vendredi 18 juillet 2014

Rebattre les cartes : en Afrique ou en France ?

Sortez vos cartes.

François est en Afrique, entre Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire et Niger) et Afrique centrale (Tchad). Il a parlé économie à Abidjan et parlera sécurité ailleurs. Pour la partie économique, même s'il est comme toujours accompagné de chefs d'entreprises, il s'agit de dire, en bon français : "We are back". La France a compris que le pré carré avait beaucoup arrondi ses angles et ouvert ses portes à des investisseurs et exploiteurs de toutes origines. En Côte d'Ivoire, la France pèse encore 30% du PIB, mais il est hors de question de considérer que c'est une rente acquise à vie. Ce pays est encore un pays pauvre, classé dans les vingt bons derniers au monde, même si beaucoup d'espoirs reposent dessus : revenir à une place dominante comme à l'époque pré-mondialisation ? Concurrencer d'autre géants économiques de la région (le Nigéria par exemple) ? Rétablir un sentiment de sécurité favorable non seulement au développement mais aussi à la séduction d'investisseurs étrangers ? Le problème est que si tout le monde prédit un essor de l'Afrique, il s'agit de ne pas rater la marche pour les français. 30% d'une économie très pauvre, c'est très différent de 30% d'un futur pays émergent (dans dix ans a dit François ? Cela parait très optimiste, mais l'Afrique est comme un grand fauve qui dort, qui se réveille et qui court vite attraper une proie - pour se rendormir après...). Le discours politique a donc tourné autour de l'économie. Le président ivoirien en a profité pour demander un soutien dans le domaine de la justice car le pays manque cruellement de juges dans tous les domaines, et un pays sans justice ne peut offrir un cadre au développement. N'oublions pas que le droit ivoirien, comme partout en Afrique francophone est basé sur le droit français, avec une touche de droit coutumier et une organisation africaine sur le droit des affaires, l'OHADA.

Cette diplomatie économique est portée par Laurent Fabius. Elle vise entre autres à redessiner les contours d'une carte diplomatique, avec ses priorités et ses zones en jachère, autours des enjeux économiques de la France. Pour avoir écouté quelques discours lors des journées annuelles du réseau des diplomates et représentants de la France sur le terrain (politique, économique, culturel), il ressort de cette expression deux sens très différents :
- explicitement, la diplomatie Economique, qui met l'accent sur les liens entre le développement (y compris pour la France elle-même) et une diplomatie autrefois plus d'influence que d'autre chose, comme quand le monde parlait français.
- implicitement, la diplomatie économique, c'est-à-dire pas chère, au rabais ou cheap. Car les moyens sont en baisse rapide et les représentants français sur le terrain doivent faire avec des bouts de ficelle et des "partenariats" privés qui transforment leur action : Avant un centre culturel accueillait une exposition d'un artiste français. Maintenant elle loue ses salles à des expositions itinérantes sponsorisées par des entreprises. On passe tout doucement dans le régime de la production et du copyright tout en défendant les droits d'auteur et les artistes. Exercice délicat mais intéressant. En tous cas, si l'on applique ce discours à la Francophonie, sujet cher à ce blog, il y a beaucoup à faire pour la faire passer du négativisme passéiste à un positivisme innovant.

Le reste du voyage est consacré plus à la sécurité au Sahel et dans la région, hors frontières des pays puisqu'elles sont poreuses pour les groupes terroristes. Il s'agit de lancer officiellement la nouvelle organisation régionale qui sera basée au Tchad. Ballet d'avions à prévoir dans toute la région, heureusement moins équipée en missiles sol-air que la frontière est de l'Union européenne. On écoutera les discours de François avec attention ou on lira la presse africaine, ici ou ici.

Mais pendant l'absence de François de France les députés français en ont profité pour redessiner la carte des régions de France. La nouvelle carte vient d'être votée par l'Assemblée nationale cette nuit. Le Sénat ne sera pas d'accord mais avait passé son tour donc il faudra attendre un peu avant que la carte soit finalisée, mais c'est tout comme. Voici la manière dont Le Monde la présente :



De toutes façons cette carte va évoluer à la marge. Car un deuxième round commencera pour aboutir à la carte définitive en 2016 : une fois les discussions conclues entre régions dans cette carte, les départements auront le choix et pourront demander à changer de région. On pense évidemment à la Loire Atlantique ou à ce magma autour du Centre et des Pays de la Loire. En tous cas ce n'est pas dans la carte votée cette nuit qui s'est contentée de regrouper des régions sans toucher à leurs frontières. Il faudra déjà un peu de temps pour digérer tout ça. Il faudra aussi laisser passer les élections régionales, quitte à ce que paradoxalement un département vote dans une région et soit ensuite rattaché à une autre, en fonction des choix du nouvel exécutif régional et départemental issu de ces élections. Un cercle vicieux ou un cercle vertueux ? A voir !

Rebattre les carte, c'est bien de temps en temps, surtout quand on est enfermé dans un jeu trop figé et qu'on semble arrivé au bout des possibilités avec cette donne. Mais rebattre les cartes pour le plaisir ou comme principe de management n'est jamais qu'une solution à court terme. Les patrons d'entreprises qui ont choisi ce mode de gestion savent bien que ça ne sert qu'à gagner du temps (avant leur retraite dorée en général). Les vrais stratèges le font peu et au bon moment. Car souvent ce  sont les hommes et les femmes et leurs motivations qui font les réformes, pas le redécoupage des cartes. Alors, ets-ce le bon moment ?

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