dimanche 16 mars 2014

Du temps de cerveau pour... une nouvelle vin de zinc

Julia se regarde dans la glace. Elle vient de finir de se préparer et se regarde d'un oeil critique. Tout doit être parfait se dit-elle. Comme d'habitude. Des cheveux impeccables, retombant en boucles savantes sur son visage finement maquillé, avec quelques pointes de couleurs pour remodeler son visage et pour mettre en valeur ses yeux verts et sa bouche pulpeuse. Elle ne trouve rien à redire. Elle a particulièrement bien réussi son maquillage et les boucles d'oreille que Julio (prononcer Roulio) lui a offertes hier vont très bien avec son collier de perles et sa petite robe noire.

Ce voyage de noces a été parfait. Une semaine à Paris dans un petit hôtel romantique dans l'Île Saint-Louis. Un temps merveilleux. Du bon Champagne. Et de belles promenades le long de la Seine entre deux retours dans leur chambre. Aujourd'hui, c'est leur dernier jour à Paris et il ne leur reste plus qu'à aller accrocher leur cadenas d'amour sur la Passerelle des Arts. Un geste symbolique, un geste fort, une manière de figer l'éternité ici et de savoir qu'il restera toujours une petite partie d'eux ici.

Julia se sent très féminine aujourd'hui. Il est déjà tard évidemment, mais ils auront le temps d'aller accrocher leur love lock avant le déjeuner dans un grand restaurant parisien, sur une terrasse verdoyante à Montmartre. Julia revient dans la chambre et embrasse Julio qui est prêt. Il est très beau lui aussi. Julia est très amoureuse, encore plus que le jour du mariage, il y a déjà 7 jours. Julia fait quand même attention à ce que Julio ne la décoiffe pas et ils descendent sur le quai. Julia demande à Julio de lui montrer encore une fois leur cadenas. Il est très mignon, se dit-elle. Un peu gros peut-être mais ils voulaient faire graver dessus leurs noms et un poème de Yeats. Ca ne tenait pas sur un petit cadenas. Ils ont fait un compromis en en prenant un plus gros et ne copiant qu'une strophe. Les lettres dorées sur le fond rose du cadenas sont très jolies. Julia est très fière d'avoir trouvé ce cadenas unique sur Internet.

Ils arrivent au bout de la Passerelle des Arts. Ils ne sont encore jamais venus ici, car ils voulaient garder la surprise pour leur dernier jour. Ils gravissent quelques marches et sont sur le Pont. Tout ça mérite bien un baiser langoureux et quelques minutes se passent. A Paris les amoureux s'embrassent tout le temps, mais ceux-ci sont particulièrement beaux et sophistiqués et quelques passants se retournent.

Julia regarde les garde-corps du pont et écarquille les yeux. Il y a déjà énormément de cadenas attachés. Ils avancent, tous les deux un peu choqués. Ils ne disent rien. Arrivés à l'autre bout, juste devant une grande coupole dorée qui les regarde d'un air hautain, ils se font haranguer par un vendeur de cadenas qui leur vante ses tarifs les plus bas du marché. Ils font demi-tour et reviennent au milieu de la Seine. Tous les espaces sont occupés par des cadenas, la plupart rouillés. Beaucoup sont attachés à d'autres cadenas, car il n'y a visiblement plus de place pour les attacher directement. Julia trouve ça moche. En plus elle a vu plusieurs fois le même cadenas "unique" que le leur. Ils sont au milieu du pont et Julia a l'air un peu désespéré. Elle sent la magie qui l'entourait s'étioler. Ce n'est pas possible. Il faut réagir. Julia repère un lampadaire au milieu du pont. Lui aussi est couvert de cadenas mais tout en haut il y a de la place, juste au-dessus de la lampe. Elle regarde Julio. Julio la regarde et comprend. Il l'embrasse, prend le cadenas et monte sur la rambarde.

Lorsque Julio glisse et tombe, Julia a le coeur qui s'arrête. Mais Julio est tombé sur une péniche qui passait sous le pont. Une péniche peine de sable très fin. Julio n'a rien et agite la main vers Julia qui saute à son tour. Ils sont maintenant tous les deux enlacés dans le sable fin et voguent sur la Seine vers la mer. Le cadenas a disparu. Tant mieux. Seul leur amour compte, et pas les symboles rouillés qui enlaidissent les ponts de Paris.

En voyant ce couple, tous les cadenas du pont des Arts et des autres ponts de Paris se détachent et s'envolent vers la mer. En vol ils se regroupent et attirent tous les cadenas du monde. Ils forment petit à petit une statue, une très belle statue à l'image de Julia et de Julio, enlacés. Les cadenas cherchent un endroit merveilleux pour se poser et décident de revenir à côté du Pont des Arts qui a retrouvé son éclat, pour que les amoureux du monde entier n'oublient jamais Julia et Julio (prononcer Roulio).


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