 19 mars 2015

Informations avant éclipse(s) et #selfieclipse

Il y a d'abord l'inévitable éclipse du Soleil ce vendredi. L'Internet est plein de conseils et d'articles pour vous facilitée la vue de cette éclipse. Je vous conseille cet article très complet et qui inclut les heures précises pour l'observer dans cent villes françaises ! En prime un extrait de l'article avec une photo qui montre ce à quoi il faut s'attendre en France (en théorie ;)


A Paris par exemple :
Début de l’éclipse partielle à 9 h 22 m
Maximum de l’éclipse partielle à 10 h 29 m
Fraction occultée par la Lune du diamètre solaire : 0,817
Hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon sud-est : 31°
Fin de l’éclipse partielle à 11 h 40 m

Pour les scientifiques, il est vital de lire cette note (pdf) de l'IMCCE de Paris, l'Institut de la Mécanique céleste et du Calcul des Ephémérides... Pour les moins scientifiques il y a un résumé ici. On y apprend page 60 de la note complète que la grandeur de l'éclipse à Paris sera de 0,817 et que son degré d'osculation sera de 78%. On peut y découvrir les valeurs des mêmes mesures dans pas mal de pays du monde touchés, d'ailleurs.

La grandeur varie de 0 à 1 et donc 0,817 c'est pas mal mais pas suffisant pour que cela soit spectaculaire. La grandeur c'est le pourcentage du diamètre du soleil qui sera couvert par la Lune, c'est donc une longueur en quelque sorte. En effet ce qui compte vraiment c'est la quantité de lumière en moins que nous enverra le Soleil et pour cela il faut regarder le degré d'obstruction (et non d'obscurantisme, attention vous là au fond à côté du radiateur en train de taper vos textos, je vous ai vu) qui est une mesure de la surface du Soleil couverte par la Lune. 78% cela veut dire que seuls 22% de la surface du Soleil sera visible au plus fort de l'éclipse (à Paris). Soit un cinquième. Le Soleil sera donc 5 fois moins lumineux qu'au même moment sans éclipse, mais cela fait encore pas mal (et même assez mal aux yeux quand on regarde). Pour les calculs je vous renvoie à π évidemment, dont on a parlé samedi dernier ici à l'occasion du jour de Pi. Rappelons que nous sommes toujours dans la semaine des mathématiques (et de la langue françaises pour les nuls en maths, il y en a, j'en connais).

Parmi les conseils que tout le monde vous donne je vous livre mes préférés. Attentions, vrais conseils sérieux. Pas de blague avec nos yeux :

- Ne pas regarder directement avec des trucs bricolés, sauf quelques secondes au plus comme un jour normal si le ciel est voilé, et attendre le maximum de l'éclipse vers 10h30
- En profiter pour tester des techniques simples pour la regarder indirectement, cette éclipse, avec un sténopé de fortune (voir premier lien de ce billet) ou à travers une paire de jumelles sans regarder à travers mais en projetant sur un papier blanc l'image obtenue, à une distance de 30 centimètres au moins pour avoir une taille correcte. Un pied est préférable évidemment, car sinon vous allez trembler comme un parkinsonien.
- Utiliser votre smartphone pour prendre une photo : zoom maximum et diaphragme le plus petit possible si vous pouvez le régler (il y a de belles applis sur iPhone par exemple), ou mieux prenez un #selfieclipse (copyright 2012a2017) avec vous en contrejour et le Soleil derrière, avec ou sans traitement numérique ou HDR.
- Prenez un Timelapse (conseil une photo toutes les 5 ou 10 secondes), avec un pied évidemment en incluant des éléments de (joli) paysage dedans, naturel ou humain. Faites attention à bien régler la luminosité une fois pour toutes au début afin qu'on distingue bien la baisse de lumière et la montée des ombres (Ohlala). Vous verrez un obscurcissement progressif de l'objet de votre désir, puis il se rallumera ! Magique, non ? C'est certainement le plus spectaculaire moyen de voir une éclipse car l'oeil humain s'habitue tellement bien à la lumière qu'on ne se rend pas vraiment compte des changements à l'oeil nu.
- Ne vous inquiétez pas s'il y a des nuages. Sauf s'il y en a trop. Un voile léger ou moyen facilitera la vue du Soleil et ne nuira pas à vos photos, au contraire. Mais comme le soleil sera bas encore, un tiers en bas entre l'horizon et le zénith, il faut un endroit dégagé vers le sud-est.

