lundi 20 octobre 2014

Une vie en 3D

Ne dites plus "machin 2.0" ou "machin 3.0", c'est ringard. Le web 2.0 existe depuis des lustres maintenant et le web 3.0 est un concept marketing pour start-up en recherche de financement, lorsque les mots big data ou cloud ne suffisent plus. La mode maintenant est au 3D.

Il y a plein de 3D différents évidemment et ça ne date pas d'hier, tous ceux qui voient bien avec leurs deux yeux vous le diront. La stéréoscopie et le relief datent de plusieurs siècles. Le cinéma en relief est passé par plusieurs étapes, avec des lunettes bleues et rouges, puis polarisées, bientôt nanofibrées. La projection en 3D type hologramme est également ancienne même si dans Star Wars elle tremblote un peu. Le casque Oculus Rift commence à faire des petits, en 3D version augmentée, immersion totale garantie, effets à étudier encore. La réalité construite par les technologies essaye toujours de courir après la réalité réelle. Comme si rechercher la réalité était un rêve.

Ce week-end, ceux qui n'avaient pas fui la capitale pour aller voir de l'Art en dehors du périphérique - si, si, il y en a - ont pu aller voir le salon 3D PrintShow... au Carrousel du Louvre à côté de la pyramide inversée. Dans ce lieu bizarre consacré au bon goût et au luxe, avec une pincée de sel et d'Art, ce mini salon regroupait des fournisseurs d'imprimantes 3D et des créateurs qui utilisent ces machines. Parcourez le lien ci-dessus pour voir quelques unes de leurs créations dans des domaines aussi variés que l'Art, la mode, le design, l'architecture, le médical, et maintenant l'alimentaire de luxe.

Une imprimante 3D aujourd'hui peut être achetée entre 500 et 5000 euros mais pour les professionnels et les grandes tailles cela peut aller beaucoup plus loin. Tout a commencé avec des imprimantes pâteuses dan stout les sens du terme qui déposaient des couches de plastique-cire spécial pour produire rapidement des formes et les tester, ou pour produire des formes impossibles à sculpter. Impossible ? Les boules de Canton en ivoire existent depuis des siècles - jusqu'à 10 sphères sculptées les unes dans les autres, toutes mobiles. On attend encore la première imprimante 3D capable d'en réalise une... même si l'art de la dentelle est en train d'être bouleversé par ces technologies.


Ce marché est un marché. Il y a des vendeurs de matériels et surtout de fournitures (comme pour les imprimantes standards), des conseillers, des experts, des formateurs et - heureusement - des créateurs.
Entre Art, artisanat et industrie, un nouveau marché est en train de se dessiner et il y aura de la place pour toutes ces activités. C'est aussi un fantastique outil pour les créateurs eux-mêmes afin de tester leurs créations, leurs designs, leurs maquettes. On fabrique même des maisons comme cela, avec des imprimantes géantes. Si, si.

Le nouveau marché dont on parle est celui de l'alimentaire. Une recette et une duplication exacte à l'infini, si tant est que les ingrédients de base soient "sculptables" et que les machines soient faciles à nettoyer. Bientôt la corvée de plonge dans les restaus remplacée par la corvée de nettoyage des tubes et tuyaux de la machine robot dans la cave, sans se prendre les doigts dans les rayons laser ? En France on aime bien manger, et manger de la bonne qualité. A quand les macarons Ladurée - déjà fabriqués à la chaîne - sortis d'une chaîne 3D ? Le fameux coup de main pour ne pas briser la pâte est-il imitable par une imprimante 3D ?

Evidemment il ne faut pas confondre simple robot et imprimante 3D. Les deux couplés deviennent un instrument puissant pour remplacer les artisans. Je vois quelques regards sceptiques dans la salle. Il y a effectivement un monde entre l'émergence d'une technique et son adoption par une grande partie des professionnels et de la population. Mais c'est un marché dynamique, toujours à la recherche de leaders d'opinion et de créateurs emblématiques.

Avant, quand on parlait d'imprimante 3D on parlait d'ajouter de la matière progressivement, dans une logique additive (plus on en met, plus il y en a). Maintenant il y a des technologies soustractives, qui s'apparentent plus à la structure classique (plus on en enlève, plus c'est beau), et évidemment des imprimantes qui combinent les deux. Bon, on ne peut pas tout faire quand même. Par exemple si on pouvait plier en deux sur elle-même une feuille de papier standard 42 fois de suite, on couvrirait la distance de la Terre à la Lune. Et 103 fois pour la taille de l'Univers telle qu'on l'estime aujourd'hui. Heureusement la plupart des gens ne peuvent dépasser 7 ou 8 fois et le record serait de 12. On attend une imprimante 3D capable de faire mieux !

Alors on peut rêver à d'autres applications de la sculpture 3D :

- Un musée Grévin pour tous ceux qui veulent : votre statue en cire pour pas cher, habillée en n'importe quoi (pas en clown au risque d'effrayer les enfants)
- Des réformes en 3D, puisque personne ne lit celles qui sont imprimées en 2D : Puisque le gouvernement a décidé de continuer à réformer la gouvernance publique de la France, autant s'en donner les moyens ! Une force tranquille appliquée à un mouvement brownien de protestations variées peut donner naissance à d'intéressants trois développements.
- Une imprimante 3D dans chaque école maternelle pour remplacer les sculptures en coquillage à base de rouleaux de papier toilette : cela aurait le mérite d'apprendre à nos chers bambins la logique pour programmer de tels engins. Ensuite à continuer en primaire et dans le secondaire. Pour les étudiants c'est déjà trop tard, ils sont trop vieux.
- Des restaurants d'un nouveau type : ne dites plus "un steak frites" mais "un steak frite" et indiquez juste la longueur de la frite que vous souhaitez en mètres.
- Pour les pauvres - les sans-dents - imaginez des machines pour produire votre prothèse à un coût ridicule : prothèses jetables permettant d'avoir des dents de toutes les couleurs, comme on change de foulard ou de cravate.
- Pour les terroristes, fabriquer des armes opérationnelles. Au Japon c'est interdit dorénavant. Déjà qu'il y a trop d'armes en circulation...
- Pour les étudiants et autres doctorants qui peuplent nos campus universitaires, un débouché vers la création d'entreprises innovantes autour d'idées a priori saugrenues... mais pas tant que cela puisque les investisseurs étrangers viennent y faire régulièrement leur marché, sur un créneau abandonné par le capitalisme traditionnel à la française.
- Enfin, pour les employés de bureaux, deux inventions nécessaires : le fauteuil adapté à votre morphologie pour une ergonomie parfaite et l'imprimante à trombones déjà emmêlés pour avoir le plaisir de les démêler !

Vive la technologie !


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