mardi 23 septembre 2014

Voler ou ne pas voler ?

Je suis au Cameroun cette semaine et c'est pas une sinécure que de vouloir y aller pendant une grève d'Air France (des pilotes en fait).

Votre avion est annulé au dernier moment (le samedi pour le lundi par exemple) et toutes les autres compagnies qui vont à Yaoundé sont pleines à craquer ou à des prix prohibitifs (au moins trois fois le prix standard). Air France vous renvoie vers son site pour se faire rembourser le billet sans proposer de solution d'échange pratique. Par miracle vous trouvez un autre vol qui part de Bruxelles et votre billet d'avion comprend le train jusqu'à l'aéroport de Bruxelles, c'est-à-dire un Thalys jusqu'au centre ville et un train de banlieue pour l'aéroport. Comptez six heures de plus au bas mot pour le voyage, pas direct en fait de Bruxelles.

Je ne cherche pas à vous faire pleurer sur le sort d'une travailleur qui doit faire une mission et qui ne peut la déplacer. Mais il y a quelques choses étranges dans le transport aérien :

Nous dépendons de plus en plus des avions pour tout un tas d'activités et quand quelque chose coince, c'est comme un jeu de dominos. C'est une chaîne (celle du transport) extrêmement fragile qu'un rien peut briser. Ce n'est pas un hasard si les transports sont partout dans le monde le milieu où les grèves sont les plus efficaces ?

C'est d'autant plus vrai qu'avec le système de facturation et de réservation des compagnies modernes d'aviation, qui utilisent presque toutes le même logiciel inventé par une compagnie américaine pour faire fortune en vendant des billets à tous les prix dans le même avion, que ce système ne sait pas gérer les situations d'exception. Ceux qui ne peuvent pas faire autrement deviennent prisonniers de tarifs exorbitants ou de trajets tordus. On remarquera que ce système se répand dans le ferroviaire à grande allure.

Il peut être plus rentable dans ce type de cas d'acheter ce que les compagnies appellent des billets croisés : on se sert de l'aller d'un billet et du retour de l'autre, en ne se servant jamais des deux autres coupons. C'est une pratique qui était répandue à une époque puis qui a été interdite mais qui semble revenir, car les passagers en ont marre de ne pas avoir assez de souplesse. Ces billets croisés sont en fait moins chers qu'un billet normal, souvent. Est-ce qu'un système qui permet ça n'est pas absurde ?

Enfin, prendre le train avec un billet d'avion pose un problème sémantique. A partir du moment oû c'est une compagnie aérienne qui vous délivre un billet avec plusieurs trajets dedans, c'est un billet d'avion, même si l'un des tronçons est à faire en train ou en autocar. Le mode de transport ne compte plus. C'est l'autorité qui a délivré le billet qui lui donne son nom. Sémantiquement c'est n'importe quoi. Qui ne connait pas, par exemple, un passager aérien piégé par sa compagnie aérienne avec un billet Paris Ottawa, qui réalise une fois posé à Montréal que la fin du voyage se déroulera en autocar ? Ou un Lyon Beijing qui commence par un voyage en train jusqu'à CDG ? Si le passager le sait avant d'acheter son billet, pas de souci. Mais c'est rarement le cas, ou alors c'est écrit en tout petit.

Les passagers actuels voyagent de plus en plus et ils sont de plus en plus nombreux. Est-ce une raison pour les traiter comme du bétail ? Aux USA, certaines compagnies ont tellement rétréci l'espace entre deux rangées de sièges qu'une société commercialise des "bras" en plastique à poser sur vos accoudoirs pour empêcher le siège de devant de se baisser jusque sur votre menton. Resultat : bagarres dans les avions suite à plusieurs incidents.

Les grèves ont cela de bon c'est qu'elles nous font prendre conscience non seulement de la fragilité de ce système, mais aussi de la nécessaire révolte des passagers contre des compagnies qui ne pensent qu'à elles. La tendance lourde et irrévocable vers le Low-Cost ne fera qu'amplifier ce phénomène. Vous rappelez-vous cette tentative d'une de ces compagnies pour ne plus installer de sièges dans les avions mais seulement des tabourets et des rambardes ? Si, si, je vous assure. Pour quand ?

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