Voilà pour l'éclipse de vendredi... à coupler pour les chanceux avec les grandes marées du week-end. On attend évidemment plein de photos du Soleil qui avait rendez-vous avec la Lune, de la mer et du Mont Saint-Michel.


On sera aussi demain le jour de fête de la francophonie, avec un éclipse de la langue française qu'on espère partielle et temporaire, le temps de la relancer avec vigueur.

On sera également deux jours avant une éclipse du PS aux élections départementales, éclipse que certains espèrent temporaire... jusqu'à quand ? Mais les élections restent des élections, c'est-à-dire moins modélisées que les éclipses astronomiques et il peut y avoir des surprises.

Bonne(s) éclipse(s) alors !

mercredi 18 mars 2015

Paris de Merde

Odeur, plutôt. Odeur de merde à Paris ce matin, très forte pour ceux qui ont du nez.

Un effet de l'épisode "pic de pollution" depuis lundi, à ne pas confondre avec le "Pic du Midi" où l'air est sain. On peut dire ce qu'on veut sur la qualité de l'air, mais elle est de moins en moins bonne à Paris. La Marie va-t-elle décider une circulation alternée, au risque de mécontenter les automobilistes ou les motards avec leurs casques, mais au risque aussi de contenter tous ceux qui marchent dans les rues et qui ont des enfants dans les cours d'écoles ? Tout cela en plein Conseil de Paris et avant les départementales et les grands débats sur Paris Métropole, le Grand Paris et tout ça. Comme si la pollution pouvait commencer ou s'arrêter aux portes de Paris.

Cet épisode dure. Un peu plus que les précédents. Et les yeux deviennent un peu plus rouges pour ceux qui n'ont pas le nez assez sensible pour déceler cette odeur de merde dans l'air. J'ai traversé Paris ce matin et l'odeur était partout, même si au début j'ai cru marcher dans une crotte de chien... Et je ne suis pas le seul dans ce cas.

L'odeur habituelle de Paris est un mélange d'odeurs. Petite description non exhaustive sur ce blog rigolo, mais pas si faux que ça. Du point de vue scientifique les pollutions olfactives peuvent venir de multiples sources. Quelle est l'origine du monde de cette odeur de merde ? Le gaz suspect est-il dangereux. Certains se rassureront en disant que certains gaz dangereux sont inodores (comme le dioxyde de carbone) et qu'on est obligé de mettre un colorant produit odorant dans le gaz de ville pour détecter les fuites. Mais ce n'est pas parce qu'un gaz sent qu'il est inoffensif.

Il semble que cette odeur vienne du Nord, à cause du vent (et pas seulement du Nord de la France, mais aussi du nord de l'Europe) avec de l’ammoniac issu d'épandages agricoles en ce début de printemps précoce. Mais aussi de réactions chimiques complexes dans le ciel entre tous ces produits qui se composent - et se décomposent - avec entrain.

Mais il y a d'autres explications possibles :

Est-ce que cela a un lien avec la sortie du plus grand joueur du Paris SG qui a traité la France de "pays de merde". Nos enquêteurs pensent que non, quoique cela reste possible. C'était en effet juste avant le pic de pollution. Y a-t-il cause à effet ? Il faut une enquête ! A moins qu'il y ait un rapport avec l'inauguration d'un labos de chimie au Collège de France hier par François ? Y a-t-il eu dégagement de produits dangereux suite à une fausse manipulation du président ?

En tous cas, pour nous les parisiens, on est dans la merde aujourd'hui.

Ca c'était il y a un mois, aujourd'hui c'est pire...

mardi 17 mars 2015

Et la francophonie dans tout ça ?

On est en pleine semaine de la francophonie (et de la langue française en France, car chez nous on mélange allègrement les deux) et on n'en parle pas beaucoup dans les médias. Le moment crucial sera le 20 mars, vendredi, mais on va en profiter pour faire une petite revue de ce qui se dit sur le sujet sans attendre vendredi et son éclipse à 80%. Eclipse de la langue française ?

