mercredi 17 février 2016

Science sans limites

Dans la tourmente d'un Paris froid, si on parlait un peu de science aujourd'hui ? Petite compilation personnelle de faits intéressants.

La science, c'est surtout des humains qui la font. J'ai déjà parlé du plafond de verre pour les femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche, mais voici une étude intéressante sur la place des femmes et des hommes dans les développements informatiques, en se basant sur les statistiques de GitHub qui est l'un des principaux systèmes internationaux pour développer à plusieurs, notamment des logiciels libres. En observant la "qualité" du code informatique produit par des développeurs sur cette plateforme, et en essayant de deviner le sexe des auteurs, cette étude (pdf) conclut que les femmes informaticiennes produisent du code de meilleure qualité que leurs collègues hommes. La conclusion s'inverse cependant dès que leur sexe est connu, car les modifications proposées par des femmes sont moins acceptées par les hommes, dans ce putain de macho de milieu informatique. Ce qui est intéressant, pour les anglophones, est de lire l'étude originale, très objective et prudente, et de lire par exemple l'article de la BBC qui en fait du sensationnel, faux scientifiquement... Mais puisque la BBC le dit, ça doit être vrai, non ?

Quoique... Lisez cet article. Les scientifiques qui travaillent sur l'ADN et surtout l'ARN essayent de modéliser depuis longtemps les différentes manières de se replier qu'a cet élément essentiel de la vie, messager incontournable utilisé par les cellules et les virus. Comprendre ces mécanismes permettra d'en créer de nouveaux avec des applications médicales vitales pour enrayer certaines maladies (sans compter d'autres joyeusetés que certains esprits scabreux inventeront certainement). Il y a tellement de possibilités à calculer que les ordinateurs les plus puissants n'y arrivent pas. Certains ont donc eu l'idée de transformer cela en une sorte de jeu (Eterna) et de demander aux Gamers (les joueurs endurcis) d'essayer de résoudre les configurations les plus compliquées. Beaucoup se sont inscrits, sans avoir besoin de comprendre quoi que ce soit à la science derrière. Et les joueurs ont trouvé, oui, trouvé des solutions là où les ordinateurs pédalent dans la choucroute. Pan sur le derrière des scientifiques spécialistes, des mathématiciens avec des algorithmes insuffisants, des informaticiens incapables de programmer mieux et des ordinateurs pas assez puissants... Un modèle pour de nouveaux types de recherches scientifiques, en faisant appel à l'intelligence collective et partagée, une sorte de noosphère 3.0 ? Un sujet qui doit nous faire réfléchir en tous cas.

A propos de biologie et de nanosciences, qui se confondent de plus en plus, voici une nouvelle qui intéressera tous les patients atteints de maladies dégénératives du cerveau (dans longtemps) : les chercheurs pensent maintenant avoir trouvé un moyen de réparer les connexions (électriques) défaillantes entre nos neurones, les fameuses synapses, en remplaçant les cellules détruites par des liaisons artificielles en graphène. Cela faisait longtemps qu'ils cherchaient avec d'autres matériaux, mais ceux-ci étaient systématiquement rejetés par les organismes d'accueil. Le graphène est dérivé du graphite donc carboné, donc parfaitement compatibles avec les organismes terriens. Il se trouve qu'il y a du graphite dans les mines de crayon à papier et c'est tant mieux. Nos cerveaux seront-ils sauvés par des crayons à papier à l'heure du numérique ???

