La ville est en plein développement et ça construit beaucoup. En quelques mois plusieurs immeubles sont sortis de terre, même si le pouvoir politique est toujours ici en interim en attendant les élections de l'automne.
Je vous rappelle que la première insurrection populaire d'Afrique a eu lieu ici, fin 2014 pour chasser le président de la République qui voulait se faire réélire malgré la Constitution. Depuis d'autres États ont vécu des situations similaires avec des fortunes diverses. Le Burundi est l'exemple d'un autre président qui veut aussi se faire réélire (à vie ?) et qui a réussi à se maintenir malgré un coup d'Etat raté et des manifestations populaires indépendantes, qui ont d'ailleurs repris depuis. Ce n'est pas fini au Burundi. Mais ici, au bUrkina, il y a une grande fierté de la population et des jeunes. Allez savoir ce qui sortira des urnes...
La "gouvernance" est ici un sujet délicat. Il y a des catégories de gens, comme un peu partout sur le Continent, qui sont attachés à leur statut, àleur ancienneté dans le statut, et donc à des privilèges qui devraient leur être alloués. Cela va des billets d'avion en classe affaires, à des positions qui récusent toute tentative d'évaluation de leurs actions, sans même parler de performance. Cela traverse toutes les couches de la société. Chez les politiques, c'est flagrant et l'ancien parti au pouvoir, aujourd'hui dissous, en était spécialiste. Mais d'autres catégories sont touchées, même les universités.
Saviez-vous que en Afrique, l'Universite de Ouagadougou est l'une des mieux classées ? On aurait pu imaginer que de grands pays seraint passés devant, car le Burkina est à la limite du Sahel. Il n'en est rien et l'inventivité universitaire est ici exemplaire. Des leçons à prendre. Cela explique aussi que le Burkina est à la pointe de certaines revendications clés à la limite de la science, de l'économie et du politique.
Le Coton par exemple. Une des principales richesses du pays depuis longtemps. Or l'ancien pouvoir avait autorisé une petite compagnie américaine, Monsanto, à commercialiser son coton transgénique, OGM ou BT si vous préférez. Le résultat des courses est impitoyable depuis plusieurs années : les paysans doivent acheter chaque année des semences nouvelles puisque celles vendues par Monsanto ont été modifiées pour ne pas pouvoir se reproduire (elles on été stérilisées pour mettre en esclavage les paysans du coton, et je pèse mes mots) ; ces semences coûtent beaucoup plus cher que les semences locales ou modifiées par les spécialistes locaux selon des techniques ancestrales ou simplement modernes ; le coton BT était censé ne pas être attaquable par des parasites et donc coûter moins cher en traitement, mais il est attaqué par de nouveaux parasites, la Nature s'adaptant en permanence au changement. Dans ce contexte, le changement de pouvoir a permis d'ouvrir les vannes et la contestation enfle ici contre ces pratiques immorales. Monsanto lance campagne de communication sur campagne pour combattre cela par l'argent. Mais on sent le vent tourner et les scientifiques locaux n'y sont pas pour rien. Même la télé locale en parle soir en des termes très simples et pédagogiques.
La progression du Sahel et la désertification aussi. La situation du pays est à cheval sur cette zone entre le Nord et le Sud. Nous étions par exemple dans le sud, à Leo près de la frontière avec le Ghana plus bas, avec des pelouses et de l'eau alors que même à Ouaga le Sahel se fait sentir - y compris avec quelques degrés de plus en température (plus de 40 en ce moment). Si on consulte des listes de projets et d'initiatives destinées à combattre les effets de la désertification, liés eux mêmes au réchauffement climatique, on ne peut qu'être impressionné par la variété et la créativité des solutions imaginées. Et pas seulement par des ONG internationales venant ici, mais bien par des burkinabés, accompagnés éventuellement par de telles organisations. Un mélange de volontariat, de débrouille, de science et d'enthousiasme qu'il est difficile de commenter sans y avoir été. Il est vrai que le système de la tontine a toujours été un puissant outil de développement de projets et qu'il est très utilisé ici comme dans la région. Si vous ne connaissez pas la tontine à l'africainé renseignez-vous, c'est impressionnant car c'est différent d'autres systèmes de tontines en Europe. On les appelle souvent "cotisation" ici d'ailleurs.
Mais tout cela n'empêche pas des inégalités très fortes, notamment en observant les grandes organisations internationales présentes ici. Leur train de vie et leurs pratiques sont évidemment féodales ou même de droit divin. Inspirées du fameux " fais ce que je dis, ne fais pas ce que je fais" elles permettent tous les écarts. Paradoxalement, ces pratiques sont localisées sur très peu d'individus, mais qui vivent sur une autre planète comme si leur statut (cf. le début de ce billet) les rendait surhumains, alors qu'ils ne sont qu'inhumains. Il est donc urgent, comme dans tout travail avec ce type d'organisation, de bien vite gratter sous la couche d'humus en haut pour arriver à la roche terre nourricière et aux travailleurs sincères qui sont en dessous. C'est une règle un peu partout d'ailleurs, mais elle est évidemment plus visible dans un tel contexte. Et le Burkina est finalement peut-être un peu moins touché que d'autres pays africains. Malgré le fait qu'il soit l'un des 10 pays les moins développés au monde, cela reste le " pays des hommes intègres", un nom remarquable... Il faut quand même faire attention quand on négocie ;)
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