Le Figaro, journal où la plume a de l'importance, nous montre la lettre-gag envoyée par la Ministre de la francophonie aux entreprises, pour dénoncer par l'exemple l'abus de mots anglais dans le monde du travail. Sa lettre est truffée d'anglicismes plus ou moins vraisemblables, surtout quand on remarque qu'ils sont extraits de jargons spécialisés utilisés soit dans la finance, soit dans les technologies de l'information, soit dans la communication... Il y a toujours eu des jargons et des patois de métiers dans le français, histoire de prouver eux autres qu'on fait bien partie de leur club et à soi-même qu'on y est enfin arrivé ! L'accumulation fait tâche évidemment. Et pour une fois qu'un(e) ministre fait de l'humour on ne privera pas du plaisir de la féliciter, même si certains commentaires du Figaro montrent que des lecteurs ont pris la lettre au premier degré... Vanitas, vanitatum...

Mais tout de suite après, le Figaro cite le BSCNews et son interview (entrevue ?) avec Eugène Green, un cinéaste anglophone établi en France et qui dit "La plus grande ennemie de la francophonie, c’est la France". Formule bien sentie et qui traduit bien le climat général de non prise de conscience de ce phénomène en France, au-delà de quelques initiés et militants plus ou moins ringards. Et les anglophones sont souvent là pour nous rappeler nos propres traits culturels, avec le recul nécessaire dont on les remercie.

Dans un registre plus léger mais ô combien plus profond et plus "éduqué", on notera ce billet de blog par un vieux linguiste respecté, à déguster sur Mediapart, qui évidemment dit du mal des autres linguistes, tout en vantant les jambes de la journaliste... On ne se refait pas ! Les autres experts (académiciens, linguistes et écrivains) tournent de plateau en plateau pour expliquer leur amour des mots de la langue française à des journalistes qui n'en maîtrisent souvent qu'entre 150 et 300.

C'est à peu près tout. Dès jeudi, l'intelligentsia parisienne se retrouvera pour boire du Champagne à l'inauguration du Salon du livre, atour du thème de l'année, le Brésil lusophone, mais un peu francophone quand même notamment au plan universitaire avec des traces laissées par les grands intellectuels français de la belle époque comme Bernard Henri Lévy-Strauss.

A vous de découvrir si d'autres moments francophones seront visibles, au-delà des émissions spéciales vendredi, notamment sur TV5 dont le fonds de commerce est justement la francophonie.

Mais qui sont-ils ? (Indice : ils sont tous les deux debout)
Réponse : Abdou Diouf félicite la nouvelle Secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, juste après son élection en décembre.
Abdou Diouf était vraiment un grand homme grand...




lundi 16 mars 2015

Divers.Paris

Quelques actualités parisiennes ? Allez, c'est parti.

Aujourd'hui et demain a lieu le Conseil de Paris, rendez-vous régulier des conseillers de tous bords avec Madame la Maire, Anne Hidalgo. Ca la change des inaugurations insipides, comme celle de la Place Jean Ferrat ce week-end, à l'occasion de la célébration du premier lustre après sa mort. Ne sont-ils pas mignons, avec en prime Isabelle Aubret ?


Ce Conseil doit aborder le cas des quartiers populaires prioritaires, une vingtaine de "must-go zones" au nord, à l'est et près du périphérique. Pour prendre le contre-pied des "no go zones" de Fox News qui avaient défrayé la chronique après les massacres du 7 janvier. Un plan pour attirer des initiatives vers ces quartiers et pour y développer l'éducation, l'emploi et la participation citoyenne en évitant les ruptures sociales. Un Contrat de Ville 2015-2020 qui couvre également d'autres aspects.


En discussion également l'initiative pour pousser les propriétaires de logements vacants à les louer (Multiloc) sans passer par AirBnB forcément ;) et une initiative pour aider les médecins à s'installer, avec une carte étrangement similaire à celle ci-dessus : la carte des quartiers où manquent les médecins... En pleine grève des médecins libéraux, on voit bien que les quartiers riches les attirent, et pas les autres !


On notera pour le vote du Conseil une "Convention type d'occupation temporaire du domaine public pour l’installation et l’expérimentation de solutions innovantes liées à l’amélioration du métabolisme urbain parisien."... Le métabolisme ? Définition : "Le métabolisme urbain est l’appréhension de la ville comme un écosystème de flux entrants et sortants de matières, d’énergies et d’eaux. Améliorer le métabolisme de la ville revient à réduire les consommations et les émissions du territoire grâce à la mise en oeuvre de synergies, la valorisation de ressources cachées ou la réutilisation des flux." C'est plus clair ? Rien à voir donc avec les crottes de chien (voir plus bas).

