samedi 25 avril 2015

Attention au pastis méditerranéen

Allez hop, on termine cette séquence varoise du blog avec le pastis. Car tout commence et tout finit avec le pastis, n'est-ce-pas ?

Le pastis est une invention marseillaise après la première guerre mondiale. L'absinthe avait été interdite en 1915 car elle était la plupart du temps raffinée n'importe comment et elle rendait fou, malgré les prises de position d'Alphonse Allais (Ah, l'fond salé de la mer). L'anisette c'était sympa, et ca l'est toujours dans tous les pays du pourtour méditerranéen avec des noms variés de l'Arak à l'Ouzo par exemple. Mais il fallait trouver quelque chose avec un goût un peu plus prononcé, épicé même. Et Marseille était à l'époque un grand centre où arrivaient plein d'épices de toutes parts. Le pastis est donc né de mélange d'anis, de réglisse et de badiane principalement, avec des variantes importantes suivant les marques.

Chacun préfère son pastis. C'est un sujet sans fin, autour d'un jaune aux heures nombreuses de l'apéritif. Moi je préfère le Casanis, car il y a de l'anis vert en plus de l'anis étoilé. Mais tous les goûts sont permis. Les différences sont minimes, entre d'une part les deux grandes marques que sont le Ricard et le 51, les autres marques commerciales plus ou moins connues, les marques de supermarché et les labels artisanaux très bobos et très chers. Les dégustations à l'aveugle tournent souvent au ridicule tant ces boissons se ressemblent. Il n'empêche qu'on peut s'étriper dans de telles discussions, ça donne soif.

D'ailleurs, en marseillais, un pastis cela veut dire un mélange tout simplement, mais aussi une embrouille. Toute la Méditerranée, quoi ! Ce n'est pas Pasqua, longtemps VRP pour Ricard, qui dira le contraire. La politique du Sud de la France, c'est le pastis. Un point c'est tout.

Le pastis peut aussi être cuisiné, comme tous les alcools. Comme ce qui ressort est principalement le goût de l'anis, il est facile de le mélanger aux produits de la mer, mais également à certaines viandes blanches, à des desserts, ou comme une pointe destinée à relever des plats sans qu'on puisse soupçonner d'où vient ce goût. Le pastis vient également parfumer les pains et les gâteaux secs. Y mettre du pastis plutot que du simple anis est plus facile, il suffit d'ouvrir la bouteille, c'est déjà liquide et en plus on peut siroter un apéro pendant qu'on cuisine. Pratique, non ? Et moins alcoolisé en général que le rhum ou d'autres alcools blancs, car le pastis ne se boit pas pur - sauf par les durs de durs qui meurent assez vite d'ailleurs.

Mais le mot pastis, au sens d'embrouille, a un bel avenir dans la region et ailleurs. Il y a de plus en plus de pastis ici, avec de grands sourires évidemment, mais des sourires carnassiers par derrière aussi. Au début ça fait sourire parce qu'il y a l'accent du midi par-dessus, mais très vite on comprend que c'est du sérieux et que la violence n'est jamais très loin. Pourtant, un pastis ça se déguste doucement et lentement, sans violence. On commence par mettre le pastis au fond, puis les glaçons bien froids histoire d'entendre le petit craquement significatif qui fait envie à lui tout seul, et enfin l'eau. Tout est affaire de proportions évidemment, comme disait César, en parlant du picon-citron-curaçao-... Il n'y a pas de pastis, mais l'arithmétique est la même, a essayer sur vos cocktails au pastis :

César : Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière le comptoir.) Approche-toi ! (Marius s'avance, et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers d'eau. Voilà.
Marius : Et ça fait quatre tiers.
César : Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris. (Il boit une gorgée du mélange)
Marius : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
César : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !
Marius : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
César (triomphant) : Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre !
Marius : Ça, c'est de l'Arithmétique.

Marcel Pagnol, Marius, Acte I, scène 2.

Il faut reconnaître que le Picon est un grand classique du coin aussi. Et le cocktail Picon-Pastis s'appelle ici un... Stoptou... Tout un programme, hips.


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