mardi 31 décembre 2013

Bonnes conversations !

Ce n'est pas encore le moment des souhaits de bonne année, selon la tradition française et bien que certains politiques aient voulu le faire par avance, histoire qu'on parle d'eux : c'est le cas de Copé par exemple qui pose comme un Président de la République qu'il espère toujours être si ses amis-concurrents-ennemis se désistent, ou de Désir qui envoie des voeux cryptiques aux socialistes à base de 2014 année Jaurès. Tous attendent les voeux officiels de François, le Président réel, ce soir et fourbissent déjà leurs réactions, comme si cela nous intéressait ;)

A propos de parler dans le vide, parlons un peu de numérique.

Nous utilisons de plus en plus des gadgets et des écrans, mobiles mais pas seulement. Beaucoup en auront reçu pour Noël et encore plus tapoteront sauvagement ce soir vers minuit pour tweeter des voeux, instagrammer des photos de fête ou les facebouquer. A propos de Facebook, conversation intéressante et de plus en plus présente dans nos discussions, il y a eu une rumeur il y a quelque temps sur le fait que FB passait de mode auprès des jeunes qui voient débuter leurs aînés et surtout leurs parents et qui utilisent de plus en plus d'autres médias sociaux, comme WhatsApp par exemple. Cette rumeur a eu du succès car elle rejoint des idées reçues. On parle de légende urbaine dans ce cas. Un rapport intéressant à lire sur le sujet ici. On y découvre qu'il y a effectivement beaucoup d'attraction pour d'autres réseaux que FB, mais qu'il reste la référence :


Ce tableau montre qu'une écrasante majorité des utilisateurs d'autres réseaux sociaux utilisent aussi FB, alors que le contraire n'est pas vrai ;) Evidemment d'autres initiatives apparaissent (comme ce réseau social grec élaboré par un gamin de douze ans) mais il est de plus en plus difficile pour ces initiatives de se généraliser : Google+Amazon+Facebook veulent investir l'ensemble des champs et y arrivent petit à petit. Leurs appétit est immense. Cela ne leur garantit pas l'éternité mais pour le moment c'est un fait. Même des acteurs comme Apple qui sont omniprésents dans les esprits, ne le sont que sur certains créneaux et y restent (contraints ou par vision). Quand on voit ce que rachète le groupe des G+A+F, on se dit, excusez-moi Monsieur Franquin, Gaffe aux GAF !

Toujours à propos de conversations, il y en aura certainement autour de vous pour ce réveillon. Il y aura aussi beaucoup de fausses conversations. Alors lisez l'article ici pour vous éclairer sur les conversations actuelles et leurs dérives. Il est tellement intéressant, mais en anglais, que je vous en livre ici un petit résumé.

Il s'agit d'un article sur les travaux récents d'une psychologue du MIT spécialisée dans les relations hommes-machines et qui travaille sur la conversation. Elle est elle-même très douée pour avoir des conversations. Ce genre de personne est rare mais facile à repérer car quand on sort d'une conversation avec l'une d'elles on se sent ragaillardi, sans même savoir exactement de quoi on a parlé et qu'est-ce qui a été important dans ce moment partagé. Il y a eu des mots, des mimiques, des gestes, des silences, des choses profondes et d'autres superficielles. Un moment de vie et de plaisir, simplement.

En tant que militante de la conversation, elle dit ne pas pouvoir s'empêcher de regarder les familles ne pas se parler au restaurant, les mères ne pas parler à leurs enfants dans les jardins, ou les mères envoyer des SMS pendant qu'elles poussent leurs poussettes (avec un enfant dedans semble-t-il). Quand on regarde autour de nous, on voit de plus en plus de personnes "solitaires ensemble" en train de tapoter ou regarder des écrans, quel que soit leur âge. Cela se passe aux USA évidemment, mais bientôt chez nous aussi...

En préparant son prochain livre elle a découvert que, techniquement parlant, nous ne nous parlons pas les uns aux autres. Nous parlons tout le temps, par la voix ou le texte tapé pourtant. Le monde est plus bavard qu'avant, de multiples façons. Le problème est que cette parlotte détruit les (vraies) conversations. Nous parlons aux autres plutôt qu'avec les autres et ça fait une énorme différence.

L'auteure, Megan Garber, rappelle qu'il faut des moments ennuyeux dans les conversations. Que c'est grâce à eux que d'autres moments apparaissent, comme des éclairs. Et que l'Internet, de par son omniprésence et son caractère impersonnel, nous juge et développe nos égos face à lui, plutôt que des moments de partage. Elle propose de limiter nos usages de ces appareils au-dehors "d'espaces sacrés" comme la table du repas commun. Elle souhaite qu'on se regarde dans les yeux quand on se parle (à ce propos je rajoute que le problème avec les applications de vidéo-conférence, genre Skype ou FaceTime, est qu'on a tendance à regarder l'autre, qui nous regarde aussi... ce qui fait qu'aucun des deux ne regarde les yeux de l'autre puisque la caméra n'est pas derrière l'écran mais au-dessus). Elle souhaite qu'on regarde le langage corporel de l'autre.

Les derniers paragraphes de cet article sont fascinants. Elle observe la foule dans un Apple Store, lieu convivial et fréquenté s'il en est, avec des dizaines de conversations à la fois. Sa conclusion est glaçante : "Tout le monde parle, et personne ne parle d'autre chose que de ce qui est sur les machines..."

A méditer, avant vos prochaines conversations avec des humains. Bon réveillon !

PS : Il y a d'autres opinions, évidemment, comme notre Fleur de ministre numérique ;)

lundi 30 décembre 2013

Mélange de torchons et de serviettes

Nos mères nous ont répété qu'il ne fallait pas mélanger les torchons et les serviettes. C'est facile dans sa maison, quoique certaines serviettes ressemblent maintenant à des torchons, mais c'est beaucoup plus difficile en politique et en diplomatie. La visite de François à Riyad en Arabie saoudite en est un bel exemple.

Il s'agit à la fois de la situation au Liban, en Syrie et dans tout le proche-Orient, et à la fois de la situation économique, avec la vente possible d'avions et d'armements. Un classique, mais quand on sait que l'Arabie saoudite est un acteur incontournable, richissime, très influent, à la source de l'Islam sunnite et du pétrole, et un soutien indéfectible du Liban sunnite (hors Hezbollah) et des rebelles syriens.

Le pays a un nouveau sous patron, un peu plus libéral que le précédent, si j'ose dire en parlant de ce pays rigoriste jusqu'à l'extrême dans un islam historique. Le fait d'héberger La Mecque et les lieux sacrés liés au prophète de l'Islam n'y est pas pour rien. Mais les femmes y sont toujours traitées comme une espèce différente des hommes, une sous-espèce évidemment.

La France joue crânement sa carte. Elle a choisi les sunnites contre les chiites (Iran, Hezbollah et le dictateur syrien par exemple). Elle est mieux appréciée que les USA qui croient pouvoir être amis (ou ennemis, c'est pareil) avec tout le monde. Cela simplifie sa diplomatie, y compris en Afrique ou les sunnites sont très très présents à coups de constructions de mosquées et de routes. Mais le "juste milieu" qui a toujours caractérisé notre diplomatie dans la région, avec Israël notamment, en prend un sacré coup. Sans compter les amours fragiles entre l'Arabie saoudite et ses voisins du Golfe.

On parle donc de possibles ventes d'armes au Liban, grâce à des financements saoudiens. Par "au Liban" entendez au gouvernement qui inclut les sunnites, alors même que Hariri, le fils, est presque en permanence hebregé en Arabie saoudite pour d'évidentes raisons de sécurité, vu les nombreux attentats dans son Liban d'origine. C'est un jeu de billard à trois bandes. C'est donc un jeu qui demande du doigté et de la vision. Pour vous en convaincre lisez cet imbroproglio entre EdF et le royaume, ici...

Signalons aussi que beaucoup de présidents sont allés dans cette région, souvent à cette époque, depuis Mitterand qui passait ses vacances d'hiver en Égypte. L'Egypte, c'est pas le moment ;) En plus, le premier de l'an n'est pas une date reconnue dans le calendrier musulman puisque l'année est comptée autrement. Dans une ville comme Riyad il est même interdit de célébrer la nouvelle année (chrétienne). Tolérance zéro donc pour les autres religions et lecture stricte des textes anciens, revus et corrigés, mais si peu.

En France, on célèbre toutes les fêtes, laïques et religieuses. Certains se débrouillent même pour prendre des congés pour toutes. J'en ai connu une il y a longtemps, dans un ministère, qui devait être à la fois chrétienne, juive et musulmane, sans compter qu'elle était française, belge, suisse, marocaine et algérienne (pour les fêtes nationales)... On ne la voyait pas souvent ;)

La diplomatie est un art difficile, dans lequel on risque de perdre sa morale et sa vision, et François en a une même si elle ne plait pas à tous et s'il ne la montre pas tous les quarts d'heure. Attention donc. Les français ne comprennent pas forcément tout de ces enjeux, car la presse et les humoristes amateurs de quenelles (au porc ?) sont pleins d'amalgames. Francois a même dû parler de ça pendant sa conférence de presse en réponse à une question... à Riyad ! Et on revient aux torchons...

 

dimanche 29 décembre 2013

Du temps de cerveau pour... le spam

Le spam ou les pourriels comme disent les québécois qui ont aussi inventé le mot courriel pour les "emails" normaux, alors que l'Académie Française se limite toujours à l'abréviation "mél"... Quels ringards (je vous laisse deviner lesquels ;) !

Le premier spam officiel date de 35 ans déjà, bien avant la naissance officielle de notre Internet d'aujourd'hui et il touchait la totalité des utilisateurs de l'époque... soit 600 adresses électroniques ! Aujourd'hui on estime qu'en France par exemple 95% des courriels échangés sont des spams. Il n'y a pas de statistiques universellement reconnues, mais les chiffres augmentent et dépassent systématiquement les neuf dixièmes. heureusement, la plupart de ces pourriels sont filtrés en amont de nos boites par les serveurs et les fournisseurs d'accès, mais il en passe toujours de grandes quantités à travers. Trop, en tous cas. Ils sont évidemment contraires à la Netiquette, dont on parle d'ailleurs de moins en moins.

Tout le monde connait l'histoire du mot spam, le détournement d'une marque de jambon épicé en boite par les Monty Python dans un sketch célèbre que vous n'aurez pas de mal à trouver sur l'Internet (en attendant le spectacle Live à Londres l'été prochain avec tous les Monty Python (sauf un) et forcément ce sketch - J'ai des billets !!!).



C'est devenu à ce point un mot fondamental que même les programmes qui détectent et éliminent les spams parlent de "nam" pour les courriel normaux, comme si le jambon épicé (spam) était moins bon que le jambon (nam) tout court.

Il y a plein de sortes de spams évidemment, et vous avez dû en rencontrer vous-même plusieurs. Un des plus dangereux est le scam, ou l'arnaque qui vous propose de l'argent, contre des petits détails comme vos coordonnées et des versements de frais. On parle du spam du Nigéria, car cela a été l'une des premières sources, mais ils se sont développés partout et dans toutes les langues maintenant. Wikipedia, toujours aussi riche, nous parle de leur origine, les lettres de Jérusalem il y a bien longtemps.