L'UMP de son côté continue à demander au Conseil de Paris un référendum local sur la création d'une police municipale. Et le sujet des JO 2024 sera à peine abordé, depuis que la Maire a écrit à François pour poser ses conditions : Oui pour les JO, mais d'bord il faut me garantir ça et ça et même ça...

Ce week-end se terminait l'opération pour demander aux parisiens (individuels et associations) leurs idées pour améliorer Paris, dans le cadre d'un budget participatif à voter en septembre prochain. Ils ont reçu plus de 5000 propositions, idées et projets et cela ne va pas être coton de les dépouiller avant juin. Faites une recherche sur cette page en tapant quelques mots clés qui vous intéressent vous pourrez mesurer si vos envies sont partagées. Par exemple, en tapant "francophonie" on ne trouve que 3 idées (dont 33% venues de votre serviteur). C'est pas beaucoup, surtout en pleine semaine de la francophonie et de la langue française. Si vous tapez "crottes" il y a 60 résultats... Est-ce une mesure de l'importance de la Francophonie, ou de celles de la population de chiens à Paris ? "pipi" a quand même 16 idées. Insondable philosophie de la rue parisienne...

Enfin, pendant ce temps, tout continue comme avant : épisode de pollution atmosphérique à Paris - en gros dès qu'il fait beau - et donc stationnement résidentiel gratuit. Et puis les gamins des écoles maternelles et primaires ne prendront plus le car pour leurs sorties scolaires... Trop polluant et trop cher.

Divers Paris ou Paris d'hiver ?

dimanche 15 mars 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle fois sans garde torve

Julien était de garde devant le Monument depuis bien trop longtemps. Ses pieds le faisaient souffrir et il avait du mal à rester immobile plus d'une minute, sans soulever un pied ou frétiller. Tout cela était interdit, bien entendu. Le Monument était trop important et la Garde devait être exemplaire. C'était un corps d'élite après tout et Julien était très fier d'y avoir été accepté. Mais la relève se faisait attendre et Julien s'impatientait. Un retard était inconcevable, naturellement. La Garde était parfaite et ne pouvait pas se tromper. C'était donc forcément lui qui n'allait pas bien aujourd'hui. Julien se remémora encore une fois ses dernières vingt-quatre heures pour essayer d'y découvrir ce qui pouvait le rendre aussi nerveux. Mais il ne trouva rien de bizarre dans ses souvenirs : 

Après son tour de garde, hier, il avait pris sa douche, salué son supérieur et il était rentré au baraquement en moto. Il n'avait écrasé que deux personnes sur la route, une journée normale, et il s'était arrêté pour prendre quelques bouteilles au supermarché, sans payer comme d'habitude. Puis à la caserne, il s'était saoulé avec ses camarades et s'était endormi comme une masse. Ce matin, il s'était entraîné comme d'habitude, puis il avait pris une douche, salué son supérieur et il était allé prendre son tour de garde. Il était parti deux secondes en retard et avait préféré ne pas s'arrêter en chemin, ni au supermarché, ni aux feux rouges. Il était arrivé juste à l'heure mais le camarade qui l'attendait pour la relève l'avait regardé avec des yeux rouges avant de partir en courant. Il n'avait pas pris de douche et avait enfourché la moto de service encore chaude, sans même saluer leur supérieur.

Julien s'était demandé quelle mouche avait piqué ce soldat. Il ne ferait pas de vieux os dans la Garde s'il continuait ainsi. Peut-être même serait-il radié dès ce soir ? Julien s'était installé à son poste et avait commencé à penser à l'autre soldat. Il n'avait jamais entendu parler d'un tel comportement, totalement indigne de la Garde. Puis Julien n'avait plus pensé à rien, comme d'habitude... Jusqu'à ce qu'il sente son corps bouger et ses pieds trembler. Et ses pensées dériver. Mais pourquoi étaient-ils en retard ?

Julien cligna des yeux pour revenir au présent. Il ne voyait rien dans sa journée pour expliquer ce fourmillement dans ses pieds. Rien que l'autre soldat évidemment. Avait-il été frappé par une mystérieuse maladie ? Piqué par un insecte qui rend fous les gardes ? Faisaient-ils l'objet d'une attaque sournoise, et de qui ?

Il ne restait aucun ennemi pourtant, nulle part. La garde était omniprésente et toute puissante. Il n'y avait aucun insecte non plus dans la zone ultra-protégée du Monument. Aucune chance d'accident. Tous les jours étaient pareils. Sauf aujourd'hui se dit-il.

