mardi 21 mai 2019

GOTi, c'est fini

AUCUN SPOILER comme on dit vulgairement

Certaines choses ont une fin, pas toutes heureusement.

Racontons-ici ce que c'est que la fin d'une chose quand elle se produit. Je prendrai appui sur le dernier épisode de GOT diffusé dans la nuit de dimanche à lundi et que la plupart des fans auront déjà vu. Juste un exemple, aucun divulgâchage, aucun lien direct avec l'histoire, car finalement

qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse

Il ne s'agit pas de parler ici d'amour, comme Musset, cela vous embêterait et cela m'embêterait aussi, ma femme d'ailleurs également, car la sphère du privé n'aime pas éclater en public dans la rue de l'Internet, au risque de projeter des éclats d'amour qui trancheraient dans le vif d'autres vies et qui les éclabousseraient de leurs beautés intérieures et extérieures. Il y a tellement de gens qui sont "plus" amoureux de l'amour que de la personne à côté. Il y a tellement de formes différentes d'amour. Il ne s'agit pas ici de parler alcools et de discuter sans fin des mérites de telle ou telle substance. Il ne s'agit pas non plus de dévoiler la fin d'un feuilleton comme on disait au XIX° siècle, ou d'une série aussi populaire soit-elle.

Il s'agit de parler de ce qui se passe après la fin, quel que soit le flacon.

Moi qui suis un habitué des livres et des séries, notamment de ce qu'il est convenu d'appeler des sagas (africa ou non), je me suis habitué à survivre à la fin d'une série ou d'une longue liste de livres. Avec des sentiments mitigés selon les cas :

- refuser la fin, en chercher une autre, critiquer, se fâcher, être dégoûté de l'arrêt brutal de quelque chose qu'on croyait devenu éternel, ou en tous cas plus durable que nous-mêmes
- lire et écouter des analyses écrites par d'autres pour avoir le sentiment de partager ce sentiment d'inanité, discuter sans fin comme un dernier au-revoir à un amour passager
- se plonger dans un délicieux bain de nostalgie en repensant à toute la série, et la laisser se faire digérer doucement pas nos sucs gastrico-mémoriels
- chercher à combler le manque en se replongeant dedans, soit en regardant le tout depuis le début, 73 épisodes quand même pour GOT, ou en relisant tous les livres et en espérant les avoir finis avant que le petit dernier sorte (enfin ?)
- chercher à combler le manque en trouvant une autre saga à lire ou regarder, car finalement

qu'importe la saga pourvu qu'on ait l'addiction

Vous remarquerez que beaucoup de ces réactions ressemblent à ce qu'on appelle les étapes du deuil, même si la gravité d'une mort n'a rien à voir avec la fin d'un feuilleton écrit par des humains pour vendre à d'autres humains le plus possible de produits. Dans le cas d'une série, il reste toujours l'espoir d'une reprise, d'un "reboot" ou de "spin-off" pour rester dans le même univers et vendre plus de produits suivre certains personnages attachants. Ou alors, comme Lelouch et un homme et une femme, il s'agit de prolonger le bonheur au-delà du raisonnable, car qu'est-ce que la vie sans la passion ? Dans le cas précis de GOT, il reste l'espoir l'attente des livres de RR Martin, et des résultats de son talent pour épaissir l'histoire. Dans le cas de la mort, c'est autre chose, un état permanent avec lequel il faut vivre dans le respect des autres.

Est-ce que la fin d'une série est alors comme une petite mort (et au sens littéral comme une sorte de geste orgasmique qui clôt une période avant d'en entamer une autre) ? Ce serait donner beaucoup d'importance à de tels produits. L'être raisonnable que vous êtes (et que je suis éventuellement) répondra bien sûr que tout cela est un peu abusé.

Il n'empêche qu'il existe aujourd'hui deux tendances opposées et pourtant aussi attirantes l'une que l'autre, et qui réussissent à coexister en beaucoup de gens : l'attrait du court et du long ; le goût de l'instant et de la durée ; l'éphémère et le durable...

Les formats courts sont de plus en plus appréciés des jeunes générations, numérisées à fond, quel que soit la quantité de fond, justement, qu'on peut instiller en quelques minutes. Je discutai hier avec des étudiants autour de "Ma Thèse en 180 secondes", ce concours pour des thésards devant présenter leur sujet (et conclusions) en moins de 3 minutes et en une seule diapo. Certains disaient qu'il était impossible sur le fond de résumer le travail de sa (jeune) vie et de sa future carrière en 3 minutes, d'autres clamant l'intérêt de savoir synthétiser un discours et de promouvoir la Science pour tous, au-delà des 7 spécialistes qui comprendront la thèse complète (en étant optimiste). Tous ont raison, s'ils savaient simplement écouter ce que disent les autres.

Les formats longs, les sagas comme GOT ou plein d'autres, sont aussi très attirants, par le type d'addiction positive (souvent) qu'ils créent. Si on sait ne pas en devenir prisonniers et si l'on sait sortir et respirer, par exemple dans une longue marche au bord de la mer, les yeux mouillés par les embruns, le vent et des larmes de bonheur.

“I guess we’ll have to start talking to each other on Sunday nights.” (The New Yorker)


Alors oui, pour celles et ceux qui vivent en cet instant le stress post-mortem de la fin de la série GOT, courage ! Et pour ceux qui ne s'y sont jamais intéressés, courage aussi, pour supporter les ratiocinations de fans comme moi ;). Parce que

qu'importe le blog, pourvu qu'on ait le plaisir

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