mardi 23 février 2016

50 ans dans le nucléaire militaire sans pardon en plein océan "pacifique"


François reçoit des fleurs en collier, cadeau traditionnel de bienvenue et de respect dans la lointaine France du Pacifique. Une première tournée pour lui (une dernière avant la route ?) et l'occasion de parler du nucléaire militaire dans la région, cinquante ans après le début des essais nucléaires à Moruroa et à Fangataufa. On connait tous Mururoa (chanson, Fanon et mouton oblige) mais moins Fangataufa, un peu comme Hiroshima et Nagasaki. Et on ne parle pas de la base militaire de Hao.

La France a usé et abusé de ces deux atolls pendant trente ans. 181 essais si on ne compte que ceux où une bombe a explosé, 193 si on compte ceux "d'essai" où les mécanismes de sécurité étaient seuls testés, sans charge nucléaire. La liste des explosions et des dates est ici. A part le numéro 2, on peut constater que la mythologie grecque est omniprésente dans les "noms" de code de ces essais. Normal. La démocratie grecque en plein Pacifique pour une arme de guerre... pardon, de dissuasion.

Auparavant la France avait utilisé d'autres zones en Algérie, mais il a fallu aller se planquer ailleurs, car c'était trop visible. Le fin fond du Pacifique, c'est mieux... Sauf pour l'environnement et les populations locales.

François a donc parlé de ce sujet, officiellement et sur place (vidéo à 20'45"), en Polynésie française.

« Sans la Polynésie, la France ne se serait pas dotée de l'arme nucléaire et donc de la force de dissuasion. La France serait toujours une nation respectée dans le monde mais n'aurait pas, par cette force de la dissuasion, la capacité d'être une nation pleinement indépendante et capable de se faire entendre partout. Cette contribution que vous avez apportée, je veux la reconnaître solennellement aujourd'hui devant vous (applaudissements. Le mot solennellement est important. Chaque fois qu'un président utilise ce mot pour la première fois, il marque l'Histoire, même si cela reste du domaine du symbole. Ce n'est pas le "pardon" que certains exigeaient (et exigent toujours), mais c'est un pas de plus.

« Les essais nucléaires menés entre 1966 et 1996 en Polynésie française ont eu un impact environnemental  provoqué des conséquences sanitaires ». Enfin ! Environnement et santé... Nous sommes dans le coeur du sujet. Pendant les trente ans d'essais nucléaires évidemment, mais bien au-delà, pour le nucléaire en général, ce qui a un impact sur la politique énergétique civile de la France, n'est-ce pas Ségolène ? Je voulais tourner la page du nucléaire. Démantèlement des installations sur l'atoll de Hao et surveillance des deux autres, volonté de transparence.

« Le traitement des demandes d'indemnisation des victimes des essais nucléaires sera revu ». La loi de 2010 (Sarkozy-Fillon-Morin) a été une avancée, mais en effet très peu appliquée. Elle est, semble-t-il trop difficile à utiliser, puisque 2% des cas ont été indemnisés, et ce avant l'explosion attendue des cas de cancers liés aux radiations. Le décret d'application sera modifié.

François a annoncé la création d'un Institut d'archives et de documentation « afin que la jeunesse polynésienne n'oublie cette période de notre histoire commune » ainsi que le financement du centre hospitalier de Tahiti à hauteur de 700 millions de francs Pacifique (environ 6 millions d'euros) et de trois médecins internes, pour le service d'oncologie et de traitement des cancers. Il a également rappelé qu'il fallait protéger et valoriser la zone économique exclusive maritime, la grande richesse de la Polynésie, des poissons aux nodules marins.

« La dotation globale d'autonomie, celle qui est souvent représentée comme la dette nucléaire, sera sanctuarisée dans le statut de la Polynésie française et son niveau dès 2017 rétabli à plus de 90 millions d'euros ». 90 millions c'est beaucoup. Moins que les 150 millions du début, en 1996, lorsque Chirac a arrêté les essais et décidé de cette contrepartie, compte tenu des pertes importantes pour la population, les emplois et l'économie locale. Mais c'est plus que pour les dernières années, et en les "sanctuarisant", comme disent les fonctionnaires du budget, on peut les utiliser pour des projets à moyen terme et pas seulement pour des dépenses courantes, puisqu'ils rentrent chaque année.

« Vous avez droit à réparations mais vous avez surtout droit à l'égalité. » Dans l'autonomie, évidemment, dit le président de la République française. « Vous n'êtes pas loin de la France, puisque vous êtes la France, je suis en France »... Belle envolée conclusive ;) Reste à mettre en pratique...

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