Alors plutôt que des grandes digressions philosophiques, je vous propose aujourd'hui pour occuper votre temps de cerveau disponible entre deux choses intéressantes, de dresser le portrait de votre serviteur à travers les spams qu'il reçoit. J'ai pris les spams réels que j'ai reçu sur quelques adresses sur une durée de quelques jours seulement (moins d'une semaine). Il viennent de tous les coins du monde mais la majorité sont américains et français. Montebourg serait content.

Voici donc à quoi ressemble votre Georges l'Auteur favori. Toute ressemblance avec un vrai auteur est laissée à votre appréciation :

Georges mange des sushis. Cette semaine il n'a mangé que ça d'ailleurs.

Georges achète des gadgets improbables toute l'année mais en ce moment il s'agit de cartes de voeux toutes plus moches les unes que les autres, du blanc qui commence, de radiateurs électriques et de cadeaux de Noël en retard et moins chers, à peine déballés.

Georges est une femme qui achète des chaussures à très hauts talons et se maquille au moins dix fois par jour vu la quantité de produits qu'on lui propose. Elle cherche à perdre des kilos (minimum 15 kg en 4 semaines), remarquez les hommes aussi. Grosse acheteuse de lingerie également.

Georges est un homme qui achète des chaussures de sport bariolées, du viagra, du cialis et autres composés pour lui redonner vigueur. Georges est donc âgé mais actif. Il a mal au dos et porte de fausses Rolex (les vraies sont trop lourdes). Il a plusieurs fauteuils relaxants. Il s'occupe de sa retraite et même de ses obsèques.

Georges cherche à rajeunir par toutes sortes de moyens pour devenir beau/belle et musclé/fine comme les auteurs des spams.

Georges est peureux et met des verrous partout, y compris des systèmes compliqués pour attacher les roues de ses voitures de sport (et encore plus compliqués à défaire d'ailleurs). Heureusement il consulte souvent des voyants, des astrologues et les tarots. Il est assuré pour tout, y compris pour ses animaux domestiques.

Georges est obsédé sexuel et a une bibliothèque remplie de livres, dvd et gadgets sexuels. Il pourrait ouvrir un magasin en ligne d'ailleurs, tellement il y en a, de la bougie pour anniversaire en forme de pénis (si,si) à la roulette russe sexe. Il a quelques problèmes d'impuissance mais se soigne régulièrement à coup de pompes à vide ou de bombes brésiliennes (ne me demandez pas, je ne lis pas très bien le portugais).

Georges cherche à rencontrer pleins de célibataires de tous sexes visiblement, y compris des cougars (?) et plein de gens avec de jolies photos.

Georges est hyper diplômé, avec toutes les propositions pour devenir docteur ou maître en tout et n'importe quoi. En attendant il est "trader" à domicile et gagne de l'argent (il en perd beaucoup plus d'ailleurs). Il joue aussi aux courses et au poker grâce à des guides très utiles.

Georges fume des cigarettes électroniques depuis peu mais s'occupe de sa santé et adhère à plusieurs mutuelles au cas où. Il est sur-assuré.

Georges voyage beaucoup et va pour 30 euros partout en Europe au moins. D'ailleurs il a plein de bagages tous plus colorés les uns que les autres.

Georges est chanceux et gagne à plein de loteries, de Facebook à Microsoft en passant par les cartes vertes aux USA. Mais il emprunte beaucoup à plein de banques et peut heureusement regrouper ses emprunts pour un taux à peine plus élevé que celui de l'usure. Il reçoit plein de propositions pour s'enrichir encore plus mais se méfie un peu avec ce qu'on raconte et ne répond pas à toutes.

Evidemment Georges est aussi un spammeur puisqu'il reçoit des pubs pour spammer les autres à coup de centaines de milliers d'adresses "vérifiées".

Alors vous aimez Georges ?



samedi 28 décembre 2013

Masses

Samedi, jour de masses. Plusieurs masses en fait.

Masses nuageuses et pluvieuses un peu partout, avec de la neige plus haut. On aimerait un peu plus de finesse et un peu moins de masses brutales, mais c'est la saison. Masses brutales quand il s'agit d'avalanches.

Masses chinoises aussi. Le pays le plus peuplé vient de se rendre compte qu'il perdait des habitants et que ce n'était pas bon pour l'économie actuelle et surtout future. Le développement est une spirale (vicieuse ou vertueuse selon les économistes). Deux mesures ont donc été confirmées (on ne dit pas votées en Chine). Le fameux goulag chinois qui existait depuis des dizaines d'annees, le laojiao, a été supprimé et près de 200 000 chinois vont être réinsérés, après avoir été officiellement rééduqués par le travail, ça fera des travailleurs en plus. Rassurez-vous, les solutions alternatives pour enfermer les opposants existent et se développent. Il n'y a qu'à voir le nombre de blogueurs arrêtés. Comme il y aura plein de solutions différentes, l'avantage pour le pouvoir étatique est qu'il sera difficile d'additionner les "prisonniers" à partir de plusieurs sources. L'autre mesure touchera a priori potentiellement dix millions de foyers qui auront maintenant le droit d'avoir un deuxieme enfant, en étendant ce droit aux couples où seulement l'un des deux parents était lui-même enfant nuque. Cela pourrait faire dix millions de chinois en plus, une paille.

Masses catholiques à Taizé, messes aussi certainement, mais là on ne parle que de dizaines de milliers de jeunes, ce qui est beaucoup pour cette église. On ne s'appesantira pas sur de telles masses.

Masses de voitures entassées sur les routes dans le sens des départs et des retours. Ballet rituel, rassemblement migratoire régulier comme le calendrier scolaire. La splendeur des montagnes vierges et de l'air pur en prend un coup dans le nez quand il y a la queue en voiture, chez le loueur de skis, aux remonte-pentes et chez le toubib pour la fracture et la gastro. Puis sur la route pour le retour.

Masses d'électeurs non inscrits. On parle de 3 millions de citoyens ayant le droit de vote et ne le faisant pas, ce qui vient augmenter d'autant l'abstention : ceux qui sont inscrits mais ne votent pas, ceux qui ne sont pasinscrits et ne votent donc pas. Il faut seulement déduire ceux qui ne sont pas inscrits mais qui votent quand même (en Corse et dans le 92, non je rigole, Pasqua n'est plus en activité). Caftait quand même une grosse masse détenus et même si les études montrent qu'ils ne voteraient pas différemment des autres, c'est quand même regrettable. En démocratie la masse ne garantit pas la qualité, mais elle évite les manipulations... Enfin la plupart.

Masses de chômeurs ? Attention sujet délicat. A partir de quand peut-on parler d'une masse ? C'est comme un tas, cela dépend du contexte et de la culture. Trois pièces ne font pas un tas mais une vingtaine si. Où est la limite ? 70 000 jeunes catholiques sont-ils une masse alors que 200 000 réhabilités chinois ne sont qu'un grain de riz ?

Souvent, à force de ne parler que des variations d'un tas, on en oublie la taille du tas, et sa masse.

vendredi 27 décembre 2013

Optimiste ou pessimiste ?

Petite réaction à une phrase lue ce matin ici, de Jean-Claude Mailly, patron de FO, le syndicat le plus à droite de tous les syndicats de gauche : "Un optimiste, c’est un pessimiste mal informé". Il réagissait ainsi évidemment à l'optimiste de Francois suite aux mauvais chiffres du chômage d'hier. Certains parlent même de déni, malgré le caractère aléatoire de ces chiffres d'un mois sur l'autre. On en a parlé hier et je ne reviens pas sur le chômage.

Mais je reviens sur optimisme et pessimisme, éternel débat entre un verre à moitié plein ou à moitié vide.

Un verre de champagne ou un verre de blanquette ? Une moitié d'un mariage heureux ou d'un divorce raté ? Un plein de batterie électrique ou de gazole qui tue ? Un vide intersidéral qui fait rêver ou un vide béant qui fait peur ?

Tous les concepts peuvent être vus de deux faons et en plus ça dépend de notre moral. Il y a quand même des constantes et on reconnaît un optimiste naturel face à un pessimiste obstiné à plusieurs caractères. La liste qui suit n'est pas objective puisque je suis un optimiste naturel. Que les commentateurs pessimistes la commentent !

Un optimiste est souriant différemment d'un pessimiste : ce ne sont pas les mêmes muscles qui agissent et en général un optimiste utilise plus de muscles pour sourire qu'un pessimiste, car les yeux sourient aussi et tout est tiré vers le haut. Statistiquement, il est prouvé que les pessimistes se font d'ailleurs plus lifter que les optimistes qui se liftent tout seuls en rigolant (non je rigole !)

Un optimiste ne choisit pas de l'être. Il l'est et quand on lui fait remarquer il doit faire un effort pour l'admettre. Tandis qu'un pessimiste assume son statut, le revendique même souvent. Quand on le lui fait remarquer, il l'affirme fièrement. A mon avis, il y a peu d'exceptions à cette règle, mais il y a toujours des exceptions à toutes les règles, y compris à celle-ci... Vous me suivez ?

Un optimiste ne se comporte pas de la même façon qu'un pessimiste devant un flot d'informations. Il ne vont pas trier les mêmes actualités ni les mêmes faits. Tout le monde pratique une auto-censure devant des nouvelles en trop grand nombre qui encombre nos cases mémoire. Heureusement on en à plus que les quatre cases des Shadoks qui ne peuvent stocker que Ga Bu Zo Meu et qui doivent donc choisir avec soin quoi conserver... c'est d'ailleurs pour ça qu'il n'y a pas de Shadok pessimiste. Le pessimiste ne va donc garder que les nouvelles qui renforcent son pessimisme et inversement pour l'optimiste. La neutralité n'existe pas (confère la règle au paragraphe précédent), c'est pourquoi tout dirigeant dot avoir plusieurs conseillers qui couvrent le spectre pessimisticoptimiste, qu'il dirige un pays, un syndicat ou lui-même.

Un optimiste serait-il moins intelligent qu'un pessimiste en refusant explicitement d'être informé ou en ne cherchant même pas à l'être ? Pas de différence ici avec un pessimiste qui choisit de même ses sources. On comprendra ici que M. Mailly est un pessimiste obstiné qui en plus utilisé ce pessimiste pour imposer ses points de vue. A sa décharge tous les responsables font pareil, optimistes ou pas. Il n'empêche que même si les optimistes et les pessimistes font le même usage "marketing" de leur statut, ils sont quand même essentiellement différents.

Les optimistes sont-ils plus dynamiques ou actifs que les pessimistes ? Non. La force de chacun et sa tendance à vouloir faire bouger les choses n'a rien à voir avec ça. Évidemment chacun va vouloir faire bouger les choses pour conforter son statut optimiste ou non. Quant à ceux qui sont plus passifs, ils choisiront le côté le plus avantageux.