Et puis brutalement il se souvint. Il se souvint de ce qui s'était passé la veille. De la fille qu'il avait vue pour la première fois hier au supermarché et qui lui avait tendu son sac plein de bouteilles avec un regard glacial et irrésistible. Sur le moment cela avait été juste une fille comme les autres, comme celles que la Garde leur fournissait le soir à la caserne pour s'amuser. Mais maintenant qu'il y repensait, il revoyait son visage, là, devant lui, sur le fond de sable blond du désert qui entourait le Monument. Un visage impossible à ignorer. Un visage qui déclenchait chez lui une envie irrépressible de la retrouver. Julien brûlait maintenant. Il ne pensait plus qu'à être avec elle. 

Julien sut alors que son camarade avait eu la même envie, quelques heures plus tôt. Et il eut peur de ce qui avait pu se passer entre eux. Il était inimaginable que cette fille soit pour quelqu'un d'autre. Cela ne pouvait pas attendre.

Alors Julien dépassa l'indépassable, commit l'acte utile de trahison. Il fit un pas en avant, arma le fusil laser et balaya en tournant sur lui-même tous les êtres vivants autour de lui, en commençant par son supérieur. Celui-ci mit quelques secondes à fondre car c'était un robot solide, mais les visiteurs se désintégrèrent dès que le rayon les toucha. Julien vérifia qu'il ne restait aucun survivant puis il enfourcha sa moto et ne s'arrêta que devant le supermarché.

La fille n'y était pas. Julien sut aussitôt où elle était. Il tua tout le mode pour faire bonne mesure et rentra à la caserne. Il ne mît que quelques minutes à liquider tous ses camarades et tous les supérieurs. Il était le seul à être armé. 

Il n'y avait en effet qu'une seule arme sur cette planète, celle du garde en faction devant le Monument. Et c'était lui qui l'avait. Il trouva la fille comme prévu dans les bras du soldat. 

En quelques secondes tout fut fini. Elle et lui étaient les deux seuls survivants. Il la regarda. Elle avait des yeux extraordinaires. Il sut qu'il ferait tout ce qu'elle lui demanderait. Et justement, elle lui demanda quelque chose. Il obéit. Quand elle eut le fusil laser en main, elle lui tira dessus, lui coupant les pattes. Puis elle lui dit ce qu'elle allait faire, avant de l'achever. 

La dernière pensée de Julien fut pour le Monument. Elle allait bientôt le détruire. Il ne réussit pas à être triste. Le Monument était pourtant là depuis des millénaires, pour célébrer la Garde qui avait pacifié cette planète. Mais peut-être s'était-il trompé ? Si au lieu de célébrer la victoire sur l'obscurantisme et les humains qui peuplaient ce monde, le Monument célébrait la dictature de la Garde sur un peuple désarmé. Non, non, la garde ne pouvait avoir tort.

La fille regarda un instant le cadavre de Julien. Puis elle enfourcha la moto et s'en alla détruire le Monument. Elle avait beaucoup de travail et elle était seule. Elle ne le serait pas longtemps heureusement. Dès que le Monument serait détruit, tous les monstres de la Garde mourraient et les humains pourraient commencer à reconstruire leur monde, sans ces êtres difformes et venus d'ailleurs pour les contrôler.

Il est vraiment dommage pour l'Humanité que la fille n'ait jamais conduit de moto de la Garde avant. Car elle n'avait que deux jambes, elle, et elle ne put éviter l'accident qui la tua. 

Enfin... Peut-être une autre tentative aboutira-t-elle d'ici quelques milliers d'années ? Les envahisseurs ont quand même doublé la Garde, par précaution. On ne sait jamais...



samedi 14 mars 2015

Mathons un peu ce qu’il y a à voir

Aujourd’hui c’est le Pi Day - comme disent les américains - le jour de π (Pi)

Le 14 mars, ou le 3/14 en format américain de date, a été déclaré jour de Pi pour honorer les trois premiers chiffres de Pi 3,14. Mais une fois par siècle on peut célébrer le Ultimate Pi Day et ça tombe cette année. En effet on gagne les deux décimales suivantes - 3,1415 ou 3/14/15... Profitez-en bien, le prochain Pi Day est dans un an, mais le prochain Ultimate Pi Day est dans cent ans. Les fous furieux célèbrent un peu partout ce jour et spécialement à 9h26 minutes et 53 secondes (plus 589 millièmes) puisque cela nous fait 3,141592653 ce qui est le petit début de l’infinité de décimales de Pi. A l’heure où j’écris ce blog, il n’est pas encore l’heure dans la Silicon Valley, qui n’existerait pas sans π.

