mercredi 3 juillet 2013

Dirigeant 101 : Apprendre à gérer sa peur

Ceci est un billet destiné aux gouvernants de ce monde.
Vous êtes des gens importants et vous le savez.

Importants parce qu'influençant le monde : maintenant, dans le temps présent, avec des mesures pour vos électeurs et quelques autres afin d'acheter un peu de tranquillité et réformer ce que vous croyez être réformable ; à court terme, jusqu'à la prochaine élection comme François; ou la suivante si vous êtes plus ambitieux et avez un goût de revenez-y comme Sarkozy ou Poutine ; à moyen terme pour votre fin de vie sans que surgisse de scandale ou de crise où votre responsabilité puisse être engagée, notamment grâce à une armée de juristes qui font traîner les choses en longueur ; à long terme, lorsque plus personne ne se souviendra de vous, sauf exception rarissime et historien désoeuvré souhaitant conduire des travaux de recherche sur un sujet jamais traité.

Vous savez que vous êtes important car vous êtes entourés. Des gens pour vous protéger du peuple et des fous qui pourraient vous nuire, vous entarter où vous jeter un seau de m... à la figure comme la pauvre Claire Chazal. Des gens pour vous conseiller tout et son contraire, objectivement et honnêtement, ou manipulés par des lobbies officiels et officieux. Une cour pour profiter de vos largesses et se réchauffer aux rayons de votre éclat, afin d'en tirer profit par ailleurs. D'autres gens importants, des pairs qui vous reconnaissent comme membres de la même tribu et avec qui vous croyez pouvoir tisser des relations stratégiques qui vont laisser des traces, comme certains couples célèbres, mais rares. Des gens plus importants que vous ou issus d'autres domaines, notamment culturels ou religieux, mais qui daignent vous parler sans fards.

Vous savez aussi que vous ne contrôlez pas tout et ça peut faire peur.

Le contrôle est votre obsession. Le pouvoir, c'est le contrôle. Qu'il soit discret, secret même, ou qu'il soit visible et puissant, le contrôle est nécessaire aux gouvernants. Il est couvé, choyé, recherché. Quand on ne l'a pas assez, on cherche à le renforcer. Quand on l'a, à ne pas le perdre.

La peur est donc permanente. Tout le monde le sait. Même si vous réussissez à donner souvent le change et à faire croire que vous êtes toujours souriant, non stressé, non effrayé. La peur est saine d'ailleurs si elle est gérée, si elle ne devient pas paralysante, déformante et si elle est un facteur d'amélioration. Donc, vous avez peur.

Le peuple ne doit pas ressentir votre peur. Votre boulot est de créer la confiance ou de développer la méfiance contre des cibles sans danger. Jamais contre vous et vos familles. Le problème est que cette peur se voit de plus en plus. Et cette peur n'est pas accompagnée de baucoup de courage pour la combattre.

La petite mésaventure arrivée au président bolivien hier soir est révélatrice de cette peur. Son avion a été obligé d'atterrir en Autriche, en provenance de Moscou où il était en visite officielle. Une rumeur a circulé comme quoi l'ennemi public numéro 1 des USA était à bord, Edward Snowden. L'espace aérien européen lui a été interdit. Il est difficile de voler de Moscou à La Paz sans survoler l'Europe. La paranoïa américaine a encore frappé, non seulement leur pays, mais tous les autres. Il faut dire que si tout le monde accepte (et pratique) l'espionnage, tout le monde a peur que ça se sache, surtout quand cela prend des proportions méprisantes (et méprisables). La peur dépasse le simple lobby des armes qui en a besoin pour vendre ses produits. Elle s'insinue partout, comme un virus pathogène.

Cette anecdote à l'échelle de la planète est symptomatique d'une peur non maîtrisée et d'une contagion domino à travers le monde. Un individu seul a obligé Poutine à inventer une pirouette pour sortir du bourbier où il s'est trouvé en ne fâchant personne, donc en fâchant tout le monde. Un individu seul a obligé les gouvernements européens à céder aux demandes américaines. Un individu seul a obligé les médias du monde entier à se positionner pour ou contre son action, entre simple espionnage de roman banal et combattant pour une vie privée inexistante. La peur qui suinte autour de vous, dirigeants, est le signe d'un secret brisé. La famille des dirigeants a ses secrets évidemment et tout le monde l'admet, car tout le monde le vit à son échelle, même minuscule. Lorsque ces secrets circulent, ils risquent de mettre en cause l'existence même de la famille. On se serre donc les coudes, sauf un ou deux olibrius, car il y en a dans toutes les familles, c'est un folklore humain inévitable et même rassurant.

Le renvoi brutal d'une Ministre en France exprime une autre forme de peur. La peur de la perte de contrôle, ou plus sournoisement de la perception par le public de la perte de contrôle. Un gouvernement, ça se dirige, ça se contrôle et les désaccords se règlent en famille. En France, on a un bon côté, depuis des siècles, c'est de laver son linge sale en public. Une réunion internationale officielle avec au moins deux représentants français comprend toujours une séquence où les deux français expriment des positions divergentes, non réglées à l'avance. Ca n'empêche pas d'avoir eu plein de réunions préparatoires pour s'engueuler avant. Rien ne vaut une bonne engueulade publique. Et puis, il est facile de démissionner (ou de créer les conditions de sa démission).

En Egypte, le Président ne veut pas démissionner. En Syrie non plus. Dans plein d'autres pays non plus. Pourquoi le feraient-ils ? Que peut-il y avoir de plus grand qu'un président élu ? De quoi ont-ils peur ? Est-ce pour se protéger qu'ils restent dirigeants, ou ont-ils peur que des principes plus grands qu'eux s'imposent à eux ? Comme la démocratie, ou des lois internationales, ou des intérêts privés ?

Au fait, le MEDEF élit aujourd'hui son nouvel appareil dirigeant. Les postes sont déjà répartis et tout le monde y trouvera son compte. On multiplie les postes et on divise pour mieux régner, une tactique qui a fait ses preuves. Pas de peur ici, en tous cas pas de peur "politique", car le MEDEF est un incontournable en France. Des peurs économiques et financières, individuelles et internationales, oui. Pas plus. Après tout, les entreprises vivent dans une compétition où les menaces sont la faillite, le rachat hostile, les accusations de corruption ou de malhonnêteté - alors que les récompenses sont ds parachutes dorés, des salaires élevés et des jetons nombreux aux tables des casinos conseils d'administration.

Les patrons sauraient-ils mieux gérer leur peur que les autres dirigeants.
Qu'en pensez-vous ?
Vous les dirigeants, pourquoi ne regarderiez vous pas un peu vos peurs afin de les dégonfler et de vous occuper un peu plus de vos peuples ?
Vous les autres, pourquoi avoir peur de dirigeants qui ont encore plus peur de vous, de votre puissance, en masse ou à l'unité ?

Vous, mes lecteurs, apprenez à dominer et gérer vos peurs. Ca vous servira !

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