lundi 28 juillet 2014

Drapeaux en berne ?

Aujourd'hui et pour trois jours les drapeaux français sont en berne aux frontons des bâtiments publics. C'est un hommage aux 54 morts dans l'accident d'avion de la semaine dernière. Au-delà de cet accident et de la volonté de rendre hommage, ou comme le disent les mauvaises langues de récupérer un chagrin sur le plan politique, parlons un peu des drapeaux en berne.

C'est une décision rare. Une petite histoire des mises en berne et de leurs modalités se trouve ici. La dernière mise en berne date de la mort de Mandela. Il y en a eu d'autres par le passé, pour la mort de papes par exemple, mais aussi en 1953 d'un certain Joseph Staline ! Au plan national, la décision est du ressort du Président de la République ou de son Premier ministre. En ce qui concerne les accidents d'avion avec beaucoup de français, il y a déjà eu des précédents. Et rien à voir avec un deuil national qui est une affaire beaucoup plus formalisée.

Qui regarde les drapeaux aujourd'hui ? Si les médias n'en avaient pas parlé auriez-vous remarqué cette mise en berne ? L'idée de base est bonne : il s'agit d'afficher partout un symbole frappant et hautement visible d'un deuil ou d'un événement triste. C'est un signal envoyé à tous que quelque chose de triste et d'important vient de se passer et qu'il est utile d'y réfléchir. C'est en fait un double signal : attention il s'est passé quelque chose de grave, et attention d'y réfléchir en tant que citoyen français.

Depuis la naissance de la République française, la quantité d'informations que reçoit ou peut recevoir un citoyen a crû de manière inimaginable. Le drapeau - ou le tocsin - n'est plus un signal majeur, tellement il y a d'autres canaux pour nous informer. Il reste pourtant toujours des personnes non informées et que ce type de signal peut alerter. Mais il y aura toujours d'autres personnes qui n'en ont rien à foutre, quel que soit le signal émis, car ils vivent dans leur bulle égoïste et parfaitement justifiée de leur point de vue. Alors quid des actions de "mettre en berne" ou à l'inverse de "pavoiser" en cas d'événement heureux, de fête ou de visite officielle ? Isolés, ces signaux indiquent simplement qu'il s'est passé quelque chose. Mais il faut déjà lever les yeux vers le drapeau, le voir, analyser la différence avant de s'interroger sur la cause. N'avez-vous jamais rencontré quelqu'un qui se demandait pourquoi il y avait des drapeaux sur les bus certains jours par exemple, et qui une fois la réponse donnée dit un truc du genre : "ah bon ? bof" ?

De tels signaux sans la réflexion collective derrière ne sont que superficiels. Les tâtillons vérifieront que les drapeaux sont bien en veille. Les énervés protesteront si les drapeaux sont normaux ou pour la perte de temps que cela représente. Finalement, seuls ceux qui ont un sens du collectif en parleront ou s'en apercevront, seuls ceux qui sont conscients de leur propre conscience individuelle et de la conscience collective y réfléchiront. C'est donc un acte rare et grave. Pas un épisode pour meubler les médias en cette molle fin de juillet. Et je parle bien ici d'une vision à l'échelle de la France. La plupart du temps les émotions de ce type sont localisées au plus près des victimes, de la population touchée ou de la communauté concernée : c'est le moteur de beaucoup de manifestations, de marches blanches ou de protestations ciblées. Montrer à la France entière quelque chose est une action puissante en théorie, mais cela dépend du niveau de conscience collective présent à un moment donné. Et en ce moment, ce n'est pas terrible.

Cette conscience collective, à travers les drapeaux, s'oppose en effet frontalement aux attitudes individualistes qui caractérisent notre société. Etre dans le bus et regarder son téléphone ou regarder la ville et s'interroger sur ces drapeaux en berne, y a-t-il une différence ? La réponse est Oui. Résolument. Il y a peu d'occasions de se sentir membre d'un collectif, par solidarité, par volonté, par plaisir, par devoir ou de droit... Celle-ci en est une. Réfléchissons-y.


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