π est un nombre magique depuis longtemps et qui sert à plein de choses, y compris en cryptographie ou pour calculer le diamètre de votre pénis (d’ailleurs ils viennent d’annoncer la première greffe de pénis en Afrique du Sud). Vous connaissez l’histoire de Pi au Palais de la Découverte ? Je cite un extrait de mon billet du 13 mai 2012, mon premier billet scientifique et du dimanche :

La fameuse Salle Pi du Palais de la Découverte à Paris contient les 707 premières décimales de Pi, calculées à la main par un mathématicien, William Shanks en 1873... en un certain temps. En fait il s'est trompé à partir de la 528° seulement et le Palais a corrigé dans les années 1950 ; depuis on a ajouté un tout petit listing d'ordinateur avec les 10 000 premières décimales de mémoire (Pffffft)... Ayons une pensée émue pour tous ceux qui ont appris des fausses décimales de Pi entre la 528° et la 704° et qui se trompé en rendant la monnaie et en construisant des boulettes de mie de pain. C'est terrible.


Comme vous l’avez deviné, une des raisons pour lesquelles ce jour est fameux est qu’il coïncide avec la date de naissance d’Einstein, celui qui a dit : « Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement. »

Ce n’est donc pas un hasard donc si en France commence aujourd’hui la Semaine des Mathématiques. C’est la quatrième édition et quel plus beau jour que le π day pour entamer une semaine dédiée cette année aux « Mathématiques qui nous transportent ». Cela couvre plein de domaines : Il fait tout d’abord référence aux nombreux moyens de transport modernes (terrestres, maritimes, aériens, spatiaux) dans lesquels les mathématiques et leurs applications technologiques sont très largement présentes ; mais aussi au transport d’information, révolutionné par les possibilités
de circulation quasi instantanée des données numériques dans lesquelles les mathématiques jouent un rôle primordial (cryptographie, théorie des nombres, etc.) ; sans oublier l’angle de la vive émotion de nature esthétique qui peut nous saisir devant l’élégance d’une théorie, d’une formule ou d’un raisonnement afin de dévoiler le lien entre mathématiques, plaisir et créativité.

Attention donc en marchant dans la rue à ne pas mettre le pied dans une équation ou en jouant au foot à bien poser le pied au bon endroit de l’icosaèdre tronqué.

Notons qu’en Albanie, aujourd’hui c’est la fête de l’été (pour les musulmans car pour les orthodoxes c’est le premier mars). Non, non, je ne vous mens pas. L’été est précoce dans le micro-climat albanais, vous ne saviez pas ? ET ce depuis des temps immémoriaux, comme toutes les bonnes fêtes païennes.

C’est donc un jour important. Apprenez à faire des calculs, rapidement. Car le jour même de la fin de la semaine des mathématiques a lieu le premier tour des élections départementales et les calculettes politiques vont chauffer. On sait déjà que les socialistes vont dire que ça aurait pu être PIS. Ce week-end prochain sera un week-end de grandes marées (du siècle ?) électorales ou non. Vous me réciterez par coeur trois fois la table des coefficients des marées au Mont Saint-Michel. Merci !

Et pour vous ouvrir les mirettes, voici une très jolie conjecture (non-démonstration) du théorème de Pythagore qui dit que le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des autres côtés, dans un triangle rectangle - des souvenirs ?



Une conjecture c’est une idée de quelque chose qui semble vrai mais qu’on n’a pas encore démontré. La démonstration est partout, mais ici aussi, avec ces quatre triangles rectangles identiques... et une belle animation démonstration.


vendredi 13 mars 2015

Terry Pratchett : quatre éléphants et une tortue en deuil

On vient d’apprendre la mort de Terry Pratchett, écrivain de 66 ans seulement qui aurait dû pouvoir écrire encore beaucoup de livres (quoique 70 livres c’est déjà pas mal). Il est mort des suites d’un Alzheimer rare et rapide qui l’empêchait entre autres d’écrire depuis l’été dernier.