Peut-on passer d'optimiste à pessimiste ou le contraire ? Bonne question. Très très bonne question. La réponse est oui, mais c'est très difficile et on ne peut pas le faire tout le temps ni sur tous les sujets ni avec tout le monde, pour paraphraser cette citation célèbre de Lincoln : "On peut mentir une fois à tout le monde, on peut mentir tout le temps à une personne, mais on ne peut pas mentir tout le temps à tout le monde". A propos il s'agit d'une vraie citation pleine d'optimisme (e de réalisme à la fois). Au fond, notre personnalité varie très peu et lentement. On peut choisir de se comporter différemment dans certaines circonstances, mais le naturel revient au galop.

Fin de la leçon d'aujourd'hui, vous avez quatre heures pour disserter sur la question suivante : "Le monde doit-il etre gouverné par des pessimistes ou par des optimistes ?"




jeudi 26 décembre 2013

To chôme or not to chôme ?

Aujourd'hui donc ont été annonces les chiffres du chômage de novembre en France. C'est le dernier coffre annoncé cette année. Le chiffre de décembre ne sera annoncé que dans un mois, le temps de manipuler faire les calculs. Le chiffre d'octobre avait été légèrement positif, ce qui veut dire que la courbe pouvait commencer à s'orienter à la baisse. Tout le monde attendait ce chiffre. De François qui avait promis cette inversion de la courbe du chômage et qui prépare son discours de vœux en fonction des résultats annoncés aujourd'hui, à ses ministres concernés qui attendent d'en tirer gloriole, à tous les opposants et ils sont nombreux qui ont préparé deux discours au cas où : le chômage augmente encore comme le nombre de promesses non tenues par Hollande, ou alors il y a une baisse mais elle n'est que conjoncturelle et aurait été plus forte avec Sarkozy.

Les chiffres sont annoncés à 18 heures. Il est 18h02 et le chômage repart à la hausse en novembre. Raté pour François. Paradoxalement alors que les chômeurs de type A étaient moins nombreux en octobre, mais pas ceux de type A et B et C, ce mois-ci c'est le contraire qui se passe.

Quand on est en crise, et même en sortie de crise si on l'est, les chiffres sont trop volatils pour qu'on les suive de trop près. Ce n'est pas comme à la Boirse où des fortunes se font e se défont avec des variations infimes en plus ou en moins. Il n'empêche que tout le monde attendait ce chiffre comme preuve ou contre-preuve d'une politique hollandienne. Le chiffre est paru et la politique va donc devoir changer, même s'il n'y a aucun rapport entre un chiffre publié e la réalité économique. C'est la loi du chiffre immédiat et des médias qui a fait tomber déjà de nombreux gouvernements. Et même si le gouvernement continue à annoncer une baisse prochaine, ils n'ont pas réussi à l'atteindre. Il faut clairement en tirer des conséquences politiques, même en étant de gauche.

Alors puis que le chômage ne baisse pas (ce qu'on appelle une inversion de la courbe actuelle qui monte, qui monte, comme la petite bête qui vous gratte le cou, ouille!) le ministère du travail dit qu'il croît de plus en plus lentement. On se rassure comme on peut surtout quand on veut garder son portefeuille ;)

Les statisticiens savent bien que les seules courbes qui comptent sont elles sur le moyen terme, lissées pour enlever ces écarts conjoncturels comme le nombre de jours fériés et de dimanches par exemple. Mais les statisticiens honnêtes sont moins nombreux que les journalistes et les politiciens.

Je me souviens d'un très vieux génie de la statistique, devenu lord anglais et mort depuis, qui avait fait un très beau discours lors d'un congrès de statisticiens spécialisés dans les prévisions a court terme (comme le chômage) en nous racontant à tous que nous étions idiots et sans cervelle : on risque tellement de se tromper (de toutes façons) en statistique, qu'il est imbécile de faire des prévisions à court terme car tout le monde s'en souvient et vous traite d'incompétent quand vous vous trompez, alors que pour les prévisions à long terme, personne ne se souvient de vos éventuelles erreurs, et en plus vous pouvez toujours dire "je l'avais bien dit" si par hasard vous êtes tombé juste ;)

Donc la réponse à la question du titre de ce billet n'est pas "That is the question" mais "To chôme !!!"

mercredi 25 décembre 2013

Grisailles et griseries

Noël a la couleur que vous lui donnez ! La gamme complète vous est offerte, et pas seulement le rouge et le blanc du Père Noël depuis Coca Cola. Avant il était vert, Saint Nicolas. Dans tous les pays où Noël tombe en hiver, la couleur associée c'est le blanc. Un Noël blanc de neige et de givre, c'est un moment traditionnel. Dans tous les pays où Noël tombe en été, dans l'hémisphère Sud, la couleur c'est le brillant, le lumineux, avec une touche de rouge peut-être. Ci-dessous une photo d'un Noël blanc avec un peu de brouillard :

 

 

 

 

 

 

Noël est rarement noir. Même en Afrique, et surtout en Afrique, Noël est très coloré. Noël est dans le noir pourtant dans quelques endroits où la tempête a coupé l'électricité. Un Noël aux chandelles ça peut être très chaleureux, sauf quand on y est obligé. En plus le noir est associé au froid, comme le blanc. Les deux extrêmes se rejoignent.

Noël est gris pour beaucoup de gens en fait. Il y a toutes sortes de gris entre le noir et le blanc évidemment. Le gris vient du ciel, cette année, avec une tempête de Noël qui n'a pas fini de traverser la France à cette heure : la preuve, même l'aéroport de Nice est fermé encore ce matin... Là où je suis, le ciel est gris alors qu'il est bleu d'habitude. Un temps idéal pour profiter en famille des jeux reçus. Après la tempête, vient le calme.

La conjoncture est grise aussi, depuis un certain temps, et on s'y habitue petit à petit. Ce gris là est parti pour durer encore. Noël est une fête du partage et de la solidarité. On en a bien besoin lorsque la crise renforce les égoïsmes et les individualismes...

Mais un autre gris est là ce matin : celui de la griserie de la fête, avant en la préparant, pendant en la dégustant arrosée, et après en se demandant comment digérer tout ça... Le repas qui suit le repas de Noël est toujours le plus délicat, que votre tradition le mette le 24 au soir ou le 25 à midi. L'appétit n'est pas revenu et le souvenir de la griserie est encore là, prêt à renaître à la prochaine coupe de champagne. Cette griserie est précieuse. Elle est légèrement colorée et le sourire qu'elle pose sur votre visage est un sourire primitif, un vrai. Pourquoi vouloir perdre ce sourire si vite ? La couleur des yeux n'est jamais d'un gris triste.

Bonne griserie, bons souvenirs de griserie. La grisaille est triste et passera, mais la griserie est fondamentalement humaine, profitons-en.

mardi 24 décembre 2013

Joyeux Noël


Joyeux Noël, quelle que soit la manière dont vous le fêtez, suivant la religion chrétienne ou non, la religion consumériste ou non, la religion Coca-Cola ou non, et même si vous n'avez pas les moyens de le fêter. C'est un moment de partage, avec ceux qu'on aime et avec les autres aussi.

Les politiques sont discrets en général, sauf certains qui ne savent pas ce que le mot discret veut dire. Sarkozy par exemple a affiché sur sa page Facebook officielle un message rappelant qu'il serait toujours là parmi nous (vous ?) : ça gâche un peu la fête, mais on se consolera en se disant qu'il y a toujours de mauvaises nouvelles partout. Au moment où la gauche gouverne de plus en plus à droite, il est normal qu'on ait une pensée non nostalgique pour celui qui a fait tant de cadeaux fiscaux aux riches. En voici un Père Noël modèle comme on les aime.

Tous les médias retiennent leur souffle pour nous abreuver dès le lendemain de Noël avec le rétrospectives et autres classements de l'année 2013. Peut-être même qu'il y en aura un sur ce blog ?

Dans la longue liste des cadeaux Noël, je note les suivants :

- La reine d'Angleterre a gracié Alan Turing, pas moins de 59 ans après sa mort, après un harcèlement d'Etat honteux. Il s'agit d'un des pères de l'informatique, et on en a parlé ici. Il était temps, avant que la reine ne disparaisse un jour elle aussi. Les anglais sont lents quelquefois.
- Poutine a gracié les Pussy Riots et son ancien principal multimillionnaire d'opposant. Il montre ainsi qu'il est le vrai patron et qu'il ne craint rien. Quand on veut ne pas avoir d'opposants, les mettre en prison est en fait un signe de faiblesse. Il vaut mieux les laisser libres pour qu'ils s'autocensurent.
-La dette de la France (la dette brute) a baissé ces six derniers mois, car l'Etat a moins besoin d'emprunter. Un petit cadeau pour François.

Et vous ?

lundi 23 décembre 2013

Tenir ses promesses, une devise Qatari ?

La lecture du Monde est toujours rafraîchissante, surtout quand la politique française entre en grève des confiseurs. Cet article nous parle des promesses du Qatar.

Le Qatar avait créé la surprise en obtenant son adhésion à la Francophonie, avec un grand F, l'organisation internationale des Etats et des gouvernements qui ont le français en partage, selon l'expression consacrée. Cela se passait lors du Sommet de Kinshasa il y a un peu plus d'un an. Ils avaient même réussi à devenir membre associé sans passer par la case d'observateur. J'avais écrit à l'époque :

"Et le Qatar a déclenché l'ire des démocrates africains et autres non achetables en devenant du premier coup un membre associé, quasiment de plein droit. Du coup, les financements du Qatar pour la culture, l'éducation, le foot, les banlieues, les mosquées un peu partout et les avions de chasse prend tout son sens.

C'est mauvais pour la Francophonie qui devient un magma sans squelette et où il suffit de payer pour acheter son ticket d'entrée. C'est bon pour la Francophonie car si on veut y être, c'est que cela sert à quelque chose. A vous de choisir votre interprétation..."

Après ce coup d'éclat et quelques très rares financements de paquets de clope, on vient donc de découvrir cette année qu'ils n'avaient encore pas payé leurs cotisations, sous le prétexte que c'est trop cher. Les calculs dans ce genre d'organisation sont toujours complexes alors en général il y est plus simple de retenir pour le barème celui des Nations-Unies. Le Qatar est-il un pays développé ou un pays en développement ? La réponse est évidente, mais certains aimeraient le beurre et l'argent du beurre, à défaut de la crémière qui est interdite par la morale et la religion.

On attend avec impatience les explications sérieuses de ce pays qui a beaucoup investi en France et dans plein de pays africains, sans parler du foot.

Si on se met à discuter comme dans un souk, est-ce que cela veut dire que la Francophonie, c'est le souk ? Pas faux ! Mais il n'empêche que le Qatar se doit de tenir sa parole, en foot comme en francophonie. Et dire qu'on apprend ça le jour de la mort de Monsieur Kalachnikov. Il y a des coups de pied qui se perdent.


dimanche 22 décembre 2013

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle chaise

Le Docteur Antonin Sarapace était nerveux. Il jouait sa carrière sur cette conférence. C'était soit sa consécration comme l'un des plus grands chercheurs de son temps, sinon le meilleur, soit un fiasco qui le ridiculiserait pour toujours devant la crème de ses confrères. Antonin était confiant car il avait fait et refait ses calculs. Mais le stress c'est le stress et Antonin le savait mieux que quiconque. Au plan scientifique, tout était parfait et inattaquable. Il n'avait des doutes que sur la manière de présenter ses résultats et n'avait que peu confiance en ses talents d'orateur.

