dimanche 8 janvier 2017

Du temps de cerveau pour... Une histoire parlée

Moi - Bonjour
Lui - Bonjour mon chien ? Ressortez !

Euh, qu'est-ce que c'est que ce con là ? Pour qui il se prend, non mais ! Je m'aperçois que je suis ressorti quand même, en refermant doucement la porte à la main (droite). A la main, non mais, vous entendez ? A la main ! A notre époque... S'il avait comme tout le monde une boutique normale avec caméras et porte automatique reconnaissant notre plaque ID , il aurait su qui venait le voir. Pffft. Il a de la chance que j'ai besoin de lui, ce con-là. Ce vieux con-là, je corrige dans ma tête. Je re-frappe. Une voix étouffée par la lourde porte répond "Entrez". J'entre. 

Moi - Bonjour Monsieur
Lui - Bonjour Monsieur
Moi - Vous êtes bien Monsieur Dirluu ?
Lui - Lui-même. Que puis-je faire pour vous, Monsieur...?
Moi - Monsieur Dirluu
Lui - Ah, enchanté, Monsieur Dirluu
Moi - De même, de même. Je voudrais savoir si vous pouvez m'aider, Monsieur Dirluu. 
Lui - Nous allons essayer, nous allons essayer. Asseyez-vous. 
Moi - Merci. Je m'assois
Lui - Prendrez-vous un peu de thé ?
Moi - Volontiers, merci
Lui - J'ai justement ici un mélange personnel qui vous plaira, j'espère
Moi - Je n'en doute pas Monsieur Dirluu
Lui - ... (Bruits divers de vaisselle) Tenez
Moi - Merci Monsieur Dirluu
Moi et Lui - ... (Pendant que nous buvons)
Lui - Appelez-moi Chal, puisque nous avons partagé le thé. Vous l'aimez ?
Moi - Oui Chal. Appelez-moi Chal. Votre thé est très original mais très parfumé
Lui - Effectivement Chal. C'est un mélange secret. Comment puis-je vous aider, donc ?
Moi - C'est très simple en fait, Chal. Je suis venu ici aujourd'hui pour vous tuer. Il vous suffit de vous laisser faire. 
Lui - Ah ! C'est très intéressant. Et puis-je vous demander, Chal, comment voudriez-vous me tuer ?
Moi - Mais le plus facilement du monde. Vous voyez ce stylo, Chal ?
Lui - Oui Chal, il est très beau. Il écrit bien ?
Moi - Il n'écrit pas. C'est une arme. Il suffit que j'appuie ici (je montre le bouton) et vous disparaissez
Lui - Je disparais ? Comme ça, d'un coup, Chal ?
Moi - Oui Chal. Vous disparaissez complètement et définitivement, seuls vos atomes continuent à exister mais sous une autre forme que vous, Chal
Lui - C'est très intéressant, quoique difficile à réaliser aujourd'hui, me semble-t-il. C'est une arme que je n'ai jamais vue. 
Moi - C'est normal Chal. Elle n'existe pas encore
Lui - Ah ! Je comprends. Vous voyagez dans le temps, Chal. 
Moi - Oui Chal
Lui - De loin, dans le futur ? Vous êtes venu me tuer pour quelque chose que je vais faire et qu'il faut éviter pour le bien de l'Humanité ?
Moi - Je ne viens pas du futur Chal
Lui - Pas du futur, hein ? Du passé alors ?
Moi - Oui Chal
Lui - C'est très intéressant. Seriez-vous moi plus jeune, Chal ?
Moi - Oui Chal
Lui - Ah !... Je suis désolé alors, Chal
Moi - Désolé ? Mais vous n'avez pas bien compris, Chal. C'est moi qui suis ici pour vous tuer, pas le contraire. 
Lui - Oui, oui, bien sûr. Encore un peu de thé, Chal ?
Moi - Volontiers Chal. (Il verse le thé et nous buvons en silence. J'entends presque ses pensées. Il a un air concentré)
Lui - Dites-moi, Chal, pourquoi voulez-vous me tuer ?
Moi - Mais parce que vous êtes un danger pour l'Humanité, Chal
Lui - Et comment pouvez-vous le savoir puisque vous venez du passé, une quarantaine d'années, je dirais à vue de nez ?
Moi - Quarante-deux ans, Chal. C'est un peu compliqué mais en fait très simple. Vous êtes sur le point d'inventer la machine à voyager dans le temps, non ?
Lui - Oui, enfin ! Apres toutes ces années de recherche et je dois d'ailleurs vous féliciter Chal
Moi - Moi ?
Lui - Oui, vous, Chal. C'est vous qui en avez eu l'idée il y a toutes ces années. Quarante-deux exactement. 
Moi - Mais non, Chal. D'où je viens je n'ai rien inventé
Lui - Rien encore, Chal. Rien encore
Moi - Je ne suis même pas un scientifique. Juste un tueur à gages envoyé ici 
Lui - Envoyé ici ? Et par qui, Chal ?
Moi - Mais par vous, Chal. J'ai reçu ce message, signé de vous... Enfin de moi plus vieux, avec ce stylo et son mode d'emploi pour 1) venir ici dans le futur et 2) vous tuer
Lui - Et ensuite, Chal ?
Moi - Ensuite, Chal ? Ensuite quoi ?