Ceux qui ne connaissent pas Pratchett doivent se précipiter chez leur libraire favori et acheter par exemple « La huitième couleur », le premier de la série du Disque-Monde qui l’a rendue célèbre. Ils achèteront forcément le suivant... et le suivant ;) Je vous en mets quelques-uns pris au hasard dans ma collection personnelle...


Ces romans sont à lire en français car le traducteur a fait un travail extraordinaire - il a reçu un prix d’ailleurs. La version originale est en anglais british farci de jeux de mots partout et tout le temps. Très dur à lire sauf si vous être natif ou très bilingue. Mais le sel de ses romans est très bien rendu en français.

Le Disque-Monde était initialement (en 1983) une parodie de l’anneau-monde, un classique de la SF très sérieux et quasi scientifique. Dans le monde imaginé par Terry Pratchette la magie coule à flots (littéralement) et la lumière avance à des vitesses différentes suivant les endroits. Le monde est plat, comme la Terre. Comment ? La Terre est ronde, me dit-on dans l’oreillette ??? Ah bon ? Le Disque-Monde est donc un disque, porté comme dans les mythologies anciennes par quatre (grands) éléphants eux-mêmes debout sur une (très grande) tortue. Les personnages sont nombreux et tous plus ou moins magiques mais dans un sens rigolo et déjanté, pire que les Monty Python eux-mêmes, c’est dire. Tous les lecteurs adorent particulièrement la Mort, une des personnalités récurrentes de son cycle, qui est particulièrement attachant... Car la Mort est de sexe masculin, au fait.

Evidemment il a écrit d’autres romans et il y a eu plein de produits dérivés, cartes, atlas, guides de ce monde étrange, jeux et m^me un film passé inaperçu. Evidemment il est considéré comme le « deuxième » romancier anglais le plus important après JK Rowling. Pour moi, il est devant, car sa magie a lui est plus riche que celle d’Harry Potter. Et plus variée, plus jouissive. Mais aussi plus politique, plus critique et acerbe face à un monde qui aurait bien besoin d’un peu de magie. Plus la série avance et plus les romans tournent autour d’un phénomène de société ce qui permet à l’auteur de critiquer vertement des pans entiers de nos sociétés, de la presse aux juristes, en passant par les universitaires, Hollywood ou les policiers du Guet.

Il est mort trop jeune. Il aurait dû vivre 600 ans de plus pour atteindre 666 ans. Il a quand même réussi à éviter de mourir un vendredi 13, ça porte malheur et ça aurait été dommage pour la suite de sa carrière, en compagnie de la Mort.

Deux petits extraits, un sérieux (tiré des tribulations d’un mage en Aurient) pour célébrer le miracle de sa mort :

Le Destin gagne [toujours]. Du moins c’est ce qu’on prétend. Quoi qu’il arrive, on dit toujours parès coup que c’était le Destin*.

* On n’et jamais très clair sur la question, comme sur celle des miracles. Quand quelqu’un échappe à une mort certaine suite à un étrange concours de circonstances, on parle de miracle. Mais bien sûr, si quelqu’un est tué au terme d’un enchaînement improbable d’ »événements - l’huile répandue à un endroit précis, la barrière de sécurité cassée juste là où il ne fallait pas -, il s’agit aussi forcément d’un miracle. Ce n’est pas parce que l’issue est malheureuse qu’elle n’est pas miraculeuse.

Et un autre, plus typique pour expliquer le fonctionnement d’une caméra dans les zinzins d’Olive Oued :

« Ces six diablotins, là, poursuivit-il en les montrant d’un doigt prudent pour éviter les griffes, regardent par le petit trou devant la boite et peignent les images de ce qu’il voient. Il en faut six, d’accord ? Deux qui peignent les images et quatre qui soufflent dessus pour les sécher. A cause de l’image suivant qui arrive, tu vois. Parce qu’à chaque fois qu’on tourne cette manivelle, là, la bande de membrane transparente descend d’un cran pour l’image d’après. » Il tourna la manivelle. Elle fit clic-clic, et les démons baragouinèrent. 
« Pourquoi ils font ça ? » demanda Victor.
- Ah, répondit Electro, ça c’est parce que la manivelle actionne une petite roue garnie de fouets. C’est le seul moyen de les faire travailler assez vite. Tous ces diablotins, c’est feignants et compagnie.



Parmi les hommages, celui-ci chez XKCD, mais il y en a tellement... ;)

jeudi 12 mars 2015

Changements en France pour la semaine de la langue française : un vrai challenge !

