vendredi 18 mars 2016

Parler fort comme un turc

Halte aux clichés. Pardonnez-moi. Ou alors ce cliché :


Vous aurez peut-être reconnu Istanbul, sa corne d'or et le Bosphore qui va vers le coin en haut à droite, avec ses ponts reliant l'Europe à l'Asie...  Pas la capitale de la Turquie mais une ville symbole depuis quelques millénaires.

Les dirigeants turcs négocient en ce moment avec les dirigeants européens, réunis en Sommet à Bruxelles. L'objectif est de garder ou renvoyer le maximum de réfugiés liés à la guerre au proche-Orient en Turquie, contre espèces sonnantes et trébuchantes, négociation ré-ouverte pour l'entrée de la Turquie dans l'UE et définitions de lignes à ne pas franchir pour le "président/dictateur" turc, M; Erdogan, en matière de droits de l'homme, de liberté de la presse, de démocratie et de protection de la vie des populations.

Une négociation âpre, car personne ne veut y perdre la face, comme on dit en Asie. Le bilan n'est pas clair, comme toujours diront les sceptiques, d'autant plus que chaque dirigeant pense à sa propre opinion publique et que le président turc n'y a envoyé "que" son premier ministre. Résultat ce vendredi matin, les dirigeants européens n'ont pas réussi à se mettre d'accord entre eux avant de proposer un texte à la Turquie, seulement des lignes rouges comme disent diplomatiquement les diplomates pour parler de phrases creuses et pieuses. Un texte minimal, donc, ce qui pose problème car il est toujours délicat d'arriver divisés à une bataille. Les propositions faites "unilatéralement" par Angela il y a une dizaine de jours ont été jugées trop favorables à la Turquie et sont donc revues à la baisse, ce qui ne plaira pas beaucoup à la Turquie ni à la très importante communauté turque en Allemagne. Exercice périlleux pour la chancelière allemande, surtout suite aux élections régionales qui ont renforcé ses opposants anti-migrants. Exercice périlleux pour la Grèce et ses alliés européens dans un duel classique et ancien avec la Turquie, sans parler de Chypre.

Au-delà du contenu de l'accord, s'il y en a un, c'est bien la communication qui s'organise autour de la Turquie qui pose problème. La Turquie a effectivement réussi à se placer au coeur des débats, alors qu'elle était marginalisée il y a quelques années et depuis le refus de négocier avec elle son entrée dans l'UE. Elle est devenue incontournable sur le plan militaire (USA, OTAN, russes et placement géographique), sécuritaire (frontières avec les pays en crise et en guerre), humanitaire (avec les flux de réfugiés), politique (avec son rôle méditerranéen et d'interface est-ouest), religieux (avec une laïcité turque en pleine chute, califat contre califat) et identitaire (le combat contre les kurdes). En tant que pays, c'est une réussite pour la Turquie, mais c'est aussi une victoire pour son président/dictateur qui s'arroge le droit de ne parler d'international que quand cela l'arrange. Vendredi matin, dans un discours retransmis à la télévision, le président turc Recep Tayyip Erdogan a expliqué qu'il n'écouterait pas les critiques européennes sur les droits de l'homme, sauf lorsqu'elles seront justifiées.

A suivre avec intérêt, mais attendez vous à ce qu'on parle de plus en plus de la Turquie.

Mise à jour : un accord aurait été trouvé... hum, hum.


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