jeudi 21 juillet 2016

Loi pour une République numérique : que faire des politiciens ?

Hier a été adoptée à l'Assemblée nationale la version finale de la loi d'Axelle Lemaire pour une République numérique. Texte officiel et débats ici. Analyse là par exemple par les fournisseurs de services en ligne (ACSEL).

Le texte est donc définitif et sera simplement voté au Sénat après les vacances des sénateurs fatigués par leur train de sénateur d'enfer. Son processus de préparation a été exemplaire,  dans une sorte de co-construction en ligne assez innovante, même si les arbitrages politiques ont forcément obligé à des prises de position pas toujours consensuelles. La nouvelle loi s'en ressent comme à chaque fois.

Dans le domaine de l'économie de la donnée, l'idée est d'obliger les administrations publiques à publier leurs données en mode "open data" sauf exceptions qui devront être justifiées et concrétisées par des licences spéciales. C'est un retournement de la preuve important. En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche par exemple, et malgré un lobbying intense des éditeurs qui pervertissent le système, il y a maintenant création d'un véritable droit d’accès aux travaux scientifiques en ligne et la possibilité légale d'offrir des enseignements dans le supérieur par la voie du numérique. Une vraie révolution en France.

Dans le domaine de la protection des droits dans la société numérique, le vrai sujet était celui de la neutralité du Net, condition indispensable du développement de services innovants et de la liberté des utilisateurs. La loi y rajoute la notion de portabilité des données (récupérer vos données et fichiers quand vous changez de fournisseur de service), mais en limite fortement l'application en cas de valeur ajoutée "significative" par le fournisseur. Quel est le fournisseur qui clamera ne rien avoir ajouté en matière de valeur à vos données ? Un joli terrain de bataille pour avocats spécialisés. Le débat sur la loyauté et la manière de la prouver reste brumeux et la jurisprudence devra s'en emparer, c'est pourtant un sujet de plus en plus important : quelle est la vérité d'une information et qui me la propose ? Etre juge et partie, le débat est loin d'être clos.

Dans le domaine de l'accès au numérique, on touche là à une galaxie de secteurs concernés, puisque personne n'est épargné. C'est un inventaire à la Prévert avec des ordonnances à suivre. On y parle pêle-mêle des coffres-forts et autres trousseaux d'accès électroniques, des recommandés et accusés de réception électroniques pour des documents contractuels, des services de paiement, des jeux en ligne et même des compétitions de jeux vidéo. Il y a là tout un tas d'habitudes à changer.

Mais une chose manque, pour une République numérique : les politiciens.

Quand on parle d'ouverture, de loyauté, d'éthique ou de neutralité, on est bien loin de ce que nous racontent les hommes politiques français d'aujourd'hui. La plupart ont pété les plombs et cela ne risque pas de s'arranger pendant les neuf mois de la grossesse avant l'accouchement de la présidentielle de 2017. A l'extrême droite, on s'y est habitué et on s'attend au pire. A droite, les digues ont lâché et l'écart entre discours et actions est devenu infranchissable même pour un bon gros géant : la dérive anti Etat de droit pour prôner un Etat sécuritaire rappelle trop de mauvais souvenirs pour en parler sereinement, on reste dans le pur dégoût. Bientôt en France la Turquie avec son nouvel état d'urgence pour 3 ans et ses dizaines de milliers d'arrestations d'anti Erdogan ? Les universitaires turcs sont touchés aussi et leur liberté de parole millénaire disparait. On n'aurait pas imaginé de telles manipulations en France, mais avec les discours actuels de la droite, qui sait vers quoi on se dirige ? L'habileté du pouvoir turc est certainement admirée par tous les chefs de la droite "républicaine" of course. A gauche par contre, l'absence de discours est un acte manqué réussi, car de peur de faire un score minable personne ne parle des différences fondamentales et pratiques entre une approche de gauche et une approche de droite sur plein de questions au coeur du débat actuel.

Alors oui, une République numérique devrait-elle aussi avoir des hommes politiques numériques (robots) pour la diriger ? Des robots avec éthique et rigueur, pilotés par Google et ses intelligences artificielles ? Ou des robots français pilotés par des escouades de barbouzes plus ou moins officiels ?

Ou faut-il au contraire mettre en avant les valeurs d'ouverture, de loyauté, d'éthique, de neutralité et même de solidarité chez nos dirigeants ? Et les sélectionner sur ces critères ? On aimerait...

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