La semaine prochaine débute la semaine de la Francophonie et de la langue française, un peu partout dans le monde, mais aussi en France. Pour mémoire, la France est souvent perçue comme le moins militant de tous les pays francophones pour la francophonie. Et les batailles font rage entre linguistes d'écoles différentes, entre l'Académie française gardienne d'un temple antique, entre anglophiles nombreux et entre associations plus ou moins ringardes ou modernes pour la "défense" de la langue française. Ce sont des combats d'initiés qui passent très au-dessus des têtes des gens normaux, surtout des jeunes.

Hier, notre ministre de la Culture lançait cette semaine et annonçait le programme des (ré)jouissances : un marathon littéraire pour vous muscler les métacarpiens, en ce vingtième anniversaire de la semaine de la francophonie en France.

Mais elle en a profité pour prononcer un discours décapant sur le sujet. Texte officiel ici et page sur le site du ministère là. Ici également un commentaire lu sur France24, la chaine officielle de l'audiovisuel extérieur français, mais que je n'ai trouvé que sur la version anglaise du site... Intéressant, non ? Il est toujours intéressant de lire ce que la France dit au reste du monde (et qu'elle cache soigneusement en interne). On lit dans cet article, en anglais of course, par exemple :

"Pellerin -- a technophile Frenchwoman born in South Korea who also fluently speaks English and German, and is passable in Italian -- argued that French is robust enough to accommodate words from English and other languages without being overrun.
"French is not in danger and my responsibility as minister is not to erect ineffective barriers against languages but to give all our citizens the means to make it live on," she said.
France's 1994 law decreeing that all public advertising must be in French still stands, but with authorities permitting greater leeway in its application than in the past.
French linguists cheered the shift in position, saying it did away with pedantry in favour of a more open approach." Et l'article de continuer en citant quelques linguistes et écrivains célèbres présents à cet événement...

Autre article ici, sur RTL belge avec cette phrase issue du dossier de presse :

"Le français n'est pas en danger et ma responsabilité de ministre n'est pas de dresser des digues inefficaces contre des langues, mais de donner à tous nos concitoyens les moyens de le faire vivre."

Qu'a-t-elle vraiment dit ?

- Cette année, c’est la capacité de notre langue française à accueillir des mots nouveaux ou étrangers qui est à l’honneur de la Semaine de la langue française et de la Francophonie.

Jusque là, rien de neuf, ça fait des siècles que c'est le cas, et les autres nous le rendent bien avec par exemple des mots anglais anglicisés à partir du vieux français et qui nous reviennent - comme challenge, interdit en France - et pourtant issu de chalonge...

- Une langue ne se construit pas en dehors des liens que nouent leurs locuteurs. Les échanges économiques, culturels, scientifiques, touristiques ont une grande influence sur notre langue, qui s’est toujours enrichie d’apports divers issus du grec, de l’italien, de l’arabe, de l’espagnol, de l’allemand ou de l’anglais.

Pan sur le bec de l'Académie française et certaines commissions de terminologie qui essayent d'inventer des mots biscornus au lieu de les accepter ou même de les franciser, en fonction des usages.

- Comme l’esprit humain, une langue est toujours en mouvement : le développement des réseaux numériques et la place considérable prise par les technologies qui leur sont liées ont conduit à installer dans notre lexique un grand nombre de termes nouveaux.

Acceptons-les ! Boum et fureur d'ayatollahs à venir...

- Il faut tout faire pour maintenir la capacité du français à exprimer les réalités contemporaines et à rester compétitive dans tous les champs de la connaissance : c’est en ce sens que nous [avons] modernisé le dispositif d’enrichissement de la langue française.

Ohla ! Grand écart et changement de pied par rapport à un conservatisme académique... Divisions à venir entre linguistes certainement.

- Pour conclure, je voudrais évoquer les dix mots choisis comme fil conducteur de cette semaine. Parmi eux, il y en a un qui me semble illustrer particulièrement bien ce qui nous réunit aujourd’hui : sérendipité.

Elle va en avoir besoin après ce discours, que personnellement je salue bien bas ;) Vive la souplesse donnée à la langue.

Attentions aux amalgames, gardez votre zénitude et vos yeux ouverts avec sérendipité, que vous soyez en pleine kermesse kitsch remplie d'inuits, ou avec vos mirettes ciblées devant un wiki sur l'écran habituel de vos turpitudes, en frottant légèrement votre gris-gris favori. Alors, on vous dira bravo !