mardi 3 mai 2016

La liberté est-elle soluble dans la presse ?

La presse ? La liberté de la presse ? C'est quoi, en cette journée mondiale qui célèbre le 25ème anniversaire de la déclaration de Windhoek (en Namibie) ? J'en parlais déjà ici il y a trois ans.

L'ONU le dit : "La liberté de la presse et l’accès à l’information sont essentiels à la démocratie et au développement durable. Le journalisme contribue à ce que cela soit possible. Parfois considéré comme le « chien de garde » des institutions sociales et politiques, le journalisme est bien plus que cela : il atteste de la liberté d’expression pour l’ensemble de la société, il soulève de nouvelles questions quant aux objectifs de développement et autonomise les citoyens par l’information. Le journalisme offre un contexte au sein duquel la diversité des expressions culturelles peut prospérer. Pour toutes ces raisons, le renforcement des conditions d’exercice du journalisme est clé pour le développement d’une culture d’ouverture, d’un libre accès à l’information et de libertés fondamentales. En ce sens, la Journée mondiale de la liberté de la presse 2016 cherche à faire progresser le droit à l’information, la liberté de la presse, ainsi qu’un environnement propice à la pratique du journalisme en toute sécurité. Tout ceci fait écho aux problématiques et opportunités mondiales contemporaines. Ainsi, les parties prenantes du monde entier devraient pouvoir continuer à élever cette Journée à un niveau de visibilité et de pertinence encore plus important, ainsi qu’à renforcer davantage son impact".

En France on en parle peu, sauf mentions des rapports annuels sur le sujet, comme celui de RSF, où la France descend (grâce à l'état d'urgence mais pas seulement) à la 45° place... pas mieux. A noter aussi les réactions d'Amnesty, ou de Mediapart. Pas de quoi être fiers.


Plus c'est clair, mieux c'est...

La liberté de la presse est un ensemble complexe dans lequel les journalistes jouent un rôle important mais pas que. A propos, si vous avez raté le film "Spotlight", cherchez à le voir. C'est une bonne vision d'un journalisme d'enquête et de longue durée, alors même que des pressions très fortes s'exercent pour une certaine vérité, contre une vérité certaine.

En France on a un problème avec les propriétaires de médias. Ces magnats qui veulent devenir des Citizen Kane à coups de millions dépensés. Le dernier en date, Patrick Drahi a réussi un coup de maître à force de construire son groupe à coup d'endettements successifs et d'opérations rentables de spéculation : Il a racheté Vnuméricâble et SFR, les a fondus dans un seul groupe et a revendu tous les titres de presse qu'il possédait à SFR, histoire de payer moins d'impôts et de faire des bénéfices substantiels. La presse est donc un secteur spéculatif, indépendamment de sa valeur intrinsèque. Vincent Bolloré fait la même chose quand il menace de fermer Canal+ parce que pas assez rentable, pour avoir le droit d'absorber BeInSports.

La liste des patrons de presse est vertigineusement industriellement capitalistiquement effrayante. Depuis la fin de la pub sur France Télévisions à l'heure de pointe grande écoute, imposée par Sarkozy pour plaire aux patrons privés comme Bouygues, le service public a moins d'argent, notamment en matière d'information. Cela ne l'empêche pas de diffuser une émission comme Cash Investigation, du vrai journalisme pour certains, du journalisme maquillé un peu pour d'autres. Mais la liberté de la presse ne doit surtout pas se résumer au service public.

Alors, en ce petit jour micro-symbolique, pensez à cette liberté. Pensez à ce qui arrive quand on ne l'a plus, et qu'on ne le sait même pas. Pensez a contrario à un mouvement comme #NuitDebout qui, malgré ses errements, publie tout ce qui le concerne sur son site.

Ce n'est pas du journalisme, ni de la presse. Mais une sorte de redéfinition de ce qui se passe par les gens eux-mêmes, sans entrer dans un modèle d'Uberisation de la presse pratiqué par certains groupes de presse. Lisez cet article de The Conversation sur l'analyse des patrons de presse : analyse scientifique d'un phénomène d'investissement médiatique de plus en plus important en France, dans un média que j'aime bien (The Conversation) où les articles sont rédigés par des chercheurs et modifiés par des journalistes, les chercheurs n'étant payés qu'en notoriété, alors que les journalistes le sont en argent. Tous les modèles économiques sont possibles dans la presse, à condition d'avoir une éthique et une déontologie "minimale".



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