Pour revenir un peu à l'informatique, des chercheurs ont réussi à fabriquer un matériau en 5 dimensions (si, si, je vais vous expliquer...) à base de nanostructures aussi (décidément !) qui permet de stocker des quantités énormes d'informations dans un volume minimal, à coups de lasers sophistiqués. Ces nouveaux supports résistent à des températures énormes (1000° au moins) et sont capables de durer des... milliards d'années. A utiliser pour les grandes archives du monde, et à vendre aux grands musées. Comme ce sont des anglais qui ont découvert le procédé, ils ont essayé en mettant dessus quelques grands textes anglais : "Now, major documents from human history such as Universal Declaration of Human Rights (UDHR), Newton’s Opticks, Magna Carta and Kings James Bible, have been saved as digital copies that could survive the human race"... dont Lire l'article en anglais et en français. Cinq dimensions ??? C'est quoi ? En fait c'est un abus de langage, car chaque nano structure gravée par laser dans le verre sera en fait repéré par cinq "paramètres" : ses trois coordonnées dans l'espace habituel (x,y,z), sa taille (rayon) et son orientation. Rien de bien révolutionnaire donc, sinon la densité de ces petites choses. Juste une pincée de marketing pour vendre la technologie aux plus offrants.

Toujours dans l'informatique, cette nouvelle très réjouissante sur la loi de Moore : depuis cinquante ans on nous bassinait les oreilles avec cette loi de l'informatique suivant laquelle la puissance des ordinateurs doublait tous les deux ans (tous les ans même les dix premières années). En fait cette loi concernait les fabricants de puces, de semi-conducteurs, dans une course effrénée à la miniaturisation. Toujours plus de puissance dans moins de taille... jusqu'à atteindre des tailles atomiques en-dessous desquelles on ne peut plus descendre, et avec des coûts de plus en plus importants, sans compter les problèmes de dissipation de chaleur liée à ces puces énergivores. Toute l'industrie informatique s'était calée sur cette loi et les "feuilles de route" des industriels en dépendaient. L'organisation qui gère cette industrie (ITRS) a décidé de changer cette année. On ne parlera plus de doublement et au lieu de s'intéresser à la puissance, on s'intéressera désormais à la versatilité des puces, à de nouveaux services qu'elles peuvent rendre, notamment dans le contexte de l'Internet des objets. Même le nom de l'organisation va changer pour remplacer le S de semi-conducteurs. Cela aura beaucoup de conséquences sur les investissements dans ce domaine et sur les emplois dans le secteur.

La science peut être effrayante, même dans le quotidien. On parle beaucoup de futures automobiles connectées et autonomes, conduites par des "intelligences artificielles". Que penseriez-vous d'une salle de réunion où les chaises se rangeraient toutes seules après ? Une idée révélatrice d'un paradoxe : cela pourrait apparaitre sympa, voire drôle, mais cela donne pourtant des frissons, rien que voir cette vidéo... Big Brother is watching you... Et Nissan vous scotche à votre fauteuil (roulant ?)


Mais la science c'est aussi cet article.  Pourquoi des scientifiques essayeraient-ils de calculer le nombre de manières de ranger 128 balles de tennis dans une boite cubique ? Pourquoi le fait qu'il y en ait 10 à la puissance 250 serait important ? N'est-ce pas un sujet idiot et inutile ? En fait pas du tout. En résolvant cet étrange problème, astucieusement marketé avec des balles de tennis, beaucoup d'autres se résolvent, liés au sable et aux mouvements des dunes, aux réseaux neuronaux et à leurs effrayants nombres de combinaisons possibles, ou même à la structure de l'univers et de ses univers parallèles (si, si). En fait ce qui importe ici, c'est que la méthode inventée pour résoudre ce problème est applicable à d'autres problèmes où le nombre de solutions possibles est énorme, vraiment énorme. Et plus nous avançons, plus de tels problèmes surgissent, réduisant la distance entre le zéro et l'infini et ramenant le monde à du dénombrable.


Je vous ai perdus ? Un petit dessin alors pour vous ramener... La science et ses scientifiques, c'est aussi plein de faux scientifiques. Illustration avec ce petit dessin tiré ce jour de XKCD, un site qu'on aime bien ici. Les amateurs, c'est bien, mais les vrais scientifiques, c'est mieux...


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