mercredi 22 mai 2013

LRU, Et la Rue ?

Revenons un peu sur le projet de loi d'orientation sur l'enseignement supérieur et la recherche, en parlant des autres articles que le fameux article 2 sur la langue française, qui fait couler le plus d'encre de Chine et d'ailleurs.

Voici un résumé de quelques articles importants, et même si dans l'ensemble les ajustements sont jugés légers par rapport à la loi LRU de Pécresse-Sarkozy, il y a quand même quelques avancées, jugées évidemment diversement par les parties prenantes concernées (les stakeholders) qui défendent toutes des intérêts différents, sans compter les politiques et leurs jeux habituels, même au sein du PS.

Ce billet est long, mais, j'espère, plus facile à lire qu'une loi. Tout ceci ne préjuge pas des amendements qui seront adoptés évidemment.

L’article 3 introduit le principe de coordination par le ministre chargé de l’enseignement supérieur des formations post secondaires relevant des différents départements ministériels et constituant le service public de l’enseignement supérieur : par exemple les écoles d'art et d'architecture qui dépendent de la Culture ou d'agronomie et vétérinaires qui dépendent de l'Agriculture, etc... C'est un vrai changement.
Par ailleurs, le même ministre porte la responsabilité de l’élaboration d’une stratégie nationale de l’enseignement supérieur en concertation avec tous les partenaires concernés (Ah bon ? Il n'y en avait pas avant ?)


L’article 5 officialise la formation tout au long de la vie, à la place de formation initiale et continue.

L’article 6 donne un cadre juridique au développement du numérique, notamment pour les ressources pédagogiques en lien avec le droit d'auteur. L'article 16 oblige à rendre disponibles les enseignements sous forme numérique, lorsque c'est possible.

L’article 8 officialise la possibilité pour les étudiants de l’enseignement supérieur français d’effectuer des parcours comprenant des périodes d’études et d’activités à l’étranger.

L’article 13 étend les compétences du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) à l'ensemble de la recherche, ce qui inclut donc les grands organismes de recherche, hors universités.

L’article 15 considère l’alternance comme une modalité à part entière de la formation dans l’enseignement supérieur et non plus comme une simple modalité des stages.

L’article 17 inscrit dans la loi le principe de continuité entre le second cycle de l’enseignement du second degré et l’enseignement supérieur. Ca aura surtout des conséquences sur le second degré.

L’article 18 s'occupe de favoriser l’accès des bacheliers professionnels aux sections de techniciens supérieurs, et des bacheliers technologiques aux instituts universitaires de technologie, afin de revaloriser ces filières. Il s'occupe également des classes prépas aux grandes écoles en proposant un rapprochement conventionnel entre chaque lycée disposant d’au moins une formation d’enseignement supérieur et un ou plusieurs établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, afin de favoriser un meilleur contact des élèves de ces classes préparatoires avec la recherche et un décloisonnement de ces filières. C'est une révolution.

L’article 20 substitue l’accréditation d’un établissement d’enseignement supérieur à dispenser des formations et, partant, à délivrer les diplômes nationaux sanctionnant ces formations, à l’habilitation à délivrer les diplômes. C'est un changement de paradigme : au lieu d'avoir le droit de délivrer des diplômes tous différents, les établissements devront faire accréditer chaque diplôme, d'où la mise en place d'un référentiel.

L’article 22 propose d’expérimenter pour six ans de nouvelles modalités d’accès aux études médicales. Il pourra s’agir, d’une part, d’assurer la réorientation des étudiants de première année n’ayant pas réussi les épreuves portant sur les enseignements dispensés en début d’année, d’autre part, de prévoir pour des étudiants ayant suivi un premier cycle adapté qui conduit à un diplôme de licence, de bénéficier d’une admission différée en 2e ou en 3e année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de "maïeutique" (c'est nouveau). Grosse agitation dans la communauté des professionnels de la santé.

