dimanche 3 février 2013

Du temps de cerveau pour ... le Télécran


Tout le monde en a eu un, ou a voulu en avoir un. C'est devenu un objet culte, vintage comme disent les bobos. On en fabrique toujours aujourd'hui car c'est réellement un écran magique, pour dessiner et surtout, surtout, pour effacer l'écran en le renversant et en le secouant tout en écoutant ce super bruit de grains qui roulent qu'on imagine magiques évidemment.

Il y a maintenant des variantes électroniques (avec le même bruit enregistré pour l'effacement), des applications qui essayent de l'imiter pour téléphones et tablettes comme l'iPad. Il y a même des housses pour iPad qui le font ressembler à un télécran. Certains fous ont évidemment inventé des contrôleurs pour écrire automatiquement sur votre télécran, ici ou ici.

Mais tout ça dérive du même concept, inventé en 1957 par un ingénieur électricien français, André Cassagnes, qui est mort le 16 janvier 2013 à l'âge de 86 ans. Nouvelle qui serait passée inaperçue en France si elle n'avait pas été annoncée cette semaine par la compagnie américaine qui en avait acheté les droits mondiaux (sauf pour la France), la Ohio Art Company et qui respecte ainsi le deuil de sa famille.

Très vite le Télécran que nous connaissons ici est devenu Etch-A-Sketch ou l'Ecran magique/Magic screen. Son histoire est simple : un inventeur, un vrai. Une belle idée devenue un prototype présenté à un concours à Paris qu'il gagne, puis à une foire en Allemagne. Le concept a été déposé par l'inventeur en 1957, mais il n'avait pas assez d'argent pour déposer le brevet : 200 dollars. Alors il a pris un investisseur qui a fait une fortune avec et qui n'a pas vraiment bien traité l'inventeur. D'ailleurs certaines personnes croient que l'inventeur du Télécran est un certain Arthur Granjean (même Wikipedia se trompe). En fait cet Arthur était le comptable de l'investisseur, un certain Paul Chaze, et c'est lui qui a déposé le brevet.

C'est une histoire qui en dit long sur les relations entre invention/innovation et investissement/brevet.

L'inventeur a continué à inventer d'autres choses et s'est spécialisé dans les... cerfs-volants. Voilà un grand-père comme on aimerait en avoir.

Mais au-delà, aux USA en tous cas, ce jouet est devenu très très vite après son introduction en 1959 un succès énorme. Pub de l'époque ici.

Techniquement, c'est simple et évident comme toutes les inventions, une fois qu'elles ont été inventées : une boite étanche plate avec une vitre en verre, de la poudre d'aluminium à l'intérieur mélangée avec de très petites billes en plastique pour que la poudre s'étale bien quand on secoue et qui tombe au fond quand on dessine, un stylet qui enlève la poudre de la vitre, deux boutons et des tiges pour déplacer le stylet horizontalement et verticalement. Le bruit des billes sur la vitre quand on le secoue est inimitable.
La poudre d'aluminium est utilisée car elle a cette propriété électrique de coller à plein de surfaces, comme le verre. Mais cela explique également que le Télécran est interdit dans certains pays, car cette poudre est hautement inflammable et est utilisée par exemple dans les feux d'artifice. N'ouvrez pas votre Télécran, sauf si vous êtes un artiste spécialisé et que vous voulez conserver votre oeuvre !

Evidemment, il est difficile de tracer des courbes et des diagonales, mais c'est ça le fun. On ne peut pas lever le stylet non plus (sauf sur des modèles tardifs et trahissant le concept) d'où la nécessité de toujours trouver un chemin pour lier les objets dessinés.

Exemples :




Des artistes aussi :

George Vlosich III, et ici en direct pour un dessin !


Andrea Tilden



L'éphémère, avant la technologie, simple, riche. Beau. Rien de plus à dire, sinon :
Merci M. Cassagnes.




PS : Et pour les écrans d'aujourd'hui, lire le rapport de l'Académie des sciences sur "L'enfant et les écrans" (en pdf). Décapant.

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