Il décida alors de lire sa conférence à un parfait inconnu, si possible complètement ignare de son domaine de recherche, la neuro-psycho-socio-méningologie, afin d'observer ses réactions. S'il arrivait à le captiver, c'était gagné et il pourrait dormir quelques heures avant le moment fatidique. Antonin avait étudié l'humain pendant de nombreuses années et il savait qu'à cette heure, 23 heures, le meilleur moyen de rencontrer un humain standard et pas regardant était d'aller dans l'un des bars près de la gare routière.

Lorsque Antonin entra dans le Bar des Sports, il vit tout de suite un candidat de choix, attablé seul à une table au fond, en train de contempler une bouteille de vin vide. Il avait tout l'air d'un humain anonyme, un peu alcoolisé mais pas trop. Parfait pour lui. Il fit un détour par le bar pour apporter une bouteille de vin ("la même que pour lui, mais pleine" avait-il dit au serveur blasé qui l'avait à peine regardé tant il semblait occupé à nettoyer un verre tout en regardant deux jeunes femmes en train de discuter au bar). Puis il s'assit en face de l'homme et lui dit : "Bonsoir, je m'appelle Antonin et j'ai une histoire à vous raconter. Ça vous plairait de boire avec moi pendant que je vous la raconte ?"

L'homme regarda Antonin. Il avait de beaux yeux mais un regard étrangement vide, même pour un buveur solitaire du soir.

- "Pourquoi pas", dit-il. "Elle est rigolote votre histoire ? Parce que je suis un peu triste là."

- "Elle est un peu sérieuse, mais pas triste en tous cas. Et vous me direz si vous ne l'aimez pas, hein ?"

- "OK" répondit l'humain standard, "je m'appelle Isidore". Puis il se servit un grand verre de vin, le but aux trois-quarts et attendit en le fixant dans les yeux.

Un peu gêné par ce regard fixe, mais pensant soudain que la gêne serait encore plus grande demain devant une salle pleine a craquer, Antonin sortit un papier de sa poche et se mit à lire sa conférence.

- "Les imbéciles sont partout, même ici, mais il y a plusieurs sortes d'imbéciles", déclama-t-il d'un ton docte. Antonin ne vit pas venir le coup de poing et se retrouva par terre en moins de deux. Isidore lui criait dessus et le serveur et les deux jeunes femmes le regardaient. Antonin se releva difficilement et expliqua à son humain standard qu'il s'agissait d'une conférence et que cela n'avait rien à voir avec lui. Il ne se serait jamais permis de le traiter d'imbécile. Isidore fut difficile à calmer, mais quelques verres de vin et une nouvelle bouteille eurent tôt fait de rétablir la situation. Antonin se dit quand même que sa phrase introductive était peut-être un peu trop provocante et fit une note pour l'adoucir.

Le reste de la lecture se déroula parfaitement. Isidore écoutait, buvait, écoutait, buvait. Antonin mettait des croix au moment où l'attention de son public semblait décroître (comme le niveau du verre de vin), mais dans l'ensemble il trouva que tout se passait bien. Après avoir dit le traditionnel "je vous remercie", Antonin s'arrêta et regarda Isidore : "Alors ?"...

Isidore le regarda et dit : "La bouteille est vide". Antonin mit quelques secondes à comprendre, puis il se leva et alla chercher une autre bouteille au bar. Le serveur était assis à une table avec les deux jeunes femmes et luit fit signe de se servir. Antonin était un peu déçu, mais se sentait quand même rassuré par sa propre éloquence. C'était le but et il était content de l'avoir atteint. Il ramena la bouteille, se réinstalla et remplit leurs deux verres. Ils trinquèrent, puis Isidore se mit à parler. A parler et à continuer à parler. Antonin était bouche bée. Cela dura plus longtemps que sa conférence. Enfin Antonin se leva, serra la main d'Isidore, laissa des billets sur le bar car le bar était désert, puis il rentra se coucher.

Le lendemain, Isidore se leva très tôt et rajouta une partie à la fin de sa conférence, puis il partit pour l'université. Les regards étaient goguenards quand il monta à la tribune, mais Antonin était sûr de lui maintenant.

Antonin lut sa conférence comme il l'avait lue à Isidore la veille. Il remarqua quelques bâillements aux mêmes moments où Isidore avait bu, toujours des mêmes personnes. Il en compta 6, celles à qui il avait serré la main en arrivant. La réaction de la salle semblait assez neutre, ni enthousiasmée, ni choquée. Lui qui croyait que cela serait un moment décisif dans l'histoire des sciences s'était bien trompé. C'était juste une conférence comme d'autres, une parmi d'autres.

Antonin supprima la phrase "Je vous remercie" et continua avec la nouvelle partie qu'il venait de rajouter. Au fur et à mesure qu'il parlait, la salle se chauffait. Plus personne ne sommeillait. Lorsqu'il conclut par la phrase "je ne vous remercie pas" ce fut un tonnerre d'applaudissements et Antonin fut porté en triomphe tout autour de l'amphithéâtre. Vous avez forcément vu le sourire d'Antonin dans un journal ou à la télé, car du jour au lendemain il est devenu célèbre. Aujourd'hui encore tout le monde se l'arrache et tous les étudiants apprennent sa conférence. Personne n'a jamais su qui était cet Isidore rencontré un soir par hasard, mais cela n'a pas d'importance. Nous sommes tous devenus des Isidore maintenant et le monde s'en porte mieux.

C'est dans le journal "Le Peuple" qu'on trouve le meilleur article sur cette conférence, le premier d'une longue série, car le journaliste s'y trouvait. Je vous le livre ici.

"Ce matin, à l'Université, le Docteur Antonin Sarapace a prononcé une conférence extraordinaire sur l'imbécillité. Cette conférence a reçu un accueil enthousiaste de ses confrères, dans le cadre du congrès international qu'accueille notre ville tous les quatre ans. Après avoir brièvement rappelé qu'il y avait toutes sortes d'imbéciles et qu'il ne fallait pas les confondues avec les cons ou les stupides, le docteur a rappellé l'approche orthodoxe de l'imbécillité et notamment la fameuse typologie des professeurs Amande et Leïev en en critiquant la rigidité. Il a ensuite démontré que les imbéciles pouvaient muter vers un degré de plus en plus élevé d'imbécillité avec un peu d'entraînement. Ce résultat aurait pu, à lui tout seul, valoir au docteur Antonin un beau succès, mais c'est quand il a présenté un cas concret à la fin de sa conférence qu'il a emporté le morceau, si je puis dire. En effet le docteur Antonin a ensuite annoncé avoir découvert un cas d'imbécile sauvage. Un imbécile n'appartenant à aucune des cases de la typologie officielle et ne pouvant jamais y appartenir quelle que soit la typologie adoptée. Un imbécile parfaitement sauvage, non normalisé, impossible à classer, donc à soigner ou à contenir. Un imbécile heureux. Et quand le docteur Antonin a annoncé que cet imbécile sauvage était contagieux à un degré extrême, avec une vitesse foudroyante, et que lui-même l'était devenu la veille, la salle entra en éruption. Les éminents scientifiques présents comprirent alors qu'ils étaient tous devenus de parfaits imbéciles sauvages et que l'humanité allait le devenir très vite. Moi-même d'ailleurs, présent dans la salle à ce moment, en suis devenu un également comme vous, certainement, déjà ou bientôt. Le Docteur Antonin venait tout bonnement d'annoncer à la face de la planète entière qu'après celle de l'homo habilis et de l'homo sapiens était venue l'heure de l'homo imbecilis."

samedi 21 décembre 2013

Embouteillages

Samedi normal avant Noël. Du monde partout.

A Paris, circulation massive de piétons, aux abords des grands magasins. Les vitrines sont prises d'assaut et les voitures sont partout à slalomer entre des groupes de piétons rageurs. Il y a peu d'endroits épargnés. Il faut savoir jouer des coudes entre gros sacs de cadeaux bien parallelépipédiques (j'aime écrire ce mot) et touristes ventripotents, genre patatoïdes. Il y a une jolie vitrine aux Galeries Lafayette, pleine de roses et quand on passe la main dessus, les roses s'écartent pour dévoiler une photo derrière, toujours différente. Sympa, mais ça fait l'effet sur les promeneurs d'une lampe pour des papillons de nuit.

A Paris, toujours, mais aussi sur les routes, embouteillages massifs de voitures. Quelques camions de livraison aussi pour les derniers cadeaux avant l'heure fatidique. Une bonne et belle pollution comme on l'aime tant, nous les parisiens, qu'on est prêt à l'exporter partout où on va... Peu de voitures électriques encore, mais de plus en plus de vélos. Il paraît que les embouteillages font perdre presque 6 milliards d'euros chaque année à la France. Paris n'est d'ailleurs que deuxième derrière Marseille, c'est pas comme au foot.

A Paris aussi, embouteillages de candidats pour les municipales. Des listes de dissidents qui font grincer les dents des candidats légitimes. A l'UMP évidemment où l'autorité de NKM ne décolle pas. Dans les beaux quartiers où les élus sont certains de se faire élire, les places sont chères. Il est plus simple de déposer sa propre liste pour fusionner au deuxième tour avec une bonne place plutôt que de se voir mettre en place risquée, et tant pis si ça risque de faire perdre son camp... Dans le 8° par exemple, Charles Beigbeder a raisonné comme ça, en ajoutant que l'alliance avec le centre risquait de jeter les droitistes dans le giron de Marine ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas dire pour être élu ! Borloo, un vrai politique, ne s'y est pas trompé, lui, en protestant. A suivre. Autres embouteillages à prévoir évidemment, et à gauche aussi, avec des verts entre PS et Mélenchon...

Je suis en route pour le Sud, le Var. Embouteillage de pluies torrentielles venues du ciel et retournant à la mer avant de recommencer le grand cycle de l'eau. J'ai hâte de retrouver les embouteillages de cette petite ville balnéaire. C'est rafraîchissant de les comparer à ceux de Paris et d'écouter les locaux se plaindre de toutes ces voitures, dont le nombre ferait rigoler un bébé parigot dans sa poussette à hauteur des pots d'échappement.

A propos, embouteillage sur les voies ferrées aussi : Il y avait un TER et un sanglier sur la même voie quelque part en Provence. Le sanglier a perdu...

Embouteillage de vœux enfin. Il y a les pays où l'on se souhaite une bonne année avant Noël, ceux où il ne faut pas, ceux où l'on a droit jusqu'au 31 janvier... C'est dur quand on travaille dans un environnement international de savoir à quel moment écrire ;)

vendredi 20 décembre 2013

On se modernise un coup ?

Pendant que le Sommet européen semestriel est réuni pour se féliciter et se diviser à la fois, la France se modernise.