Lui - Que devez-vous faire ensuite ?
Moi - Ensuite ? Cela ne vous regarde pas. Je verrai quand je vous aurai tué, Chal
Lui - Vous avez des instructions dans un second message non ?
Moi - Comment le savez-vous ?
Lui - Voyons, Chal. Réfléchissez un peu. Je sais que vous en êtes capable
Moi - ...
Lui - Allez, Chal, ouvrez ce message et lisez le moi
Moi - Je ne devrais pas le faire avant de vous avoir tué, Chal
Lui - Faites-moi ce petit plaisir, Chal
Moi - De toutes façons je ne peux pas le faire. Il est verrouillé et il ne se déverrouillera qu'une fois ma mission remplie. C'est ce qui était indiqué dans le précédent message, Chal
Lui - Vraiment ? Essayez quand même
Moi - (je sors le message et j'essaye de l'ouvrir. Il s'ouvre. Je lève un sourcil. Chal me regarde intensément) C'est étrange. Il s'ouvre maintenant. 
Lui - Lisez !
Moi - (lisant) Bonjour Chal. En ce moment vous êtes assis en train de boire du thé (très parfumé d'ailleurs) en face du vieux Chal. Il est gentil, non ? (Je lève les yeux. Chal me sourit et m'encourage du menton) Je vous dois quelques explications. A votre âge j'étais un jeune con impoli qui se vendait à tout le monde pour se faire du fric. C'est comme ça que j'ai accepté cette mission. Je suis venu dans le futur, j'ai rencontré ce vieux, je l'ai tué et je suis revenu à mon époque. J'ai eu assez d'argent pour changer de pays. J'ai rencontré une femme merveilleuse, j'ai entrepris des études et j'ai gravi tous les échelons. L'arme m'a beaucoup aidé, aussi, à résoudre sans bavure quelques situations gênantes. Elle est vraiment très pratique. C'est aussi elle qui m'a permis de créer la machine à voyager dans le temps. Aujourd'hui je dirige le Crime et je voudrais récupérer cette arme. Merci de me la rendre, Chal. 
Lui - Merci Chal (il tend la main)
Moi - Attendez !
Lui - Oui ?
Moi - Je ne comprends pas
Lui - Oui ?
Moi - Mais si je vous rends l'arme, je ne l'aurai plus. 
Lui - Oui Chal. C'est bien raisonné
Moi - Mais si je ne l'ai plus, quand je vais revenir à mon époque, il y a quarante-deux ans, je ne pourrai pas    voyager dans le temps et venir ici, non ?
Lui - Mais vous n'avez plus besoin de voyager dans le temps puisque vous l'avez déjà fait une fois pour venir ici. Et qui vous dit que vous allez repartir dans le passé ?
Moi - Mais si je ne repars pas dans le passé, je ne pourrai pas y vieillir ! Et vous ne serez pas ici, je ne serais pas vous, jeune. Et vous n'inventerez pas la machine à voyager dans le temps, Chal ! 
Lui - Et alors, Chal ?
Moi - Mais c'est impossible. Je dois repartir. C'est un paradoxe, sinon !
Lui - Un paradoxe ? Mais réfléchissez Chal. Je n'ai pas encore réussi à inventer la machine à voyager dans le temps. J'y suis presque, mais pas encore. Vous comprenez ?
Moi - ...
Lui - Réfléchissez, Chal
Moi - Mais si vous ne l'avez pas inventée, vous n'avez pas pu me l'envoyer, donc je ne peux pas être ici
Lui - Bravo, Chal. Continuez
Moi - Je ne peux donc pas vous tuer. Je dois attendre que vous inventiez la machine !
Lui - Pas tout-à-fait, Chal
Moi - Comment ?
Lui - Je suis trop vieux, Chal. Je sais que je n'y arriverai pas. 
Moi - Mais alors ?
Lui - Oui Chal. C'est vous qui allez l'inventer. Vous allez y passer votre vie. Vous serez riche mais votre devoir est de l'inventer. Servez-vous du résultat de mes recherches, ici, dans cette valise. J'y ai ajouté quelques lingots pour financer vos recherches. Donnez-moi le stylo, que je le touche une dernière fois. 
Moi - Mais je ne comprends pas. Eh vous, Chal ? Qu'allez-vous devenir ?
Lui - Moi ? Je vais attendre la mort, bientôt maintenant 
Moi - Mais...
Lui - Donnez-moi le stylo, Chal
Moi - (je lui donne)
Lui - Merci Chal

Il tire sur moi. Je meurs. Mes atomes rejoignent le grand tout. 

Chal regarde l'arme. Encore raté, se dit-il, j'étais décidément très con à l'époque. Je croyais tout ce qu'on me disait. Chal nettoie le nécessaire à thé, sors de son tiroir une enveloppe fermée et l'attache au stylo. Ensuite il appuie sur le bouton vert. Et il attend. 

On frappe à la porte et Chal dit "Entrez" avec un soupir. "J'espère que celui-ci sera plus intelligent".




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