Chavez

Mardi, Hugo Chavez est mort, d'un cancer qu'il combattait depuis quelques années. Le mythe du héros bolivarien impossible à toucher, invulnérable à la maladie n'a pas résisté. La nature est plus forte que tous les hommes, dictateurs, visionnaires, révolutionnaires ou simples citoyens. Certains vénézuéliens clament que le cancer a été inoculé par le grand ennemi, les USA, pour détruire cette statue. Laissons-les à leurs délires et parlons un peu de son oeuvre. Un film argentin de 90 minutes ici sur sa vie.

L'article de Wikipedia est long, très long, comme une discours de Chavez à la télé, dans la grande tradition des tribuns sud-américains et cubains. Le président parlait beaucoup et tout le temps, à travers un système médiatique très contrôlé évidemment. Il faut avoir écouté une (partie) de ces causeries pour en sentir le sel et la force quasi hypnotique. A priori son record pour un discours est de neuf heures (!) et il avait l'habitude d'intervenir tous les jours à sa la télévision. Sur la forme, comme il parlait beaucoup et sur tout, ses discours font partie de ceux qui ont été les plus manipulés : par lui, par les lobbies pro et anti-Chavez et à l'étranger.

A l'heure de l'internet, du buzz, de Twitter (messages courts, si courts !!!) et d'une réactivité brutale à tous les événements, un dinosaure comme lui avait de plus en plus de mal à trouver sa place.

Socialiste du XXI° siècle, il plaisait évidemment à beaucoup de politiciens de gauche. Surtout aux altermondialistes, comme on ne dit plus, aux Mélenchonistes et autres partis de gauche. Il plaisait aussi à certains à l'extrême droite, par la loi de la circonférence politique et par ses discours nationalistes et anti-impérialismes d'où qu'ils soient. Il avait un faible pour critiquer les USA, bien que depuis l'élection d'Obama, il ait changé un peu son discours.

Le Vénézuela est un pays riche grâce au pétrole. La rente pétrolière a déjà baissé et va continuer à baisser mais elle est encore là. Treizième producteur au monde (et non cinquième comme on l'entend souvent), le Venezuela a également d'autres ressources. (Entre parenthèses, si vous cherchez des informations sur un pays quelconque, allez visiter en détail ce dernier lien, c'est le plus à jour que je connaisse, sérieusement). Le pétrole a ouvert une manne financière. Qui en profite ?

C'est là que cela se corse. Troisième économie d'Amérique latine après le Brésil et le Mexique, le pays est analysé diversement. Les économistes sont pro ou anti-Chavez et les analyses objectives sont rares. L'UNESCO constate que la "République bolivarienne du Venezuela" a éradiqué l'analphabétisme et réduit de moitié la pauvreté. Les opposants dénoncent des chiffres truqués. Encore une fois, la politique anti-lobbies de Chavez a hérissé les critiques : Chavez a bâti sa réputation et sa politique sur un discours anti-lobby tout en verrouillant le système pour lui, son parti et sa famille. La succession va être compliquée, même si le dauphin a déjà été désigné. Il y a une opposition légale dans ce pays, contrairement à de vraies dictatures classiques (pétrolières, minières ou autres). Les élections suivantes seront intéressantes à suivre. C'est clairement un moment important pour le pays.

Chavez a surtout été l'une des grandes voix de l'Amérique du Sud. Si ce sous-continent commence à exister au plan international, avec une parole originale et écoutée, c'est en partie grâce à lui et à ses extrémismes. Il obligeait les autres à se positionner. Sa mort déclenche un torrent de réactions dans cette région en très fort développement. Il aimait le pouvoir malgré les accusations de dictateur populiste et voulait y rester jusqu'au bout. A comparer un peu à Sarkozy qui annonce qu'il pourrait se représenter en 2017 s'il y était obligé... (Vous pouvez sourire à cet endroit, pendant quelques secondes...)

La devise (monétaire) du Vénézuela est le Bolivar évidemment et la devise (politique) est "Dieu et Fédération". Le pays est profondément catholique depuis très longtemps et Chavez l'était aussi. Il a dit par exemple : « Je suis chrétien et je pense que le socialisme doit se nourrir des courants les plus authentiques du christianisme». A rapprocher du "In God We Trust" des USA mais avec un angle assez différent ;). Il a été critiqué pour un antisémitisme supposé, à coup de mauvaises interprétations, alors même que les communautés juives de toute l'Amérique le soutenaient. A Rome, le Cardinal Jorge Liberato Urosa Savino, archevêque de Caracas a-t-il prié pour Chavez, en attendant de participer au conclave pour l'élection du prochain pape ? Oui évidemment. Il n'empêche que lors des dernières élections, l'église catholique avait fermement affirmé son opposition à Chavez et "à un régime communiste", par la voix de ce cardinal.

Alors Chavez canonisé ?

Mise à jour : Et Z Lartiste ajoute son dessin !