L'Europe en effet avance à petits pas : l'union bancaire a progressé d'un coup avec un accord surprise, et on en parlait ici hier, alors que l'Europe de la défense piétine, les anglais opposant leur véto habituel (Rafale contre Eurofighter ?). Sur le plan économique pur, il faut se préparer à des années de négociations technocratiques, mais au moins l'impulsion est donnée. A noter que c'est à ce moment précis qu'une des agences de notation a décidé d'abaisser la note de l'Union européenne de AAA à AA+ avec une perspective stable, histoire de montrer que les agences voient loin. Ca doit faire rager du côté des allemands et d'autres pays bien notés par ailleurs. Le reste de la politique internationale de l'UE a reçu un coup de semonce avec l'accord signé entre Ukraine et Russie, comportant une aide de 15 milliards de dollars pour l'Ukraine. Poutine parle d'un pays frère... ça ne vous rappelle rien ? Donc du côté européen, pas d'annonces fracassantes attendues, sauf miracle de Noël.

La France se modernise donc. Tenue mercredi du CIMAP, le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique. Qu'y trouve-t-on comme décisions ?

Il y a eu des évaluations des mesures déjà décidées, ce qui est une procédure standard dans les démarches qualité. Ces évaluations permettent de simplifier les démarches et de pointer des économies possibles, pour atteindre le même résultat ou mieux. On avait parlé ici du dernier CIMAP de juillet.

Pour le citoyen, modèle standard, on notera la prolongation automatique de la durée de validité de la carte nationale d'identité de 10 à 15 ans, même si la date indiquée dessus est dépassée. Comme cette carte est gratuite, ça coûtera moins cher à l'Etat de la renouveler ! Les timbres fiscaux devraient être dématérialisés avant la fin 2014 et Internet devrait devenir le mode prioritaire pour dialoguer avec l'administration. Bonjour la fracture numérique pour les pauvres, ceux qui sont nés avant  et qui n'ont pas osé franchir le pas...

Pour l'entreprise (même individuelle) il s'agira de ne fournir qu'une seule fois son identifiant et les pièces justificatives, pour que cela suffise pour les dossiers ultérieurs, y compris à d'autres administrations. Tous ceux qui ont fourni 33 fois le même dossier, dont 14 à la même administration apprécieront l'idée mais attendront avec patience la mise en place. En même temps, il s'agit de dresser un inventaire exhaustif de l’ensemble des contrôles sur les entreprises, et de coordonner, compléter, améliorer et rendre plus efficaces ces contrôles. Les entreprises applaudiront certainement.

On notera aussi la rénovation du site data.gouv.fr, le portail des données publiques qui permet à tout le monde de les exploiter. On y trouve pêle-mêle les horaires de la RATP et les emplacements de toutes les stations à Paris, les détails des financements des partis politiques, les effectifs des étudiants par établissement, la pollution. Certaines données issues de l'Etat sont encore payantes, mais toutes devraient rapidement devenir gratuites. A noter que pour moderniser cette plateforme déjà existante, la solution choisie est "open source" et basée sur CKAN. Cela permet à toutes sortes d'organisations de rajouter leurs données, dans une approche collaborative (comme Open food facts par exemple), ou cela sert de portail unifié pour des initiatives dispersées, comme Géoportail ci-dessous.

jeudi 19 décembre 2013

Deux tonnes de finesse dans un monde de brutes

Lancement aujourd'hui du nouveau télescope européen, dans l'espace, quelque part en orbite stable autour de la Terre (au point de Lagrange L2 comme disent les astronomes, c'est-à-dire à l'endroit où la balance de gravitation Terre-Soleil s'équilibre un peu, le point le plus stable près de nous y compris pour la température). Article très détaillé sur Le Monde ici.

2 tonnes pour un télescope qui va donc répertorier un petit milliard d'objets célestes, de quoi remplir un petit millier de disques durs comme ceux que vous achetez pour faire plaisir à votre ordinateur ce Noël. Jolie guirlande que la Voie Lactée. Dans quelques années, grâce à ce télescope, on pourra dessiner notre galaxie en 3D et la voir bouger de manière dynamique (et accélérée), histoire de comprendre comment elle bouge et de quoi elle est constituée. Il y aura également des informations sur ce qui nous entoure de plus près, les astéroïdes notamment. Saluons ici une initiative européenne, et un lancement à partir de Kourou, via une fusée russe... No comment ! La science n'a pas les mêmes frontières que le politique, et heureusement, sinon on en serait encore à l'âge de barbarie.


2 tonnes, c'est moins que le poids de l'armement d'un Rafale (qui pèse douze fois plus). Si, si, vous savez, le Rafale c'est cet avion que Dassault ne réussit à vendre à personne car il veut en garder le secret. Le Brésil a annoncé avoir choisi finalement un avion suédois, parce qu'il était moins cher et que surtout le fabricant était d'accord pour un transfert total de technologie vers les brésiliens, afin que le Brésil soit capable de construire tout seul des avions dans le futur. La Suède a donc réussi à devenir un sous-traitant du Brésil. La France (de Dassault) est bien trop fière pour cela ! Tant pis. On sera les seuls à l'utiliser. Tant pis pour nous ou pour les autres ? Bonne question, merci de l'avoir posée.

2 tonnes, c'est le poids de 2 Ferrari 250, mythique voiture. A partir de janvier la vitesse maximale sera réduite sur le périphérique parisien, de 80 à 70 km/h, quand ça roule évidemment. Ces deux nouvelles n'ont rien à voir, car c'est en Allemagne que la vitesse n'est pas limitée, histoire de montrer la fiabilité des voitures allemandes. D'ailleurs, par exemple, un SUV Mercedes pèse... 2 tonnes lui. C'est du solide comme aurait dit mon grand-père.

2 tonnes, c'est le poids de sueur dépensé par les ministres européens et leurs conseillers ainsi que par les technocrates de Bruxelles pour avoir finalisé cette nuit un accord à l'arraché sur les principales banques européennes et la résolution de leurs problèmes (manière politiquement correcte de parler d'éventuelles faillites). C'est un élément clé de l'Union bancaire chère à François. Au début évidemment il n'y aura que peu de changements une fois cet accord entériné car chaque pays sera maître de ses banques, mais au bout de quelques années, le mécanisme s'appliquera et les banques seront traitées partout de la même manière. C'est un accord qui fera du bruit et qui agitera beaucoup le milieu financier international, à la City surtout car il s'agit d'une "avancée" franco-allemande.

Tout ça va prendre du temps, entre le catalogage des étoiles de notre galaxie et l'union bancaire européenne... plus que la durée de vie de nos politiciens... mais c'est un signe qu'il se passe des choses quand on sait y regarder. Et accessoirement que l'Europe sert à quelque chose ! Pour les autres événements, veuillez vous reporter à votre télé habituelle.

Ah si, une nouvelle quand même dans la série "brutes". Finalement la loi de programmation militaire avec son fameux article 13 (devenu article 20 depuis) a été promulguée aujourd'hui (JO du 19 décembre). Les députés n'ont pas déposé de recours devant le Conseil Constitutionnel... Vive la France qui légalise des pratiques pires qu'aux USA, alors que là-bas ces pratiques vont justement être revues à la baisse ! On en a parlé ici. Triste.

mercredi 18 décembre 2013

Sourires

C'est bientôt Noël, alors les sourires se multiplient.

A noter à Paris la visite officielle de la première ministre du Québec qui a rencontré François. Pauline Marois est souriante mais politique et François est politique mais souriant, donc ils s'entendent bien. Dans la vidéo, on les voit très complices, même si les questions des (du) journaliste(s) sont très centrées sur la laïcité, gros sujet de débat visiblement au Québec. On notera que François continue de parler d'aller à Québec plutôt qu'au Québec, faute très largement répandue en France. Il ira en 2014 d'ailleurs, dit-il. Vous pourrez constater sur cette photo volée sur le site de l'Elysée que les sourires sont plus grands que d'habitude dans ce genre de réunion ;) Ont-ils parlé de Francophonie ? Certainement, mais pas dans les discours officiels en tous cas. Pourtant les sujets sont nombreux, en ces temps de rigueur budgétaire et avant un Sommet dans 10 mois maintenant.


François reçoit ce soir Angela (pas encore de photo à cette heure, mais gageons que les sourires seront moins francs. Angela a en effet prononcé son premier discours officiel devant son parlement, depuis sa réélection, et elle n'y va pas de main morte sur certains sujets qui font désaccord avec la France, comme notamment la possible réforme des traités européens. Ce sujet n'est pas à la mode en France et dans de nombreux autres pays membres d'ailleurs, à 6 mois des élections européennes. Sur le plan économique et financier, les désaccords sur la croissance sont également nombreux. On passera certainement des sourires francs et complices à des sourires de façade et plus discrets ce soir. Il y a un Sommet européen à la clé.

Sauf si entretemps, François s'est déridé à l'occasion de l'arbre de Noël de l'Elysée. Cette année c'est Sarkozy qui fera le Père Noël. Non, je rigole... Sinon, le sapin de Noël de l'Elysée 2013 a été coupé dans le Morvan, comme l'année dernière pour le premier Noël de François à l'Elysée. C'est intéressant comme info non ? Je n'ai pas le nom du bûcheron, désolé. Quels seront les artistes du spectacle ? Mystère... Je sais simplement que Carla Bruni chantera. Non, je rigole...
Mise à jour : Matt Pokora et le groupe de hip hop Pockemon Crew ont chanté et dansé.

Et peut-être François sourit-il plus en ce moment. Sa cote remonte un peu mais il faut dire qu'elle pouvait difficilement tomber plus bas. Pour clore cette série de sourires, regardez cette petite vidéo : vous y verrez, comme le dit TF1, "Bernadette Chirac rend[re] hommage à Xavière Tiberi, sourire gêné de NKM". La campagne des municipales à Paris s'annonce stimulante pour nos zygomatiques. N'oubliez pas de vous inscrire sur les listes électorales, si besoin, pour participer à cette grande fête du sourire !

mardi 17 décembre 2013

Orwell était-il anglais, américain ou français ?

Bonne question. Plusieurs réponses sont possibles.

George Orwell était anglais et a écrit 1984 (pdf) en 1948 en pleine crise avec les russes. C'est la réponse historiquement vraie. Et au-delà du contexte précis narré dans son livre, le terme "orwellien" est devenu avec le temps le synonyme de tout ce qui touche à la fois à l'espionnage des individus dans ce qu'ils ont de plus privé, et aussi à la manipulation de masse par des Etats non démocratiques. Depuis on a souvent accusé, avec les années, les anglais d'être très espions pour eux-mêmes. James Bond était anglais et c'est à Londres qu'il y a longtemps eu le plus de caméras de vidéo-surveillance. Le vrai nom d'Orwell était Blair et les JO de 2012 à Londres ont déclenché une vraie parano sécuritaire. Mais la Grande-Bretagne n'est pas le pays à la pointe dans ce domaine, même si elle est toujours accrochée aux USA sur ces dossiers, de Wikileaks aux outils d'espionnage dénoncés par Snowden.

Les USA sont dans l'oeil du cyclone sécuritaire en ce moment et pas seulement depuis l'affaire Snowden-NSA. Un juge fédéral US a pris une décision remarquable (et remarquée) en suggérant que la NSA agissait de manière contraire à la constitution notamment en écoutant les conversations et en constituant des bases de données à partir de données personnelles. Décision intégrale ici (pour les juristes) et article synthétique là. Snowden est heureux évidemment et s'est fendu d'un communiqué de presse. Evidemment ce juge n'est qu'un juge, même s'il est fédéral et seule la Cour suprême peut trancher dans une telle affaire.  Rappelons que les élus américains se déchirent sur cette affaire, révélée par un seul individu. Comme quoi le poids d'un individu n'est pas négligeable même dans des sociétés aussi complexes que les nôtres. Un individu non espionné évidemment, sinon il n'aurait pas pu dénoncer les espions qui l'auraient espionné...