L’article 23 ajoute les communautés d’universités et d’établissements à la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Vive les regroupements et autres pôles.

L’article 24 crée un conseil académique, organe à la fois délibérant et consultatif, à la place du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire. Simplification et donc complexité nouvelle de représentations.

L’article 25 fait évoluer l'élection du président d’université qui peut maintenant être élu aussi par les personnalités extérieures. En contrepartie, les directeurs des composants peuvent se voir déléguer, par délibération du conseil d’administration, la nomination des jurys des examens.

L’article 26 modifie les missions du conseil d’administration, sa composition et le mode de désignation de ses membres, notamment en imposant des quotas pour les personnalités extérieures qui jouent maintenant un rôle plus important.

L’article 27 précise la composition du nouveau conseil académique, avec entre autres un vice-président étudiant. Les pouvoirs sont rééquilibrés entre président, conseil d'administration et conseil académique.

L’article 28 précise les attributions de ce conseil académique qui sont exercées soit par sa formation plénière, soit réparties entre la commission de la formation et la commission de la recherche. Ces attributions sont étendues par rapport à la somme des deux anciens conseils. C'est un "gros" article.

L’article 29 rattache les sections disciplinaires au conseil académique. Par disciplinaire, on entend les différentes disciplines comme les maths ou la littérature du XI° siècle, pas la prison.

L’article 30 donne la liberté de création de composantes aux universités à côté des unités de formation et de recherche, des départements, des laboratoires et des centres de recherche. On va voir fleurir des tas de structures innovantes !

L’article 35 définit la notion de grand établissement. Feront partie de cette catégorie les établissements de fondation ancienne et présentant des spécificités liées à leur histoire ou dont l’offre de formation ne comporte pas la délivrance de diplômes pour les trois cycles de l’enseignement supérieur. Le Collège de France par exemple, créé par François Ier contre les universités de l'époque ? Mais aussi des établissements militaires ?

L’article 37 introduit une obligation de parité entre les femmes et les hommes pour la composition des listes de candidats aux conseils des établissements, et précise longuement les règles pour les élections.

L’article 38 s'occupe de « coopération et regroupements des établissements » pour coordonner sur un même territoire les offres et stratégies, soit par la création d’un nouvel établissement, soit par la fusion d’établissements, soit par la participation à une communauté d’universités et établissements ou d’un rattachement à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Par dérogation, en Île-de-France, plusieurs établissements peuvent assurer la politique de coordination territoriale. (No comment, LOL). L’État conclura un seul contrat pluriannuel avec la structure qui porte le regroupement. Chaque communauté aura un président, qui dirige l’établissement et préside le conseil d’administration, un vice-président chargé des questions et ressources numériques, un conseil d’administration, un conseil académique et un conseil des membres.

L’article 40 supprime les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), les réseaux thématiques de recherche avancée et les centres thématiques de recherche et de soins. Ce sont les "communautés" de l'article 38 qui les remplacent.

L’article 42 sanctionne pénalement le recours au terme « master » par un établissement d’enseignement supérieur privé qui n’aurait pas été autorisé à délivrer au nom de l’État des diplômes conférant le grade de master. Ca va faire du bruit dans un certain nombre d'écoles !

L’article 46 assimile les chercheurs des établissements et organismes de recherche aux enseignants-chercheurs (Enfin !) Ils peuvent ainsi siéger dans les instances compétentes lorsque les questions relatives au recrutement, à l’affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs sont examinées.

L’article 47 ouvre certains corps de catégorie A de la fonction publique aux candidats titulaires d’un doctorat, avec des concours spécifiques. Ca va s'agiter dans les grands corps de l'Etat !

L’article 48 modifie le nom de la structure qui sera chargée de l’évaluation dans le domaine de la recherche. Il s’agira du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Exit l'AERES. L'article 49 en étend les missions, l'article 50 en précise la composition.

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