Episode instructif à l’Assemblée Nationale. Un député - Julien Aubert, UMP évidemment - s’est fait sanctionner pour avoir dit deux fois Madame le Président à la présidente de la séance. Il a ensuite enchainé avec Madame le Ministre pour Ségolène Royal qui est une femme également. Les conclusions à tirer de cet épisode dépendent de votre point de vue :
La féministe : Oui, il faut défendre les femmes partout, en tous temps et en toute heure. Un président n’est pas forcément un homme. Cette condamnation symbolique à une amende est un fait nouveau. Ce n’est pas un détail mais au contraire une preuve que le combat avance. La preuve ? Il y a quelques années un tel épisode ne se serait jamais produit, avec une amende en tous cas.
L’anti-féministe ou le macho : C’est ridicule et les féministes se décrédibilisent avec de telles sorties. Il n’y a rien de choquant dans cet usage depuis belle lurette. Il y a des siècles qu’on utilise le masculin pour le neutre - qui n’existe pas en français - et il n’y a pas de quoi fouetter un chat. La présidente de l’Assemblée ferait mieux de s’occuper d’autre chose. Ah, si ça avait été un homme qui présidait…
Le coupable : M’enfin, je ne savais pas que c’était interdit dans le règlement de l’Assemblée et je suis l’avis de l’Académie Française qui n’a pas encore féminisé les fonctions. En plus cette dame elle me harcèle depuis des mois et c’est une affaire personnelle ! Me priver ainsi d’un quart de mon indemnité mensuelle ça va me priver de quelques repas dans mon restaurant trois étoiles préféré.
La présidente : C’est intolérable. Je l’avais prévenu à plusieurs reprises qu’il s’agissait d’attaques personnelles pour me harceler et que la prochaine fois il y aurait amende. C’est fait. Et même si ce n’est pas dans le règlement explicitement le ou la président(e) de séance a tout pouvoir pour ces décisions. En plus il y a la circulaire Jospin qui pousse à la féminisation des titres et qui s’impose à nous.
Le linguiste : L’Académie française est la dernière institution à bouger - quand elle le fait - sur des sujets de langue. Ils sont les plus ringards de tous les spécialistes de la langue, d’ailleurs il n’y a aucun linguiste à l’Académie et c’est fait exprès. Il est logique de féminiser les titres surtout quand il y a un verbe derrière. Pour président et présidente il y a présider, comme il y a diriger pour directeur et directrice. Pour professeur et professeuse il n’y a pas de verbe par contre, c’est pourquoi on peut choisir plutôt professeure. En effet le verbe professer n’a rien à avoir avec enseigner mais plutôt avec clamer ou propager, comme dans professer sa foi. Dans d’autre cas il y a les terminaisons en -esse, comme dans maître et maîtresse mais elle sont souvent perçues comme dévalorisantes. Les linguistes répondent à ça qu’effectivement richesse ou noblesse sont dévalorisants, avec un grand sourire.
La québécoise : Chez nous on féminise à tour de bras depuis longtemps et cela ne gêne plus personne. Mais on francise également les mots anglais - comme fin de semaine pour week-end - car on aime la langue française… nous !
Le juriste ; Cet épisode crée un précédent intéressant à l’Assemblée Nationale mais aussi dans plusieurs corps de l’Etat. Il sera intéressant de suivre la jurisprudence à ce sujet.
L’analyste politique : C’est une affaire entre droite traditionaliste, partisane de la manif pour tous et la gauche sociale. C’est un signe d’une radicalisation des opinions et de la difficulté à converger sur des sujets de société.
L’humoriste (gras et macho) : il y a trois sortes de femmes : les emmerdantes, les emmerdeuses et les emmerderesses. Ah zut, c’est du Paul Valéry… Combien de sortes de présidentes, alors ?
Oups, on ne doit plus dire mademoiselle, mais madame, afin de ne pas pénaliser les femmes par rapport aux hommes qui peuvent être mariés, pères ou non, sans qu’on le devine à l’énoncé de leur titre. Aux USA, en plus du Mrs (Missize pour madame) et du Miss (pour mademoiselle) il y a depuis longtemps le Miz (pour une femme)...
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