jeudi 3 avril 2014

Europafrique, un autre Sommet

Bruxelles, ses bières, ses beaux bâtiments, son roi, ses nombreux gouvernements régionaux, fédéraux et linguistiques, et ses embouteillages ! Particulièrement quand il y a un Sommet international, circuler dans la ville est un enfer. On n'est pas capitale européenne pour rien !

Hier et aujourd'hui à Bruxelles donc, c'est le Sommet UE-UA, comprenez Union européenne et Union africaine. Il y a également plusieurs "mini-sommets" sur des questions particulières, comme hier avec la République centrafricaine : qu'y faire, comment continuer, comment résoudre à long terme une crise toujours aiguë même si les incidents sont un peu moins nombreux ? Il semble que l'accord et ses harmoniques entre François et Angela soit parfait ! Une force militaire d'interposition va être déployée, avec la participation de plusieurs pays européens, portant le doux nom d'Eufor-RCA. On notera que les technocrates européens ne sont pas très doués pour les acronymes, mais enfin...

Sur un plan plus général, c'est quand même le quatrième Sommet de ce type et il y a 80 dirigeants sur place. On comprend mieux les embouteillages ! 80 ça fait beaucoup. Cela indique très clairement que les deux unions sont très morcelées, chacune dans sa propre logique et se propre histoire. Pas facile de se mettre d'accord à 80. L'UE fournit 45% de l'aide publique au développement que reçoit l'Afrique, et est le premier partenaire économique du continent africain. Bien au-delà des questions de sécurité et de droits de l'homme, les enjeux sont dans la "diplomatie économique". Le thème du Sommet est d'ailleurs "Investir dans le Peuple, la Prospérité et la Paix". Les analystes du discours politique doivent se régaler avec ce type de slogan politique : on notera que cela commence par le mot investir, ce qui suppose des financements et de la durée. Ces trois P ont certainement un avenir comme slogan et nous les retrouverons bientôt dans des discours un peu partout, d'autant plus que c'est pareil en anglais.

Ce n'est pas un hasard si Angela a fait une sortie remarquée le week-end dernier sur le rôle de l'Allemagne en Afrique : Elle a encouragé les africains à apprendre l'allemand pour venir étudier en Allemagne et pour créer des liens avec les entreprises allemandes, en demandant à ces dernières d'intervenir plus massivement en Afrique, marché de demain. Elle a dit par exemple que l'Allemagne était un courtier honnête pour aider les africains à mieux vendre leurs matières premières, au profit de tous, c'est-à-dire au profit des africains vendeurs, des industriels (allemands ?) acheteurs, et des courtiers et autres intermédiaires (allemands bien sûr, à la bourse européenne allemande).

On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec une politique française rétrograde sur la Francophonie (adieu Madame Benguigui au fait) qui se focalise sur le pré carré historique d'une post-colonisation qui ne dit pas son nom, qui demande aux étudiants de parler anglais pour venir étudier en France, et qui ne passe pas d'accord stratégique avec les allemands pour monter des opérations communes. A ce titre les entreprises françaises très présentes en Afrique sont souvent des îlots de France prenant pour acquis des situations linguistiques qui se dégradent. Le pragmatisme allemand est très clair. Il s'oppose au pragmatisme anglo-saxon, en ce sens qu'il faut annoncer et organiser les choses à l'avance, mais il reste du pragmatisme entrepreneurial, bien loin de la méthode française, où l'on parle beaucoup avant et ensuite (pour se plaindre) comme si le fait d'agir était moins important. Il y a pourtant en Afrique des potentiels très importants et des forces vraiment  puissantes qui sont là, sous la terre, et qui ne demandent qu'à germer. Les français participeront-ils à la récolte des fruits ?

Angela a par exemple réclamé de la transparence dans la gestion de l'importante aide au développement donnée par l'Europe à l'Afrique. Transparence ? Ah oui, ça me rappelle ce portail lancé par l'ex-ministre du développement (le vert Pascal Canfin) pour détailler tous les projets d'aide publique française au Mali, avec même la possibilité pour les internautes de réagir et de contribuer. Belle idée. A étendre, mais je ne sais pas si ça va continuer ! En tous cas, même en France, sans compter la Francophonie, la multiplicité des acteurs et des projets, sans coordination réelle serait intéressante à visualiser. La transparence ça commence par un affichage public clair, genre "open data", ce qui permet ensuite de voir qui profite de l'aide. Vous savez certainement que de nombreux pays (le Canada par exemple) demandent explicitement que soient indiqués les bénéfices pour eux, pour tout projet de coopération qui leur est soumis. Au moins comme ça, il n'y a pas d'ambiguïté, on est dans le gagnant-gagnant ou le donnant-donnant, au choix.

En tous cas ce Sommet est important, car il structure de plus en plus les programmes d'action, et les priorités qu'il dégage se retrouvent dans le "fléchage" des financements internationaux.


PS : Le Sommet parle de l'Afrique, car l'Union africaine ne couvre pas tous les pays africains (comme le Maroc par exemple). Jolies couleurs hein ?

PPS : J'avais déjà utilisé un titre similaire ici, pour le dernier Sommet de la Francophonie.

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