En France, les spécialistes du domaine ne décolèrent pas contre la loi de programmation militaire et son fameux article 13 qui autorise des technocrates à enquêter sur presque tout et à nous espionner, sans aucun contrôle par la justice. La gauche avait dénoncé plusieurs lois sécuritaires par le passé, sur l'Interbet et la vie privée. La gauche vient d'accoucher de la plus dure des lois pourtant. La ministre du numérique considère, elle, un peu gênée certainement, que cet article 13 renforce le contrôle démocratique ! En fait il y aura des décrets puis une nième grande loi du numérique un peu plus tard. En France on s'y prend à l'inverse des USA. On cherche à mettre dans la loi une justification pour un espionnage généralisé et une écoute de tout ce qui passe dans les tuyaux, afin de rendre légales les activités "de police" dans des domaines qui évoluent très vite. Aux USA, on a toujours tenté de garder secrètes les activités des "agences" et on essaye de continuer comme ça. Dans les deux cas il reste des instances finales pour voir ce qui est possible ou non : la Cour suprême aux USA et le Conseil constitutionnel en France (avec Sarkozy, Chirac et Giscard, on est rassurés). On verra si le Conseil constitutionnel est saisi, en France...

Il y a toujours une pétition à signer sur ce sujet, si vous vous souvenez bien...

Finalement Orwell était un citoyen du monde. D'un monde qui n'est pas révolu. D'un monde que les technologies actuelles permettent d'espionner et de manipuler plus efficacement, un peu comme en Corée du Nord où il est facile d'exécuter un opposant, même son oncle, puis de l'effacer des photos officielles, comme cela se pratiquait déjà à l'époque d'Orwell justement ! Et que ceux qui se moquent de ce pays totalitaire regardent un peu dans leur miroir...


Mais il n'y a pas que les Etats qui nous - vous espionnent. Google installe tellement de logiciels sur nos ordinateurs que nous ne pouvons plus les enlever. Google est un virus, c'est bien connu. Et Facebook est capable de savoir ce que vous tapez même si vous l'annulez avant de l'envoyer. Sympa !
Quelques éléments de plus sur cet article.

lundi 16 décembre 2013

Nouvelle lune

La grande nouvelle du week-end est politique. La Chine a posé en douceur un robot sur la Lune.

Ca peut faire sourire ceux qui n'imaginent pas que la Chine puisse se hisser au niveau technologique des américains (ou des russes d'il y a quelques décennies). Ceux qui pensent que la Chine est tout juste bonne à fabriquer à bas coût et sans aucune dignité humaine des gadgets pas chers et peu fiables. Ca devrait les interpeller quand même. Sur le plan technologique, la quantité de choses qu'il faut intégrer pour ce type d'opération est phénoménale, touche de très nombreux secteurs, et nécessite une qualité sans faille dans l'ingénierie de grands projets. Et ce d'autant plus que les technologies chinoises sont innovantes, comme celles pour faire fonctionner les équipements même pendant la foire nuit. Les chinois ont par exemple publié une carte en 3D complète et détaillée de la Lune. Les américains ont abandonné depuis longtemps la Lune et les russes n'y ont posé une sonde que pour montrer qu'ils pouvaient le faire, il y a presque quarante ans déjà. Si les chinois ont visé la Lune c'est pour d'autres raisons.

La Lune est facile d'accès, par rapport au reste. La Lune prépare aux astéroïdes. La Lune est riche de métaux rares, potentiellement et d'autres ressources minières, pas très loin de chez nous. La Lune est une base avancée, beaucoup plus vaste que les stations spatiales qui orbitent autour de la Terre. Allez voir "Gravity" d'ailleurs si vous ne l'avez pas encore fait, avec son ballet de débris et de stations spatiales occidentales, russes ou chinoises.

La Lune est un symbole millénaire en Chine et la source de mythologies puissantes, qui restent aujourd'hui à la base du calendrier d'ailleurs. L'engouement des chinois est aussi un combat nationaliste pour peupler le ciel d'autres valeurs que les valeurs occidentales, même si celles-ci sont basées souvent sur la méditerranée antique. Le lapin de jade n'est pas un lapin crétin. Je serais très fier si j'étais chinois et bravo à eux. La Lune était "passée de mode" depuis les années 70. She is back !

Sur le plan purement politique, le signal est clair. Après avoir pris des parts de marché puissantes dans l'électronique, le solaire, et bientôt l'automobile, avec ou sans Renault, la Chine étend son territoire politique. Le développement est fragile en Chine, entre population mal maîtrisée, pollution, fractures sociales et économiques, corruptions et capacités à changer de modèle politique, et enfin relations internationales délicates au plan régional ou mondial; La Corée du Nord se durcit tout en étant imprévisible, le Japon se réveille plus dépendant que jamais de la Chine. L'ONU ne fait plus rien sans assurance d'un non-veto de la Chine.


C'est un petit geste pour ce lapin, mais un grand pas pour la Chine.

dimanche 15 décembre 2013

Du temps de cerveau pour … une nouvelle quinzaine acrostiche

Désiré avait au moment des faits une quinzaine d’années.
Un détail sans importance, quoique...

Tante Aimée était sur scène devant le chapiteau et haranguait la foule.
Elle avait fière allure, tout à la fois femme à barbe, fort des Halles et Monsieur Loyal.
Même les plus blasés des passants étaient obligés de s’arrêter pour l’écouter.
Pendant qu’elle parlait, Désiré jonglait avec cinq quilles et regardait les filles du haut de la scène.
Sans surprise, aucune fille ne regardait. Désiré était très moche, il faut le dire.

Désiré était un digne rejeton de la famille Martillon, propriétaire du cirque le moins sexy de France.
En aucun cas le plus laid, il était simplement quelconque et presque invisible derrière ses quilles.

C’est au moment où Tante Aimée souleva ses faux haltères que cela arriva.
Elle leva les yeux sur lui et Désiré sut qu’il avait été frappé par un coup de foudre.
Rien ne l’avait annoncé et Désiré ne l’avait même pas remarquée la seconde d’avant.
Venue d’on ne sait où, elle plongea ses yeux dans les siens et y pénétra.
Elle était belle. Trop belle pour Désiré et Désiré le savait. Mais elle le regardait.
Alors Désiré arrêta de respirer et ferma les yeux pour garder ses yeux dans les siens.
Une quille s’envola, très haut, puis une autre.. puis toutes les cinq.

Parfaitement synchronisées, les cinq quilles retombèrent comme les doigts d’une main de géant.
Où retombèrent-elles ? Au pire endroit évidemment. Sur Tante Aimée.
Uniquement sur elle : deux sur les haltères, deux sur ses faux seins et une sur la tête.
Rouvrant ses yeux, Désiré vit d’abord sa Tante étendue par terre.

Un énorme rire fusait de toutes les gorges, ou de presque toutes. Elle ne riait pas.
Noyé dans ses yeux, Désiré ne riait pas non plus. Il ne pouvait pas bouger.
Elle continuait à le regarder et il sut alors ce qu’il devait faire.

Négligeant sa tante, il reprit ses quilles et se remit à jongler. La foule le regarda, lui.
On aurait entendu une mouche voler maintenant. Les quilles volaient.
Une sixième, puis une septième quille apparurent sans que l’on sache d’où elles venaient.
Vous auriez été là, vous auriez été fascinés. Jamais un jongleur n’avait jonglé ainsi.
Elle le regardait toujours et lui aussi. Les quilles vivaient une vie à elle.
La foule était encore médusée quand Tante Aimée se réveilla.
Levée sur un coude, Tante Aimée regarda aussi Désiré, puis elle se tourna vers
Elle.

Que se passa-t-il à ce moment précis ? Personne ne sut le dire après coup.
Une des quilles resta en l’air, puis une autre, puis toutes. Elles étaient quinze maintenant.
Il n’y eut aucun bruit mais toutes les quilles disparurent dans un nuage doré.
Ni Désiré, ni Elle ne s’étaient quittés des yeux.
Zigzaguant lentement, un éclair descendit du ciel et les toucha tous les deux en même temps.
A partir de ce jour, plus personne ne revit jamais Désiré. Ni Elle.
Il y eut d’autres représentations et d’autres jongleurs et le cirque continua évidemment.
Nuit après nuit, pourtant, Tante Aimée repensait à Désiré et à cette Elle qui l’avait trouvé.
Et elle leur souriait.


samedi 14 décembre 2013

Coalitions professionnelles

C’est fait. En Allemagne la grande coalition d’Angela et du SPD a été entérinée par un vote massif des militants, une première dans ce pays. Il va donc y avoir un gouvernement très vite avec une inflexion de la politique de rigueur d’Angela, d’autant plus que le ministre du travail et des affaires sociales sera issu du SPD, a priori. Une nouvelle équipe sera donc en place à temps pour les fêtes et, accessoirement, pour le Conseil européen de la semaine prochaine. Les premières décisions et leur impact sur l’Union européenne seront scrutées avec attention par tous les observateurs.

En France, pas de coalition, jamais depuis longtemps dans notre pays bipolarisé (et pas bipolaire, attention, quoique…). En général il y a coalition seulement de ceux qui sont contre le gouvernement en place. Il y a aussi quelques coalitions dans d’autres domaines, comme celle signée d’extrême justesse entre syndicats et patronat sur la formation professionnelle. Un accord utile mais pas très ambitieux. Enfin, un accord vaut mieux que rien du tout, même si au moins deux syndicats ont refusé de le signer : la CGT pour les salariés et la CGPME pour les entreprises. Une réussite de la concertation à la François, quand même.

Il y a aussi des coalitions contre le rapport gouvernemental sur l’intégration et quelques unes de ses mesures décapantes. Il semble qu’une dizaine de ministères y aient participé. Pourtant tout le monde est contre, même ces ministères, le premier ministre et François. L’administration française excelle dans la production de rapports, grâce à la très bonne formation de nos énarques et de la haute fonction publique en pré-retraite ou en retraite qui n’a que des rapports à faire. Au moins, aux USA, ils recensent régulièrement les rapports inutiles. En plus tout cela prend de la place dans les armoires, car il y a les armoires secrètes dans lesquelles sont stockés les rapports secrets et inutiles, tandis qu’il y a les armoires publiques avec les rapports publics et inutiles et inutilisés. Toute cela fait consensus. La coalition contre ce genre de pratique est très large. Et pourtant, la production de ces rapports augmente. C’est en fait un tel honneur pour quelqu’un d’en signer un que tous se précipitent, avec l’espoir vain de rédiger le rapport ultime qui résoudra tout et apportera la Paix sur Terre.

