vendredi 9 juin 2017

La majorité, c'est quoi en démocratie ?

Non, non, ce n'est pas le sujet de philo au bac cette année (quoique on ne sait jamais, tout est possible, comme "le pouvoir sans pouvoir, est-ce possible ?" ou "la démocratie est-elle vraiment le moins pire des systèmes politiques ?"). Mais c'est le sujet pour plusieurs démocraties en ce moment.

Petite revue.

Aux USA, Trump le républicain a été élu président sans avoir la majorité du vote populaire (qui ne compte pas là-bas) et dispose d'un congrès à double majorité pour lui. Et pourtant, suite à quelques enquêtes en cours, il risque une procédure d'impeachment. Le témoignage hier de l'ex-patron du FBI, limogé par Trump, n'a pas été déterminant dans cette direction, mais Trump est touché par ce qui est une des institutions fédérales respectées aux US, un FBI théoriquement du pouvoir exécutif et gardien jaloux de cette prérogative. La démocratie US s'en trouve affaiblie, sur la scène internationale mais surtout à l'intérieur du pays. Trump divise et sa récente annonce du retrait de l'accord de Paris craché à la COP21 divise encore plus. Une situation délicate. Il parait que les conseillers de la Maison-Blanche sont même obligés de l'occuper pour qu'il ne tweete pas trop, surtout dans des circonstances juridiquement délicates comme l'audition d'hier. Un président empêché (de tweeter) c'est déjà une sorte d'empêchement, non ? Sinon, il aurait tweeté pour Thérésa May cette nuit "Don't worry about hung parliament. Fake news"... Mais finalement il a quand même tweeté après coup sur la déposition de Comey... Incorrigible !



Au Royaume-Uni c'est la débâcle pour Thérésa May, la nouvelle dame de fer conservatrice qui n'a pas su amener son parti à la victoire. Elle avait dissous le Parlement pour avoir une plus grande majorité à sa botte et pour être en position de force pour négocier un Brexit dur (les négos commencent dans deux semaines déjà). Patatras ! Son parti n'a plus la majorité absolue et devra passer des alliances soit au coup par coup soit avec un parti (les irlandais unionistes) qui imposera des mesures fortes pour l'Irlande du Nord. En France on se rappelle évidemment les législatives anticipées de Chirac qui avaient conduit à une cohabitation houleuse avec le PS (qui existait encore à l'époque).
Pas toujours facile de manipuler l'opinion, et encore moins à notre époque où les réseaux sociaux et le partage jouent un rôle fondamental pour la démocratie. Madame May va essayer de se maintenir au pouvoir, en tous cas le parti conservateur. On connaîtra le résultat dans quelques jours. N'est pas "Borgen" qui veut. La démocratie anglaise est vieille mais forte. On est sur le fil du rasoir en ce lendemain de défaite historique puisque tout le monde perd : les conservateurs n'ont plus la majorité absolue et les travaillistes ne l'obtiennent pas non plus, même avec leurs alliés naturels.


Pour l'Allemagne, il faudra attendre quelques mois encore, mais le vent de fraîcheur qui souffle dans le monde risque également d'emporter Angela. (A suivre ici évidemment).

Et en France ? Macron réussira-t-il son pari insensé d'obtenir une majorité à l'Assemblée Nationale ? Les sondages disent que oui, à deux jours du premier tour, mais les lignes peuvent bouger vite. Si LREM a la majorité absolue, ce sera un exemple fameux et longtemps commenté d'une victoire éblouissante à tous les niveaux, qu'on soit d'accord ou pas avec lui et sa/ses ligne/s. Le bipartisme américain, anglais et allemand en prendrait un coup. En inventant un parti, une ligne et une gouvernance homogène (exécutif et législatif), Macron aurait alors changé le type de rapports démocratiques dans un grand pays. Loin des bipartismes anciens, loin des unions nationales molles, l'hypertrophie d'un centre libéral, social et progressiste (selon ses mots) cantonnerait les franges politiques aux extrêmes (une droite dure, une gauche dans la rue).

La définition de la majorité est donc centrale. C'est quoi une majorité ? 50% des élus ou des votants + une voix ? Cette formule n'a qu'un avantage, c'est d'être binaire. Oui ou non, la seule réponse possible. Pas de milieu, pas de centre, pas de logique floue comme disent les matheux. On peut imaginer d'autres logiques, floue justement, ou même ternaire. On peut aussi introduire plus de proportionnelle pour maximiser le nombre de partis et donc de parties prenantes. C'est ce qui est prévu a priori, en tous cas dans les mesures annoncées. Ces réflexions sont de salubrité publique et ne doivent pas être laissées aux seuls experts du droit constitutionnel formés à l'école de l'Histoire binaire, ni aux seuls militants d'une cause.

La France retient son souffle, même si l'abstention risque d'être importante, encore une fois pour des législatives. On y verra plus clair dans la nuit de dimanche à lundi et ensuite une semaine plus tard.

Allez voter (même blanc si vous voulez).

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