vendredi 26 juin 2015

ONU : 70 ans et plus toutes ses dents

26 juin 1945, dans l'enthousiasme de la fin de la deuxième guerre mondiale (on aimerait bien que cela soit la seconde, mais faut pas rêver), l'ONU est créée sur les décombres de la Société des Nations. L'ONU a beaucoup servi pendant quelques décennies, mais elle est moins utile aujourd'hui.

Pourquoi ?

Crée en Californie avant que la Silicon Valley existe, L'ONU porte aujourd'hui le poids de l'impuissance des Etats devant les multinationales (américaines mais pas seulement). Et donc de l'impuissance des regroupements d'Etats, encore plus dissous (je n'ai pas dit dissolus) que les pays eux-mêmes. Le rôle des Etats et de leurs politiques diplomatiques et internationales se réduit face à ces puissances qui se regroupent dans des cartels, des trusts, des organisations internationales privées ou des lobbies, et qui se réfugient dans des Etats poreux et étanches à la fois, tous membres de l'ONU mais qui n'ont jamais lu sa charte fondatrice.

Car l'ONU est basée sur une charte, pleine de bonnes intentions et de rêves. Qui la connait et qui la relit ? La version officielle est ici en pdf et en français. Cette charte a été déformée plusieurs fois dans son histoire, par une jurisprudence liée à certaines de ses instances, comme le Conseil de Sécurité et son droit de veto pour les membres "atomiques". Une charte, c'est un document qu'on met sur une étagère et qu'on oublie, sauf lorsqu'il y a un suivi de l'application de la charte, et une autorité en charge de ce suivi. Pendant toutes ces années, l'organisation a cru à sa charte et a crû en taille. En complexité aussi. Ce "machin", comme disait De Gaulle qui n'aimait pas tout ce qui était au-dessus de lui de la France, est un gouffre financier dont la grande justification dans beaucoup de ces programmes ou de ses organisations filles est de continuer à exister. L'UNESCO, le PNUD par exemple gèrent des dossiers et des fonds importants, mais avec des "frais de gestion" colossaux, atteignant facilement les trois quarts des sommes versées.

L'ONU a comme principe de base l'égalité de tous ses membres. Le plus puissant a le même nombre de voix que le plus petit ou le plus artificiel, c'est-à-dire exactement une. Et ce qui est arrivé ces dernières années est la multiplications des regroupements d'Etats-membres en consortiums pour peser sur les décisions. Il y avait le bloc occidental et le bloc soviétique. Aujourd'hui il y a 193 Etats, après regroupements ou éclatements de pays. Quelques groupes de pays ici : cinq groupes régionaux (l’Afrique, l’Amérique latine et Caraïbes, l’Asie, l’Europe Centrale et Orientale et l’Europe de l’Ouest et Les Autres), le Groupe des 77 (G-77) qui compte plus de 130 membres..., l’Alliance des petits États insulaires, les pays les moins avancés (PMA), l’Union européenne, le Groupe Parapluie... sans compter les groupes de l'OMC qui se recoupent joyeusement. Un joyeux bordel donc qui ne facilite pas le travail "intégrateur" du groupe des groupes que devrait être l'ONU. Tout cela combat activement la règle du "un pays, une voix".

Beaucoup attendent une réforme de l'ONU pour la faire passer résolument dans un autre siècle, pas marqué par les années de sa fondation. Il s'agirait d'étendre le Conseil de sécurité à d'autres pays (notamment en développement) et de réformer les circuits de décision. Sans trahir la charte, objet intouchable, évidemment. Comme toutes les chartes, elle ne serait ni adoptée ni ratifié par de nombreux pays aujourd'hui. Il faut donc faire avec la même charte mais une répartition différente du pouvoir. Bel exercice pour diplomates de carrière.

A propos de diplomatie, tout est question d'équilibre. On oppose souvent plusieurs visions du monde, l'une sur la répartition équilibrée des pouvoirs en fonction de leurs intérêts, et l'autre sur la répartition naturelle des pouvoirs en fonction d'une harmonie universelle. Ce débat agite les professionnels du mileu international depuis des siècles, et reste toujours d'actualité dans les lignes de fracture entre pays ausein des différentes instances de l'ONU. Jusqu'où aller ou pas dans l'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays, par exemple, est une question centrale. C'est d'autant plus vrai face aux émergences de nouveaux mouvements internationaux, transnationaux, qui n'ont pas leur place aux Nations Unies mais qui pèsent lourdement sur les Etats membres : on pense à l'islamisme radical et terroriste, mais aussi aux différentes organisations criminelles ou financières.

L'ONU a déployé son influence sur beaucoup d'autres organisations qui se rêvent sur le même modèle. Je pense à l'OIF, la Francophonie institutionnelle, qui rêve de moins en moins secrètement à un fonctionnement de type ONU, ce qui fait hurler ceux qui connaissent le "modèle" ONU, mais qui séduit les diplomates qui voient surtout les avantages acqis, personnels, fiscaux et autres dans ce type d'organisation... sans compter les 4x4 ;)

Alors oui l'ONU existe et c'est un mal. Mais c'est un mal nécessaire en attendant mieux, comme lorsque la SDN s'est écroulée face à son impuissance. Espérons qu'il ne faudra pas une catastrophe aussi grande que celle qui a présidé à sa création pour que l'ONU se réforme ou se refonde !


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