En fait on n’aime pas les coalitions en France, en topus cas pas les coalitions « pour » quelque chose. Comme le dit Wikipedia "La Première Coalition est une coalition formée entre 1792 et 1797, par les puissances européennes contre la France révolutionnaire. »

Cette histoire nous marque encore aujourd’hui !


vendredi 13 décembre 2013

Jardin Nelson Mandela

C'est la semaine des hommages. En attendant la cérémonie officielle d'inhumation, à laquelle seront présents des anciens premiers ministres français, nommément Jospin et Juppé au moins, les hommages se multiplient.

A Paris la décision a été annoncée hier de donner le nom Nelson Mandela à un prestigieux jardin, le futur jardin des Halles, un peu plus de 4 hectares en plein centre de Paris. Un geste fort. Il y aurait eu d'autres choiex possibles mais c'est un lieu grand et fort qui est proposé, même si tout le monde continuera à l'appeler "Les Halles" pendant longtemps, car après tout on dit encore la place de l'Etoile, non ? Et il faut garder des noms pour les anciens présidents français lorsqu'ils seront décédés.

Aucun rapport avec de futures élections municipales dans quelques mois ni le fait que cela soit Anne Hidalgo qui l'ait annoncé. Aucun rapport avec le fait que la France officielle n'était pas un soutien inconditionnel du Mandela rebelle. Une forme d'hommage des maires de Paris alors ? Delanoé et Chirac sont dans le même mouvement pro-africain dans ce domaine. A noter que le jardin des Halles Nelson Mandela sera ainsi officiellement nommé jeudi prochain, le 19 décembre, jour de la Saint Urbain, le patron évident des villes !!! Il comprendra à terme plein d'espaces différents.

Je note la présence dans ce jardin d'un échiquier géant, un classique, évidemment plein de cases noires et blanches... Tout un symbole et il faudrait être fou pour ne pas le voir. Je rappelle que les fous ne se déplacent que sur les cases noires ou blanches alors que toutes les autres pièces peuvent se déplacer indifféremment. Cela me fait penser à une très belle phrase de Manu Di Bango, accrochée à mon mur : "On ne peut pas peindre du blanc sur du blanc, du noir sur du noir. Chacun a besoin de l'autre pour se révéler".


A noter sur les Halles ce très beau site, avec les photos de Doisneau mais pas seulement.

jeudi 12 décembre 2013

Rafales sur les stades et les ponts

François est arrivé au Brésil. Il en a fait des kilomètres (ou plutôt des miles) cette semaine !

François est donc au Brésil pour des raisons politiques.

Evidemment, il y a les contrats économiques à signer et un président, quel qu’il soit, sert à cela aussi. Il y en aura car le Brésil et la France ont beaucoup d’échanges entre eux. On mettre de côté l’horrible histoire du Rafale de Dassault (attention à la place de l’adjectif dans ce qui précède). Sarkozy avait annoncé une signature sur cet avion de son député favori, mais le marché n’a pas été signé. Faut-il l’enterrer, le déterrer ? Un avion militaire n’est en fait jamais choisi pour des raisons uniquement militaires. Les experts peuvent dire tout ce qu’ils veulent, ce ne sont pas eux les décideurs. Ce sont bien des raisons politiques et diplomatiques qui guident ce genre de choix, malgré les nombreuses démonstrations en vol d’avions, comme au Mali ou en RCA maintenant.

Evidemment, il y a le foot mais François a été mal conseillé : la Coupe du monde c’est dans 6 mois et certains stades ne sont pas encore prêts. C’est bien quand même d’être allé faire une reconnaissance sur place, pour faire au moins aussi bien qu’en 2010… ce qui devrait être facile, si nos joueurs arrivent à sortir des bus.

Politiquement, le Brésil, via sa présidente qui a une forte personnalité, est à l’avant poste sur pleins de combats, pas tous uniquement anti-USA. C’est l’une des fortes voix du monde en ce moment. François vient certainement négocier des appuis croisés sur plusieurs dossiers purement pôlitiques : négociations Amérique du Sud et Europe - réforme de l’ONU et de son Conseil de Sécurité - Combat contre l’hégémonie américaine dans l’Internet et les industries culturelles - conférence de Paris sur le climat - et pourquoi pas un peu de coopération Brésil-Afrique-France trianglaire, bien que ce mot ait des connotations coloniales et esclavagistes.

La France a plus besoin du Brésil que l’inverse. C’est clair. C’est une situation délicieuse, mais riche de développements. On dit souvent que l’avantage du Brésil c’est qu’il est une démocratie, donc avec des mécanismes relativement transparents et fiables. Cela en fait un BRICS différent des autres, de par sa taille également. Les points de vue sont différents sur de multiples questions, mais il semble y avoir un accord profond sur le rôle du multilatéralisme et sur des approches régionales (au sens de la planète) non parachutées à partir d’en haut (ou d’un Rafale).

Reste une question historique ancienne et toujours sensible : la Guyane française, considérée comme un vol de territoire dans la région, une colonie qui aurait dû être décolonisée. Ce n’est pas un pont sur le fleuve Oyapoque qui les sépare qui réglera la question… et l’inauguration officielle par les deux parties attendra (comme par hasard, rien n’est prêt du côté brésilien). C’est un vrai sujet, même si officiellement, il est de bon ton de ne pas en parler.
Après le Brésil, François continue sa mission… en Guyane.


mercredi 11 décembre 2013

Vous avez dit droits de l'homme ?

Hier c'était la journée des droits de l'Homme, selon l'ONU. Petit bilan.

Les médias ont parlé de Mandela et de son hommage international, ainsi que de la revue de célébrités politiques qui y étaient. Nos dirigeants sont de grands enfants, surtout dans les pays anglophones. Petit scandale en Angleterre après cette photo, prise en pleine cérémonie. C'est pas chez nous qu'on aurait de telles photos, quoique les médias français aient cherché partout des instantanés du couple François Sarkozy. Ils n'ont trouvé que des photos normales de gens qui se parlent normalement... malgré leurs prévisions de guerre froide ! A propos de selfie, vous aurez compris que cela veut dire se prendre soi-même en photo à côté d'une célébrité ou deux. Lisez-ici ce qu'en dit le photographe lui-même.


Il y avait le Secrétaire général de l'ONU là-bas pourtant, mais peu d'articles sur cette journée internationale qui existe pourtant depuis... 63 ans, soit juste après l'adoption le 10 décembre 1948 de la déclaration universelle des droits de l'Homme (ou des droits humains ou des droits de la personne comme on dit maintenant). Les atteintes à ces droits de l'Homme sont pourtant nombreuses.

A noter quand même cette pétition sur Le Monde. Vous pouvez la signer ici. Il ne s'agit pas d'une initiative française et la pétition est disponible en 9 langues.

A l'heure où l'on parle de nos libertés sur l'Internet et dans toutes les communications numériques, avec des révélations "Snowden" chaque jour ou presque, il est intéressant de voir si ce mouvement de protestation peut progresser. Intéressant aussi de voir que pour une fois l'angle choisi a été celui des écrivains de tous poils demandant la mise en chantier d'une "déclaration internationale des droits numériques".

Evidemment ici sur ce blog il n'y a pas ambiguité sur un soutien à de telles initiatives. En 1948, et encore plus avant en 1789, la notion de droits numériques n'existait évidemment pas, ni celle de numérique. Depuis peu, cette notion s'impose comme un nouveau territoire à réguler, et pas seulement en appliquant à ce domaine les divers droits existants ailleurs. Alors, les droits de l'Homme appliqués au numérique sont-ils différents des droits de l'Homme tout court ?

Au fond, non.
Dans leur application, si.

L'espionnage de l'individu a toujours existé. Le monde du numérique introduit un saut qualitatif et quantitatif en permettant une observation plus fine, à la fois massive et individuelle. La demande de régulation démocratique est paradoxale dans ces domaines : c'est à la fois un domaine où les technologies, les technologues et les grands groupes dominent, et c'est un domaine où les situations démocratiques, sécuritaires et stratégiques des Etats divergent fortement.

En France, où la sensibilité du gouvernement est pourtant très forte sur ces sujets, avec de vrais connaisseurs des dossiers, la marche n'est pourtant pas tranquille. L'épisode d'hier pour l'inauguration du "centre culturel Google" (un bel oxymore) à Paris est révélateur de tensions au sein du pouvoir : la ministre de la Culture y était invitée et a reculé au dernier moment sous la pression du lobby culturel habituel, mais le gouvernement souhaitait y être présent, même si de nombreuses sources de désaccords existent avec Google, et une autre ministre y a été envoyée, celle du Numérique. En pleine journée des droits de l'Homme, avec une telle pétition, aller chez Google en France était pourtant une provocation pure et évidente, Google étant l'un des principaux acteurs dans ce monde de vol de nos données personnelles pour les exploiter commercialement. Pas le seul, certes, mais un acteur majeur.

Ah oui, vous aurez noté que la France en a profité pour voter ce même jour la loi de programmation militaire avec ce fameux article sur le contrôle de l'Internet pour des raisons de sécurité ? Hasard de calendrier, évidemment.

Reste à espérer que la journée des droits de l'Homme 2014 existera encore, dans ce domaine du numérique. Rien n'est moins sûr.

mardi 10 décembre 2013

Chocs de télés

Ce week-end, il y a eu choc de télés comme d’habitude mais avec une odeur différente.

TF1 nous présentait les Miss France, parait-il réconciliées, et France Télévisions le Téléthon. Les recettes du Téléthon ont encore baissé, maintenant on en est à moins 10% sur deux ans. C’est la crise. Pendant ce temps donc, TF1 a engrangé un max de recettes publicitaires avec ses Miss dont certaines arboraient des petits cartons Téléthon pour se faire pardonner. Rude métier, mais il n’y a pas de raison que la guerre des télés s’arrête comme par magie. Le choc ne choquera que ceux qui sont encore prêts à se choquer, au milieu du grand zapping qui met sur le même plan des événements importants et des opéras-savons sans saveur.

Aujourd’hui, c’est le jour du grand show en hommage à Mandela. Images en direct encore une fois sur France Télévisions, pendant que TF1, par exemple, diffuse ses séries habituelles, et les rediffuse même. L’art d’occuper l’antenne est délicat dans ce genre de circonstances : des invités en direct, des interviews d’experts, des images d’archive, l’arrivée des officiels, un programme pluvieux. Tout ça à partir de 10 heures avec des discours et des discours. Obama est le plus attendu évidemment.

En fait, c’est bien sur les réseaux sociaux, les chaînes continues d’information, les direct en live des médias et les forums que se passe la partie la plus intéressante. Bien au-delà d’un moment planétaire comme il y en a peu, la multiplication des réactions de partout en simultané nous fait prendre conscience de l’ampleur de l’événement. Il y a en effet peu d’événement planétaires retransmis partout, et à chaque nouveau, c’est bien les nouveaux médias qui gagnent, de par leur variété. Les flux d’information modernes développent une puissance, avec une accélération de plus en plus grande. Si vous avez du temps aujourd’hui, et un accès à l’Internet et à des télés du monde entier, via un câble, un satellite ou une « box », nappez entre tous ces médias, y compris dans les langues que vous ne connaissez pas.

C’est une expérience des médias. Une expérience entre voyeurisme et communion, dans laquelle on ne sait pas si l’on rend hommage à un grand homme ou si l’on célèbre une planète en réseau. Les commentaires des commentateurs sont forcément décalés. Et ce ne sont pas eux qui nous intéressent en fait. D’ailleurs ces commentaires couvrent souvent le vrai son… « No comment ».


