lundi 12 septembre 2016

Taubira's day

C'est lundi c'est pas ravioli, mais nous avons droit à la rentrée de Christine Taubira, une des leaders de gauche les plus morales à défaut d'être charismatique. Elle donne ce matin un long interview dans Libé et ce soir elle sera là pour la première du Petit Journal version TF1 Quotidien, au lendemain d'une fête de l'Huma radieuse (pas l'humanité, ni la fête, mais le soleil) ?

D'abord une photo...


Elle descend et n'a pas fini de descendre, comme la lente et longue agonie de la gauche, des gauches devrait-on dire, autant de gauches que de marches d'escalier. D'ailleurs, elle a le pied gauche en avant, tout un symbole calculé et elle a la tête tournée à gauche alors que ses yeux regardent le photographe (la presse) à droite en contrebas, puis qu'elle est à gauche de la gauche. Une contreplongée qui ne met pas en valeur son cou, mais c'est ainsi. Elle assume et tant mieux. Sa tenue est très sombre, comme l'atmosphère à gauche. Mais... vous remarquerez la lumière qui vient d'en haut à sa gauche, comme un puits de lumière. Et surtout l'ascenseur qui peut ramener tout en haut. Un espoir évident.

Il faut toujours analyser les images, mais aussi les textes. Que dit-elle donc ?

Elle nous parle de politique, la vraie, pas celle des "disputes publiques" mais celle des sujets "profondément" politique. Celle de la Res Publica donc, même si l'expression "ministère régalien" me hérisse toujours en vrai républicain (pas de droite hein). Quand elle dit "La difficulté aujourd’hui, c’est l’emprise que nous pouvons avoir sur notre destin collectif. Cette emprise est d’autant plus incertaine qu’on comprend mal ce qui nous arrive. J’éprouve un sentiment d’urgence. Je vois bien à quel point est grand le besoin de comprendre ce que nous sommes, ce que nous voulons continuer d’être et ce que nous voulons devenir." il difficile d'imaginer comment concrètement concilier l'urgence dont elle parle et le temps long nécessaire pour comprendre et partager. Une des difficultés majeures de la vie politique effrénée en France.

Elle critique la droite évidemment, en l'enferment d'ailleurs dans cet article défini "la". Par exemple, elle dit "La droite fait commerce de l’anxiété, de l’angoisse, de la désespérance, c’est-à-dire d’un désespoir dynamique qui se renouvelle, s’entretient. La droite en fait commerce lucidement et cyniquement". Pas un mot sur la gauche à ce moment. Un discours en creux donc à lire par contraste.

Elle n'arrive pas vraiment à critiquer François, qui reste pour elle dans son rôle de président, au-dessus de la mêlée, avec de beaux discours. Mais elle critique ses actes, éternelle discussion entre le politique oral et le politique manuel (pas Valls). En parlant de sa position contre la déchéance de nationalité, elle répète qu'il s'agissait là d'un symbole essentiel. Le problème est qu'il y a relativement peu de gens aussi fortement moraux et attachés à des symboles que Madame Taubira. Ce n'est pas un discours qui passe, face aux démagogies de tous bords (y compris François sur ce coup, coup foireux et raté, mais coup quand même). D'ailleurs quand elle défend le bilan, elle défend le fait que la fonction présidentielle est, en France, ce qui guide tout, en mode quasi-régalien : "La politique budgétaire, la lutte contre la pauvreté, la relation à la société - qui n’est plus basée sur la fragmentation délibérée, la division arrogante, la vulgarité dans la représentation du peuple… Tout cela est différent depuis 2012. La présidentielle change les choses !"...

Ce qui a manqué à ce quinquennat, selon elle ? L'argent et le manque de combativité de la gauche. Drôle d'attelage. Difficile à conduire alors que l'un des boeufs va vers la droite et l'autre zigzague... Et ce n'est pas en invoquant l'égalité (LA valeur de gauche selon elle) qu'on fait avancer le Schmilblik. Elle veut donc une gauche unie au premier tour et ensuite une gauche présente au second. "Il y a bien des maisons dans la maison de la gauche. Elles ne sont pas irréconciliables"... Une vision optimiste quand on regarde les "leaders" de la gauche actuelle tous d'accord pour une candidature unique de la gauche si elle est derrière eux. Ou en tous cas tous d'accord pour que la gauche perde et que donc la bataille essentielle soit en 2022, après cinq ans de droite dure dans les gencives (sans bain de bouche).

Mais Christine Taubira sait s'énerver et sortir de vraies phrases politiques. Exemple qui prouve une fois de plus qu'elle manque à la vie politique française, ou en tous cas que ce genre de personnalité manque. A gauche comme à droite, loin des démagos égocentrés et mégalos (je ne cite personne) :
Q : La droite a réussi à installer dans l’opinion publique l’image fallacieuse d’une Taubira ministre de la Justice laxiste, qui vide les prisons, alors que votre bilan dit le contraire. Est-ce que vous n’avez pas, vous aussi, une part de responsabilité dans le fait d’avoir perdu cette bataille d’image ?
R : (Elle se met en colère) Oui, c’est cela, la femme violée, c’est à cause de sa minijupe. C’est ce que vous voulez me faire dire ? Les médias ont souvent laissé la droite me caricaturer. En trois ans et demi, je n’ai pas entendu un seul journaliste demander à ces élus de droite d’étayer leurs accusations.

Alors oui, Madame Taubira. Que votre parole continue à porter, s'il vous plaît. On parlera de vous ici quand il le faudra, comme ici et ici à des moments clés et politiques.

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