Ce mardi avaient lieu les élections de mi-mandat aux USA et c'est une défaite à la fois pour Obama et pour son parti, les démocrates.
Le système américain est différent du système français. Quelques explications, simples, car tous les systèmes électoraux sont compliqués.
En France, le Président et l'Assemblée nationale sont élus pour 5 ans à quelques mois d'écart, en général avec la même majorité. Depuis l'invention du quinquennat, les cohabitations n'ont pas eu lieu et il faudrait une dissolution pour y arriver. Le Sénat est élu pour 6 ans (par moitié tous les trois ans), mais le Sénat n'a qu'un pouvoir symbolique malgré ce qu'en disent les sénateurs, l'Assemblée ayant toujours le dernier mot, sauf en cas de réforme de la Constitution où les deux chambres réunies doivent pencher largement du même côté. Cela donne une certaine cohérence dans la durée pour une majorité - cinq ans. Les fonctionnaires responsables ne changent pas à chaque élection (comme aux USA), sauf les principaux évidemment, même si Sarkozy voudrait imposer ce système en France. Bonjour la continuité de l'Etat...
Aux USA, le rythme est beaucoup plus rapide et les échéances plus rapprochées. Le Président est élu tous les 4 ans et le même jour est élu l'ensemble des représentants (l'équivalent de notre Assemblé nationale) ainsi qu'un tiers des sénateurs. Puis tous les deux ans (oui, deux ans seulement) les représentants sont renouvelés (tous) et un tiers des sénateurs. Le mandat des représentants est donc de deux ans et celui des sénateurs de 6 ans (renouvelés par tiers tous les deux ans). Le poids des deux assemblées est différent et le Président a un droit de veto sur les lois. Il faut bien comprendre que les élections intermédiaires (mi-mandat) ont un poids important puisqu'elles permettent un effet classique de "pendule" comme dans beaucoup de vieilles démocraties : le parti au pouvoir voit presque toujours son poids baisser. Les pouvoirs fédéraux sont donc réellement répartis en trois lieux, le président, la chambre des représentants et le Sénat. Qui dit trois, dit deux contre un la plupart du temps.
On notera que le code couleur n'est pas le même des deux côtés de l'Atlantique : en France le bleu est la couleur de la droite (plus ou moins clair, plus ou moins marine) et le rose-rouge la couleur de la gauche. Aux USA c'est l'inverse : les républicains, conservateurs et de droite sont en rouge alors que les démocrates libéraux et de centre gauche sont en bleu... Heureusement les tomates jetées à la face des mauvais candidats sont toujours rouges. A moins que les tomates OGM ne soient bleues comme les oranges du poète ??? Et à propos de couleur on notera un petit fait historique : La Caroline du Sud a élu un sénateur noir. C'est une première pour un Etat du Sud depuis la guerre de sécession, même si c'est un républicain rouge donc, of course.
Les élections à mi-mandat pour un deuxième mandat sont particulièrement importantes. C'était le cas hier. Obama est au milieu de son deuxième mandat. Je devrais dire de son second mandat puisque le président est le seul poste où un nombre illimité de mandats n'est pas possible. Les représentants ont été renouvelés, mais les républicains avaient déjà la majorité, ils la gardent, donc rien à signaler de ce côté. Les sénateurs qui étaient en compétition hier sont en fait ceux qui ont été élus en même temps qu'Obama lors de sa première élection, il y a 6 ans. Le fait que leurs sièges soient passés de l'autre côté est un grand classique aux USA, mais là ça a été particulièrement violent. Il suffisait de 6 sièges aux républicains pour faire basculer le Sénat. Ils en ont a priori gagné 10 (gagné 11 et perdu 1). Le taux d'abstention tourne traditionnellement pour ces élections de mi-mandat autour de 60%...
Comme disait Chirac : "Putain, deux ans"... Deux ans à tirer pour Obama et les démocrates, sans majorité ni à la chambre des représentants ni au Sénat. Le droit de veto va forcément être utilisé, au risque de déclencher des tentations d'impeachment chez les républicains - ce qui ne leur a pas toujours réussi, cf. le cas Clinton il y a quelques années, hello Monica. Il y a de la paralysie dans l'air, y compris au niveau du budget fédéral. Il pourrait y avoir du détricotage de mesures emblématiques comme le Obamacare. Il peut y avoir des retours de bâton sur des avancées d'Obama, en termes de droit social, d'immigration et même de lutte contre le changement climatique (bonjour la COP 21 de Paris) car le lobby des pétroliers et des charbonniers est très puissant... chez les républicains.
La dernière année d'un deuxième mandat est en général très calme, tout le monde préparant l'élection de novembre 2016. Les démocrates se préparent pour la course à l'investiture. Hillary or not Hillary ? Vu le résultat des élections d'hier, on est parti cette fois pour deux ans d'embrouilles et de mouvements browniens dans la politique américaine. Tous les observateurs s'accordent pour dénoncer le pourrissement des opinions publiques aux USA : un dégoût de plus en plus prononcé pour le pouvoir fédéral, amalgamant Washington, Obama et les politiciens lobbyisés, si vous me permettez cette expression. Comme le dit une amie américano-parisienne, la prochaine saison de "House of Cards" s'annonce passionnante, puisqu'elle reflète la vie politique à Washington.
Certains optimistes clament que tout est possible pendant ces deux ans. Puisque les deux parties du Congrès vont parler d'une même voix, des compromis seront possibles avec le Président - on ne t'embête pas là-dessus mais tu nous laisses ça, par exemple. Personne ne sait si les démocrates vont jouer l'obstruction systématique - comme l'on fait les républicains - ou au contraire la coopération et si des lois et des réformes vont sortir de cette mélasse. Un terrain rêvé pour tous les extrémistes.
La mine est donc triste à Washington DC, dans les bureaux des démocrates. Heureusement ils pourront se rabattre sur une bonne nouvelle : les électeurs de la ville et de cet état si particulier, puisque siège du gouvernement fédéral, ont voté pour la légalisation de la marijuana, comme des états plus avancés l'ont fait avant eux, la Californie évidemment. Les nouveaux élus pourront-ils fumer un joint (pot comme ils disent là-bas) ? Le congrès va-t-il s'y opposer ? Voici un suspense haletant que nous suivrons de très près.
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