La télé en direct ? Un dinosaure qui se rediffuse elle-même, incapable de tout rendre à la fois. L’habitude de scénariser la réalité est devenue tellement forte que le pur direct a maintenant quitté le simple domaine de la télé pour envahir celui des écrans multiples. Le paradoxe est qu’il est devenu assez facile de regarder plusieurs écrans à la fois, mais il reste impossible d’entendre plusieurs sons. Et le son est fondamental. C’est celui de la vibration des chants et des voix. C’est celui de l’émotion. C’est celui qu’on aimerait ressentir en étant dans ce stade.

Mise à jour : Lu ceci. Ne croyez pas ce qu'on vous montre à la télé...

lundi 9 décembre 2013

François et Nicolas sont dans un bateau...

Ah zut, ce n'est pas un bateau mais un avion. François et Sarkozy seront donc dans un avion pour l'Afrique du Sud, ce soir, pour y passer une bonne nuit. En fait deux avions présidentiels et donc deux chambres présidentielles. Deux Falcon, ou en français deux FauxCons, à ne pas confondre avec deux candidats pour 2017. Pourquoi pas le gros Airbus ? Parce que le Premier Ministre l'a volé pour s'enfuir en Chine, et que le commerce avec la Chine, c'est autrement important. D'ailleurs les chinois seront là aussi, car la ChinAfrique n'est pas un mot creux.

Normalement l'histoire continue par "l'un des deux tombe à l'eau, qui reste-t-il ?".

On suppose que ces avions ne sont pas armés et ne vont pas jouer à Top Gun dans le ciel africain, pour savoir lequel va arriver entier. On espère quand même que les deux arriveront, mais si l'un des deux devait tomber, lequel choisiriez-vous ? C'est dommage, mais j'aurais bien aimé les savoir dans le même avion, avec une cloison entre les deux, et une affichette comme celle-ci dessus (Merci à Plonk et Replonk)


La décoration intérieure sera-t-elle refaite pour l'occasion ? Comment seront décorées les deux chambres présidentielles ? Celle de Sarkozy sera-t-elle plus luxueuse pour satisfaire son goût intact du bling-bling ? Ou au contraire plus spartiate pour lui montrer qui est le chef actuel ? Tous ces détails nous tiennent en haleine. Mais que fait la presse ? Nous voulons en savoir plus !!!

Sur un plan plus important :

Mandela avait des capacités immenses de rassembleur. On appelle ça du charisme aussi. Trois anciens présidents américains seront aussi présents, mais tous voyagent dans le gros avion Air Force One où il y a plus de place. En France, on a choisi plutôt deux avions plus petits, ce qui est plus souple. Question de stratégie et de gros sous : cela coûte moins cher qu'un gros machin. Il n'empêche que rassemble ces deux personnages est un exploit. Dommage que Chirac ne puisse y aller pour raisons de santé. C'était le plus africain de tous les présidents, avant François.

Cette semaine est donc l'occasion pour Sarkozy de se repositionner. Il avait déjà laissé entendre qu'il allait créer un nouveau parti, ou au moins une nouvelle structure destinée à épauler sa candidature en 2017. Il nous refait le coup de l'UMP en 2007, qui s'appelait initialement l'Union pour une Majorité Présidentielle, autour de lui et de sa personne. Comme l'UMP d'aujourd'hui a gardé le même sigle avec une autre signification, mais s'est éloignée de lui, il parait logique que Sarkozy veuille recréer un instrument à sa main, avec ses fidèles. Tant pis pour les autres.

En allant en Afrique du Sud, comme invité au premier rang, Sarkozy pose donc les germes du futur duel qu'il souhaite de tout coeur pour dans 40 mois à peu près. On imagine les sourires jaunes de Fillon, Copé, Juppé ou Raffarin par exemple. Tout ce beau monde essaye de se positionner, avec un programme étique. (Attention, étique n'est pas de la même famille que éthique ou étatique. Etique veut dire squelettique ou même pire).


dimanche 8 décembre 2013

Du temps de cerveau pour … une nouvelle cat horse

Le groupe 21 était au travail. Son but était de reconstruire la liaison.

Il aurait pu ne pas y avoir d’histoire, car finalement c’est tout ce qu’il y a à dire. Cela suffit.

Une liaison de plus à reconstruire, un groupe de plus pour le faire, la même séquence depuis des millénaires que l’Ensemble existait. Evidemment de temps en temps il y avait quelques petits soucis techniques qui pouvaient retarder le projet de quelques millipériodes. Mais c’était de plus en plus rare. Chaque projet bénéficiait évidemment de l’expérience accumulée par tous ses prédécesseurs. Le groupe 21 le savait et s’activait tranquillement et avec précision. La précision de professionnels qui connaissent leurs tâches et savent qu’ils réagiront à toute éventualité, comme l’ont fait leurs aînés.

L’Ensemble existait depuis si longtemps que même les manuels d’Histoire avaient oublié sa création. La première liaison existait encore quelque part. Forcément. C’est à partir d’elle que tout avait commencé. Mais il était impossible de la distinguer d’une autre liaison. Il y en avait des milliards maintenant. Et elles se multipliaient au fur et à mesure de l’extension de l’Ensemble. Toutes les liaisons étaient nécessaires. Toutes les liaisons devaient fonctionner correctement pour que l’Ensemble existe. Lorsqu’une liaison tombait en panne, il était impossible de la réparer, il fallait la reconstruire dans un temps donné. Un savant du passé avait calculé la durée maximum pour reconstruire une liaison avant que l’Ensemble s’écroule. Cette durée était longue, suffisamment pour permettre avec une grande sécurité l’envoi d’un groupe sur place via les autres liaisons voisines, un temps de reconstruction très confortable et le retour du groupe avant la réactivation de la liaison.

Certains savants craignaient qu’un jour, une liaison ne puisse être reconstruite dans le temps imparti. Les conséquences étaient connues et inéluctables. Un tel événement signerait la fin de toutes les liaisons crées depuis cette liaison en panne. Instantanément. Si cela tombait sur une liaison très récente, seules les entités reliées à elle disparaîtraient. Si cela tombait sur une liaison plus ancienne, toutes les liaisons postérieures et toutes les entités reliées tomberaient aussi. Des pans importants de l’Ensemble pouvaient ainsi être annihilées en un éclair. Cela ne s’était jamais produit et le groupe 21 le savait.

La connaissance est fragile. C’est comme un jardin qui doit être entretenu en permanence. Mais dans ce jardin-ci, les plantes bougeaient en permanence, comme si elles flottaient au-dessus d'un jardin d’eau troublé par des courants et des tourbillons. Les liaisons étaient les seuls liens stables de ce grand jardin qu’était l’Ensemble, flottant sur un univers d’étoiles et de galaxies agité de courants imprévisibles. Il n’y avait pas de possibilité de garder la mémoire des liaisons et de leurs enfants. On savait depuis toujours que les liaisons permutaient, une fois activées, et que cela pouvait se produire à tout moment.

La première liaison pouvait être partout, et l’instant d’après elle pouvait être ailleurs. Reconstruire une liaison, c’était toujours comme reconstruire la première liaison. On ne savait jamais si c’était elle sur laquelle on travaillait et tous les groupes apprenaient qu’il fallait en permanence considérer la liaison en cours comme la plus importante des liaisons. Au cas où. Cette impossibilité de connaître l’ancienneté de la liaison en cours de reconstruction était l’une des bases de la philosophie de l’Ensemble. Si, au fond, le monde était inégal et hiérarchisé, la seule manière d’y vivre était de considérer que tout y était égal, et suprêmement important. Croire que quelque chose ou quelqu’un était plus important que le reste était impossible pour les peuples de l’Ensemble. Une certaine organisation était évidemment nécessaire pour faire tourner l’Ensemble et tous les groupes ou individus qui le composaient. Mais cette organisation pouvait changer à tout moment. Et en fait elle le faisait. Les groupes étaient mobiles et à géométrie variable. Il y avait pourtant une règle immuable : un groupe ne pouvait être modifié pendant la durée d’une mission de reconstruction.

Ces missions étaient trop importantes pour l’Ensemble. Le groupe 21, comme tous les autres qui avaient oeuvré dans le passé, avait commencé par se connaître, apprendre les leçons et les techniques du passé, se répartir les rôles et s’entraîner avant de reconstruire réellement la liaison. Sur les milliards d’individus qui composaient l’Ensemble, le groupe 21 n’était qu’une molécule d’eau mais il regroupait une proportion figée dans le marbre de vétérans ayant déjà réparé une liaison et de nouveaux venus censés apprendre leur métier. Comme tous les groupes, il se dissoudrait après cette mission.

Cette liaison-la était courte. La lumièrenne ne mettait que quelques secondes à la parcourir, et elle ne permettait de rapprocher que deux galaxies proches. Un travail de routine. Le groupe 21 l’avait tout de suite compris mais restait concentré. Les travaux routiniers étaient les plus dangereux si on en arrivait à oublier qu’il n’y a pas de routine dans l’Ensemble. Tout y est également important, la routine comme l’exceptionnel. La moindre erreur peut être fatale ou sans intérêt. La moindre erreur est donc fatale.

Le groupe 21 était en train de terminer la reconstruction lorsque deux de ses membres, un homme et une femme décidèrent de s’embrasser. Cela arrivait souvent et de nombreux couples s’étaient même formés à l’occasion de rencontres dans des groupes comme celui-ci. Le danger excite les sensations. Et même si ces couples ne duraient pas forcément longtemps, il y avait toujours de nouvelles tentatives.

Le baiser dura suffisamment longtemps pour que l’homme et la femme oublient le reste. C’était un bon baiser. L’homme et la femme n’en avaient jamais connu de tel. Ils mirent quelques centipériodes à s’en remettre. C’est normal et personne ne leur en aurait voulu. Personne d’ailleurs ne leur en a voulu puisque plus personne n’existait, pas même eux, après la rupture de la liaison. Furent-ils distraits ? Furent-ils trop lents ? Personne n’était plus là pour le dire. L’Ensemble avait disparu, avec toutes ses liaisons, de la première, car c’était évidemment elle, à la dernière, car c’était aussi elle.

Les deux galaxies se séparèrent, comme tous le reste et l’univers redevint ce qu’il était.

C’est notre univers. Le mien et le vôtre. Personne ne sait plus comment recréer l’Ensemble, ou même s’il faut le reconstruire. Les personnes ne font plus partie de groupes et les liaisons sont mortes. Sur quelle planète sera reconstruite la première liaison du nouvel Ensemble ? Mystère. Tout le monde a oublié le premier Ensemble. Peut-être d’ailleurs n’était-ce pas le premier Ensemble et peut-être a-t-il été réinventé déjà plusieurs fois. C’est un espoir, car cela veut dire qu’il peut être retrouvé. C’est en tous cas la conviction profonde de tous les amants qui s’embrassent. Il se passe quelque chose pendant un baiser, un vrai. Et même si l’espoir est ténu de créer une liaison, il faut continuer.

Alors, continuons !