mardi 3 septembre 2013

Scoop au Figaro

Le Figaro publie donc aujourd'hui une interview exclusive de celui qu'il qualifie de "Bachar el-Assad n'est pas un dictateur ordinaire: c'est un tyran implacable qui a délibérément choisi de réprimer dans le sang - par des moyens abominables - la révolte de son peuple. Dans cette région du monde, pourtant habituée au pire, sa froide cruauté est un motif d'unanime indignation. Il est aussi le meilleur allié de l'Iran et du Hezbollah et, à ce titre, une pièce essentielle de l'axe radical qui met en péril l'équilibre du Proche-Orient. Pour lui, enfin, il nous le dit sans fard, la France se conduit «en ennemi»…

Les journaux sont de temps en temps au coeur de débats où ils doivent choisir quoi publier. L'éditorial du Figaro de ce jour essaye de justifier la position du Figaro. La conclusion est classique dans ce type de cas "Nos lecteurs jugeront". Ils ont raison. Permettez donc à un lecteur épisodique de juger.

L'information demande à être croisée pour être utile. Soit le journal croise ses sources et constitue des dossiers permettant à plusieurs points de vue de s'exprimer, comme c'est souvent le cas d'ailleurs pour des dossiers spéciaux plus ou moins bien faits mais qui essayent de juxtaposer plusieurs points de vue. Soit c'est au lecteur de croiser ses sources et de se bâtir une opinion à partir de journaux différents, de recherches sur Google Actualités ou autres agrégateurs de flux RSS. Le non croisement d'informations est un risque. C'est le risque d'être manipulé par une seule source sans contrepartie. Remarquez bien que le croisement ne suffit pas à garantir une information fiable.

Les journalistes enquêtent, interviewent, écrivent des articles et les rédactions utilisent ou pas ce matériau pour une publication, assortie ou pas d'autres articles. Le propriétaire du journal (souvent un grand groupe industriel en France) se mêle ou pas de ça. L'information objective n'existe pas et souvent la lecture d'un interview peut produire l'exact effet contraire de celui qui a été recherché.

Le journalisme d'opinion, c'est autre chose. Un journal engagé (comme le Figaro à droite) parle de ce qui sert son camp et essaye d'influencer, directement ou avec des bandes comme on dit au billard, les décisions politiques. Le timing est donc crucial. En choisissant de publier un tel interview la veille d'un débat au Parlement (a priori sans vote) sur cette question et l'avant-veille d'un G20 qui abordera forcément ce sujet, même en privé, le Figaro réaffirme sa position propre. Il serait facile pour un lecteur inattentif du Figaro de mélanger l'interview objectif et la position du Figaro. Mais évidemment, les lecteurs du Figaro et ceux qui liront des extraits de cet interview sur d'autres médias ne sont jamais inattentifs !

Finalement, l'information dans ce cas, ce n'est pas l'interview du dictateur syrien mais plutôt la publication par le Figaro et la reprise par plein de médias (on verra ça sur TF1 ?) à ce moment précis de l'Histoire. C'est de la méta-information. Personne ne croit ce que dit El-Assad, depuis des mois au moins, sauf ceux qui l'acceptent totalement.

Personnellement, je regrette que le Figaro n'ait pas profité de ce bon scoop pour monter un dossier complet sur la question. Une occasion ratée. Pour ce jour car, évidemment, si intervention il y a, la presse sera pleine de la Syrie pendant quelques semaines.



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