samedi 8 novembre 2014

Un mur

Un mur murmuré à l’époque, sous le manteau et loin des grandes oreilles de la Stasi. Un mur cicatrice image réelle d’une cartographie technocrate et cynique. Un mur haï. Le mur de tous les murs, comme celui que - ironie ridicule et suprême - les israéliens ont construit pour tenir les palestiniens à l’écart de leur monde. Un mur large comme une prison. Un mur au milieu de rues banales, dans une ville accessible uniquement par des couloirs réservés. Le mur. Une frontière tracée en dur.

Il y a 25 ans, en ce 9 novembre, tombait donc le Mur de Berlin, construit en 1961, en novembre aussi. Des images fortes à la télé, sur toutes les télés. Un Rostropovitch émouvant avec son violoncelle. Des tombereaux de jet sets venus de Paris ou d’ailleurs pour aller voir ce phénomène, unique dans une vie. Un souvenir qui s’est vendu par morceau. Nombreux sont ceux qui ont encore un bout de mur chez eux, avec ou sans graffiti.

L'Allemagne a profité de cette chute pour fusionner les deux Allemagne, pour découvrir Angela à l’Est, pour remodeler Berlin en une ville magnifique, pour entrer résolument dans l’avenir. Un mur physique est plus facile à détruire qu’un mur symbolique. Encore aujourd’hui, malgré ce que dit la propagande officielle, la fusion n’est pas totale entre les deux anciennes Allemagne, la démocratique et la fédérale. Beaucoup de statistiques montrent encore les écarts de développement entre ces deux moitiés, pendant que Berlin devenue capitale fanfaronne dans sa splendide exception.

Et puis avec le temps, le mur, ou plutôt l’absence du mur, a attiré d’autres symboliques. Des artistes surtout, car l’Art aime la marge, l’entre-deux, le flou (et l’Impair évidemment).

Mais des couillons aussi. On trouve maintenant par exemple sur les lambeaux existants du Mur des cadenas d’amour, posés par les mêmes cerveaux creux que ceux du pont des Arts ou de l’Archevêché à Paris - qui soit dit en passant, grâce à la pétition et à la campagne menée par NoLoveLocks sont en train d’être traités avec vigueur par la Mairie de Paris.

Un mur peut-il être oublié ? Les écossais se souviennent encore du mur d’Hadrien. Ils ont raté leur indépendance - ce coup ci - mais la mémoire de ce mur-ci, qu’on retrouve dans Game of Thrones (inspiré entre autres des rois maudits) est toujours vivace. Un mur ne peut pas être oublié, mais son souvenir se transforme.

25 ans, c’est rien. Sauf pour les moins de 25 ans qui n’ont pas connu le mur justement - exactement comme les jeunes burkinabé de moins de 27 ans n’avaient connu que Blaise Compaoré jusqu’à la récente insurrection populaire, leur prise de la Bastille. Evidemment le symbole est opposé du point de vue de la liberté. Pourtant… Ce jour où la liberté fait tomber les murs est un jour qui nous allume avec son souffle puissant. Il y a 25 ans à Berlin. Demain, partout où la liberté est en danger ?

Le souflle puissant de la liberté en action

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire